CE, 3e et 8e ch. réunies, 3 juillet 2023, n° 440948
CONSEIL D'ÉTAT
Ordonnance
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schwartz
Rapporteur :
M. Jau
Rapporteur public :
M. Pez-Lavergne
Avocats :
SCP Piwnica & Molinié, SCP Célice, Texidor et Périer, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 440948, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 29 mai et 31 août 2020, 29 mars et 15 novembre 2021, 17 janvier et 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Excellence, la société Distri-Citronnelle, la société Distri-Savannah, la société Réunion Hard Discount Océan Indien, la société Monthyon-Distribution, la société Sodhynord, la société Distri-Possession, la société Caille Grande Distribution, la société Sodexpro, la société Discash, la société Orlydis, la société SECH, la société SECP, la société SES Saint-Benoît, la société SES Montagne, la société SES J et la société Cash OI demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot (GBH), ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'elle ne comporterait pas d'engagements suffisants pour prévenir l'effet anticoncurrentiel de l'opération de concentration sur le marché aval de la distribution au détail de produits alimentaires et sur le marché local de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire, ainsi que les décisions n° 20-DCC-69 du 19 mai 2020 relative au rachat par les sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation de quatre magasins de commerce de détail à dominante alimentaire et n° 20-DCC-74 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle par la société Ah-Tak de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.
2° Sous le n° 440951, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 29 mai et 31 août 2020, 29 mars et 15 novembre 2021, 17 janvier et 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Excellence, la société Distri-Citronnelle, la société Distri-Savannah, la société Réunion Hard Discount Océan Indien, la société Monthyon-Distribution, la société Sodhynord, la société Distri-Possession, la société Caille Grande Distribution, la société Sodexpro, la société Discash, la société Orlydis, la société SECH, la société SECP, la société SES Saint-Benoît, la société SES Montagne, la société SES J et la société Cash OI demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-DCC-69 du 19 mai 2020 relative au rachat par les sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation de quatre magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, ainsi que les décisions n° 20-DCC-72 et n° 20-DCC-74.
3° Sous le n° 440952, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 29 mai et 31 août 2020, 29 mars et 15 novembre 2021, 17 janvier et 22 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Excellence, la société Distri-Citronnelle, la société Distri-Savannah, la société Réunion Hard Discount Océan Indien, la société Monthyon-Distribution, la société Sodhynord, la société Distri-Possession, la société Caille Grande Distribution, la société Sodexpro, la société Discash, la société Orlydis, la société SECH, la société SECP, la société SES Saint-Benoît, la société SES Montagne, la société SES J et la société Cash OI demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-DCC-74 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle par la société Ah-Tak de deux magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, ainsi que les décisions n° 20-DCC-69 et n° 20-DCC-72.
4° Sous le n° 441200, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrées les 15 juin et 15 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération des petites et moyennes entreprises de Mayotte (CPME) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020 de l'Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société GBH ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5° Sous le n° 442211, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 juillet et 27 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A..., la société Mayotte Tropic et la société May Halal SARL présentent les mêmes conclusions et les mêmes moyens que sous la requête n° 441200 visée au 4°.
6° Sous le n° 442216, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 27 juillet et 27 octobre 2020, 2 septembre 2021, 19 avril et 14 septembre 2022 et 31 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés outre-mer (Adecalom) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n°20-DCC-72 du 26 mai 2020 de l'Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société GBH ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7° Sous le n° 442218, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 27 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des maires de Mayotte demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n°20-DCC-72 du 26 mai 2020 de l'Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société GBH ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8° Sous le n° 443394, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 août et 26 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bout'Iks présente les mêmes conclusions et les mêmes moyens que sous la requête n° 442216 visée au 6°.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de commerce ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Discash, de la société Orlydis, de la société Sech, de la société Secp, de la société SES Saint-Benoît, de la société Excellence, de la société Distri-citronnelle, de la société Distri-Savannah, de la société Réunion Hard Discount Océan Indien, de la société Monthyon-distribution, de la société Sodhynord, de la société Distri-possession, de la société Caille Grande Distribution, de la société Sodexpro, de la société SES Montagne, de la société SES J et de la société Cash OI, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Casino Guichard Perrachon, de la société Guichard-Perrachon, de la société Vindémia Group et de la société Make distribution, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société GBH-Vindemia et de la société Ah-Tak, de la société Groupe Bernard Hayot, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Mayotte, de Mme A..., de la société Mayotte Tropic, de la société May Halal, de l'association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés Outre-mer et de l'association des maires de Mayotte ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 juin 2023, présentée, sous les n°s 440948, 440951 et 440952, par la société Excellence, la société Distri-Citronnelle, la société Distri-Savannah, la société Réunion Hard Discount Océan Indien, la société Monthyon-Distribution, la société Sodhynord, la société Distri-Possession, la société Caille Grande Distribution, la société Sodexpro, la société Discash, la société Orlydis, la société SECH, la société SECP, la société SES Saint-Benoît, la société SES Montagne, la société SES J et la société Cash OI ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 janvier 2020, la société Groupe Bernard Hayot (GBH) a adressé à l'Autorité de la concurrence un dossier de notification relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group, qui intervient notamment dans le secteur de la distribution alimentaire à Mayotte et sur l'île de la Réunion. Par une décision n° 20-DCC-72 du 26 mai 2020, l'Autorité de la concurrence a autorisé cette opération de concentration, sous réserve de la mise en œuvre de divers engagements structurels et comportementaux. Par deux décisions n° 20-DCC-69 et n° 20-DCC-74 des 19 et 26 mai 2020, l'Autorité de la concurrence a autorisé, dans le cadre de la même opération, respectivement, la prise de contrôle conjoint par les sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation de quatre magasins de commerce de détail à dominante alimentaire situés à la Réunion, et la prise de contrôle exclusif par la société Ah-Tak de deux fonds de commerce à dominante alimentaire situés dans la même île. Les sociétés Excellence et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir ces trois décisions. Les autres requérantes demandent l'annulation de la seule décision n° 20-DCC-72.
