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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 26 janvier 2021, n° 18/02885

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Process (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

M. Chiron, Mme Brieu

Avocats :

Me Hadet, Me Cambourg, Me Chomard

T. com. La Roche-sur-Yon, du 4 sept. 201…

4 septembre 2018

OBJET DU LITIGE

La société anonyme Ceprotek est la holding du groupe du même nom créé en 1984 par M. W H qui est spécialisé dans la commercialisation de moules et de pièces industrielles.

Cette holding détient la quasi totalité des parts de 3 sociétés filles :

- la société par actions simplifiée Cero, à l'origine du groupe, qui a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de moules pour l'industrie thermoplastique et composite ;

- la société par actions simplifiée Process constituée le 2 juillet 1990, et dont Mme Z R, fille de M. H, était présidente et directrice générale de 1990 à 1996, qui a pour activité la conception, la fabrication, et la commercialisation de pièces industrielles de haute technicité ;

- la société par actions simplifiée Aquafeat, qui a pour activité la commercialisation d'une solution de panneaux modulaires structurants pour principalement des piscines et récupérateurs d'eau de pluie.

Dans le cadre du départ en retraite de M. W H, une réorganisation de l'actionnariat de la société Ceprotek est intervenue, avec l'entrée au capital de la société à responsabilité limitée Holdred, dont les co gérants et seuls associés étaient C H épouse U (fille de M. H) et X U, et de la société à responsabilité limitée Corlia Invest, ayant pour co gérants et seuls associés Z H épouse R (autre fille de M. H) et XX R. A la suite de cette réorganisation, l'actionnariat de la société Ceprotek s'établissait comme suit :

- 12,92 % du capital détenus par M. W H ;

- 12,91 % détenus par son épouse L G H ;

- 36,54 % détenus par la société Holdred,

- 36,54 % détenus par la société Corlia Invest.

Le conseil de surveillance était composé de M. et Mme H et d'une personne tierce, Mme D E N, le directoire comprenant 4 membres, à savoir le couple U et le couple R.

Consécutivement à cette réorganisation, l'assemblée générale ordinaire de la société par actions simplifiée Process du 11 octobre 2011 a désigné la société Ceprotek en qualité de président en remplacement de M. XX R ; parallèlement, celui ci a été désigné comme représentant permanent de la société Ceprotek au sein du conseil d'administration de la société Process.

La société Céprotek a également été en parallèle désignée en qualité de président des deux autres sociétés (Cero et Auqafeat), le représentant permanent désigné étant M. X U.

Des tensions sont apparues entre les actionnaires au début de l'année 2015. Une réunion est intervenue entre Marie Françoise Gerbert, W H, C U et Z R le 26 février 2015 ; Z et XX R ont fait part à l'issue de cette réunion de leur intention de céder leurs parts et quitter la société Process en calculant la quote part sur la base de l'estimation à cette date, rabaissée de 20 %, en se prévalant d'un désaccord stratégique sur l'objet de cette réunion (décision unilatérale de vente du groupe sous 2-3 ans).

Par ordonnance du 28 mai 2015, le président du tribunal de commerce de la Roche sur Yon, statuant à la demande des époux R, de la société Corlia Invest et de la société Process, a désigné Me Y K en qualité de mandataire ad'hoc pour une durée de deux mois afin, essentiellement, de prendre toute disposition nécessaire à la recherche et à la conclusion d'un accord amiable avec les acteurs concernés, de façon à mettre fin aux difficultés et assurer la pérennité de la société Process, et consécutivement, du groupe en son entier. Une nouvelle ordonnance du 19 juin 2015 a désigné Me Y K en qualité d'administrateur provisoire de la société Ceprotek, pour une durée de 3 mois, avec pour mission de gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus conformément aux statuts aux dispositions légales et règlementaires en vigueur, et plus généralement, de rechercher une solution à la crise sociale, dans le respect des intérêts sociaux de chaque personne morale.

Une assemblée générale s'est tenue le 25 juin 2015, au cours de laquelle les actionnaires ont mis fin au mandat de M. XX R en qualité de membre de directoire et de représentant permanent de la société Ceprotek au sein du conseil d'administration (et en qualité de président) de la société Process, ainsi qu'au mandat M. X U en qualité de représentant permanent de au sein du conseil d'administration (et en qualité de président) de la société Céro, pris acte de la démission de Mme C U en qualité de membre et président du directoire, et désigné Mme C U en qualité de membre du conseil de surveillance.

Par une décision du 25 juin 2015, M. W H en sa qualité de président du directoire s'est désigné comme représentant permanent de la société Ceprotek au sein du conseil d'administration de la société Process.

Dans un courriel du même jour, Me Manière a relevé que les décision de révocation des mandats de représentants permanents de Ceprotek de M. XX R et M. X U ne relevaient pas des pouvoirs de l'assemblée générale, mais du directoire, auquel il était provisoirement substitué et a en cette qualité maintenu les mandats de M. R (jusqu'au 20 juillet 2015), et M. V A décisions de l'assemblée générale ont néanmoins été publiées.

Le 17 septembre 2015, Me Manière a confié à la société Eight advisory la réalisation d'un audit (déposé le 6 novembre 2015).

La mission de l'administrateur provisoire a été renouvelée par deux ordonnances des 19 septembre et 19 décembre 2015 ; elle a pris fin le 19 janvier 2016.

