CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 juin 2023, n° 19/20254
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Renard, Mme Soudry
Avocats :
Me Cornu, Me Grapotte-Benetreau
FAITS ET PROCÉDURE :
La société SA [X] [V] Père et Fils (ci-après la SA [X] [V]) a pour activité l'achat et la vente de vin de [Localité 5] produit par la SCEA [X] [V], la SCEA du Petit cotat et la SCEA du Vieux pressoir.
M. [Z] [B] [D] est un agent commercial spécialisé dans la représentation des vins auprès de centrales d'achat pour des enseignes de la grande distribution.
Par contrat du 7 décembre 2010 conclu entre M. [K] [L], M. [D] et la SA [X] [V], M. [L] a cédé à M. [D] le mandat d'agent commercial qui lui était confié pour la représentation des vins de [Localité 5] provenant de la SA [X] [V] auprès des centrales d'achat des établissements Leclerc SCADIF et SCAPNOR à compter du 1er janvier 2011.
Par courriel du 8 novembre 2016, la SA [X] [V] a avisé la SCAPNOR qu'elle ne serait pas en mesure de signer l'accord Galec pour 2017 ni de livrer les volumes habituels pour l'année 2017 en raison de la réalisation de vendanges "catastrophiques".
Par courriel du 3 janvier 2018, la SA [X] [V] a indiqué à M. [D] qu'elle ne pourrait pas répondre aux appels d'offres de la SCAPNOR et de la SCADIF pour l'année 2018.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 23 octobre 2017 et du 23 février 2018, M. [D] a dénoncé auprès de son mandant un manquement de ce dernier à ses obligations et s'est plaint du manque à gagner en résultant.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mars 2018, la SA [X] [V] a invoqué les mauvaises récoltes des années 2016 et 2017 pour expliquer l'impossibilité de livrer du vin de [Localité 5] dans des volumes comparables aux années précédentes.
Par acte du 29 mai 2018, M. [Z] [D] a assigné la société [X] [V] devant le tribunal de commerce de Melun en vue de voir prononcer la résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts de sa mandante et indemniser ses préjudices.
Par jugement du 7 octobre 2019, le tribunal de commerce de Melun a :
- Dit que la rupture du contrat de représentation est à l'initiative de la société [X] [V] Père et Fils à effet le 8 novembre 2016, date de l'information par la société [X] [V] Père et Fils de ne plus livrer ses clients,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 38.074 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018, date de l'assignation, à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 4.759 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29/05/2018, date de l'assignation, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- Débouté M. [Z] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SA [X] [V] Père et Fils, en tous les dépens dont frais de Greffe liquidés à la somme de 73,22 T.T.C,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 30 octobre 2019, la société [X] [V] Père et Fils a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Dit que la rupture du contrat de représentation est à l'initiative de la société [X] [V] Père et Fils à effet le 8 novembre 2016, date de l'information par la société [X] [V] Père et Fils de ne plus livrer ses clients,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 38.074 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018, date de l'assignation, à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 4.759 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018, date de l'assignation, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SA [X] [V] Père et Fils, en tous les dépens dont frais de Greffe liquidés à la somme de 73,22 T.T.C.
Par ordonnance du 3 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevables les conclusions de M. [D] du 13 avril 2020,
- déclaré irrecevables les conclusions de la société [V] du 29 novembre 2021 en tant qu'elles ne développent pas l'appel principal,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [V] aux dépens de l'incident.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 29 novembre 2021 recevables uniquement en ce qu'elles développent l'appel principal conformément à l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 mars 2022, la société [X] [V] Père et Fils demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun
- Dire et juger que le contrat n'a pas été rompu.
- A défaut, dire et juger que les aléas climatiques et la diminution drastique des récoltes rendaient impossible ne serait-ce que temporairement la livraison des centrales d'achat et le respect par le mandant de ses obligations vis-à-vis de M. [D], subsidiairement prononcer la caducité du contrat.
- Débouter en conséquence M. [D] de ses demandes.
- Condamner M. [D] à payer à la société [X] [V] Père et Fils la somme de 5.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner M. [D] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2020, M. [Z] [D] demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1148 anciens et 1217 du code civil et L.134-3 et L.134-13 du code de commerce, de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun en ce qu'il a dit que la rupture du contrat d'agence est imputable à la société [X] [V] et Fils et condamné cette dernière à payer à M. [Z] [D] les sommes de :
- 38.074 euros, à titre d'indemnité de cessation de contrat d'agence commerciale ;
- 4.759 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
majorées des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018.