Ces requêtes présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur la décision n° 20-DCC-72 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot :
En ce qui concerne les délais impartis à l'Autorité de la concurrence et le choix de ne pas engager une procédure d'examen approfondi :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 430-5 du code de commerce : " L'Autorité de la concurrence se prononce sur l'opération de concentration dans un délai de vingt-cinq jours ouvrés à compter de la date de réception de la notification complète ". Il ressort des pièces du dossier que le dossier de notification de l'opération litigieuse a été déclaré complet le 13 mars 2020. Le délai précité expirait donc, en principe, le 13 mai 2020. Toutefois, il résulte de la combinaison des articles 1er, 6 et 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, que les délais à l'issue desquels une décision de l'Autorité de la concurrence pouvait ou devait intervenir ou était acquise implicitement et qui n'avaient pas expiré avant le 12 mars 2020 ont été suspendus jusqu'au 24 juin 2020. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée, en date du 26 mai 2020, a été prise après expiration du délai imparti à l'Autorité de la concurrence pour se prononcer.
3. En second lieu, les tiers ne peuvent utilement critiquer la régularité du choix de cette Autorité de prendre une décision d'autorisation assortie d'engagements pris par les parties, sans recourir à la procédure d'examen approfondi prévue aux articles L. 430-6 et suivants du code de commerce. Ils peuvent, en revanche, s'ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir et s'ils estiment que cette décision porte atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte, en contester le bien-fondé. Le moyen des sociétés requérantes tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que l'Autorité de la concurrence n'a pas engagé la procédure d'examen approfondi de l'opération de concentration ne peut donc être accueilli.
En ce qui concerne la délimitation des marchés pertinents et l'analyse concurrentielle :
4. Aux termes du 3 de l'annexe 4-3 du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce : " Un marché concerné se définit comme un marché pertinent, défini en termes de produits et en termes géographiques, sur lequel l'opération notifiée a une incidence directe ou indirecte. / Un marché pertinent de produits comprend tous les produits ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés. Des produits, sans être substituables au sens de la phrase précédente, peuvent être regardés comme relevant d'un même marché, dès lors qu'ils requièrent la même technologie pour leur fabrication et qu'ils font partie d'une gamme de produits de nature à caractériser ce marché. / Un marché pertinent géographique est un territoire sur lequel sont offerts et demandés des biens et des services, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines, parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable (...) ". Il appartient à l'Autorité de la concurrence, à partir d'une analyse prospective tenant compte de l'ensemble des données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible, d'une part, de délimiter les marchés pertinents, qui englobent les produits ou services offerts par l'entreprise résultant de la concentration et ceux d'autres entreprises et considérés comme suffisamment substituables principalement du point de vue de la demande pour exercer sur elle une pression concurrentielle significative. Il lui appartient, d'autre part, de caractériser les effets anticoncurrentiels de l'opération sur ces marchés et d'apprécier si ces effets sont de nature à porter atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte.
5. L'Autorité de la concurrence a estimé que les marchés concernés par l'opération étaient les marchés de la production et commercialisation de produits laitiers, via la filiale de GBH Sorelait, les marchés amont de l'approvisionnement, où GBH et Vindémia sont toutes deux présentes, les marchés avals de la distribution en gros, où les deux parties sont présentes, ainsi que de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, où GBH est présente avec trois hypermarchés sous enseigne Carrefour et Vindémia avec sept hypermarchés et quatorze supermarchés sous les enseignes Jumbo Score et Score et quatre magasins Score franchisés, et de la distribution au détail de produits non-alimentaires, où GBH est présent à travers ses hypermarchés, de même que Vindémia, qui exploite également des magasins sous les enseignes Fnac et Agora, et enfin le marché aval de la restauration collective. Au niveau local, elle a estimé que Mayotte et la Réunion constituaient deux marchés géographiques distincts et a écarté tout risque d'atteinte à la concurrence à Mayotte, après avoir relevé, au point 9 de la décision n° 20-DCC-72 attaquée, que GBH n'étant pas présent à Mayotte avant l'opération, la reprise par GBH des activités de Vindémia n'y modifiait pas la situation concurrentielle.
6. Au terme de son analyse concurrentielle, l'Autorité de la concurrence a identifié des risques d'atteinte à la concurrence tenant, en premier lieu, à des effets horizontaux, d'une part sur le marché amont de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire à la Réunion, en raison d'un risque de création ou de renforcement de situations de dépendance économique de fournisseurs à l'égard de la nouvelle entité, d'autre part sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, dans les zones de Saint-Pierre et de Saint-Denis, et sur le marché aval de la vente au détail de livres, à raison des parts de marché de la nouvelle entité, et, en second lieu, à des effets verticaux entre les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires et les marchés de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire à la Réunion, en raison d'un risque de verrouillage de clientèle, GBH pouvant décider de ne plus approvisionner ses magasins en produits à dominante alimentaire auprès de ses concurrents sur les marchés de la distribution en gros.
S'agissant de Mayotte :
7. Si l'Autorité de la concurrence s'est fondée sur l'absence de GBH à Mayotte pour écarter tout risque concurrentiel tenant à l'opération sur ce marché, il ressort des pièces du dossier que GBH a commercialisé des produits laitiers à Mayotte, à travers sa filiale Sorelait, basée à la Réunion, pour environ 66 000 euros en 2018 et 67 000 euros en 2019. Dès lors, GBH doit être considérée comme étant présente sur le seul marché de la production et de la commercialisation de produits laitiers à Mayotte. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que l'Autorité de la concurrence a entaché sa décision d'une erreur de fait.
