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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 février 2014, n° 12/05980

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tri Environnement Recyclage (SAS)

Défendeur :

Regards (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Me Autier, Me Roux, Me Noe, Me Laugier

T. com. Evry, 3e ch., du 14 mars 2012, n…

14 mars 2012

FAITS ET PROCÉDURE

Le 31 décembre 2007, la société Tri Environnement Recyclage (ci-après TER), dirigée par M. Marcel Solarz, a conclu avec la société Regards, dirigée par M. Joseph Cuny, une « convention de prestation de service » pour une période de 24 mois, par laquelle la première s'est adjointe la collaboration de la seconde pour « la réorganisation de la société T.E.R. ainsi que son développement commercial dans le domaine des vieux papiers et des déchets ». Un avenant du 31 décembre 2009 a porté à quatre ans, soit jusqu'au 31 décembre 2013, la durée de cette convention et a prévu qu'en cas de rupture avant ce terme par la société TER, celle-ci verserait à la société Regards la somme de 230 000 euros correspondant à une année de rémunération.

Les relations entre M. Solarz et M. Cuny se sont détériorées à partir de la fin de l'année 2010 et un grave différend a éclaté entre eux en janvier 2011 à propos d'un projet commercial sur lequel leurs analyses divergeaient. Le 18 janvier 2011, M. Solarz a adressé aux principaux clients de la société TER un fax leur annonçant que M. Cuny avait quitté le groupe TER. Cependant, M. Solarz et M. Cuny se sont ensuite à nouveau rapprochés et ont conclu une « convention de mandat social » par laquelle la société TER a confié à la société Regards « la direction générale de la société TER avec toutes les prérogatives et responsabilités attachées à ce type de mandat ». Cette convention n'était pas datée, mais il semble qu'elle ait été signée le 1er février 2011. Elle comportait un ajout manuscrit paraphé par les parties et indiquant qu'elle se substituait au contrat de 2007, dont elle repris à l'identique les conditions relatives à la rémunération de la société Regards mais, en revanche, ne prévoyait pas d'indemnité en cas de rupture anticipée à l'initiative de la société TER. Cette convention a, lors d'une assemblée générale tenue le 14 février 2011, été portée à la connaissance des actionnaires de la société TER qui ont nommé la société Regards « aux fonctions de vice président ».

Les relations entre les parties se sont à nouveau détériorées, de sorte que M. Cuny a définitivement quitté la société TER le 28 mars 2011. La société Regards et M. Cuny, prétendant qu'en faisant signer la convention de mandat social, la société TER s'était livrée à une manœuvre destinée à éluder le paiement de l'indemnité prévue par le contrat de 2007, ont fait assigner la société TER.

Par jugement rendu le 14 mars 2012, le tribunal de commerce d'Evry a :

- dit que M. Cuny était lié à la société T.E.R. par un mandat social au travers de la société Regards à compter du 14 février 2011,

- condamné la société T.E.R. à payer à la société Regards la somme de 230 000 € au titre de la rupture unilatérale de la convention de prestation de service du 31 décembre 2007, et de son avenant du 31 décembre 2009,

- condamné la société T.E.R. à payer à la société Regards et M. Cuny conjointement la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société T.E.R. le 30 mars 2012 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 30 octobre 2013 par la société T.E.R., par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal :

- dire et juger que le contrat du 31 décembre 2007 et son avenant du 31 décembre 2009 présentent un caractère fictif et/ou qu'ils sont dépourvus de cause et/ou d'objet ;

- prononcer, en conséquence, la nullité de ces conventions et ordonner la restitution des sommes indûment versées en exécution de ces conventions par la société T.E.R. à la société Regards ;

- condamner, à ce titre, la société Regards à payer à la société T.E.R. la somme de 605.500,43 euros TTC ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le contrat du 31 décembre 2007 et son avenant du 31 décembre 2009 ont été rompus à l'initiative de la société Regards ;

- débouter, en conséquence, la société Regards et M. Cuny de toute leurs demandes en paiement de l'indemnité contractuelle de rupture et toutes autres demandes résultant de cette rupture ;

En tout état de cause :

- dire et juger que M. Cuny et la société T.E.R. étaient liés par un mandat social de Directeur Général ;

- dire et juger que M. Cuny a démissionné de son mandat social ;

- débouter la société Regards et M. Cuny de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner solidairement à payer à la société T.E.R. la somme de 7 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante demande à la Cour, à titre principal, de constater la nullité de la « convention de prestation de service » du 31 décembre 2007 et de son avenant du 31 décembre 2009. Elle fait valoir que la société Regards n'a fourni aucune prestation au titre de ces contrats, qui avaient en réalité pour objet la mise à disposition de M. Cuny en qualité de directeur général de la société TER, et donc l'exécution d'un mandat social de fait.