Le conseil de surveillance de la société Ceprotek a lors d'une réunion du 18 janvier 2016 mis fin aux fonctions de M. R en qualité de représentant permanent de cette société au conseil d'administration de la société Process. M. et Mme R ont démissionné par courrier du 18 janvier 2016 de l'ensemble de leurs fonctions de direction.

Par acte d'huissier du 8 juillet 2016, la société Process a fait assigner M. R devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 1 751 768,49 euros, au titre de fautes de gestion commises dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant social ayant porté atteinte à l'intérêt social de la société, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement du 4 septembre 2018, le tribunal e commerce de La Roche sur Yon a :

Vu les articles L.227-7, L.227-8, L.225-251, L.242-6 et R.123-54, 2 du code de commerce,

Vu les articles 31 et suivants et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces fournies aux débats,

- dit et jugé que M. XX R n'a pas d'intérêt à défendre dans la présente instance.

- dit et jugé que l'action de la société Process est irrecevable.

- condamné la société Process à payer à M. XX R la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

- condamné la société Process à payer à M. XX R la somme de 10.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- et l'a condamnée aux entiers frais et dépens de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €.

Selon une déclaration du 19 septembre 2018, la S. A.S Process a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions expressément rappelées.

La SAS Process formule dans ses conclusions du 28 juillet 2020 les prétentions suivantes :

Vu les articles L.227-7, L.227-8, L.225-251, L.242-6 et R.123-54, 2 du code de commerce,

Vu les anciens articles 1134, 1137, 1149 et 1832 du code civil,

Vu les présentes conclusions et les pièces produites à l'appui,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de La Roche sur Yon en date du 4 septembre 2018 dans toutes ses dispositions y compris les condamnations de la société Process au paiement de dommages et intérêts de 5.000 euros et d'un article 700 du code de Procédure Civile de 10.000 euros ;

Ce faisant,

- dire et juger que M. R a intérêt à défendre dans le cadre de l'action ut universi diligentée par la société Process ;

Et en conséquence :

- dire et juger l'action ut universi engagée à l'encontre de M. R parfaitement recevable ;

Sur le fond du litige,

- dire et juger la société Process recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

- dire et juger que M. R a violé les dispositions légales applicables,

- dire et juger que M. R a violé les dispositions statutaires de la société Process,

- dire et juger que M. R a commis des fautes de gestions à l'égard de la société Process,

Et en conséquence :

- dire et juger que M. R est civilement responsable dans le cadre de la présente action au regard des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant social,

- condamner M. R à payer à la société Process les sommes suivantes :

' 367.383,33 euros au titre du préjudice issu de la violation des dispositions légales

' 530.000 euros au titre du préjudice issu de la violation des dispositions statutaires

' 866.018,07 euros au titre du préjudice issu des fautes de gestion de M. R soit condamner M. R à payer à la société Process la somme de 1.763.401,40 €, outre les intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance de la présente procédure, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de la demande au titre de l'article 1154 du code civil,

Et en conséquence,

- débouter M. R de son appel incident,

Et en tout état de cause,

- condamner M. R à payer à la société Process la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. R aux entiers dépens,

M. XX R formule quant à lui les demandes suivantes dans ses conclusions du 2 octobre 2020 :

Vu les articles 31, 32 et 32-1 du code de procédure civile,

Vu les articles L 225-251, L 227-7, L 227-8, L 242-6 et L 244-1 du code de commerce,

In limine litis, et à titre principal :

- dire et juger que M. R n'a pas d'intérêt à défendre dans la présente instance,

En conséquence,

- confirmer partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la société Process à l'encontre de M. XX R,

- débouter la société Process de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que M. XX R n'a pas contrevenu aux dispositions légales,

- dire et juger que M. XX R n'a pas violé les statuts de la société Process,

- dire et juger que M. XX R n'a commis aucune faute de gestion,

- dire et juger que la société Process n'a subi aucun préjudice causé par la gestion de M. XX R,

En conséquence,

- débouter la société Process de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause :

- dire et juger que la société Process a commis un abus du droit d'agir en justice,

En conséquence,

- confirmer partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il retenu l'existence d'un abus du droit d'agir commis par la société Process à l'encontre de M. XX R ;

- infirmer partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Process à verser, à titre de dommages et intérêts, une somme de 5 000 € seulement ;

- condamner la société Process à payer à M. XX R la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'honneur et de son préjudice moral ;

- condamner la société Process à payer à M. XX R la somme de 40 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Process aux entiers dépens.

Il est expressément fait référence en application de l'article 455 du code de procédure civile aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article L.227-8 du code de commerce, les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

L'article L.225-251 du même code prévoit que les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Sur la recevabilité de l'action de la société Process

L'article L.227-5 du code de commerce dispose que les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société par actions simplifiée est dirigée.

Selon l'article L.227-6 du même code, la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

L'article R.123-54 du code de commerce impose aux sociétés de déclarer au registre du commerce et des sociétés lorsque la désignation d'un représentant permanent est prévue par un texte, les renseignements le concernant (nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, domicile personnel et nationalité), comme les gérants, présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du directoire ou, le cas échéant, directeur général unique, associés et tiers ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la société avec l'indication, pour chacun d'eux lorsqu'il s'agit d'une société commerciale, qu'ils engagent seuls ou conjointement la société vis-à- vis des tiers.

