CA Douai, 2e ch. sect. 1, 14 novembre 2012, n° 11/06981
DOUAI
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
M. Brunel, Mme Delattre
Vu le jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en date du 20 septembre 2011 qui a rejeté la demande de faillite personnelle formulée par la SELAS S. ès qualités de liquidateur du patrimoine de Mme Caroline N. qui exerçait sous l'enseigne MULTI STOCKS une activité de dépôt vente de véhicules d'occasion et de vente de mobiles homes et dont la liquidation a été ordonnée par jugement du 24 octobre 2007, le tribunal retenant que Mme N. n'avait pas fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective, que la date de cessation des paiements n'avait pas été reportée et que l'assignation en faillite avait été délivrée « de manière bien tardive » l'intérêt de la mise en oeuvre de la sanction s'en trouvant particulièrement réduite ;
Vu la déclaration d'appel de la SELAS S. en date du 12 octobre 2011 ;
Vu la déclaration d'appel de la SELAS S. en date du 13 octobre 2011 ;
Vu l'ordonnance de jonction du 4 avril 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la SELAS S. signifiées le 3 mai 2012 demandant la réformation du jugement en faisant valoir, d'une part, que l'action en faillite personnelle avait été engagée dans les délais prévus par l'article L653 - 1 II du code de commerce, que Mme N. avait poursuivi une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, qu'elle avait omis de faire la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours prévu à cet effet, qu'elle avait fait disparaître des documents comptables ou n'avait pas tenu de comptabilité ou tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière et qu'enfin elle s'était volontairement abstenue de coopérer avec les organes de la procédure;
Vu la signification de la déclaration d'appel et l'assignation délivrée à Mme N. le 12 décembre 2011 à personne présente à son domicile ;
Vu la signification faite le 24 janvier 2012 à personne par la SELAS S. de ses conclusions ;
Vu la communication au ministère public en date du 14 septembre 2012;
Vu l'ordonnance de clôture du 13 septembre 2012 ;
SUR CE
Attendu que la signification des conclusions de l'appelant ayant été faite le 24 janvier 2012 à personne, Mme N. a eu personnellement connaissance de la procédure d'appel de telle sorte que le présent arrêt aura un caractère réputé contradictoire;
Attendu que les circonstances de fait ont été complètement et exactement énoncées dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que Mme N. exploitait Route nationale, 39 à Attin, sous l'enseigne MULTI STOCKS une activité de dépôt vente de véhicules d'occasion ainsi que de vente de mobiles homes ; que Mme N. a fait l'objet d'un rapport d'enquête faisant suite à une assignation de l'URSSAF ; qu'elle a fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire immédiate par jugement du 24 octobre 2007, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 octobre 2007 ;
Attendu en premier lieu que le liquidateur judiciaire fait grief au premier juge d'avoir considéré que l'assignation en sanction présentait un caractère bien tardif ; qu'il fait valoir que l'assignation en sanction a été délivrée dans le délai prévu par l'article L653 ' 1 II du code de commerce ; que, de fait, l'assignation ayant été délivrée le 18 octobre 2010 alors que le jugement d'ouverture de la procédure était intervenu le 24 octobre 2007, l'action en sanction personnelle a été engagée, à quelques jours près, en temps utile et ne peut être considérée comme atteinte par la prescription ; que toutefois, le premier juge, en relevant le caractère tardif de l'action, n'a pas entendu considérer qu'elle se trouvait prescrite mais a seulement entendu souligner que le temps écoulé entre l'ouverture de la procédure et la mise en oeuvre de l'action en faillite personnelle faisait perdre à celle-ci une partie de son efficacité, considération que le juge peut prendre en compte au titre des circonstances rendant inopportune une mesure de sanction qui présente en toute hypothèse un caractère facultatif ; que le grief soulevé par le liquidateur ne peut ainsi être retenu, la cour pouvant toutefois estimer, au regard de l'ensemble des circonstances de fait, que la mesure de sanction est opportune;