Elle soutient qu'en toute hypothèse, ce contrat a été rompu à l'initiative de M.Cuny et qu'en conséquence, l'indemnité contractuelle de rupture n'est pas due puisqu'elle n'était prévue qu'en cas de rupture à l'initiative de la société TER. Elle reproche aux premiers juges d'avoir écarté les attestations qu'elle produit et d'où il résulte que M. Cuny, en désaccord avec les choix stratégiques de M. Solarz, a pris la décision de quitter la société TER le 12 janvier 2011.

Selon l'appelante, quelques jours après cette décision, les parties se sont à nouveau rapprochées et ont décidé de reprendre leurs relations. La société TER, alertée par son conseil sur la fragilité juridique du précédent contrat de prestation de services, a proposé à M. Cuny de conclure un contrat de mandat social, lequel a été signé le 1er février 2011. M. Cuny a rompu unilatéralement ce contrat le 28 mars 2011 et n'a plus réapparu dans l'entreprise.

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2013 par la société Regards et M. Cuny, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- dire et juger que la société T.E.R. a engagé sa responsabilité à raison d'une rupture irrégulière, brutale, vexatoire et abusive du contrat de prestation de services la liant à la Société Regards ;

- dire et juger que la société T.E.R. a engagé sa responsabilité à raison de la soumission ou tentative de soumission des concluants à un contrat de mandat social créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ou subsidiairement si le contrat de mandat social devait être jugé efficace à raison d'une rupture brutale et abusive dudit contrat ;

- rejeter les attestations produites par la société T.E.R., comme irrégulières et fausses ;

- si besoin, enjoindre la communication par le cabinet Compex et M. Koltein des transferts de cession d'actions des Sociétés T.E.R. et DRV en 2011 et 2012 et enjoindre la société T.E.R. de justifier de la personne de ses associés actuels,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société T.E.R.à verser à la société Regards la somme de 230.000 €, au titre de la rupture unilatérale de la convention de prestation de service du 31/12/2007 et de son avenant du 31/12/2009,

Sauf à y ajouter :

- condamner la Société T.E.R. à payer à la société Regards :

. la somme de 161 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la brutalité de la rupture, caractérisée par l'absence de tout préavis écrit ;

. la somme de 398 475 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l'abus de la décision de rompre les relations commerciales établies ;

- condamner la Société T.E.R. à payer à Monsieur Joseph Cuny la somme de 8 000 € à titre

de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel d'atteinte à sa réputation causé par les conditions vexatoires de son éviction ;

- débouter la Société T.E.R. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Subsidiairement, si par très impossible, la Cour devait faire droit aux demandes de nullité, condamner la Société T.E.R. à payer, à titre d'indemnisation des prestations pourtant effectuées par la Société Regards et Monsieur Joseph Cuny, pour un montant de 512 730€ à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la société T.E.R. à payer à la société Regards et Monsieur Joseph Cuny, pris conjointement, la somme de 12 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés indiquent que M. Cuny a collaboré avec M. Solarz depuis 1977, d'abord comme salarié, puis dans le cadre de la convention de prestation de service de 2007 prorogée par l'avenant de 2009. Ils considèrent que la convention de mandat social de 2011 est de nul effet et non avenue, puisqu'elle supposait une modification des statuts de la société TER à laquelle il n'a jamais été procédé, et que le consentement de M. Cuny a été extorqué.

Ils soutiennent que la convention de 2007, qui avait été prorogée pour quatre ans à compter du 1er janvier 2010, donc jusqu'au 31 décembre 2013, a été unilatéralement rompue avant son terme en mars 2011 par la société TER, M. Cuny n'ayant pas démissionné comme l'affirment faussement certaines attestations qu'ils jugent mensongères. La société TER est donc, selon eux, redevable de l'indemnité contractuellement prévue de 230 000 euros.

