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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 17 mai 2023, n° 21/01817

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

L'Annexe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Demoly, Me Vajou, Me Ceccaldi

T. com. Aubenas, du 16 févr. 2021, n° 20…

16 février 2021

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 7 mai 2021 par Monsieur [Y] [VF] à l'encontre du jugement prononcé le 16 février 2021 par le tribunal de commerce d'Aubenas dans l'instance n°2019001756 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 24 mars 2022 par l'appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 06 octobre 2022 par la SAS L'annexe, Madame [M] [V] née [L], Monsieur [B] [G], Monsieur [E] [H], Madame [U] [H] née [R], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure du 13 janvier 2023 à effet différé au 6 avril 2023 ;

Le capital social de la SAS L'annexe, créée le 28 novembre 2018 pour une activité principale de "bar musical, restaurant, salon de thé, vente de vins et produits régionaux", était réparti entre :

Monsieur [Y] [VF] qui en détenait un quart (250 actions),

Madame [M] [V] qui en détenait également un quart,

Monsieur [B] [G] qui détenait un troisième quart,

Monsieur [E] [H] pour un huitième (125 actions),

et Madame [U] [H] pour le dernier huitième.

Madame [V] était nommée présidente de la société tandis que les quatre autres associés avaient la qualité de directeurs généraux.

La société L'annexe prenait à bail des locaux sis à [Localité 15] et appartenant à la SCI Comptoir Café - ayant également pour associés Monsieur [VF] et Madame [V], pour y exercer son activité.

Pour les besoins de l'exploitation du débit de boissons, Monsieur [VF] se déclarait repreneur de la licence IV du bailleur, attestant, conformément à l'article A123-51 du code de commerce, qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une condamnation pénale, ni sanction civile ou administrative de nature à lui interdire l'exercice d'une activité commerciale ou de gestion, administration ou direction d'une personne morale.

Par lettre du 19 décembre 2018, le juge délégué à la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'Aubenas informait la société L'annexe de ce que le bulletin n°2 du casier judiciaire de Monsieur [VF] révélait qu'il était frappé d'une mesure d'incapacité, et la sommait de régulariser la situation par la mutation de la licence au nom d'un tiers.

Le 4 février 2019, un autre associé, Monsieur [B] [G], reprenait la licence et l'établissement ouvrait le 7 mars 2019.

Par la suite, des désaccords intervenaient entre Monsieur [VF] et les autres associés de la société L'annexe.

Réunis en assemblée générale extraordinaire le 17 juin 2019, les associés -dont Monsieur [VF] prenaient connaissance du rapport fait par Madame [V] en qualité de présidente, quant aux griefs de nature à justifier la révocation de Monsieur [VF] de ses fonctions de directeur général et son exclusion en qualité d'associé.

A l'issue d'une nouvelle assemblée générale extraordinaire, le 15 juillet 2019, les associés décidaient de révoquer Monsieur [VF] de ses fonctions de directeur général et de l'exclure en qualité d'associé.

Par exploit du 16 août 2019, Monsieur [VF] a fait assigner la société L'annexe et chacun des associés, Madame [V], Monsieur [G], Madame et Monsieur [H] devant le tribunal de commerce d'Aubenas aux fins de voir annuler l'assemblée générale extraordinaire du 15 juillet 2019, de les voir condamner in solidum au paiement d'une somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et avec exécution provisoire.

Par jugement du 16 février 2021, le tribunal de commerce d'Aubenas a :

- débouté Monsieur [Y] [VF] de sa demande en annulation de l'assemblée générale du 15 juillet 2019,

- débouté le même de l'ensemble de ses plus amples demandes, fins et conclusions,

- condamné Monsieur [Y] [VF] à payer à Madame [M] [V], à Monsieur [B] [G], à Monsieur [E] [H] et à Madame [U] [H], à titre de dommages intérêts pour préjudice moral la somme de 500 euros chacun,

- condamné Monsieur Monsieur [Y] [VF] à rembourser à Madame [M] [V] la somme de 3.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,

- condamné Monsieur [Y] [VF] à payer la somme de 600 euros chacun à Madame [M] [V], à Monsieur [B] [G], à Monsieur [E] [H] et à Madame [U] [H], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SAS L'annexe et ses associés de leurs plus amples demandes, fins et conclusions,

- condamné Monsieur [Y] [VF] aux entiers dépens et ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Monsieur [Y] [VF] a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la partie adverse de ses plus amples demandes.