Enfin, l'article L.227-7 de ce code énonce que lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.

L'appelante fait valoir que la qualité de dirigeant au regard des articles L.225-251 et L.227-8 précités est établie dès lors qu'elle doit s'apprécier au regard des statuts de la société Process, qui prévoient la désignation d'un représentant permanent, et des pouvoirs effectivement exercés par M. S de direction, de gestion et de représentation de la société à l'égard des associés comme des tiers.

M. R conclut au contraire à la confirmation de la décision dès lors qu'il n'a opéré en sa qualité de représentant permanent que dans le cadre d'une délégation de pouvoir et non d'une substitution légale à ses dirigeants.

La cour relève que le texte de l'article L.227-8 du code de commerce ne limite pas l'application de la responsabilité des administrateurs et directeurs généraux prévue à l'article L.225-251 du code de commerce au seul président de la société par actions simplifiée, mais inclut également les 'dirigeants', notion qui ne fait l'objet d'aucune définition pour ce texte. Les dispositions de l'article L.225-20 du code de commerce qui prévoient que le représentant permanent est soumis aux mêmes conditions et obligations et qui encourt les mêmes responsabilités civile et pénale que s'il était administrateur en son nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'il représente, ne peuvent être invoquées à ce titre dès lors qu'elles sont applicables aux seules sociétés anonymes.

Toutefois, l'appelante rappelle à bon droit que les statuts de la société, qui en vertu de l'article L.227-5 du code de commerce fixent les conditions dans lesquelles la société par actions simplifiée est dirigée, prévoient à l'article 3.0.1. 4° la désignation obligatoire d'un représentant permanent de la personne morale dirigeante.

S'il est exact, comme le relève l'appelante, que la publication au registre du commerce et des sociétés d'une telle désignation, est prévue par l'article R.123-54 du code de commerce, l'intimé est fondé à rappeler que le texte de l'article R.123-54, 3° a) du code de commerce ne s'applique qu'aux obligations déclaratives au registre du commerce et des sociétés.

Le fait que lesdits statuts prévoient, en leur article 3.0.3, 0° que les dirigeants de la personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'ils étaient président en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent, n'est pas, en l'absence de définition statutaire de ce terme de dirigeant de la personne morale administrateur, de nature à induire que ceux ci ne concernent que le président de la personne morale ainsi désignée et à exclure que ces dispositions visent le représentant permanent de la personne morale désignée comme président.

Au contraire, l'article 3.0.1 4° des statuts prévoit que les représentants permanents sont soumis aux mêmes conditions que les administrateurs personnes physiques, l'article 3.0.3, 2° précisant que les président représente la société, et assume la direction générale de la société. Le représentant permanent de la personne morale est ainsi, aux termes des statuts, effectivement investi de l'ensemble des pouvoirs de direction, de gestion et de représentation de la société à l'égard des associés comme des tiers (M. R ayant effectivement exercé lesdits pouvoirs et ayant toujours été considéré comme tel par les tiers). Il est ainsi tant le mandataire social de la personne morale personnellement impliquée dans l'exercice du mandat au sein de la société par actions simplifiée que le représentant délégué par la personne morale.

Au regard de ces dispositions statutaires et de l'article L.227-6 du code de commerce, M. XX S, en sa qualité de représentant permanent de la société Ceprotek, présente la qualité de dirigeant de la société par actions simplifiée Process (qualité qui n'est pas limitée, contrairement à ce qu'il soutient, aux seules hypothèses de l'article L.651-1 du code de commerce, au comité de surveillance statutaire, et à la procédure d'exclusion d'un associé); il encourt donc, aux termes de l'article L.227-8 du code de commerce, la responsabilité civile prévue à l'article L.225-251 du code du commerce.

Le jugement entrepris sera par voie de conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Process irrecevable et la cour statuant à nouveau déclare ladite action recevable.

Sur le bien fondé de l'action

Sur la violation des dispositions légales

Sur la comptabilisation des stocks

L'article L.242-6, 2° du code de commerce, applicable selon l'article L.244-1 du code de commerce au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées, énonce qu'est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait pour ces personnes de publier ou présenter aux actionnaires, même en l'absence de toute distribution de dividendes, des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine, à l'expiration de cette période, en vue de dissimuler la véritable situation de la société .

Ce délit est constitué dès lors que le dirigeant savait que l'apparence donnée aux comptes était contraire à la réalité et qu'il a participé à la délibération ayant décidé la présentation et la publication des comptes.

L'appelante fait valoir que M. XX R a manqué aux obligations de l'article L.242-6 du code de commerce par la publication ou la présentation aux actionnaires de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation de la société, au titre d'une comptabilisation malhonnête d'une valeur de stock ne répondant pas à la réalité, pour un préjudice de 132 282 euros correspondant à la sous valorisation effective du stock, et d'une comptabilisation d'un stock obsolète pour un préjudice de 163 457 euros ; M. R conteste toute faute puisque l'erreur imputable à l'expert comptable, a été corrigée à sa demande avant toute publication, de sorte que le délit n'est pas constitué.

Le rapport du cabinet Eight advisory tel que produit aux débats en pièce n°15 de l'appelante comporte certes en page n°21 la mention que les stocks de produits finis et semi finis (correspondant à des articles muti sites) auraient été omis lors de la clôture de 2014 et de la situation d'avril 2015 respectivement pour 194 k€ et 296 k€. La liasse fiscale produite en pièce n°42 et déposée au service des impôts des entreprises, comme le projet de comptes annuels du 24 mars 2015 comportent ainsi la mention de produits intermédiaires et finis pour 678 960 euros, soit une valorisation totale des stocks de 1 680 325 euros, alors que les éléments présentés au cabinet Eight advisory mentionnent un ajustement des stocks de 194 000 euros, soit un stock total de 1 874 325 euros (dont 872 960 euros de produits intermédiaires et finis), tandis que les comptes annuels rectifiés établis en novembre 2015, mentionnent 732 155 euros de produits intermédiaires et finis, soit un stock total de 1 733 520 euros.

Il résulte toutefois des documents produits par la société Process elle même que les échanges entre l'expert comptable et M. et Mme S à ce sujet sont intervenus préalablement à la validation des comptes annuels, notamment dans le cadre de l'audit HLP et à la demande des époux S le 25 novembre 2015, et que M. S a sollicité sur ce point l'avis de l'expert comptable dans le but de valoriser régulièrement les stocks. Le courriel des époux R du 26 novembre 2015 versé aux débats en pièce n°45, comme les attestations de Mme S et M. J produites en pièces 46 et 47 de l'intimé, établissent que la mauvaise valorisation initiale est liée à une augmentation significative des pièces livrables sur sites différents qui ne figuraient pas sur les états préparatoires. L'auditeur pour le compte de la société HLP audit a de plus relevé que la baisse des stocks de produits finis ou semi finis telle qu'elle apparaît dans le solde intermédiaire du 30 avril 2015, alors qu'elle n'était pas cohérente avec l'évolution de l'activité et la prise de nouveaux marchés, aurait dû donner lieu, pour l'expert comptable, à un échange dont il n'est pas justifié avant cette date.

Il n'est pas établi par l'appelante que lors de la présentation des comptes aux associés au conseil d'administration du 3 décembre 2015 (contenant la valorisation de 732 155 euros de produits intermédiaires, soit après retraitement de marge 811242 euros), soit insincère ou inexacte. Au contraire, la pièce n°50 de l'intimé fait apparaître que ce chiffre correspond à l'application de la même méthode de décote que celle habituellement pratiquée selon l'expert comptable.

L'appelante ne prouve pas, ainsi, que la comptabilisation au titre du choix d'une valorisation selon le prix de vente avec un abattement de 8 % (méthode comptable irrégulière), soit volontairement malhonnête et imputable au seul dirigeant, et qu'elle ait eu pour effet la présentation effective de comptes non fidèles ou insincères, alors que les rectifications sur les niveaux de stocks (selon une méthode employée depuis 1991 et validée en 2015 par l'expert comptable à plusieurs reprises malgré ses suggestions) sont intervenues avant validation des comptes. En outre, l'intimé est fondé à faire valoir que l'erreur consistant à ne pas mentionner dans l'annexe la méthode de valorisation retenue - déplorée dans le rapport du commissaire aux comptes - et à ne pas employer la méthode de valorisation imposée par l'article L.123-18 du code de commerce, ne constitue pas, faute de preuve de toute consigne contraire à l'expert comptable auteur de ces documents, une faute intentionnelle de M. S au regard de la rédaction des documents en cause par ce professionnel.

Aucune présentation volontairement infidèle des comptes définitifs à ce titre n'est donc établie au titre de cette sous valorisation initiale des stocks.

La société Process soutient à ce même titre que des stocks obsolètes ont été comptabilisés pour 163 457 euros, alors que ceux ci n'étaient selon le commissaire aux comptes, justifiés que pour 27 956 et 8 003 euros de produits finis mis au rebut, le surplus n'existant pas, ce qui permettait de masquer la dégradation des comptes de la société Process en 2015. Elle justifie à ce titre de ce que le commissaire aux comptes a émis une réserve à ce titre le 15 décembre 2015 en relevant une valorisation des stocks obsolètes pour 163 457 euros, alors que les éléments transmis par la société ne justifiant des stocks obsolètes que pour un montant de 27 956 euros ainsi que 8 003 euros de produits finis mis au rebut. M. S établit toutefois que l'évaluation à hauteur de 163 457 euros des stocks obsolètes comprenait, selon les éléments que l'expert comptable a communiqués, les marges exceptionnelles à venir 2015 (courriel du 27 novembre 2015 en pièce n°50), que lors du conseil d'administration du 14 décembre 2015, ayant pour ordre du jour la validation de ces comptes, la présentation a été faite aux administrateurs du caractère inapproprié de l'intitulé obsolète, et enfin, que ces questionnements ont été transmis le jour même au cabinet d'expertise comptable.

Il s'en évince qu'aucun comportement de présentation volontaire de comptes inexacts aux associés n'est caractérisé à l'encontre de M. XX S et ce sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'expert comptable a communiqué à M. H des comptes dont lui même ne disposait pas comme l'allègue l'intimé. Aucune responsabilité n'est donc encourue à ce titre par M. S en sa qualité de représentant permanent de la personne morale présidente de la SAS.

Sur la poursuite d'un intérêt personnel par M. R

L'article L.242-6, 2° du code de commerce, applicable selon l'article L.244-1 du code de commerce au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées, énonce qu'est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait pour ces personnes de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

- La conservation d'actifs sociaux

La société appelante reproche à M. R d'avoir conservé malgré cessation de ses fonctions et mise en demeure du 11 février 2016 un téléphone portable de marque « Apple » iPhone 6, une tablette de marque « Apple » iPad ainsi qu'une carte SIM « Bouygues Télécom » appartenant à la société et qu'il utilisait pour l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la société, constituant, quelle qu'en soit la valeur, un abus de biens sociaux, entraînant un préjudice de 411,31 euros correspondant à la valeur résiduelle de ces matériels au 31 décembre 2015.

L'appelante ne justifie toutefois à ce titre, alors que M. S conteste l'appropriation de ces objets, que d'une mise en demeure de les restituer visée en pièce 26 et d'un état des immobilisations qui ne mentionne, comme le relève M. S, qu'une tablette, d'une valeur d'achat de 670 euros évaluée à 411.31 euros, seul outil informatique mis à sa disposition à l'exclusion d'un iPhone 6, et seul objet au demeurant expressément valorisé dans la demande indemnitaire de la société Process. Or, aucun élément ne prouve que cet élément de l'actif était, à la date de cessation de ses fonctions, entre les mains de M. S, alors au contraire que l'intimé justifie (par attestation de Mme P du 20 juin 2016 en pièce n°31 de l'intimé) de ce qu'il s'est vu interdire l'accès aux locaux, ce qui l'a empêché de pré constituer une preuve de cette restitution. Enfin, aucun élément ne prouve l'appropriation de la ligne téléphonique qui était mise à sa disposition lors de déplacements, et pour laquelle, en tout état de cause, aucune indemnisation n'est sollicitée.

Cette faute n'est donc pas plus caractérisée.

- La décision de ne pas protéger les biens et salariés de la société

La société Process estime également que M. R est fautif au titre du défaut de mise en oeuvre d'un dispositif de protection incendie et de travaux de reprise de l'électricité, pour un préjudice de 51 561,42 euros (dont M. R conteste le caractère obligatoire et imputable à la société elle même, s'agissant selon lui d'obligations du bailleur).

L'appelante établit à ce titre et en premier lieu, qu'un devis n°2016/04/074 a été établi à la demande de M. I B le 13 avril 2016 pour des travaux de sécurité incendie dans l'extension de l'atelier presses, bureaux et mezzanines pour un montant de 29 927,52 euros. Ce devis n'établit toutefois pas que lesdites travaux étaient obligatoires pour assurer la conformité aux normes de l'établissement sur ce point. Il résulte toutefois des attestations de M. I B, responsable de production du 5 octobre 1999 au 13 mai 2016 produites en pièce n°51 et 89 de l'intimé, qu'il avait été décidé de réaliser ces travaux lors de l'été 2016 au cours de la période de fermeture de l'entreprise, afin de regrouper l'ensemble des interventions nécessaires et que dans cette attente, une surveillance humaine était en place compte tenu de l'occupation permanent des ateliers, avec, pendant la période de fermeture, des procédures de mise hors de toute énergie. Aucune utilisation des biens de la société contraire à ses intérêts n'est ainsi établie en l'absence de preuve du caractère obligatoire des travaux visés, alors même que la même attestation relève que les contrôles à la demande des assureurs n'ont donné lieu à aucune observation.

En tout état de cause, M. R expose à juste titre qu'en l'absence de stipulation expresse contraire dans le bail produit en pièce n°85

1: les travaux correspondant à une nécessité de mise aux normes de sécurité imposée par les textes en vigueur, qui doivent être regardés comme prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur

2: la SCI des Plantes. Or le devis vise, selon les attestations précitées de M. B, la réalisation d'une nouvelle installation avec des capteurs optiques et non ioniques, qui n'était obligatoire qu'à compter de 2017, soit des travaux de mise aux normes postérieurs, qui relèvent du bailleur.

La société Process prouve également en pièce 64 à 68 que les rapports de la société Socotec ont relevé des non conformités électriques et de quatre devis établis par la société Séjourné en pièces n°32 à 36 entre le 21 novembre 2013 et le 2 mars 2016, alors par ailleurs qu'il résulte expressément du bail produit en pièce n°85 que l'entretien des installations électriques est expressément mise à la charge du preneur dans le cadre du bail commercial. Il s'évince toutefois de l'attestation de M. I B, responsable de production du 5 octobre 1999 au 13 mai 2016, que ces installations réalisées par la société Séjourné, ont donné lieu à la suite des contrôles à une revue technique avec cette entreprise, conduisant la société Process, en fonction des informations techniques obtenues, à arbitrer les priorités, sans détermination par des considérations exclusivement économiques, avec en outre la réalisation de contrôles par thermographie infrarouge, donnant lieu, en cas de désordre, à une action corrective. En outre, cette attestation relève que les deux non conformités principales, concernant le dispositif différentiel résiduel d'un disjoncteur BT et le dispositif d'éclairage de la zone de stockage devaient donner lieu à des interventions au cours de l'été 2016. Enfin, il est établi par le même éléments que les locaux concernés sont peu fréquentés ou situés à l'extérieur des ateliers. Dès lors, il n'est pas démontré que M. S ait fait des biens de la société un usage contraire aux intérêts de celle ci en ne procédant pas immédiatement à la reprise de ces non conformités électriques.

Au surplus, concernant ces travaux, c'est à bon droit que M. S conteste l'existence d'un préjudice pour la société à hauteur de leur coût, dans la mesure où ces travaux, s'ils étaient nécessaires, auraient en tout état de cause dû être exposés par la société.

Cette faute ne sera donc pas retenue à la charge de M. S en sa qualité de représentant permanent de la société Ceptrotek, président de la société appelante.

- La prise en charge par la société de dépenses d'intérêts personnels des époux R

La société Process prétend enfin que le délit de l'article 242-6, 2° du code de commerce est constitué au titre de la prise en charge du coût de l'intervention du cabinet HLP Audit pour un préjudice de 17 982 euros (que M. R estime être dus s'agissant d'une intervention dans l'intérêt de Process et non celui des époux R) et d'une facture de la société Corlia de 178,80 euros (que M. R impute à une erreur du prestataire et reconnaît devoir).

La cour relève que contrairement aux affirmations de l'appelante selon laquelle le coût de l'intervention du cabinet HLP Audit dans le seul but de protéger les intérêts personnels des époux R a été pris en charge par ses soins, cette société est intervenue en qualité de conseil de la société Process, à qui la facture a été adressée, comme le relève le rapport de présentation de l'intervention produit en pièce n°114 de l'intimé. En outre, cette prise en charge n'était pas contraire aux préconisations de l'administrateur provisoire, dont le courrier du 12 octobre 2015 mentionne au contraire expressément que Process pourrait mandater tout expert qu'elle souhaitait afin d'assister l'auditeur Eight advisory et que le coût de cet expert supplémentaire serait assumé par Process. Les échanges de courriels postérieurs produits par l'appelante en pièces n°38 à 40 ne peuvent utilement être invoqués par elle dès lors qu'ils reposent sur l'affirmation inexacte au regard des pièces du dossier selon laquelle le cabinet HLP interviendrait à la demande des époux T

L'appelant échoue ainsi à prouver que le règlement de cette facture constitue un détournement des fonds sociaux.

Concernant la prise en charge par la société Process une facture de 178,80 euros afférente à la société Corlia, M. R soutient qu'il s'agit d'une erreur d'imputation du prestataire commun aux entreprises Corlia et Process, validée au demeurant par celle ci qui l'a réglée, les factures postérieures ayant été adressées à M. R, et conteste tout préjudice dès lors qu'il reconnaît devoir cette somme. Dès lors eu égard au montant de cette facture, et à l'absence de preuve de tout caractère volontaire de l'erreur de facturation, il n'est pas établi que M. S ait commis, de ce fait, une faute de nature à engager sa responsabilité de dirigeant.

Enfin, la société Process soutient que M. R a demandé au gestionnaire internet de modifier les mots de passe d'accès internet du nom de domaine de la société ainsi que de transférer le nom de domaine de la société sur un compte personnel lui appartenant, sans laisser dans les dossiers à la disposition de la direction de codes d'accès, s'appropriant ainsi, sans contrepartie un actif immobilisé de la société, ce qui a empêché toute réception de mails clients et fournisseurs et le règlement des fournisseurs et validations bancaires, et a occasionné un préjudice évalué à 1.510,80 euros, soit les frais pris en charge, pour l'intervention d'un prestataire informatique extérieur pour la récupération du nom de domaine.

Ces affirmations sont toutefois contraires en fait au courriel produit par l'appelante en pièce n°23, qui confirme au contraire les explications de M. S selon lequelles il a simplement, dans la perspective de son départ, demandé au prestataire de changer le nom du compte de « thierrypenard » en « process », ce qui a conduit à l'annulation du premier compte et l'ouverture d'un nouveau compte, avec attribution, par défaut, d'un compte client au nom de M. S, avec la demande consécutive de l'hébergeur O de communiquer les adresses, lesdits justificatifs ayant été adressés par M. Q le 20 janvier 2016. Au surplus, il résulte du document produit en pièce n°54 de l'intimé, que M. F a reconnu que les époux S ne disposaient d'aucun code d'accès informatique depuis la fermeture de leur sessions soldées et fermées par DA avec la nécessité de créer des sessions aux nouveaux dirigeants, tous documents, et codes étant accessibles dans les dossiers, de sorte que la société Process ne peut désormais prétendre que les codes idoines, qui ne relevaient pas de sessions de M. S, ne lui ont pas été communiqués. Enfin, M. R est fondé à rappeler que les interventions visant au contraire à empêcher tout accès à lui même et son épouse ne peuvent être mis à sa charge.

Aucun délit d'abus des biens de la société dans un intérêt personnel n'est donc caractérisé à l'encontre de M. XX T

Sur la violation des dispositions statutaires

La société Process impute également à M. R des violations des statuts résultant, en premier lieu, de l'acquisition en 2015 d'une presse avec un prêt pour un montant de 500 000 euros, en contravention de l'article 3.0.6 des statuts limitant les pouvoirs du Président de la société pour toute décision d'investissement ainsi que tout emprunt ou engagement quels qu'ils soient, supérieur à 20 000 euros (limite qui n'aurait jamais été fixée selon M. R).

Il est établi que l'article 3.0.6 des statuts, en son point B, prévoit que dans les rapports internes, le président doit obtenir l'autorisation du conseil d'administration pour tous emprunts ou engagements, sous quelque forme qu'ils soient, assortis ou non de sûretés et d'un montant supérieur à une somme déterminée pour chaque exercice par le conseil d'administration.