Par ailleurs, les intimés soutiennent que les relations entretenues par la société Regards avec la société TER sur la base du contrat de prestation de service de 2007 constituaient des « relations commerciales établies » au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce. Ces relations ayant été rompues sans préavis écrit, et sans qu'aucune inexécution contractuelle ne puisse être reprochée à la société Regards, celle-ci demande l'allocation de la somme de 161 000 euros correspondant à sa marge brute sur une année, durée du préavis dont elle aurait dû bénéficier.

Enfin, la société Regards fait valoir qu'elle a subi un préjudice particulier résultant de la perte de chance de mener le contrat à son terme contractuel, soit pendant encore 2 ans et 9 mois. Elle expose que ce préjudice consiste en un pourcentage, à hauteur de la chance perdue, de la perte de marge brute sur la durée restant à courir et considère que ce pourcentage ne saurait être inférieur à 90 %. Elle demande donc à ce titre, la condamnation de la société TER à lui payer la somme de 398 475 euros.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité alléguée de la convention du contrat du 31 décembre 2007 et de son avenant du 31 décembre 2009

Selon le contrat du 31 décembre 2007, la société TER, ayant souhaité « s'adjoindre la collaboration de Regards dans le domaine d'optimisation du tri des DIB, de l'organisation des plannings, de la dynamique commerciale », a confié à cette société une mission consistant dans « la réorganisation de la société TER ainsi que son développement commercial dans le domaine des vieux papiers et des déchets » (article 4 du contrat) ; l'avenant du 31 décembre 2009, après avoir rappelé que cette mission avait « donné satisfaction », a rappelé qu'elle avait pour objet « la réorganisation de l'exploitation, du service commercial, du service qualité » de la société TER.

La société TER prétend que ce contrat est nul au motif que la société Regards n'aurait jamais délivré les prestations prévues mais qu'en revanche son gérant, M. Cuny, aurait, en fait, exercé la direction générale de la société TER, tombant ainsi sous le coup de la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge qu'est nulle pour absence de cause la convention par laquelle une société anonyme confie à un prestataire la réalisation de missions relevant des pouvoirs de son dirigeant. Mais la Cour constate que si les pièces du dossier établissent que M. Cuny exerçait au sein de la société TER des responsabilités relevant du pouvoir de direction générale, cette situation, s'agissant non d'une société anonyme mais d'une société par actions simplifiée, n'est nullement contraire à la loi qui, à l'article L. 227-5 du code de commerce, renvoie aux statuts le soin de déterminer « les conditions dans lesquelles la société est dirigée » ; les statuts de la société TER ayant seulement institué un président, éventuellement assisté d'un vice-président, chargé de la gérer et de l'administrer, cette société pouvait dès lors, sans contrevenir à ses statuts, confier sa direction générale à une société tierce sur la base d'une convention de prestation de services. Les demandes de la société TER tendant à la constatation de la nullité du contrat du 31 décembre 2007 et de son avenant du 31 décembre 2009 et au prononcé des condamnations pécuniaires qui en résulteraient seront donc rejetées.

Sur la convention de mandat social de 2011

Il est établi que les société TER et Regards ont conclu une « convention de mandat social » par laquelle la première a chargé la seconde d' exercer le « mandat de Directeur Général de la société TER avec toutes les prérogatives et responsabilités attachées à ce type de mandat » (article 1er du contrat). Cette convention, non datée, aurait été signée, selon les parties le 1er février 2011, après que MM. Solarz et M. Cuny se sont rencontrés le 24 janvier 2011 pour reprendre leurs relations. Elle porte la mention manuscrite suivante : « Annule et remplace tout autre avenant au contrat ».

Selon les intimés, ce contrat n'est jamais entré en vigueur et résulte d'une « mise en scène destinée à se débarrasser sans indemnité de la société Regards », M. Solarz ayant de surcroît l'intention de céder la société TER et voulant en maximiser le prix. M. Cuny ajoute n'avoir signé ce contrat que sous la « pression » exercée sur lui par M. Solarz et n'avoir pas réalisé qu'il devenait alors révocable ad nutum et sans indemnité. La société TER soutient que c'est à la demande de M. Cuny que les relations ont repris, mais qu'elle a souhaité, pour des raisons de sécurité juridique, que désormais ces relations soient encadrées non par un contrat de prestation de services, mais par un « contrat de mandat social ».