Dire et juger que la société [X] [V] Père et Fils s'est rendue responsable de la rupture du contrat d'agence qui la lie avec M. [Z] [D].
Prononcer la résolution du contrat d'agence liant M. [Z] [D] à la société [X] [V] Père et Fils avec effet au 28 janvier 2019, date de la lettre de rupture ;
Condamner la société [X] [V] Père et fils à payer à M. [Z] [D] la somme de :
- 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner de commissions sur les volumes d'achat attendus par les centrales Scadif, Scapnor et Intermarché de bouteilles de Petit Chablis et Chablis AOP pour les campagnes 2016-2017 et 2017- 2018 ;
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre d'atteinte à la loyauté contractuelle et la violation de l'exclusivité ;
Débouter la société [X] [V] Père et fils de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner la société [X] [V] Père et fils à payer à M. [Z] [D] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société [X] [V] Père et fils aux entiers dépens lesquels seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la résiliation du contrat
M. [Z] [D] demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat d'agence commerciale le liant à la SA [X] [V] aux torts exclusifs de celle-ci avec effet au 28 janvier 2019.
Il reproche à la SA [X] [V] de ne pas lui avoir donné les moyens d'exercer son mandat et d'avoir manqué à son obligation de loyauté. Il explique que la SA [X] [V] a refusé d'approvisionner les centrales SCADIF, SCAPNOR et Intermarché en Petit Chablis et Chablis AOP en 2017 puis en 2018 alors même que ces appellations représentaient 97% du chiffre d'affaires réalisé avec ces enseignes. Il précise que la chute de la production liée aux conditions météorologiques pour les récoltes 2016 et 2017 ne saurait justifier ces refus et que la SA [X] [V] a fait délibérément le choix d'approvisionner une clientèle plus rentable (l'exportation ainsi que les cafés, hôtels, restaurants) ou représentant des coûts de production et de commercialisation moins onéreux (vente en vrac) au détriment des grandes surfaces et donc de son mandat.
Il affirme que la SA [X] [V] ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure lié aux intempéries ou de l'imprévision alors que les dispositions des articles 1195 et 1218 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ne sont pas applicables au litige ; le contrat d'agence commerciale ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance. En outre, il observe que la SA [X] [V] a pour objet l'achat et la vente de vin et non la production de vin et qu'elle avait la possibilité de s'approvisionner sur le marché du vin en vrac pour fournir les centrales de distribution. Enfin il fait valoir que malgré la faiblesse des récoltes, la SA [X] [V] aurait dû proposer aux centrales de leur fournir du Chablis bien qu'en quantités moindres que les années précédentes et ce, afin de les conserver comme clientes et de lui donner les moyens d'exécuter son mandat.
Il prétend par ailleurs que la résolution du contrat d'agent commercial doit être prononcée avec effet au 28 janvier 2019. Il affirme que la relation a été rompue à cette date par le fait que la SA [X] [V] a pris directement rendez-vous avec la centrale SCAPNOR sans l'en informer et a ainsi violé l'exclusivité qu'elle lui avait consentie en qualité d'agent commercial.
La SA [X] [V] prétend qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans l'exécution du mandat. Elle affirme avoir été contrainte de suspendre son approvisionnement aux enseignes de la grande distribution pendant deux années consécutives en raison de conditions climatiques exceptionnelles, assimilables à un cas de force majeure. Elle invoque ainsi les dispositions des articles 1218 du code civil ainsi que L. 134-11 et L. 442-6 I 5° du code de commerce. Elle se prévaut encore de la théorie de l'imprévision.
Contrairement à ce que soutient la SA [X] [V], le contrat litigieux ayant été conclu le 7 décembre 2010, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les dispositions des articles 1195 et 1218 du code civil dans leur rédaction issue de cette réforme sont inapplicables.
Il convient dès lors d'appliquer les dispositions du code civil antérieures à cette réforme.
En raison du principe d'intangibilité des conventions, le juge ne saurait modifier la convention des parties en raison d'un changement de circonstances.
Par ailleurs, l'article 1148 du code civil dans sa rédaction applicable au litige prévoit que la force majeure est une cause exonératoire de responsabilité.
La force majeure doit s'entendre d'événements qui rendent l'exécution de l'obligation impossible et non seulement plus onéreuse. En outre, l'impossibilité de poursuivre les rapports contractuels doit être définitive et non temporaire. Enfin, seul un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure.
Or il sera relevé que malgré la chute de la production de Chablis liée aux événements climatiques de 2016 et 2017, qui n'est pas discutée, les sociétés productrices de vin de [Localité 5] du domaine [X] [V] ont produit du vin de [Localité 5] en 2017 et 2018, ainsi qu'il résulte des déclarations de production produites aux débats, de sorte que l'exécution du contrat d'agent commercial conclu avec M. [D] n'était pas totalement impossible. De surcroît, les circonstances climatiques invoquées étaient temporaires et ne pouvaient donc pas relever de la force majeure.
La société [V] n'est donc pas fondée à invoquer la force majeure pour justifier la réduction drastique des allocations de vin à M. [D] aux fins de commercialisation.
Selon l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'est point exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
L'article L. 134-4 du code de commerce prévoit que :
"Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat."
En l'espèce, il ressort des écritures de la SA [V] que la production des sociétés de production de vin de [Localité 5] [X] [V] a chuté de plus de 60 % en 2016 et 2017 puisque en 2015/2016 la production était de l'ordre de 12.000 HL, ce qui représente environ 1,5 million de bouteilles ou cols, et qu'elle a chuté à 4.831 HL en 2016/2017, ce qui représente 630.000 bouteilles.
Toutefois si la chute des volumes de production devait nécessairement affecter le volume distribué par la SA [V] par l'intermédiaire de M. [D], cette chute devait néanmoins être proportionnelle à celle de la production.
Or il ressort des écritures et pièces versées aux débats qu'alors que la SA [V] avait distribué, par l'intermédiaire, de M. [D] et des centrales SCAPNOR et SCADIF, 67.224 cols en 2015 et 81.102 cols en 2016, seuls 1.420 cols ont été distribués, par l'intermédiaire, de M. [D] et des centrales SCAPNOR et SCADIF, en 2017, ce qui représente une réduction de volume de 98%. Dans le même temps, la vente de vin en vrac par la SA [V] est passée de 4.263 HL en 2015 à 2.867 HL en 2017, ce qui équivaut à une réduction de 32%.
Il est ainsi démontré que la SA [X] [V] n'a pas donné à son agent les moyens d'exécuter son mandat et a sciemment privilégié certains modes de distribution au détriment du mandat confié à M. [D], ce qui caractérise un défaut de loyauté. En outre, il ressort des débats qu'à la suite de l'absence de fourniture de vin de [Localité 5] pendant deux années consécutives, la SCADIF a cessé sa collaboration avec la SA [X] [V].
Par ailleurs, si M. [D] ne démontre pas que la SA [X] [V] lui avait consenti une exclusivité de représentation auprès des centrales SCAPNOR et SCADIF, il n'en demeure pas moins que ces centrales constituaient les seuls clients auprès desquels M. [D] représentait la SA [X] [V] et que l'obligation de loyauté impliquait dès lors que ce dernier soit avisé de toute démarche commerciale ou de toute opération commerciale effectuée sans son intermédiaire.
Or il est établi que la SA [X] [V] a pris rendez-vous auprès de la SCAPNOR le 24 janvier 2019 sans en aviser son agent.
Ces manquements graves et répétés justifient la résiliation du contrat aux torts de la SA [V] à la date du 24 janvier 2019, date à laquelle la confiance inhérente à l'exécution du contrat de mandat a été définitivement rompue. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur l'indemnité de rupture
L'article L 134-12 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Il ressort de ce qui précède que la rupture du contrat d'agence commerciale conclu entre la SA [V] et M. [D] est imputable à la première et qu'aucun cas de force majeure n'est caractérisé. Le droit à indemnité de rupture de M. [D] est donc acquis.
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
En l'espèce, compte tenu de la durée de la mission d'agence commerciale qui a débuté en 2011, soit une durée de huit années, et de l'absence de toute faute de l'agent, il convient de fixer l'indemnité de rupture à deux années de commissions.
La SA [X] [V] conteste le quantum retenu par le tribunal.
Toutefois contrairement à ce qu'elle prétend, il est établi que M. [D] a perçu des commissions de 19.865 euros TTC en 2014, 20.574 euros TTC en 2015 et 28.089 euros TTC en 2016, soit une moyenne annuelle de 22.844 euros TTC (ou 18.275 euros HT).