8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. L'Autorité de la concurrence, dans son mémoire en défense, communiqué aux requérantes, demande au Conseil d'Etat de substituer au motif initial retenu pour écarter tout risque concurrentiel à Mayotte et tiré de l'absence de GBH sur ce marché avant l'opération, celui tiré de ce que la présence de GBH, sur le seul marché de la production et de la commercialisation de produits laitiers, où Vindémia n'était pas présent, et pour une part de marché négligeable, permettait d'écarter tout risque concurrentiel. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort en effet des pièces du dossier que, sur ce marché estimé à environ 14 M€ en 2016 par la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Mayotte, la part de marché de GBH est seulement d'environ 0,45 %, et non de 45 %. Ce motif est de nature à justifier légalement l'analyse de l'Autorité de la concurrence concluant à l'absence de risque concurrentiel à Mayotte. Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que l'Autorité de la concurrence aurait pris la même décision si elle avait entendu initialement se fonder sur ce motif. Dès lors qu'elle ne prive les requérantes, en l'espèce, d'aucune garantie procédurale, la décision contestée n'affectant aucun de leurs droits propres, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution de motifs demandée. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'Autorité de la concurrence aurait commis une erreur d'appréciation en écartant tout risque d'atteinte à la concurrence à Mayotte.
10. Enfin, alors que l'Autorité de la concurrence, conformément à sa pratique décisionnelle concernant les départements d'outre-mer, a distingué les marchés de la Réunion et de Mayotte, les requérantes soutiennent qu'elle devait retenir, au titre des marchés pertinents, un marché amont de l'approvisionnement et un marché aval de la distribution en gros regroupant Mayotte et la Réunion, dès lors que l'approvisionnement de Mayotte se ferait, pour l'essentiel, par transbordement depuis la Réunion. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le taux de couverture des besoins en produits alimentaires par la production locale est d'environ 50 % à Mayotte, selon une étude de la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Mayotte de mai 2017, et, d'autre part, que s'agissant des produits importés, le transbordement peut se faire également depuis l'île Maurice et que, s'agissant par exemple de Vindémia, la part de ses achats pour ses magasins situés à Mayotte provenant de la Réunion est négligeable. Par suite, l'Autorité de la concurrence n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les conditions de concurrence n'étaient pas suffisamment homogènes pour caractériser l'existence d'un marché unique sur les deux zones.
S'agissant de l'existence alléguée d'un marché de la distribution généraliste et d'éventuels effets congloméraux ou coordonnés :
11. L'Autorité de la concurrence a délimité différents marchés aval de la distribution, distinguant la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, la distribution au détail de produits électroniques, la distribution au détail d'articles de bricolage, et la vente au détail de livres. Les requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence aurait également dû mener son analyse concurrentielle sur un marché plus large de la distribution généraliste, dès lors que GBH serait en capacité, sur un tel marché, compte tenu de son poids dans l'économie locale et de la puissance de ses enseignes, de constituer des zones commerciales presqu'exclusivement constituées de magasins exploités sous ses enseignes, dont l'attractivité bénéficierait à chacun de ces magasins, détournant ainsi la clientèle de ses concurrents, qui en seraient évincés, ainsi que le montrerait une étude réalisée par le cabinet Bolonyocte pour l'observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de la Réunion en mars 2020, et que l'opération pourrait y avoir, en raison des liens entre ces enseignes, des effets assimilables à des effets congloméraux ou coordonnés.
12. Toutefois, en premier lieu, les sociétés requérantes ne produisent aucun élément probant de nature à remettre en cause la délimitation des marchés de la distribution retenue par l'Autorité de la concurrence, qui s'appuie sur les différences objectives entre les produits concernés, dont il n'est pas contesté qu'ils ne sont ni interchangeables ni substituables pour le consommateur. En deuxième lieu, elles n'apportent pas d'élément permettant de remettre en cause l'analyse de l'Autorité de la concurrence selon laquelle la détention de différentes enseignes de distribution au détail, exploitées chacune dans des magasins différents et actives sur des marchés de produits différents, sans marque commune et ne présentant entre eux aucun lien de connexité avéré, n'est pas de nature à permettre à GBH de lier ses offres, excluant ainsi le risque de mise en place d'une stratégie de verrouillage congloméral. Elles ne sauraient davantage invoquer un risque d'effet coordonné dès lors qu'aucun des marchés concernés n'est, en l'espèce, de nature oligopolistique. Enfin, et alors au demeurant que les risques invoqués au titre du scénario envisagé par le cabinet Bolonyocte ne modifient pas l'analyse qui précède, elles n'établissent pas le caractère plausible de ce scénario dès lors que, d'une part, il n'est pas établi que GBH aurait intérêt à délaisser les zones où il n'exploite pas d'hypermarché pour regrouper ses différentes enseignes autour des hypermarchés qu'il détient et que, d'autre part, à supposer qu'il choisisse et qu'il soit réellement en mesure de procéder à un tel regroupement, ses concurrents attractifs sur chacun des marchés concernés pourraient s'installer dans les zones qu'il délaisserait, profitant également, quand bien même ils n'appartiendraient pas au même groupe, de l'attractivité des hypermarchés qui y sont exploités, comparable à celle des hypermarchés exploités par GBH, préservant ainsi une concurrence suffisante. Le moyen tiré de ce que, au regard d'un tel scénario, l'Autorité de la concurrence aurait dû raisonner à l'échelle d'un marché de la distribution généraliste et identifier des effets assimilables à des effets congloméraux ou coordonnés ne peut donc qu'être écarté.
S'agissant de l'analyse concurrentielle menée sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire :
13. Au terme de son analyse concurrentielle, l'Autorité de la concurrence a estimé que l'opération n'était pas susceptible de soulever des problèmes de concurrence sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire dans les zones de trois magasins à dominante alimentaire, le Jumbo Score de Saint-Pierre, le Score situé au 5, rue de Cardamone dans la même ville, et le Score de Saint-Louis. Elle a estimé, s'agissant des autres magasins concernés par l'opération, qu'un risque concurrentiel ne pouvait être écarté à ce stade de l'analyse.