La Cour, en premier lieu, relève que ce contrat n'est pas daté et que c'est seulement au vu des déclarations des parties qu'il semble établi qu'il a été signé le 1er février 2011. Il est, par ailleurs, l'objet d'une sérieuse contestation de la part de M. Cuny qui prétend que son paraphe qui figure sous des mentions manuscrites ajoutées a été imité et qui indique, ce qui n'est pas contesté par la société TER, qu'il n'a pas reçu d'original de ce contrat et qu'il n'a pu s'en procurer une photocopie qu'ultérieurement. Si ces circonstances ne permettent pas, à elles seules, de tirer des conclusions définitives sur la validité du contrat, elles jettent au moins un doute sur la réalité du consentement donné par M. Cuny à l'ensemble de ces stipulations, lesquelles lui faisaient perdre le droit à indemnité que lui reconnaissait le précédent contrat en cas de résiliation anticipée.

En second lieu, la Cour constate que ce contrat confie à la société Regards la direction générale de la société TER et prévoit dans son préambule qu'il « est subordonné à une modification des statuts et à une décision conforme des organes de la société TER et qu'à défaut la présente convention sera considérée comme nulle et non avenue ». Il est constant, d'une part, que les statuts de la société TER n'ont pas été modifiés et, d'autre part, que si cette convention a été portée à la connaissance des actionnaires lors d'une assemblée générale tenue le 14 février 2011, ces actionnaires ont à l'issue de leur délibération voté une résolution nommant la société Regards non directeur général de la société TER, mais « aux fonctions de vice président de la société ». Il résulte du procès-verbal de cette assemblée (pièce n° 15) que M. Solarz a justifié cette disparité en indiquant aux actionnaires que les statuts de la société TER instituaient un président et un vice président, mais pas de directeur général, et qu'en conséquence il proposait, plutôt que de modifier ces statuts, de confier à la société Regards la vice présidence de la société « ce qui n'[avait] pas pour effet de trahir la volonté des parties manifestée dans la convention ».Force est cependant de constater que la convention de mandat social n'est pas, à la lettre, conforme à la délibération de l'assemblée générale et qu'on ne saurait déduire de ses stipulations que ses signataires ont entendu, en réalité, faire de la société Regards la vice présidente de la société TER, alors que ces fonctions et celles de directeur général ne sauraient a priori être confondues. Au demeurant, la Cour observe que les statuts de la société TER seront effectivement modifiés pour instituer les fonctions de directeur général, mais le 23 novembre 2012, soit dix-huit mois après le départ de M. Cuny et la rupture des relations avec la société Regards (pièce n° 23 produite par les intimés).

De ces constatations, il résulte qu'il n'est pas établi que la convention de mandat social se soit juridiquement substituée au contrat du 31 décembre 2007 modifié par avenant du 31 décembre 2009. C'est donc au regard des stipulations de celui-ci qu'il convient d'apprécier les conséquences de la rupture des relations qui unissaient la société TER et la société Regards.

Sur la rupture des relations entre les sociétés TER et Regards

Les circonstances dans lesquelles il a été mis aux fonctions de la société Regards et de M. Cuny, une première fois entre le 12 janvier et le 18 janvier 2011, puis de façon définitive le 28 mars 2011, sont discutées par les parties, l'appelant soutenant que la rupture est intervenue à l'initiative de M. Cuny, les intimés soutenant que celui-ci a été prié par M. Solarz, en termes très vifs, de quitter la société.

La société TER soutient que M. Cuny a, au soir du 12 janvier 2011, rompu le contrat de 2007, en conséquence de quoi elle a diffusé le 18 janvier suivant un fax à ses principaux clients leur annonçant son départ de la société. Elle produit à l'appui de cette allégation, en premier lieu, plusieurs attestations (pièces n° 17, 18, 19, 21, 23, 24, 25), dont M. Cuny conteste la sincérité et que le tribunal a écartées comme « émanant de personnes liées par des intérêts commerciaux communs, des attaches familiales, liens de subordination ou relationnels avec la demanderesse ou son dirigeant ». Pour sa part, la Cour constate que ces attestations rapportent des propos qu'aurait tenus à leurs auteurs M. Cuny et qu'elles font état de l'insatisfaction de celui-ci, ' tenant notamment au fait qu'il aurait voulu acquérir des parts de la société TER -, de son désaccord avec M. Solarz sur l'analyse d'un projet commercial qu'il avait proposé et de ce qu'il envisageait de s'orienter vers une autre activité; mais il ne ressort d'aucune de ces attestations que la société Regards, partie au contrat de 2007, aurait par le truchement de son gérant M. Cuny, fait connaître à son cocontractant, la société TER, sa décision de rompre le contrat qui les unissait. En second lieu, la société TER produit la copie d'une lettre, non datée, adressée à M. Solarz par M. Cuny, dans laquelle celui-ci revient, en termes peu explicites, sur leur désaccord et se termine par la phrase suivante : « Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je quitte TER ça c'est sûr (...) ». La Cour ne peut que constater que cette formule est équivoque puisqu'elle peut signifier soit que M. Cuny a décidé de rompre les relations, soit qu'il prend acte de la rupture décidée par la société TER. Elle est dès lors insuffisante à caractériser une rupture par la société Regards du contrat qui l'unissait à la société TER.

Les circonstances du départ définitif de M. Cuny, le 28 mars 2011, sont tout aussi discutées. M. Cuny prétend avoir, ce matin là, été empêché par M. Solarz de pénétrer dans l'entreprise qu'il a dû quitter sans même récupérer ses affaires. L'appelant soutient qu'au contraire M. Cuny est parti de son plein gré et produit une attestation d'un employé de la société TER (pièce n° 16) d'où il ressort que M. Cuny a quitté l'entreprise dans un état de grande colère sans qu'on puisse en déterminer précisément les motifs et les circonstances.

Faute pour la société TER de produire d'autres éléments de preuve, force est de constater qu'elle n'établit pas que M. Cuny a pris l'initiative de mettre fin aux relations contractuelles unissant les société Regards et TER. Il incombait à celle-ci, au cas où, comme elle le prétend, M. Cuny aurait à deux reprises quitté l'entreprise, d'obtenir de lui qu'il formalise, au nom de la société Regards, une telle décision de façon à s'en ménager une preuve, ou à défaut de le mettre en demeure de reprendre ses fonctions, sous peine que le contrat soit résilié sans indemnité. Il apparaît en revanche que, comme l'a jugé le tribunal, la signature dans les circonstances ci-dessus rappelées de la convention de mandat social a constitué pour la société TER le moyen de mettre fin au contrat de 2007 sans en supporter le coût. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société TER à payer aux intimés la somme de 230 000 euros correspondant au montant de l'indemnité contractuellement prévue en cas de rupture du contrat à son initiative.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'article L. 442-6 5° du code de commerce

La rupture des relations qui étaient établies entre les sociétés TER et Regards donne lieu au versement à celle-ci d'une indemnité contractuelle dont le montant, qui correspond à une durée de préavis d'une année, répond aux exigences de l'article L. 442-6 du code de commerce. La demande de la société Regards sera donc rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'abus de la décision de rompre les relations commerciales établies

S'il est établi que les relations entre les parties ont été rompues à l'initiative de la société TER, il ne ressort pas du dossier, en revanche, que celle-ci, par-delà le caractère conflictuel du contexte dans lequel s'inscrit cette initiative, ait pris et mis en œuvre sa décision de rupture dans des conditions qui constitueraient un abus ouvrant droit à réparation. La Cour rejettera donc la demande des intimés.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice personnel subi par M. Cuny

M. Cuny fait valoir que les conditions vexatoires de son éviction lui ont causé un préjudice personnel d'atteinte à sa réputation dont il demande réparation. Cependant, il n'apporte à l'appui de cette demande aucun élément qui démontrerait que la rupture des relations entre les sociétés Regards et TER ' du fait, par exemple, de la publicité qui lui aurait été donnée ou de son impact sur la suite de sa carrière professionnelle - lui ont causé un préjudice personnel, distinct de celui réparé par l'allocation de l'indemnité de résiliation prévue au contrat. Sa demande sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Regards et de M. Cuny la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir leurs droits et la société TER sera condamnée à leur verser la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société Tri Environnement Recyclage à payer à la Regards et à M. Joseph Cuny, pris conjointement, la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

CONDAMNE la société Tri Environnement Recyclage aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.