Dans ses dernières conclusions, l'appelant demande à la cour, au visa des articles L.235-1 et suivants, et L227-1 du code de commerce, de l'article 1241 du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- annuler l'assemblée générale du 15 juillet 2019,

le réintégrer dans ses droits d'associé de la SAS L'annexe,

- dire et juger que la SAS L'annexe et ses associés requis ont commis de multiples fautes à son égard, lesquelles lui ont créé un préjudice,

- condamner la SAS L'annexe in solidum avec Madame [V], Monsieur [G], et les époux [H] à lui verser :

une somme de 40.000 euros toutes causes de préjudices confondues;

une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir tout d'abord que, si un co-gérant peut être révoqué pour 'justes motifs', il n'en existait pas à son encontre.

Il conteste les reproches qui lui sont faits par la partie adverse et affirme que tous ses associés étaient informés de son passé judiciaire, qu'ils en ont tiré prétexte pour l'évincer de la société afin de se partager à quatre la plus-value réalisée lors de la cession du fonds de commerce intervenue le 19 juin 2020.

Il a été exclu suite à des manoeuvres dolosives de Madame [V] qui a convaincu les trois autres associés du bien-fondé de ses griefs, au mépris de l'intérêt de la société.

Il était le seul à y investir son industrie dans le cadre d'un projet de résinsertion, et ce, alors qu'il n'était pas rémunéré à hauteur des prestations fournies (travaux d'aménagement des locaux, présence quotidienne dans l'établissement sur toute son amplitude horaire d'ouverture...).

Madame [V] a imposé la fermeture de l'établissement depuis le 9 juin malgré la saison touristique.

Elle l'a expulsé du local en lui confisquant clefs et effets personnels le 17 juin 2019.

Les griefs invoqués à son encontre sont basés sur des faits erronés, de sorte que la décision d'exclusion ne repose sur aucun élément de preuve et constitue un abus de majorité manifeste.

En tout état de cause, un associé ne peut être exclu de sa qualité.

Il se retrouve désormais, après la tromperie de ses associés et la cabale dont il a été victime de leur part, sans activité professionnelle et engagé à l'égard de la banque qui a financé l'achat du local commercial par la société Le comptoir café dont il est associé à parts égales avec Madame [V], de sorte que ses préjudices sont à la fois économiques et moraux.

Dans leurs dernières conclusions, les intimés demandent à la cour, au visa des articles L225-251, L227-5, L227-8, L227-16 du code de commerce, des articles 1902 et 1904 du code civil, de :

- confirmer le jugement déféré,

- débouter Monsieur [Y] [VF] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- le condamner à payer à chacun des intimés une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Ils soutiennent que la demande en annulation de l'assemblée générale extraordinaire de la société du 15 juillet 2019 ne peut qu'être rejetée puisqu'aucun abus de majorité n'est démontré, et qu'il a été procédé à la révocation et l'exclusion de Monsieur [VF] pour de justes motifs : la dissimulation de son passé judiciaire et l'établissement d'une fausse attestation de non-condamnation, mais également une gestion déplorable de l'établissement, gestion qui lui avait été confiée par le pacte d'associés, et des comportements qui ont terni l'image et la réputation de l'établissement.

Monsieur [VF] a été révoqué de ses fonctions de dircteur général et exclu de sa qualité d'associé conformément aux statuts de la société.

Enfin, aucune faute de nature à justifier une quelconque indemnisation n'est démontrée de la part des intimés et les préjudices dont il allègue sont mensongers.

Bien au contraire, en abusant de la confiance des autres associés et par ses agissements, Monsieur [VF] leur a causé un préjudice moral justement retenu et indemnisé par les premiers juges.