Toutefois, même s'il n'est pas contesté que les investissements en vue d'acquérir la nouvelle presse, et spécifiquement le recours à un emprunt de 500 000 euros auprès du crédit mutuel selon acte sous signatures privées non daté produit en pièce n°25, n'ont pas donné lieu à une autorisation du conseil d'administration, la société Process ne démontre pas qu'une quelconque limite inférieure à ce montant ait été définie, la somme de 20 000 euros visée dans les conclusions de l'appelante comme amiablement définie' entre les associés ne résultant d'aucune pièce produite aux débats. Le fait qu'une précédente autorisation ait été sollicitée pour un prêt d'un montant supérieur (900 000 euros) n'opère pas une telle démonstration en l'absence de rappel dans le procès verbal du 15 mai 2013 du plancher à compter duquel l'autorisation était nécessaire. Aucune faute n'est donc démontrée concernant ce recours à l'emprunt sans autorisation du conseil d'administration.

L'appelante se prévaut en outre de la participation dans la société Cité de l'objet connecté en 2015 pour un montant de 30.000 euros, relatée dans le rapport d'audit d'Eight Advisory (page 15). Or, c'est à juste titre qu'elle rappelle que le même article des statuts imposait également une réunion du conseil d'administration pour toute décision de prise de participations dans toutes autres sociétés, et ce, quel que soit le montant de la souscription.

S'il est exact que l'intimé démontre que ce projet a été évoqué dans le cadre de la présentation du modèle économique pour 2015 (pièce 9, page 27), à la suite d'une réunion du 24 février 2015, cette seule présentation n'est pas de nature à établir une autorisation expresse du conseil d'administration.

La violation des dispositions statutaires par cette prise de participation de 30 000 euros est donc caractérisée. Toutefois, si la société Process se prévaut pour justifier de son préjudice à ce titre, de l'absence d'activité effective de la Cité de l'objet connecté, qui a cédé son fonds le 25 janvier 2019 à l'association West Electronic et Applications Network au prix de 439 097 euros, elle n'en démontre pas la réalité, dès lors, comme le relève l'intimé, que l'investissement dans la cité de l'objet connecté est un investissement de long terme dont la pertinence en 2015 ne peut être jaugée à l'aune de la cession du fonds en 2019, et que le seul fait que la société ait cédé son fonds ne prouve pas qu'aucun bénéfice ne puisse être retiré de cet investissement (nonobstant les pertes déclarées dans les comptes déposés au greffe), l'appelante étant taisante sur une éventuelle liquidation amiable ou judiciaire de la société et sur la répartition de l'actif après la cession du fonds de commerce.

Dès lors, nonobstant l'unique violation des statuts résultant de l'absence d'autorisation du conseil d'administration pour l'acquisition des parts de la Cité de l'objet connecté, l'action de l'appelante sur ce point n'est pas fondée en l'absence de préjudice établi,

Sur les fautes de gestion

- l'absence de résolution des problèmes de qualité des produits fabriqués

La première faute de gestion reprochée par la société Process tient à une absence de résolution des problèmes de qualité des produits fabriqués dans le cadre d'un contrat avec le client Sarrel compte tenu de l'utilisation des moules au delà de la limite fixée de 500 000 pièces, pour un préjudice de 277 898,56 euros.

Concernant ce point, la cour relève que l'accusé de réception du cahier des charges retourné à la société Sarrel, dont l'appelante se prévaut pour démontrer la négligence prétendue de M. S dans la gestion, comporte une réserve selon laquelle le moule devra réaliser 500 000 injections sans frais pour Sarrel. Contrairement à ce qu'elle soutient, si cette mention établit qu'au delà de 500.000 pièces, la société ne pouvait toutefois plus garantir l'irréprochabilité du moule conçu pour la production des pièces dans le cadre du contrat avec la société Sarrel, elle n'était pas de nature à empêcher la société Process d'accepter des commandes au delà de ce montant, mais prévoyait simplement comme le relève à bon droit l'intimé, qu'au delà de cette garantie d'utilisation, la société Process pouvait réclamer à Sarrel des frais d'entretien, de sorte qu'en elle même, l'acceptation de commandes au delà de ce chiffre (induisant un chiffre d'affaires et une marge supplémentaire) n'est pas préjudiciable aux intérêts de la société.

En outre, l'affirmation selon laquelle aucune intervention de M. R pour trouver une solution en adéquation avec ces problèmes de production est contraire aux éléments de fait du dossier, dès lors que l'avenant n°12 de remise de prix intervient après une précédente actualisation de prix en fonction notamment de la nécessité de deux opérateurs pour la reprise d'angle compte tenu de l'outillage hors garantie.

Il n'est pas plus établi que l'avenant n°12 en cause, conduisant à une proposition de prix inférieur, soit la conséquence, comme le soutient l'appelante, d'importants problèmes de qualité soulevés par le client lui même aux termes de plusieurs réclamations qui sont alléguées mais non prouvées; en tout état de cause, faute de communication du tableau joint à cet avenant, il est impossible de déterminer si l'actualisation du prix conduit à une perte de rentabilité de l'entreprise (les éléments produits par l'appelante en pièce n°79, dont l'origine est strictement inconnue, ne pouvant même pas être reliés au prix de vente qui aurait, ainsi, été stipulé). L'intimé démontre de plus que ces difficultés ont été relayées par M. S auprès de la société Céro, qui a conçu l'outillage, cette société ayant refusé de communiquer les plans des moules pour permettre leur reprise (pièces n°94-1 et 94-2 de l'intimé).