Dans ces conditions, le tribunal a justement fixé à 38.074 euros l'indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. En revanche, le point de départ des intérêts des créances indemnitaires étant fixé au jour du jugement en application de l'article 1231-7 du code civil, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et les intérêts courront à compter du 7 octobre 2019, date du jugement de première instance.
Sur l'indemnité de préavis
En vertu de l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.
La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
A titre liminaire, il sera relevé que l'application de ces dispositions en cas de résolution judiciaire n'est pas discutée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé à 4.759 euros le montant de l'indemnité de préavis dû à M. [D]. En revanche, le point de départ des intérêts des créances indemnitaires étant fixé au jour du jugement en application de l'article 1231-7 du code civil, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et les intérêts courront à compter du 7 octobre 2019, date du jugement de première instance.
Sur la responsabilité contractuelle
M. [D] revendique tout d'abord le paiement d'une indemnité de 40.000 euros correspondant au manque à gagner subi en 2017 et 2018 du fait de la faute de la SA [X] [V] qui l'a mis dans l'impossibilité d'exécuter son mandat en refusant de fournir du vin aux centrales d'achat.
L'indemnité réclamée en ce qu'elle compense un manque à gagner subi pendant l'exécution du contrat n'a pas vocation à réparer le même préjudice que l'indemnité de cessation de contrat, qui a pour objet de réparer la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties.
Il ressort de ce qui précède que la SA [X] [V] a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité en refusant de fournir du vin de [Localité 5] aux centrales SCAPNOR et SCADIF.
Toutefois M. [D] ne saurait prétendre à une indemnisation correspondant à deux années de commissions alors même qu'il a été démontré que la faiblesse des récoltes 2016 et 2017 liées aux mauvaises conditions climatiques n'aurait pas permis de fournir du vin dans des quantités identiques aux années précédentes.
Eu égard à la chute de la production de 60% pour ces années, il convient d'estimer à 22.844 euros (38.074 euros x 60%) le manque à gagner subi par M. [D] résultant de la faute de son mandant dont il convient de déduire les commissions perçues en 2017 à concurrence d'une somme de 4.337 euros ainsi que l'indemnité de préavis.
En conséquence, le manque à gagner résultant pour M. [D] du refus de la SA [X] [V] de fournir du vin de [Localité 5] en 2017 et 2018 sera réparé par l'allocation d'une somme de 13.748 euros (22.844 euros - 4.337 euros -4.759 euros) de dommages et intérêts.
M. [D] réclame également le paiement d'une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en invoquant l'atteinte à sa réputation professionnelle résultant de la déloyauté de son mandant à son égard. Il fait valoir qu'après avoir refusé de fournir les centrales d'achat des magasins Leclerc pendant deux années consécutives, l'attitude de la SA [X] [V] qui a pris directement attache, sans l'en informer, avec ces centrales a porté atteinte à sa crédibilité professionnelle notamment dans le cadre de l'exercice de ces autres mandats auprès de ces centrales.
Le comportement déloyal de la SA [X] [V] à l'égard de son agent commercial a causé une atteinte à la réputation de ce dernier qui sera réparée par l'allocation d'une somme de 8.000 euros de dommages et intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La SA [X] [V] succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La SA [X] [V] sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée à payer à M. [D] une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé la rupture du contrat au 8 novembre 2016, a fait courir les intérêts moratoires de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial et de l'indemnité de préavis à compter du 29 mai 2018 et a débouté M. [Z] [D] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce la résolution judiciaire du contrat d'agent commercial conclu le 7 décembre 2010 entre M. [Z] [D] et la société [X] [V] Père et Fils, à compter du 28 janvier 2019, aux torts de cette dernière ;
Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 38.074 euros allouée au titre de l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial courront à compter du 7 octobre 2019 ;
Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 4.759 euros allouée au titre de l'indemnité de préavis du contrat d'agent commercial courront à compter du 7 octobre 2019 ;
Condamne la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] une somme de 13.748 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la faute de son mandant ;
Condamne la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] une somme de 8.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la faute de son mandant ;
Condamne la société [X] [V] Père et Fils à payer à M. [Z] [D] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société [X] [V] Père et Fils au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société [X] [V] Père et Fils aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.