Enfin, c'est également à juste titre que Monsieur [VF] a été condamné à rembourser à Madame [V] la somme de 3.000 euros qu'elle lui avait prêtée pour lui permettre d'effectuer son apport en numéraires dans la société, comme elle en justifie.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

L'article 954 du code de procédure civile dispose en ses alinéas 3, 4 et 5 que :

« la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance ».

Or en l'espèce, si Monsieur [VF] demande à la Cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et donc notamment en ce qu'il l'a condamné à rembourser à Madame [M] [V] la somme de 3.000 euros, outre intérêts au taux légal, il ne développe dans ses écritures aucun moyen de contestation de cette dette.

La Cour n'est donc pas régulièrement saisie de cette demande.

Sur le fond :

s'agissant des demandes de l'appelant en annulation et indemnisation

Monsieur [VF] conteste tout d'abord l'existence de "justes motifs" tels qu'invoqués par l'assemblée générale extraordinaire le 15 juillet 2019 pour décider de sa révocation comme directeur général et de son exclusion comme associé.

* Les statuts de la SAS L'annexe produits en pièce 1 par les intimés et dont Monsieur [VF] ne conteste pas être signataire, stipulent en leur article 15 que "l'exclusion d'un associé peut être prononcée dans les cas suivants :

- défaut d'affectio societatis,

- mésentente durable entre associés,

- désaccord persistant sur la gestion, les objectifs et la stratégie de la société,

- manquements d'un associé à ses obligations,

- dissolution, redressement ou liquidation judiciaires,

- changement de contrôle au sens de l'article L233-3 du code de commerce,

- exercice d'une activité concurrente à celle de la société, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une société filiale ou apparentée,

- violation d'une disposition statutaire,

- opposition continue aux décisions proposées par le Président pendant deux exercices consécutifs,

- condamnation pénale prononcée à l'encontre d'une associé personne physique ou morale (ou à l'encontre de l'un de ses dirigeants),

- plus généralement, la condamnation judiciaire prononcée à l'encontre d'un associé personne physique ou d'un dirigeant de l'associé personne morale, susceptible de mettre en cause l'image ou la réputation de la société".

Le pacte d'actionnaires ajoute à cet égard en son article 7, 3°), que "les soussignés s'obligent, préalablement à toute décision de révocation d'un actionnaire, à informer celui-ci de la mesure envisagée à son encontre et à négocier avec lui de bonne foi sur les moyens à mettre en oeuvre en vue du règlement amiable de leur différend" (pièce 1 de l'appelant).

Il n'est pas contesté à cet égard qu'une première assemblée a, le 17 juin 2019, précédé l'assemblée délibérative du 15 juillet 2019 à cet effet, comme il ressort du procès-verbal établi (pièce 2bis de l'appelant).

Le jugement déféré retient qu'il est justifié de ce qu'existait entre Monsieur [VF] et les autres associés "un climat de dissension et de forte mésentente rendant impossible la poursuite normale de la société" caractérisant la disparition de l'affectio societatis, et ajoute que "de plus, il existait bien une condamnation pénale prononcée à l'encontre de Monsieur [VF]".

Toutefois, il ressort du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 15 juillet 2019 que la révocation de Monsieur [VF] est expressément motivée sur les seuls motifs suivants (pièce 4 page 5 de l'appelant) :

"manquement à ses obligations d'associé dirigeant dans le cadre des dispositions relatives aux conditions d'exercice professionnel du point 2 de l'article 7 du pacte d'actionnaires de ladite société,

manquement à ses obligations d'associé dans le cadre de l'article 15 des statuts de la SAS L'annexe,

mésentente durable entre lui et tous les autres associés,

désaccord persistant sur la gestion, les objectifs et la stratégie de la société,

violation de législation française qui porte préjudice à notre SAS, la met en péril et aurait pu engager les responsabilités personnelles des autres associés,

dol entrainant l'erreur excusable des autres associés sur la qualité substantielle de Monsieur [VF]".

S'agissant de la mésentente et du désaccord cités, les deux seules pièces produites aux débats à cet égard ne permettent pas de retenir qu'ils étaient «durables» pour la première et "persistant" pour le second.

En effet, selon l'attestation d'un client habituel du commerce, notaire de profession, l'appelant lui aurait confié fin juin (2019) que, si L'annexe restait fermée, c'était en raison de "désaccords avec ses associés sur la manière de gérer l'entreprise" (pièce 31).

De même, dans un message écrit à la présidente le 19 juin 2019, et parlant de ses associés, Monsieur [VF] envisageait de leur "rendre (leur) investissement", préférant qu'ils restent dans la SAS compte tenu de leurs investissements, et indiquait savoir qu'ils n'avaient plus confiance en lui (constat d'huissier en pièce 8).

Pour autant, cette situation, constatée à la fin du mois de juin 2019, donne immédiatement suite aux assemblées générales extraordinaires des 17 juin et 15 juillet 2019.

La disparition de l'affectio societatis entre Monsieur [VF] d'une part, et les autres associés d'autre part, n'est pas invoquée comme motif d'exclusion, et, en tout état de cause, rien ne démontre que les désaccords existants entre associés auraient empêché toute décision collective et paralysé le fonctionnement de la société.

S'agissant de la "violation de la législation française", aucun détail ne permet de connaitre quels sont les faits précisément visés et il n'est fait état dans le procès-verbal du 15 juillet 2019 d'aucune condamnation pénale ni judiciaire qui pourrait justifier la décision d'exclusion au regard des critères définis par les statuts.

De même, le "dol" sur "la qualité substantielle" de Monsieur [VF] ne pouvait régulièrement fonder la décision d'exclusion pour n'être pas prévu aux statuts, ladite qualité n'étant d'ailleurs pas même précisée.

En qualité d'associé dirigeant, le "point 2 de l'article 7 du pacte d'actionnaires" de la société L'annexe faisait obligation à Monsieur [VF] de "gérer les employés de la SAS, tenir les fonctions de serveur dans sa globalité, sa présence étant requise sur toutes les heures d'ouverture de l'établissement", ce qui impliquait "donc d'aider Madame [M] [V] dans la tenue de la gestion des stocks et de solutionner les éventuelles erreurs de causse quotidiennement".

L'article 15 des statuts comporte seulement les stipulations relatives aux motifs pouvant fonder une décision d'exclusion d'un associé et aux modalités de rachat en suite des parts sociales de celui-ci, mais n'impose aucune obligation spéciale aux associés -sinon de ne pas se trouver dans un cas où l'associé pourrait être exclu.

Le procès-verbal de l'assemblée du 15 juillet 2019 fait état d'un certain nombre de manquements commis par Monsieur [VF] à ses obligations d'associé : défaillance dans sa responsabilité concernant la bonne tenue de l'établissement, défaillance quant au management de ses subordonnés, manquement à ses obligations d'associé dans ses fonctions de serveur à temps complet et de management, défaut d'encaissements, problème de caisses, incohérence entre les stocks vendus et les stocks consommés, non maitrise d'activités illicites au sein de l'établissement.

De nombreuses pièces produites aux débats par les parties établissement effectivement les manquements de Monsieur [VF] à ses obligations d'associé telles que définies au pacte d'actionnaires.

Madame [O] [C], chef de cuisine, atteste de ce qu'il "adopt(ait) des horaires fantaisistes, (était) en terrasse avec ses amis à consommer de l'alcool et fumer" (pièce 4 des intimés).

Madame [U] [I] déclare qu'à l'occasion de rendez-vous professionnels au sein de l'établissement, elle a constaté "le manque d'implication, voire l'absence de Monsieur [VF] [F] à son poste", et qu'il "n'exerçait pas non plus sa fonction de serveur, se limitant à faire du relationnel avec les clients" (pièce 15 suivante).

Monsieur [T] [Z], client du commerce, explique qu'il a dû attendre plus de trois quarts d'heure que Monsieur [VF] quitte les amis avec lesquels il buvait un verre pour venir prendre sa commande (pièce 16 suivante).

Monsieur [X] [A], client habituel, relate que Monsieur [VF] s'asseyait volontiers à la table de ses clients non accompagnés pour engager avec eux une conversation, "se contentant souvent de manager les deux serveurs et de leur adresser des remarques en cours de service en fonction de leurs agissements respectifs" pièce 31 des intimés).

