Cass. com., 3 octobre 2000, n° 97-20.425
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Feuillard
Avocat :
SCP Bouzidi
Attendu, selon l'arrêt déféré (Reims, 10 juin 1997), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, 5 décembre 1995, pourvoi n° K 93-13.652), que la société à responsabilité limitée Espaces verts service (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 11 avril 1989, puis en liquidation judiciaire le 21 novembre 1989, le Tribunal, se saisissant d'office, a prononcé la faillite personnelle de M. Y..., conjoint de la gérante de la société, pour une durée de vingt ans ; qu'après cassation de l'arrêt qui a confirmé ce jugement, la cour d'appel, désignée comme juridiction de renvoi, a statué de façon identique ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'autorité de la chose jugée suppose établie la triple identité de parties, d'objet et de cause de la demande ; que pour retenir la qualité de dirigeant de fait de M. Y..., la cour d'appel, qui se borne à se référer à un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 21 mars 1991, devenu définitif et ayant condamné M. Y..., sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à payer la somme de 150 000 francs en paiement de l'insuffisance d'actif de la société, sans constater l'existence d'une identité de cause et d'objet entre l'action en paiement des dettes sociales et l'action en faillite personnelle qui lui était soumise sur le fondement des articles 182 et 185 de la loi du 25 janvier 1985, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel de renvoi devait caractériser la qualité de dirigeant de fait de M. Y... ; qu'en se contentant de relever que M. Y... avait été condamné sur le fondement de l'article 180 en paiement des dettes sociales par un jugement définitif, "même si les juges qui ont reconnu cette qualité se sont déterminés par des motifs censurés" par la Cour de Cassation, pour retenir, dans le cadre de l'action tendant au prononcé de la faillite personnelle, que M. Y... avait la qualité de dirigeant de fait, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des articles 188 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 179 de la loi du 25 janvier 1985 que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l'égard d'une personne morale de droit privé ayant une activité économique, les dispositions des articles 180 et 182 de cette loi sont applicables à ses dirigeants, tandis qu'il résulte de l'article 185 de cette même loi que les dispositions de ses articles 188 et 189 sont applicables aux dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ayant une activité économique ; que la cour d'appel ayant constaté que M. Y... avait été condamné, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, par une décision ayant force de chose jugée, en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, et sans avoir à caractériser les faits de direction, que cette personne n'était plus recevable à contester sa qualité de dirigeant de la société, personne morale de droit privé ayant une activité économique ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que la tenue irrégulière de la comptabilité d'une société ne peut être assimilée à l'absence de toute comptabilité ou à une comptabilité fictive ; qu'en retenant qu'il n'est pas contesté que la société a omis de déclarer son état de cessation des paiements dans le délai de quinze jours suivant celui-ci, qu'elle n'a pas établi de comptabilité conforme aux règles légales et que les conditions édictées par les articles 182 et 188 du texte précité sont réunies, la cour d'appel, qui a assimilé la tenue d'une comptabilité non conforme aux règles légales à l'absence d'une comptabilité ou à une comptabilité fictive, a violé les articles 188 et 182.5 , dans la rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, et l'article 2 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai de quinze jours ne constitue pas l'un des cas autorisant le prononcé de la faillite personnelle du dirigeant de fait par application des articles 188 et 182 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en retenant qu'il n'est pas contesté que la société a omis de déclarer son état de cessation des paiements dans le délai de quinze jours suivant celui-ci, la cour d'appel, qui décide que les conditions édictées par les articles 182 et 188 du texte précité sont réunies, a violé lesdits textes ;
Mais attendu qu'abstraction faite de la référence erronée de la décision à l'article 188 de la loi du 25 janvier 1985 dont fait état la seconde branche, la cour d'appel, en constatant que la société avait omis de déclarer son état de cessation des paiements dans le délai légal de quinze jours, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision d'user, à l'égard de l'un des dirigeants, des pouvoirs qu'elle tenait de l'article 189 de la loi du 25 janvier 1985 ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.