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Décisions

Cass. soc., 10 janvier 2018, n° 15-27.781

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Riom, du 6 oct. 2015

6 octobre 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 octobre 2015), que M. Y..., occupant à compter du 3 septembre 2005 les fonctions de chargé d'affaires activités haut bilan au sein de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre France, a été licencié pour faute grave par lettre du 13 avril 2012 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement à l'intéressé de diverses sommes ainsi qu'au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu des articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président ; que seuls les statuts de la SAS peuvent accorder à une personne autre que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, un pouvoir de représentation de la société identique à celui confié par la loi au président ; que le mandat de représentant permanent d'une personne morale nommée administrateur d'une société tierce confère uniquement un pouvoir de représentation de la personne morale, par une personne physique, au sein de cette société tierce ; que la désignation de M. Y... en qualité de président de la société Vecteurimmo et de représentant permanent de la SAS CACF développement (filiale de la caisse régionale de Crédit agricole Centre France) au sein de la société Vecteurimmo, ne lui conférait dès lors pas de mandat de dirigeant, ni de pouvoir décisionnel au sein de la caisse régionale de Crédit agricole Centre France, ni de la SAS CACF développement ; que l'intéressé ne pouvait en conséquence céder les titres de la société Vecteurimmo, détenus par la SAS CACF développement, sans obtenir le consentement exprès préalable des dirigeants de cette dernière ; qu'en se fondant, pour juger au contraire que le salarié avait pu prendre la décision unilatérale de céder les titres de la société Vecteurimmo et écarter sa faute grave, sur les motifs impropres selon lesquels ce dernier disposait des mandats de représentant permanent de la SAS CACF développement et de président de la société Vecteurimmo, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant que le mandat de M. Y... de représentant permanent de la SAS CACF développement au sein de la société Vecteurimmo « [lui] permet de disposer des pouvoirs qu'a Monsieur B... [Président de la SAS CACF développement et de la Caisse régionale de Crédit agricole centre France] et que de ce fait il pouvait céder la totalité des titres de la société Vecteurimmo et disposait ainsi « des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social », cependant que le mandat de représentant permanent ne conférait à l'intéressé que le pouvoir de représenter physiquement la personne morale CACF développement au sein des instances de direction de la société tierce Vecteurimmo dont elle détenait les titres, sans lui conférer le moindre pouvoir de direction de la SAS CACF développement, et notamment sans lui donner le pouvoir de décider à la place de son président de céder les titres qu'elle détenait de la société tierce Vecteurimmo, la cour d'appel a violé les articles L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que selon l'article 1988 du code civil, « le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès » ; qu'en vertu de ce texte, le mandat donné à une personne d'aliéner un bien doit être exprès ; que, par courrier du 10 juillet 2009, le président de la SAS CACF développement a donné pouvoir à M. Y... « de signer pour le compte de la SAS CACF développement l'ensemble des actes (convention de portage, constitution de la société, dépôts des statuts au Greffe du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, statuts,...) liés à la constitution et à la création de la société Vecteurimmo et à l'opération d'investissement de CACF développement au capital de la société Vecteurimmo (
) à l'effet de représenter CACF développement en tant qu'associé unique et président de la SAS Vecteurimmo» ; qu'en se bornant à relever, pour déduire que le salarié « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis » par la SAS CACF développement et écarter en conséquence sa faute grave, que « le pouvoir donné à Monsieur Y... ne se limitait pas aux formalités de constitution de la société Vecteurimmo mais qu'il s'entendait, ainsi qu'il est précisé dans l'acte du 10 juillet 2009, à l'ensemble de « l'opération d'investissement » mise en oeuvre avec la convention de portage », cependant que cet acte du 10 juillet 2009 ne conférait pas de mandat exprès au salarié pour céder les titres de la société Vecteurimmo détenus par la SAS CACF développement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles 1134 (alors applicable) et 1988 du code civil ;

4°/ qu'en déduisant du courrier du 10 juillet 2009 du président de la SAS CACF développement que M. Y... « avait le pouvoir de revendre les actifs acquis [par ladite société], cependant que cet acte ne valait pas mandat exprès, ni pouvoir donné à l'intéressé de céder au tiers de son choix les titres de la société Vecteurimmo détenus par la SAS CACF développement, la cour d'appel a dénaturé l'acte susvisé du 10 juillet 2009 en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qu'il examine ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les opérations effectuées par le salarié, dont la signature des ordres de mouvement de la totalité des titres de la société Vecteurimmo au profit de la société KLP le 22 décembre 2011, avaient été portées à la connaissance de ses supérieurs hiérarchiques et que l'employeur, informé de ces démarches, ne s'y était jamais opposé, la cour d'appel a pu en déduire, par ces seuls motifs, que la faute grave n'était pas caractérisée et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1, alinéa 3, du code du travail, a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.