14. En premier lieu, les requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence a commis une erreur de droit en écartant tout risque d'atteinte à la concurrence, dans les trois zones mentionnées au point précédent, au seul motif que GBH détiendrait des parts de marché inférieures à 50 % dans ces trois zones. Toutefois, il ressort des motifs mêmes de la décision attaquée que l'Autorité de la concurrence, pour parvenir à cette conclusion, ne s'est pas bornée à constater que ces parts de marché étaient inférieures au seuil de 50 % au-delà duquel un pouvoir de marché important est présumé, conformément au point 397 des lignes directrices de 2013 alors applicables, mais a analysé la situation concurrentielle locale et relevé que la nouvelle entité resterait confrontée à une concurrence suffisante en raison de la présence dans les zones de ces magasins de plusieurs enseignes. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
15. En deuxième lieu, l'Autorité de la concurrence a estimé que l'opération n'était pas susceptible de soulever des problèmes de concurrence dans la zone de chalandise du magasin Jumbo Score situé à Saint-Pierre, définie, comme prévu aux points 364 à 366 de ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, dans leur version de 2013 alors applicable, par la méthode dite de l'empreinte réelle, dès lors que ce magasin ferait face à la concurrence de nombreuses enseignes présentes dans cette zone, notamment plusieurs magasins sous enseigne E. Leclerc et un magasin sous enseigne Hyper U, situés à Saint-Pierre, Saint-Louis et Le Tampon.
16. Tout d'abord, les requérantes soutiennent que la zone de chalandise de ce magasin devait se limiter à la seule commune de Saint-Pierre, en s'appuyant sur une étude de la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion estimant qu'environ 80 % de la dépense alimentaire de Saint-Pierre est réalisée à Saint-Pierre et sur un sondage téléphonique mené auprès de 300 consommateurs de la zone, après l'opération, qui montrerait une faible mobilité des clients entre les trois villes. Toutefois, ces éléments, qui ne concernent spécifiquement ni le magasin étudié, ni la fréquentation des hypermarchés, ne sont pas de nature à invalider les résultats obtenus par la méthode de l'empreinte réelle, procédant en l'espèce de l'analyse des données de code postal d'un échantillon de clients du magasin concerné ayant fourni ces données dans le cadre d'un programme de fidélisation, échantillon qui peut être regardé comme représentatif quand bien même les clients concernés ne représentent qu'environ un tiers du chiffre d'affaires du magasin. L'Autorité de la concurrence, qui n'avait pas à détailler davantage la méthodologie retenue pour délimiter les zones de chalandise retenues, ni à préciser le contrôle exercé sur les données fournies par GBH pour procéder à cette délimitation, n'a ni insuffisamment motivé sa décision ni commis d'erreur d'appréciation dans la délimitation de la zone de chalandise du Jumbo Score de Saint-Pierre.
17. Ensuite, il ressort de la décision attaquée que l'Autorité de la concurrence, après avoir apprécié la part de marché de la nouvelle entité sur la zone ainsi délimitée et celle de ses concurrents, a conforté son analyse des effets de l'opération dans cette zone en relevant que tous les magasins concurrents se situaient à moins de 15 minutes en voiture du magasin concerné par l'opération, offrant ainsi aux consommateurs de la zone du Jumbo Score de Saint-Pierre des alternatives de dimension proche de celle des magasins de la nouvelle entité, situées à des temps de trajet similaires au temps de trajet séparant les points de vente de la nouvelle entité. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que ces analyses conduiraient à des conclusions contradictoires.
18. Enfin, les requérantes soutiennent que le magasin de l'enseigne E. Leclerc situé à Saint-Louis ne devait pas être inclus dans la zone de chalandise du magasin Jumbo Score, dès lors que son ouverture prévisionnelle était trop tardive. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la date de la décision, la prise de contrôle de ce magasin par l'enseigne E. Leclerc avait déjà été approuvée par une décision n° 20-DCC-40 du 23 mars 2020 de l'Autorité de la concurrence et que son ouverture était prévue à un horizon légèrement supérieur à un an, durée d'ailleurs généralement retenue par sa pratique décisionnelle, de sorte que l'Autorité de la concurrence a pu sans erreur d'appréciation la regarder comme suffisamment certaine et rapide et inclure ce magasin dans son analyse.
19. En troisième lieu, les requérantes contestent également la zone de chalandise retenue par l'Autorité de la concurrence pour le magasin Jumbo Score situé à Saint-Benoît. Toutefois, leur argumentation, fondée sur un sondage téléphonique auprès de 300 répondants similaire à celui décrit précédemment, ne suffit pas, pour les raisons indiquées ci-dessus, à remettre en cause la zone établie par l'Autorité de la concurrence à partir de la méthode de l'empreinte réelle. Le moyen doit donc être écarté.
20. En dernier lieu, si les requérantes contestent le fait que l'Autorité de la concurrence n'a pas intégré à son analyse le magasin que GBH projette d'ouvrir à Saint-Paul, et a pu dès lors estimer qu'il n'y avait pas de chevauchement entre les parties prenantes à l'opération sur la zone du magasin Jumbo Score de Saint-Paul, il ressort des pièces du dossier que ce projet restait à ce stade incertain et éloigné de plusieurs années et qu'il n'avait pas encore fait l'objet d'une demande auprès de la commission départementale d'aménagement commercial. L'Autorité de la concurrence, qui a suffisamment motivé sa décision, a donc pu l'écarter sans erreur d'appréciation.
S'agissant du risque de dépendance économique des fournisseurs sur le marché amont de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire :
21. Pour estimer qu'il n'était pas possible d'écarter, au stade de l'analyse concurrentiel, tout risque de création ou de renforcement de la dépendance économique des fournisseurs, l'Autorité de la concurrence a relevé qu'après l'opération, la part de GBH dans le total des ventes de ses fournisseurs serait portée à plus de 22% pour une vingtaine d'entre eux, seuil au-delà duquel, conformément à sa pratique décisionnelle issue notamment de la décision Rewe-Meinl de la Commission européenne du 3 février 1999, elle a estimé qu'un fournisseur ne pourrait remplacer la perte éventuelle de clientèle de GBH sans subir de pertes financières considérables. Les sociétés requérantes soutiennent qu'en l'espèce l'Autorité de la concurrence aurait dû retenir un seuil de 20 % au-lieu de 22 %. Toutefois, elles n'établissent pas qu'un tel seuil aurait conduit à modifier l'appréciation à porter sur ce point, alors que, d'une part, l'Autorité de la concurrence ne s'est pas limitée au constat précédent mais a également relevé que le seuil de 22% serait approché pour près d'une centaine d'autres fournisseurs, et retenu l'existence également pour ces derniers d'un risque accru de dépendance économique, et que, d'autre part, son estimation de ce risque a été confortée par un test de marché réalisé dans le cadre de l'opération. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
S'agissant du risque de verrouillage par les intrants sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires :
22. L'Autorité de la concurrence, au point 280 de la décision attaquée, a d'une part identifié le risque que GBH décide à l'issue de l'opération de ne plus approvisionner ses concurrents sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, au titre de son activité de grossiste exercée à travers les grossistes-importateurs Bamyrex et SDCOM et les magasins de libre-service de gros exploités sous enseigne Supercash, et d'autre part relevé que l'étude du cabinet Bolonyocte considérait également que ces grossistes-importateurs pourraient, grâce à leur puissance d'achat renforcée, obtenir des conditions d'achat plus favorables, dont seuls les magasins de la nouvelle entité pourraient bénéficier. Elle a toutefois écarté le risque de verrouillage par les intrants en relevant, d'une part, que la part de marché de la nouvelle entité sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires, inférieure à 20 % quelle que soit la famille de produits considérée, ne laissait pas présumer qu'elle soit en mesure de mettre en œuvre une stratégie de verrouillage, et, d'autre part, qu'il résultait des tests de marché que l'ensemble des clients interrogés considérait que les grossistes de la nouvelle entité n'étaient pas incontournables, des modes d'approvisionnement alternatifs demeurant disponibles à l'issue de l'opération, ce qui excluait, à supposer qu'une telle stratégie soit mise en œuvre, qu'elle ait un effet sensible sur les marchés de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire, quelle que soit l'attractivité des marques gérées par la nouvelle entité. Les requérantes soutiennent qu'elle a insuffisamment motivé sa décision et commis une erreur d'appréciation en écartant, sans en indiquer les raisons, d'une part le risque de mise en place d'une stratégie de " ciseau tarifaire " et, d'autre part, le risque de verrouillage des intrants à travers la coopération commerciale.
23. Toutefois, d'une part, s'agissant du risque de mise en place d'une stratégie de " ciseau tarifaire ", tenant à la capacité qu'aurait GBH, en tant que grossiste-importateur, à bénéficier de conditions tarifaires avantageuses en raison d'un volume accru de marchandises, qu'il pourrait répercuter dans ses magasins sur le marché aval de la distribution tout en préservant sa marge sur le marché de la distribution en gros, il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé l'Autorité de la concurrence au point 139 de la décision attaquée, l'opération n'était pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat de GBH au niveau national, sur le marché de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire, tous produits confondus, comme par familles ou groupes de produits, et ce quels que soient les canaux considérés. Dans ces conditions, l'opération ne devrait pas permettre à GBH de bénéficier de conditions sensiblement plus favorables à l'égard des fournisseurs nationaux, et n'est donc pas de nature à renforcer le risque invoqué, qu'au demeurant les acteurs du marché de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire interrogés dans le cadre de tests de marché n'ont pas relevé.
24. D'autre part, s'agissant du risque de verrouillage par la coopération commerciale, tenant à la capacité de GBH à privilégier ses magasins en termes de prix, d'animation commerciale ou de promotions, l'Autorité de la concurrence soutient sans être contredite qu'un tel risque n'est pas ressorti de l'instruction, dès lors que l'ensemble des groupes distributeurs non intégrés interrogés ont déclaré qu'en cas de mise en place de pratiques discriminatoires à leur encontre, ils seraient en mesure de s'approvisionner directement auprès de leurs centrales d'achat en métropole. Par ailleurs, si GBH disposera après l'opération d'une exclusivité sur un portefeuille important de marques nationales, les requérantes n'apportent pas d'éléments de nature à établir que ses concurrents ne pourraient pas s'approvisionner en produits équivalents.
25. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, a écarté les risques invoqués.
En ce qui concerne les engagements :
26. Lorsque lui est notifiée une opération de concentration dont la réalisation est soumise à son autorisation, il incombe à l'Autorité de la concurrence d'user des pouvoirs d'interdiction, d'injonction, de prescription ou de subordination de son autorisation à la réalisation effective d'engagements pris devant elle par les parties, qui lui sont conférés par les articles L. 430-5 et suivants du code de commerce, à proportion de ce qu'exige le maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés affectés par l'opération. D'une part, l'Autorité de la concurrence n'est pas tenue, lorsqu'elle identifie un effet anticoncurrentiel de l'opération, d'adopter des mesures correctives de nature à le supprimer intégralement, pourvu que ces mesures permettent d'assurer le maintien d'une concurrence suffisante. D'autre part, les engagements qu'elle accepte doivent être suffisamment certains et mesurables pour garantir que les effets anticoncurrentiels qu'ils ont pour finalité de prévenir ne seront pas susceptibles de se produire dans un avenir relativement proche.