Attendu que le liquidateur fait d'abord grief à Mme N. d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; qu'il résulte en effet des éléments produits que, plus d'un an avant l'ouverture de la procédure collective, les époux N. ont procédé à la vente de parcelles pour un montant de 100 000 €, le solde du prix de vente leur revenant soit la somme de 44 042€ ayant été affectée au règlement d'un certain nombre de créances ; que par ailleurs, le liquidateur, qui a relevé un passif déclaré de 99 064,74 € pour un actif recouvré de 531,95 € établit par les pièces qu'il produit que, dès 2003, la situation patrimoniale de Mme N. était caractérisée par l'existence d'un passif impayé important ; qu'il relève ainsi la déclaration de créance de 9256 € faite par l'IRP AUTO pour des cotisations impayées remontant au 31 décembre 2003 outre une créance Fresnais résultant pour 14 208,22 € d'une ordonnance d'injonction de payer signifiée le 4 mars 2003 ; que la situation s'est ensuite dégradée en 2004 et 2005, l'organisme RSI ayant transmis une déclaration de créance de 9039,45 € pour des cotisations impayées remontant au deuxième trimestre 2004 , un compte courant ouvert auprès du Crédit du Nord présentant un solde débiteur de 9868,80 € au 16 juin 2005, un prêt d'équipement de 26 000 € ayant fait l'objet d'une exigibilité anticipée pour défaut de paiement le 16 mai 2005 et l'imposition à la TVA pour la période de juillet à décembre 2006 ayant également fait l'objet d'une déclaration de créance pour 1316 € ; que l'existence de ces nombreuses dettes et la nécessité de procéder à la réalisation d'actifs manifestent la poursuite abusive d'une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements au sens de l'article L653 - 3 du code de commerce, sans que Mme N. soit recevable, comme elle l'a fait devant le premier juge, à se prévaloir du fait qu'elle n'exerçait aucun pouvoir décisionnel dans l'entreprise au motif qu'elle n'était que le prête-nom de son mari;
Attendu que le liquidateur fait également grief à Mme N., comme il l'a fait devant le premier juge, de ne pas avoir effectué la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours ; que la cour observe sur ce point que, depuis la loi du 26 juillet 2005, un tel fait ne constitue plus un cas de faillite personnelle mais est seulement susceptible d'entraîner une interdiction de gérer ; qu'au surplus, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle fixée par le tribunal dans le cadre du jugement ouvrant la procédure collective ; que le grief ne peut être retenu;
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à Mme N. de ne ne pas avoir tenu de comptabilité alors que les textes applicables lui en faisaient obligation ; que, de fait, il n'est pas contesté que Mme N. n'a remis aucun bilan ni compte de résultat pas plus qu'aucun autre document comptable ; qu'elle s'est limitée devant le premier juge à expliquer que « c'était son époux qui était en charge de la gestion et que donc, malheureusement, elle était incapable de remettre au tribunal des précisions sur cette comptabilité » ; qu'une telle circonstance ne peut être prise en compte ; que le liquidateur judiciaire est fondé à soutenir que Mme N. a manqué à son obligation de tenue d'une comptabilité régulière alors que les textes applicables lui en faisaient obligation au sens de l'article L. 643 - 5 du code de commerce ;
Attendu enfin que que le liquidateur judiciaire fait grief à Mme N. de s'être abstenue volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, faisant obstacle à son bon déroulement ; que, de fait, il résulte des éléments produits que Mme N. n'a pas répondu aux multiples convocations envoyées par le liquidateur judiciaire qui n'a pu entrer en contact utile avec elle que le 22 février 2008 plusieurs mois après l'ouverture de la procédure ; qu'aucune explication n' a été donnée devant le premier juge par Mme N. sur ce point ; qu'un tel comportement caractérise, au sens de l'article L.653- 5 du code de commerce une abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure et a fait obstacle à son bon déroulement en empêchant le liquidateur d'obtenir les renseignements nécessaires à l'exercice de sa mission ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que trois des quatre griefs faits par le liquidateur judiciaire à Mme N. sont fondés au regard des dispositions des articles L653 ' 3 et L653 - 5 du code de commerce ; que, malgré le caractère tardif relevé par le premier juge, de l'assignation en sanction, la mesure de faillite personnelle, légalement fondée, apparaît également opportune ; qu'il sera fait droit à la demande présentée par le liquidateur, la mesure de faillite personnelle étant limitée à une durée de 10 années ; que le jugement sera ainsi réformé ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Prononce une mesure de faillite personnelle de 10 années à l'encontre de Mme Nicole P. épouse N.,
Ordonne l'accomplissement des formalités de publicité prévues par la loi,
Dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective.