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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 14 juin 2023, n° 21/16022

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit Lyonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Conseillers :

M. Braud, Mme Sappey-Guesdon

Avocats :

Me Tardieu-Confavreux, Me Lagrange

T. com. Bobigny, du 27 avr. 2021, n° 202…

27 avril 2021

La société TRANSACTIF a pour activité les transports routiers de marchandises ou la location de véhicules industriels et de transports de plus de 3T5.

Madame [F] [J] [E] [P] (ci-après Madame [E]) est co-gérante de cette société. Monsieur [O] [N] [V] [W] était également gérant jusqu'en octobre 2019.

La société TRANSACTIF dispose d'un compte courant ouvert dans les livres de la BANQUE LCL, AGENCE [Localité 7] (ci-après la BANQUE LCL) numéro 3002 01139 0000073885J 19.

Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL TRANSACTIF et la SCP [Z] prise en la personne de Me [Z] a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARLU [I] prise en la personne de Me [I] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2019, Me [Z] a informé la BANQUE LCL du prononcé du jugement de redressement judiciaire. Le jugement d'ouverture de la procédure collective a été publié au BODACC le 24 mai 2019.

Un litige est né du fait du débit sur le compte de la société TRANSACTIF de différentes sommes après le 15 mai 2019, date d'ouverture de la procédure collective.

Le 17 janvier 2020, la SCP [R] [Z], la SELARL [I] et la société TRANSACTIF ont assigné la BANQUE LCL devant le Tribunal de commerce de Bobigny. La BANQUE LCL a assigné en intervention forcée le 12 février 2020 devant le Tribunal de commerce de Bobigny Monsieur [O] [N] [V] [W] et Madame [F] [J] [E] [P], ex-gérants de la SARL TRANSACTIF.

Par jugement en date du 27 avril 2021, le Tribunal de commerce de Bobigny a :

- Reçu la SCP [R] [Z], la SELARL [I] M.J., la SARL TRANSACTIF en l'ensemble de leurs demandes les dit partiellement fondées, y fait partiellement droit,

- Condamné la BANQUE LCL à payer à la SCP [R] [Z] la somme de 76.144,06 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2019, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement, majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice sera devenue exécutoire,

- Ordonné à la BANQUE LCL à verser à la SCP [Z] sur le compte ouvert à la Caisse de Dépôts et Consignations les fonds portés au crédit du compte bancaire de la SARL TRANSACTIF, entre le 27 juin et le 20 août 2020, et ce sous astreinte de 500 euros par créance et par jour de retard, et passé un délai de 7 jours après l'infraction à compter de la signification de la décision à intervenir,

- Ordonné à la BANQUE LCL à verser à la SCP [Z] sur le compte ouvert à la Caisse de Dépôts et Consignations les fonds portés au crédit du compte bancaire de la SARL TRANSACTIF pour la période postérieure au Plan de redressement arrêté le 20 août 2020, et ce sous astreinte de 500 euros par créance et par jour de retard, et passé un délai de 7 jours après l'infraction à compter de la signification de la décision à intervenir,

- Débouté la BANQUE LCL de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [O] [N] [V] [W] et de Mme [F] [E] [P] ;

- Condamné la BANQUE LCL à payer à la SCP [R] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la BANQUE LCL aux entiers dépens,

- Liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 180,14 euros TTC (dont 30,02 euros de TVA).

***

Par déclaration en date du 30 août 2021, la BANQUE LCL a interjeté appel du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de Mme [F] [J] [E] [P] à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle dans le cadre de l'instance principale, à savoir des demandes formées contre la société TRANSACTIF et la SCP [R] [Z] et la SCP [I] à payer la somme de 76.144,06 €.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 février 2022, la BANQUE LCL fait valoir :

Que l'article L. 622-7 du Code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte interdiction de payer toute créance née antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture,

Que l'article L. 654-8 du Code de commerce dispose qu'est passible de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30.000 euros le fait notamment pour une personne d'effectuer un paiement en violation des modalités de règlement du passif prévues au plan de redressement,

Que la règle est imparfaite car si ces interdictions s'adressent au dirigeant, les banques sont tenues de rembourser à la procédure collective les paiements opérés par le dirigeant ou ex-dirigeant après le jugement d'ouverture et ce, malgré son ignorante de la procédure collective et sa bonne foi, amenant ainsi à une sanction sans faute,

Qu'il est avéré qu'entre le 15 mai 2019 et le 24 mai 2019, le compte de la société TRANSACTIF a été débité de plus de 90.000 € sur ordre de Madame [E] [P] seule,

Que Mme [E] [P], en qualité de gérante, ne pouvait ignorer le prononcé du jugement d'ouverture, qu'elle s'est gardée d'informer la BANQUE LCL du prononcé d'un jugement d'ouverture du redressement judiciaire et qu'elle a utilisé les moyens de paiement de la société pour mouvementer le compte LCL,

Que la faute de Mme [E] [P] est à l'origine de l'action de la société TRANSACTIF et de ses mandataires et de la condamnation de la BANQUE LCL,

Sur la connaissance par la gérante de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire :

Que si Mme [E] [P] invoque qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait eu connaissance de l'ouverture de la procédure collective, il est improbable qu'elle l'est ignorée et que si tel avait été le cas, cela constituerait une faute de sa part,

Que le fonctionnement des comptes les 15, 16 et 17 mai témoigne de ce que l'intimé connaissait le jugement d'ouverture compte tenu de l'inflation des opérations au débit, 65 virements soit 3 à 6 fois plus que d'habitude.

Sur les ordres de paiement postérieurs et imputables à Mme [E] [P] :

Que concernant les chèques émis pour un montant total de 5.767,59 €, la copie de ces chèques démontre qu'ils ont tous été créé le jour du jugement d'ouverture, ce qui montre leur caractère irrégulier,

Que concernant les paiements par prélèvement pour un montant de 3.429,28 €, le mécanisme des opérations en cours ne s'applique qu'aux ordres irrévocables, que ne sont pas les prélèvements,

Que concernant les paiements par virements pour un total de 50.763,65 €, il ressort pour 20 d'entre eux que Mme [E] [P] a signé électroniquement les remises le 17 mai 2019 soit après le jugement d'ouverture et que pour les autres ordres, elle a procédé à l'aide d'un bordereau de virement rempli et adressé au conseiller le 17 mai 2019,

Que concernant les paiements et retraits par carte bancaire pour un montant de 2.208,55€, tous les paiements postérieurs doivent recevoir l'accord de l'administrateur, ce que Mme [E] [P] ne prétend pas avoir obtenu.

Sur l'absence de faute du LCL exclusive de la responsabilité de l'intimé :

Que d'abord la BANQUE LCL n'a été informée du jugement d'ouverture que le 24 mai 2019 et qu'il n'existe aucune preuve contraire, la BANQUE n'ayant aucun intérêt à ne pas bloquer les comptes et à s'exposer à des pertes conséquentes et il n'existe par ailleurs aucune preuve que l'information était accessible dès le 16 ou 17 mai 2019,

Qu'ensuite, la BANQUE LCL n'ayant été informée du jugement d'ouverture que le 24 mai 2019, elle ne pouvait auparavant avoir connaissance de la désignation de Me [Z] en qualité d'administrateur judiciaire de la société TRANSACTIF et que c'est de manière incohérente que le Tribunal a débouté la BANQUE de sa demande contre Mme [E] [P] du fait de l'absence de demande d'autorisation, celle-ci n'ayant aucune influence sur la violation par cette dernière de ses obligations légales.

Sur la demande subsidiaire de Mme [E] [P] :

La condamnation n'a pas vocation à être limitée dès lors que tous les virements ont été ordonnés postérieurement au jugement d'ouverture et que tous les paiements étaient irréguliers et interdits et demande à la cour de :

« - INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté le CREDIT LYONNAIS de ses demandes contre Madame [F] [J] [E] [P] ;

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER Madame [F] [J] [E] [P] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 62.148 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2019 ainsi que la somme de 1500 € payée par ladite banque à la société TRANSACTIF et ses mandataires.

- CONDAMNER Madame [F] [J] [E] [P] à payer au CREDIT LYONNAIS une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les dépens. »

Dans ses dernières conclusions en date du 5 décembre 2022, Mme [F] [J] [E] [P] fait valoir :

Sur l'absence de faute de Madame [E] [P] et la confirmation du jugement entrepris :

- Qu'il est difficilement crédible que le LCL n'aurait été avisé de l'ouverture de la procédure collective de la société TRANSACTIF par le courrier du 23 mai 2019 dans la mesure où les banques sont les principaux utilisateurs des systèmes d'alerte d'infogreffe permettant de prévenir le plus tôt possible les éventuels créanciers et que par ailleurs, il convient d'interroger infogreffe ou ordonner à l'appelante de produire un certificat d'infogreffe afin de savoir si un système d'alerte avait été mis en place,

- Que l'ouverture du redressement judiciaire de la société TRANSACTIF résulte d'une assignation du procureur de la République et que si la gérante s'est présentée en chambre du conseil, elle n'était pas certaine que le tribunal de commerce allait ouvrir une procédure de redressement judiciaire dès le 15 mai 2019,

- Qu'il ressort des relevés bancaires de la société TRANSACTIF qu'elle avait pour habitude de régler ses créanciers par virements via l'application internet et qu'une vingtaine ou trentaine de virements était habituel, et que par ailleurs, le fait que de nombreux virements aient été enregistrés au débit du compte dans les jours suivant l'ouverture de la procédure collective ne constitue pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de Mme [E] [P],

- Qu'il convient d'examiner les relevés du compte bancaire de la société TRANSACTIF sur la période qui reste en litige soit entre le 15 mai 2019 et le 23 mai 2019 dans la mesure où à cette date, la BANQUE LCL avait reçu une lettre recommandée avec accusé de réception :

Entre le 15 et le 23 mai 2019, 5 prélèvements ont été enregistrés sur le compte pour un montant de 3.200,28 €, lesquels avaient été autorisés depuis longtemps et n'ont pas été initiés par la gérante postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective,

Sur cette même période, le compte a enregistré des débits liés à des frais et commissions pour un montant de 90,59 € lesquels n'ont pas été initiés par la gérante mais par la banque elle-même,

- Que 47 paiements par virements ont été enregistrés au débit du compte après la date d'ouverture de la procédure collective pour un montant de 50.663,65 € mais que nombre de ces virements ont été sollicités via l'application le 10 mai 2019 soit avant l'ouverture de la procédure collective et que par ailleurs, la date où les virements ont été saisis correspond à la date de leur validation par la banque, mais encore que certains virements ont été réalisés afin de protéger l'activité de l'entreprise en redressement judiciaire et était destinés à protéger TRANSACTIF de toute rupture brutale de relation commerciale avec ses partenaires,

- Que s'agissant des chèques, ces derniers ont été mis en circulation avant le jugement d'ouverture et que cette émission ne suffit pas à caractériser une volonté délibérée de la gérante de tromper la BANQUE LCL et que pour les chèques datés du 17 mai 2019, ceux-ci sont des acomptes pour les salariés et que rien n'établit que la gérante de la société avait connaissance du jugement d'ouverture,

- Que s'agissant des dépenses par cartes pour un montant de 408,55 €, il s'agit de dépenses liées à la poursuite de l'activité dont les montants restent modestes et pour lesquelles, la BANQUE LCL ne démontre pas que Me [Z] aurait émis des réserves ou contestations,

- Que s'agissant des retraits d'espèces pour un montant total de 1.800 €, ils correspondent à des avances sur frais pour les chauffeurs des camions de transport de la société TRANSACTIF et il ne s'agit pas de paiements de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective pour lesquels la BANQUE LCL,

- Que l'article L. 622-7 du Code de commerce n'a pas vocation à jouer au profit du tiers qui a payé à tort et ne saurait lui permettre d'obtenir le remboursement des sommes versées sans avoir à démontrer une faute de la part de celui qui l'a conduit à payer et que dans le cas d'espèce, l'ensemble des opérations enregistrées étaient courantes permettant le maintien de l'activité.

Subsidiairement :

- Que dans le cas où la Cour suivrait la thèse selon laquelle la gérante aurait délibérément voulu vider le compte de l'entreprise, la garantie de la gérante serait limitée aux seuls frais de restaurants et virements postérieurs au jugement d'ouverture soit pour un montant maximum de 39.172,60 €,

- Que l'ensemble des autres opérations ont été initiées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ou légitimées par la poursuite de l'activité de la société et demande à la cour de :

« Recevoir Madame [F] [E] [P] en leurs conclusions,

Débouter purement et simplement le CREDIT LYONNAIS, LCL de son appel et de toutes ses demandes dirigées Madame [F] [E] [P]

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamner le CREDIT LYONNAIS, LCL à payer à Madame [F] [E] [P] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour suivait même pour partie l'argumentation de l'appelante,

Limiter la garantie et toute éventuelle condamnation à intervenir de Madame [F] [E] [P] vis-à-vis du LCL à la somme de 39.172,60 €,

Condamner le CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens. »

MOTIFS

Il résulte de l'article L622-7 du code de commerce que 'le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires' et ce sous peine de nullité de 'tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article'.

L'article L. 654-8 du code de commerce sanctionne pénalement les dirigeants des entreprises effectuant un paiement en violation de ces dispositions.

Mme [E] [P] était gérante de la s.a.r.l. de transport Transactif et il résulte du jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 15 mai 2019 qu'elle était comparante, ès qualités, à son audience du 7 mai 2019 à laquelle la société avait été citée par le ministère public aux fins de vérifier l'éventuel état de cessation des paiements à raison d'inscriptions issues de dettes fiscales et sociales.

Dès lors que cette décision indique qu'à l'audience du 7 mai 2019, elle a été mise en délibéré au 15 mai suivant, Mme [E] [P] ne peut utilement faire valoir qu'elle n'a pas été informée de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à cette date par la décision annoncée et dont il lui revenait de s'enquérir, étant ajouté que le redressement judiciaire prononcé est légalement exécutoire par provision.

Le jugement désigne la SCP [Z] en qualité d'administrateur avec mission 'd'assistance pour tous les actes de gestion ou certains d'entre eux'.

En conséquence, il revenait à Mme [E] [P] de s'abstenir de tout paiement pour le compte de la société Transactif dès cette date et la violation de l'interdiction des paiements telles que résultant de la disposition ci-dessus - dans les conditions légales qu'elle prévoit - revêt un caractère fautif, indépendamment de l'objet des paiements faits dès lors qu'il est constant qu'ils sont intervenus sans l'assistance de l'administrateur judiciaire.

La société Le Crédit Lyonnais, qui sollicite le paiement de certaines sommes portées au débit du compte de la société entre le 15 et le 24 mai 2019, n'est pas utilement contredite lorsqu'elle expose qu'elle a été informée du redressement judiciaire de la société Transactif par la réception d'un courrier de Maître [Z], ès qualités, daté du 23 mai 2019 et la publication du jugement intervenue le 24 mai 2019 dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, son information par le biais d'un service d'alerte sur les procédures collectives ne peut être présupposé et n'est pas objectivée.

La société Le Crédit Lyonnais a été condamnée en première instance au paiement des sommes réclamées par l'administrateur judiciaire, de sorte que c'est à juste titre qu'elle fait valoir que la faute de Mme [E] [P], ayant consisté à violer la règle de l'interdiction des paiements effectués par la banque pour le compte de la société dans l'ignorance de la procédure collective est à l'origine de son dommage constitué des causes de sa condamnation.

Il doit être précisé que la banque ne sollicite plus le paiement de dommages-intérêts correspondant aux frais et commissions débités indépendamment de l'action de Mme [E] [P].

Il résulte des pièces produites que trois prélèvements ont été imputés au débit du compte le 15 mai et un quatrième le 17 mai pour un total de 3 200,28 euros mais il n'est pas établi que c'était en exécution d'ordre de Mme [E] [P] postérieurs au prononcé du jugement de redressement judiciaire, de sorte que sa faute, consistant en la violation de l'interdiction des paiements, n'est pas établie, ce qui se distingue de l'obligation pour la banque de rembourser la procédure collective en vertu de la nullité prévue à l'article L622-7 du code de commerce , ces sommes ne devant donc pas compter au rang des dommages-intérêts prononcés.

Il ressort de la copie des formules des sept chèques signés par Mme [E] [P] et débités du compte qu'ils ont été établis les 15 et 17 mai 2019 et non antérieurement comme le prétend cette dernière de sorte que les dommages-intérêts qu'elle est condamnée à régler à la société Le Crédit Lyonnais doivent comprendre les sommes correspondantes de 5 767,59 euros.

S'agissant des 20 virements pour un total de 10 032 euros débités le 17 mai 2019, il résulte de la mention 'signature numérique [E] [P] [P] (..) date 17 mai 2019" figurant au bas du listing produit par Mme [E] [P] que c'est bien à cette date qu'ils ont été ordonnés, peut important que la date souhaitée de remise soit mentionnée comme étant le 10 mai précédent, de sorte qu'ils doivent être compris dans les dommages-intérêts.

Les ordres de virements pour des totaux de 18 015 euros, 10 794 euros et

10 491,07 euros sont tous postérieurs au jugement d'ouverture du redressement judiciaire et tel est également le cas des paiements postérieurs par carte bleue et retraits en espèce pour 2 208,55 euros.

Il résulte de la consultation des destinataires des virements et paiements que c'est à tort que la banque impute à Mme [E] [P] la volonté de détourner les sommes correspondantes dès lors qu'ils ont essentiellement pour objet le paiement de salaires, de fournisseurs de la société Transactif -et ce même pour les retraits en liquide puisqu'il résulte d'une attestation de l'expert comptable que 1 800 euros ont été affectés au paiement de carburant des véhicules.

Toutefois, si l'on peut induire des dits paiements que Mme [E] [P] était plutôt désireuse d'acquitter certaines dettes de l'entreprise aux fins de favoriser la poursuite de son activité, cette circonstance est indifférente à la solution du litige compte tenu des principes juridiques rappelés ci-dessus qui aurait dû conduire Mme [E] [P] à s'empêcher de procéder à tout paiement contraire à l'intérêt collectif des créanciers dont était juge l'administrateur judiciaire désigné.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu, statuant dans les limites de l'appel, de réformer le jugement entrepris, et de condamner Mme [E] [P] aux dépens ainsi qu'à payer à la société Le Crédit Lyonnais la somme de (3 429,98 + 50 763 + 2 208,55)= 56 401,53 euros de dommages-intérêts, l'équité commandant de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel entre la société Le Crédit Lyonnais et Mme [F] [E] [P] ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

DÉCLARE Mme [F] [E] [P] responsable d'un manquement à l'interdiction des paiements à la suite du redressement judiciaire de la société Transactif ;

CONDAMNE Mme [F] [E] [P] à payer à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 56 401,53 euros de dommages-intérêts et déboute cette dernière du surplus de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [F] [E] [P] aux entiers dépens.