27. Pour remédier aux risques concurrentiels décrits au point 6 et obtenir les autorisations nécessaires à l'opération de concentration, la société GBH a soumis à l'appréciation de l'Autorité de la concurrence une série d'engagements préalables, tenant, d'une part, à des engagements structurels consistant en la cession des fonds de commerce de quatre hypermarchés Jumbo Score et d'un magasin Agora, spécialisé dans la vente au détail de livres, à la société Make Distribution, créée pour l'occasion, ainsi qu'en la cession de deux supermarchés Score à la société Ah-Tak. Ces engagements, pris dans le cadre d'une résolution préalable se sont traduits par l'agrément des repreneurs identifiés dans la décision n° 20-DCC-72 ainsi que par les décisions n° 20-DCC-69 et n° 20-DCC-74 autorisant les opérations concernées. D'autre part, GBH a pris des engagements comportementaux relatifs au marché amont de l'approvisionnement, pour une durée de cinq ans renouvelable une fois et dont le suivi sera assuré par un mandataire indépendant, visant à maintenir le niveau actuel des approvisionnements de ses grandes surfaces alimentaires auprès de la production locale, à mettre en place un dispositif interne permettant d'identifier les cocontractants en possible état de dépendance économique et de les accompagner dans la sortie de cet état de dépendance s'ils le souhaitent et à permettre aux cocontractants qui en feraient la demande de conclure un contrat de deux ans au lieu d'un an.
S'agissant de l'agrément des repreneurs identifiés :
28. L'Autorité de la concurrence a, aux points 323 et 336 de la décision n° 20-DCC-72, agréé les sociétés Make Distribution et Ah-Tak en tant que repreneurs des fonds de commerce cédés par GBH au titre de ses engagements. Les requérantes contestent ces agréments, en soutenant que ces engagements ne satisfont pas aux exigences posées par l'Autorité de la concurrence elle-même, au point 586 de ses lignes directrices, dans leur version applicable datant de 2013, repris au point 387 des lignes directrices de juillet 2020, qui prévoient qu'une cession d'activité n'est efficace " que si l'acquéreur est approprié, c'est-à-dire si : / il est indépendant des parties, d'un point de vue capitalistique et contractuel ; / il possède les compétences et la capacité financière adéquates pour développer l'activité et concurrencer efficacement les parties ; / l'acquisition n'est pas susceptible de créer de nouvelles atteintes à la concurrence ".
29. En premier lieu, s'agissant d'Ah-Tak, les requérantes soutiennent que la société n'avait pas la capacité de concurrencer efficacement GBH sur la zone de Saint-Pierre où se situent les deux supermarchés repris par cette société, dès lors qu'il se serait agi du plus petit acteur de la Réunion sur le marché de la distribution alimentaire, aux moyens financiers limités, que les deux fonds de commerce concernés auraient été peu performants et, enfin, qu'Ah-Tak s'approvisionnait auprès de la centrale export d'Intermarché qui n'aurait pas été en mesure d'obtenir un assortiment de produits identiques à celui proposé par Vindémia, en particulier s'agissant des produits blancs ou bruns. Les requérantes n'apportent cependant aucun élément probant pour remettre en cause l'analyse par l'Autorité de la concurrence, à la date de la décision attaquée, de la capacité financière d'Ah-Tak d'assurer cette reprise, ou la capacité de cette société, déjà implantée sur le marché de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire à la Réunion avec cinq supermarchés, à se fournir de manière satisfaisante en produits blancs ou bruns et plus généralement à exploiter les deux magasins repris dans des conditions assurant le maintien d'une concurrence suffisante. Le moyen doit donc être écarté.
30. En second lieu, s'agissant de Make Distribution, les requérantes soutiennent, tout d'abord, que la société ne pouvait être regardée comme possédant les compétences et la capacité financière adéquates pour développer l'activité et concurrencer efficacement les parties, en raison notamment d'une charge de la dette excessive et d'un modèle économique, fondé sur un stockage en magasin et non en entrepôt, qui n'aurait pas fait ses preuves. Néanmoins, d'une part, il ressort des pièces du dossier que si la société Make Distribution avait été créée pour l'occasion, ses dirigeants avaient une expérience importante du secteur de la distribution, y compris à la Réunion, et que son modèle économique était jugé crédible par plusieurs acteurs économiques importants de la Réunion et avait déjà été mis en œuvre dans d'autres zones comparables par Intermarché, avec qui Make Distribution avait engagé un partenariat, ainsi que par d'autres acteurs à la Réunion. D'autre part, il en ressort que cette société disposait d'une assise financière garantie par plusieurs établissements bancaires, ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point. Enfin, les difficultés économiques qu'elle a rencontrées postérieurement à l'opération trouvent leur origine, comme l'indique notamment le jugement du 23 juin 2022 du tribunal de commerce de Paris homologuant l'accord de conciliation de la société avec ses principaux créanciers, dans les délais de reprise effective des fonds de commerce et les difficultés de démarrage de l'activité dans le contexte de l'état d'urgence sanitaire. Les requérantes ne sauraient donc soutenir que de ces difficultés postérieures à l'opération découleraient de faiblesses structurelles qui auraient dû conduire l'Autorité de la concurrence, à la date de sa décision, qui est par ailleurs suffisamment motivée sur ce point, à refuser d'agréer Make Distribution. Par ailleurs, si les requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence devait, en raison du partenariat noué par cette société avec Intermarché, vérifier que l'opération ne créait pas de nouvelles atteintes à la concurrence au bénéfice d'Intermarché, elles n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause, sur le fond, l'appréciation portée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision n° 20-DCC-74 du 26 mai 2020, par laquelle elle a autorisé cette opération en estimant qu'elle n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence.
S'agissant de la suffisance des engagements sur le marché aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire :
31. L'Autorité de la concurrence a estimé, au point 308 de sa décision, que les engagements de cession de magasins pris par GBH, décrits au point 27, étaient suffisants pour assurer le maintien d'une concurrence suffisante sur l'ensemble des zones de chalandise des magasins pour lesquels elle avait identifié un risque concurrentiel.
32. D'une part, les requérantes contestent cette analyse en soutenant que, dans ces zones, les parts de marché de la nouvelle entité, après l'opération, en tenant compte de ces cessions, restaient, en chiffre d'affaires, supérieures au seuil de 50 % faisant naître une présomption de pouvoir de marché important, et que dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence ne pouvait estimer que la concurrence y était suffisante. Cette présomption n'est cependant pas irréfragable, et en l'espèce, c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence, qui doit seulement s'assurer que les engagements pris permettent le maintien d'une concurrence suffisante, a constaté que tel était le cas dès lors que GBH ferait face, sur chaque zone, à de nombreux concurrents, en relevant en outre que si la part de marché de la nouvelle entité, en chiffre d'affaires, demeurait très légèrement supérieure à 50 % après l'opération, sa part de marché en surface était inférieure à 50 % dans chacune des zones concernées.
33. D'autre part, si certaines requérantes reprochent à l'Autorité de la concurrence d'avoir écarté le risque de constitution d'un duopole entre les enseignes Carrefour et E. Leclerc sur ces zones, comme le démontrerait l'étude du cabinet Bolonyocte, c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence a estimé qu'un tel risque était peu plausible, dès lors qu'il suppose la disparition de tous les autres acteurs présents sur le marché, dont ceux créés ou renforcés par l'opération, et alors que les cessions de magasins auxquelles s'est engagé GBH ont pour effet de limiter la part de marché en surface de GBH, après l'opération, au même niveau que celui de Vindémia avant l'opération.
S'agissant du marché aval de la vente au détail de livres :
34. L'Autorité de la concurrence a estimé, au point 309 de la décision attaquée, que l'engagement de cession du point de vente Agora à Make Distribution, assorti de l'engagement de ne pas reprendre les magasins cédés ni d'acquérir sur eux une influence directe ou indirecte, suffisait à résoudre les problèmes de concurrence posés par l'opération sur le marché du livre dans la zone de Saint-Benoît. Les requérantes soutiennent que l'appréciation de l'Autorité de la concurrence est erronée, dès lors que la part de marché de GBH après l'opération et cette cession, dans cette zone, sera de [80-90] %, contre [20-30] % pour GBH et [70-80] % pour Vindémia avant l'opération. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la situation concurrentielle dans la zone est restée quasiment inchangée à l'issue de l'opération, et que la cession de l'enseigne spécialisée Agora s'est traduite par l'entrée d'un nouvel acteur spécialisé, alors que les deux enseignes spécialisées de la zone étaient détenues, avant l'opération, par une même entité, Vindémia, cette entrée permettant de prévenir le risque d'uniformisation de l'offre identifié par les requérantes. Dès lors, et compte tenu par ailleurs des spécificités découlant de l'encadrement du prix des livres, c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence, qui doit seulement, pour apprécier si un engagement est pertinent et suffisant, rechercher s'il est de nature à pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération projetée et à maintenir ainsi une concurrence suffisante, a estimé cet engagement suffisant.
S'agissant du marché amont de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire et du risque de dépendance économique des fournisseurs :
35. L'Autorité de la concurrence a estimé que les engagements structurels et comportementaux pris par GBH permettaient de pallier les effets anticoncurrentiels de l'opération sur le marché amont de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire, et de répondre au risque de dépendance économique des fournisseurs.
36. En premier lieu, les requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence ne pouvait estimer que la concurrence sur ce marché était maintenue à un niveau suffisant sans s'assurer que la part de GBH y était, après l'opération, inférieure à 25 %, seuil en dessous duquel est présumé une absence d'atteinte à la concurrence. Toutefois, d'une part, ainsi que le relève l'Autorité de la concurrence en défense, une part de marché supérieure à ce seuil n'entraîne pas de présomption de pouvoir de marché important et une telle présomption, prévue par les lignes directrices seulement lorsque les parts de marché dépassent 50 %, n'est en tout état de cause pas irréfragable. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé l'Autorité de la concurrence, la part de GBH sur le marché amont de l'approvisionnement, après l'opération, sera, compte tenu des cessions opérées sur le marché aval de la distribution alimentaire, équivalente à celle de Vindémia avant l'opération, soit entre 30 et 35 %, et que la nouvelle entité fera face à la concurrence de plusieurs acteurs, E. Leclerc, dont la part est comprise entre 25 et 30 %, deux autres opérateurs dont la part est comprise entre 10 et 20 % et trois opérateurs dont la part de marché est inférieure à 10 %. Si les requérantes soutiennent, à partir de l'étude du cabinet Bolonyocte, que la part de marché de GBH sur le marché aval devrait cependant croître rapidement en raison d'une plus grande attractivité de son enseigne Carrefour et d'une plus grande efficacité de son modèle économique, se traduisant par un chiffre d'affaires par m² nettement supérieur à celui de Vindémia, il ressort des pièces du dossier que c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence a pu écarter ce scénario, fondé sur des données incomplètes et des extrapolations contestables, la situation de GBH avant l'opération, qui n'exploitait que des hypermarchés, étant peu comparable avec celle de Vindémia, qui exploitait des hypermarchés et des supermarchés.
37. En second lieu, les engagements structurels validés étaient assortis d'engagements comportementaux, décrits au point 27, limitant également les effets de l'opération sur le marché amont de l'approvisionnement en produits à dominante alimentaire. Les requérantes soutiennent toutefois que de tels engagements sont insuffisants et inefficaces pour faire face au risque de dépendance économique des fournisseurs, dès lors qu'ils sont trop courts, imprécis, peu contraignants pour GBH, et supposent que l'exercice de la volonté des fournisseurs soit libre, alors qu'ils ne pourront prendre le risque d'un désaccord avec GBH. Cependant, tout d'abord, s'agissant de la teneur de ces engagements, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, GBH s'est bien engagé à maintenir ses approvisionnements auprès de la production locale au moins au niveau d'avant l'opération, et non à un niveau qui serait compris entre 25 % et 35 %, cette fourchette visant seulement à occulter le niveau exact de ces approvisionnements dans la version non-confidentielle de la décision, et que, d'autre part, l'engagement visant à permettre aux cocontractants le demandant de signer un contrat de deux ans au lieu d'un an a bien vocation à être mis en œuvre pendant cinq ans, période renouvelable une fois, et non pendant seulement deux ans. Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces engagements sont précis, contraignants pour GBH, et vérifiables. Enfin, les requérantes n'apportent pas d'éléments probants à l'appui de leur critique selon laquelle la durée de ces engagements, soit cinq ans renouvelables une fois, serait insuffisante, alors même que, compte tenu des engagements structurels rappelés ci-dessus, leur respect pendant cette durée devrait permettre aux fournisseurs en situation de dépendance à l'égard de la nouvelle entité de diversifier leur clientèle, dans un marché où la part de GBH, après l'opération, ne dépasse pas celle de Vindémia avant l'opération, et où l'opération se traduit par la création ou le renforcement d'autres acteurs auprès desquels ces fournisseurs peuvent trouver de nouveaux débouchés.
S'agissant du risque de verrouillage de clientèle sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires :
38. Après avoir retenu, au terme de son analyse concurrentielle, l'existence d'un risque de verrouillage de clientèle sur le marché de la distribution en gros, dès lors que GBH pourrait décider de ne plus approvisionner ses magasins de vente au détail de produits à dominante alimentaire auprès de ses concurrents sur ce marché, l'Autorité de la concurrence a considéré que les engagements pris par GBH permettaient de pallier ce risque. Si les requérantes soutiennent que les engagements comportementaux pris par GBH ne permettent pas de garantir l'accès des grossistes-importateurs au marché de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire, dès lors qu'ils ne concernent que les fournisseurs locaux, il convient d'apprécier globalement l'efficacité des engagements dont l'opération est assortie, y compris par conséquent la cession de magasins sur le marché aval de la distribution de produits à dominante alimentaire. C'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence a estimé qu'en permettant de maintenir la part de marché de GBH sur le marché amont de l'approvisionnement, après l'opération, au niveau qui était celui de Vindémia avant l'opération, cet engagement était de nature à lever le risque de mise en place d'une stratégie de verrouillage de clientèle visant les grossistes-importateurs.
Sur les décisions nos 20-DCC-69 et 20-DCC-74 portant sur les cessions de magasins consécutives aux engagements pris par GBH dans le cadre de sa prise de contrôle de Vindémia :
39. En premier lieu, les sociétés Excellence et autres soutiennent, s'agissant de la décision n° 20-DCC-69, relative à la prise de contrôle conjoint par les sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation de quatre magasins de commerce de détail à dominante alimentaire, et de la décision n° 20-DCC-74, relative à la prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce à dominante alimentaire par la société Ah-Tak, que l'Autorité de la concurrence les a insuffisamment motivées et a commis une erreur de droit en s'abstenant de prendre en compte, pour se prononcer sur ces opérations, l'opération de cession de Vindémia.
40. D'une part, le III de l'article L. 430-5 du code de commerce dispose que : " L'Autorité de la concurrence peut (...) autoriser l'opération, en subordonnant éventuellement, par décision motivée, cette autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties ". Il en résulte que lorsque l'Autorité de la concurrence autorise une opération de concentration, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 430-5, et sans la subordonner à la réalisation effective d'engagements pris par les parties, elle n'est pas tenue de motiver sa décision. Par suite, les deux décisions attaquées ayant été prises dans le cadre de cette procédure, et ne subordonnant pas les autorisations accordées à la réalisation effective d'engagements pris par les parties, les requérantes ne peuvent utilement soutenir qu'elles sont insuffisamment motivées.
41. D'autre part, les requérantes ne sauraient non plus utilement soutenir que l'Autorité de la concurrence devait, en se prononçant sur ces deux opérations, analyser également l'acquisition de Vindémia autorisée par la décision n° 20-DCC-72, dès lors que les cessions à Aram Financial et Victor Bellier Participation et à Ah-Tak constituent des opérations distinctes.
42. En second lieu, les sociétés Excellence et autres soutiennent que l'Autorité de la concurrence ne pouvait autoriser la cession de magasins de GBH aux sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation, sans rappeler que les magasins concernés seront acquis par la société Make Distribution, filiale conjointe de ces deux sociétés. Néanmoins, d'une part, l'obligation de notification incombait bien aux sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation et non à leur filiale Make Distribution, qui n'était pas une partie notifiante. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 40, l'Autorité de la concurrence n'était pas tenue de motiver cette décision. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
43. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions qu'elles attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Make Distribution, Casino Guichard-Perrachon, Vindémia Group, GBH et Ah-Tak au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société Excellence et autres sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions des sociétés Make Distribution, Casino Guichard-Perrachon, Vindémia Group, GBH et Ah-Tak présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Excellence, première requérante, à la confédération des petites et moyennes entreprises de Mayotte, à Mme A..., première requérante, à l'association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés outre-mer (ADECALOM), à l'association des maires de Mayotte, à la société Bout'Iks, à l'Autorité de la concurrence, à la société Groupe Bernard Hayot (GBH), à la société Vindémia Group, à la société Ah-Tak, à la société Make Distribution et à la société Casino Guichard-Perrachon.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque; conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.