Madame [J] [W], si elle en impute la responsabilité à la cuisinière, décrit une cuisine dans un état "déplorable, avec de la nourriture mal con(s)ervé(e) ou périmé(e), un plan de travail sale, des plaques de cuissons pas entretenu(es)" (pièce12 de l'appelant).

Madame [P] [D], disant être "l'ex petite-amie" de Monsieur [VF], atteste de ce que des clients se plaignaient "que c'était beaucoup trop long" et raconte que Monsieur [VF] avait laissé seul dans l'établissement un candidat au poste de cuisinier venu faire un essai, lequel avait fait un malaise et avait été retrouvé au sol par la présidente et deux autres associés de la société L'annexe (pièce 13 suivante). Cet incident est d'ailleurs confirmé par l'intéressé lui-même et par Monsieur [VF] qui le situe dans la période précédant son exclusion (pièces 15 et 18-3-6).

Monsieur [K] [N] déclare pour sa part que "Monsieur [VF] exploitait assez bien son établissement où il faisait en sorte de gérer les différentes disputes et bagarres des jeunes qui étaient fortement alcoolisés" (pièce 14)

De ces éléments, il ressort ainsi que Monsieur [VF] était défaillant dans la gestion des employés de la société comme dans l'exercice de ses fonctions de serveur, le service étant long et la cuisine sale -sans qu'il justifie de mises en garde adressées aux personnels concernés, une consommation excessive d'alcool par les clients y étant manifestement tolérée, et lui-même s'occupant bien davantage à discuter et consommer qu'à servir les clients, voire s'absentant.

Dès lors, les conditions statutaires étaient remplies pour qu'il soit procédé au vote de la résolution excluant Monsieur [VF] comme associé, vote dont la régularité en elle-même n'est nullement contestée.

* Les statuts de la SAS L'annexe stipulent encore en leur article 19 que "les fonctions de directeur général prennent fin soit par le décès, la démission, la révocation, l'expiration de son mandat, soit par l'ouverture à l'encontre de celui-ci d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires". Ils précisent, s'agissant de la révocation, que "le directeur général peut être révoqué à tout moment, sans qu'il soit besoin d'un juste motif, par décision de la collectivité des associés sur proposition du président, prise à la majorité. Cette révocation n'ouvre droit à aucune indemnisation. En outre le directeur général est révoqué de plein droit, sans indemnisation, dans les cas suivants : - interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise ou personne morale, incapacité ou faillite personnelle du directeur général personne physique, - mise en redressement ou liquidation judiciaire, interdiction de gestion ou dissolution du directeur général personne morale, - exclusion du directeur général associé".

C'est ainsi à très juste titre et par des motifs pertinents que la Cour fait siens, que les premiers juges ont considéré que les statuts permettant expressément une révocation "ad nutum", il n'était pas nécessaire de justifier d'un quelconque motif pour procéder au vote de la résolution prononçant la révocation de Monsieur [VF] de ses fonctions de directeur général, quand bien même l'assemblée générale le 15 juillet 2019 en relevait surabondamment.

Monsieur [VF] excipe ensuite d'un abus de majorité qui justifierait l'annulation de l'assemblée tenue et donc des résolutions adoptées.

La résolution d'une assemblée d'actionnaires prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité constitue un abus de majorité et engage la responsabilité de ses auteurs. (Com 30 novembre 2004 n°01-16.581).

Il appartient à Monsieur [VF] de démontrer l'existence de l'abus de majorité qu'il allègue.

Or il n'expose pas même en quoi sa révocation et son exclusion auraient été préjudiciables à la SAS L'annexe, étant observé qu'il n'était pas le titulaire de la licence d'exploitation du débit de boissons, qu'il n'était pas le seul serveur de l'établissement -fonctions dans lesquelles sa carence a d'ailleurs été retenue, que tous les travaux précédant l'ouverture auxquels il justifie, par de multiples attestations, avoir participé, étaient manifestement terminés, et que les quatre autres associés étaient actifs dans les fonctions qui leur avaient été respectivement attribuées -ce qui n'est pas contesté.

Et, s’il soutient que, après son départ, les autres associés se sont partagés de façon logiquement plus avantageuse le fruit de la cession du fonds de commerce, il ne démontre pas que cette opération était organisée dès le 15 juillet 2019 et les décisions d'exclusion et révocation ainsi prises à dessein.

Dès lors, les décisions de révocation des fonctions de directeur général et d'exclusion comme associé ayant été prises pour de justes motifs pour l'exclusion, et en tout état de cause conformément aux statuts, et aucun abus de majorité n'étant démontré, c'est à bon droit que la demande en annulation de l'assemblée générale du 15 juillet 2019 formée par Monsieur [VF] a été rejetée et le jugement doit être confirmé à cet égard.

Monsieur [VF] soutient par ailleurs que les associés et la société ont commis de multiples fautes à son égard et lui doivent donc réparation des préjudices qui en sont résulté.

Etant retenu que les décisions de révocation et d'exclusion étaient conformes aux statuts et non constitutives d'un abus de droit, aucune faute n'est démontrée de la part de la SAS L'annexe et des associés intimés à l'égard de Monsieur [VF], et le débouté prononcé de ce chef en première instance doit encore être confirmé.

sur la demande en indemnisation des associés intimés

L'appelant conteste avoir eu une attitude fautive telle que reconnue par les premiers juges pour fonder sa condamnation à indemnisation du préjudice moral en ayant découlé pour les associés.

Il affirme notamment que ceux-ci étaient parfaitement informés de son passé judiciaire mais n'en faisaient pas cas jusqu'à ce qu'ils aient utilité à l'invoquer comme prétexte.

Pourtant, aucune des pièces qu'il communique aux débats et notamment des attestations, ne permet de définir la date à laquelle les autres associés ont véritablement eu connaissance des antécédents judiciaires de Monsieur [VF].

C'est vainement que celui-ci affirme qu'ils étaient au courant de son "passé pénal" dès la création de la société, alors même que les faits le démentent :

- les autres associés avaient accepté qu'il soit le titulaire officiel de la licence d'exploitation de débit de boissons -ce qui devait les contraindre ensuite à revoir l'organisation interne du fait de l'incapacité dénoncée par le juge délégué à la surveillance du registre du commerce des sociétés, et à retarder l'ouverture de l'établissement,

- alors même que les statuts prévoient la possible exclusion d'un associé au seul motif de l'existence d'une condamnation pénale, son exclusion n'est votée en assemblée générale qu'au visa d'autres motifs.

Il ne conteste pas être le signataire de l'attestation de non-condamnation rédigée le 16 novembre 2018.

Et la cour observe que, entendu par les services de police d'Aubenas le 12 octobre 2020 à propos de la fourniture d'indication fausse ou incomplète en vue d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés, Monsieur [VF] déclare encore être "inconnu des services de police, de gendarmerie ou de la justice", ce qui, inévitablement, accrédite le manque de sincérité et la dissimulation dénoncés et qui sont constitutifs d'une faute (sa pièce 18-3-6).

Dès lors, dès les premières semaines de vie de la société, le pacte d'associé reposait sur une tromperie de Monsieur [VF] à l'égard de Madame [M] [V] née [L], Monsieur [B] [G], Monsieur [E] [H], Madame [U] [H] née [R], quant à ses antécédents pénaux, lesquels ne pouvaient être indifférents au bon fonctionnement de la société tenant non seulement l'incapacité qui en résultait, mais encore la réputation et l'image que cela pouvait générer. Ils acceptaient donc de s'engager dans la société, d'y investir des fonds et d'y consacrer du temps, en méconnaissance de cet élément déterminant.

Bien plus, ils acceptaient sur la base de cette tromperie, de devenir ses associés et donc d'être officiellement assimilés et reliés à lui au regard des tiers et des autorités.

Le préjudice moral invoqué par lesdits associés est ainsi avéré comme résultant des tracas, démarches supplémentaires et complications occasionnées par cette tromperie, et il a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 500 euros pour chacun.

Sur les frais de l'instance :

L'appelant, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer aux cinq intimés une somme équitablement arbitrée à 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées ;

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [Y] [VF] de toutes ses demandes.