L'appelante ne prouve pas plus que le recours à une commande excessive serait la source de ce que le chiffre d'affaires réalisé en octobre 2016 de 144 695 euros, soit largement inférieur des 350 000 euros annuels annoncés, aucun élément ne permettant à la cour de relier les tableaux en cause relatifs à l'affaire 'Mercedes' (pièces 59 et 78), qui concernait la période 2016-2021 selon les écritures de l'intimé, à ce cahier des charges 'jonc de becquet' du 23 décembre 2011; en tout état de cause, ces éléments non probants ne portant que sur une partie de l'année ne peuvent démontrer (s'agissant de la première année de développement de cette pièce) une absence de rentabilité de l'exploitation sur la durée quinquennale du contrat.

Dès lors, elle n'établit que les surcoûts dont elle se prévaut dans l'exécution de ce contrat (notamment les heures de reprise chiffrées en pièce n°52), à les supposer établies, soient en lien avec une faute de gestion de M. T

- l'absence d'organisation du stockage des produits semi finis et finis

La société Process reproche à M. R de n'avoir mis en place aucune solution pour la gestion des stocks, les premières entrées matières étant stockées en fond de magasin et n'étant pas directement accessibles et le stockage de matière avec des pièces semi finies et finies pouvant être réalisé dans différents points des ateliers, également parmi la production sans aucune organisation rationnelle, alors que cette désorganisation totale impactait fortement l'activité de la société et nuisait à sa productivité, entraînant une absence de rationalisation des charges d'exploitation et une dégradation de la note qualité auprès de clients importants (Vaillant), corrigée par la nouvelle direction entre mars et octobre 2016. Elle produit à ce titre trois audits de la société Vaillant des 15 juillet 2015, 11 mars 2016 et 5 octobre 2016, en langue anglaise et qu'elle n'a pas estimé utile de traduire, qui concluent respectivement à une note finale de 92 %, 72 % et 83 %, l'une des raisons de la baisse de la note entre les deux premiers rapports pouvant trouver son origine dans l'absence d'identification claire des stocks de produits finis et semi finis. Toutefois, ce second audit a été réalisé à une date à laquelle M. S s'était vu retirer ses fonctions, alors que l'audit réalisé par la société Intertek en décembre 2015 relève des taux très satisfaisants, et impute des réserves à l'insuffisance de l'espace de stockage. Or, M. S démontre la recherche d'un bâtiment et terrain de stockage (avec une expertise confiée au cabinet Roux en avril 2014) et rappelle sans être contredit par la société Process que cette acquisition a été refusée par la société Cero.

Dès lors, il n'est pas plus établi de faute de M. S à ce titre, et la société Process sera donc déboutée de sa demande d'indemnisation au titre du coût de la mission de 4 mois confiée à une logisticienne, à supposer même qu'elle soit en lien avec les difficultés relatives au stockage.

- l'embauche démesurée de nouveaux salariés

L'appelante considère que l'embauche démesurée de nouveaux salariés dans un contexte de dégradation de la situation économique, constitue également une faute de gestion.

Il résulte certes du compte de résultat de la société Process que les salaires sont passés au cours de l'exercice 2015 de 1 648 753 euros à 1 850 513 euros, soit une hausse de 12,2 %, le coût du recours aux intérimaires étant passé dans la même période de 649655 euros à 967078 euros, soit une masse salariale totale passée de 2 985 525 euros à 3 557 047 euros, représentant une hausse de 19,14 %.

Toutefois, l'affirmation selon laquelle cette augmentation serait fautive au regard de la situation financière de l'entreprise dégradée au 31 décembre 2015 n'est pas étayée, alors que le résultat sur l'exercice suivant le recours à ces emplois a été finalement positif de 508 193 euros.

Ce constat étaye au contraire l'affirmation selon laquelle cette hausse était liée à une hausse du chiffre d'affaires en 2015 et une hausse prévisible d'activité en 2016 qui devait être anticipée; il résulte au demeurant des observations de l'appelante elle même que ces embauches étaient indispensables au regard des difficultés dans le contrat Sarrel.

En tout état de cause, c'est à bon droit que l'intimé expose que l'appelante ne démontre pas que les recrutements aient été inutiles ou que ces nouveaux collaborateurs, qui n'ont pas été licenciés, n'auraient pas assez de travail.

Il en résulte que l'appelante ne démontre ni faute, ni préjudice en lien direct avec l'accroissement de la masse salariale.

Elle sera déboutée, au bénéfice de l'ensemble de ses observations, de toutes ses demandes indemnitaires.

Sur la demande reconventionnelle de M. XX R

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés.

M. R soutient que l'action n'a été introduite que dans l'intention de lui nuire et de justifier a posteriori son éviction, les éléments présentés étant inexistants ou tronqués et le préjudice jamais justifié, alors qu'il a géré la société pendant 25 ans sans être l'associé majoritaire et que celle ci était en bonne santé financière (nonobstant le résultat déficitaire de 2015 lié au caractère cyclique de l'activité), avec des réserves de 4 325 317 euros. Il soutient que la société Process a utilisé des méthodes déloyales en supprimant son travail dans l'historique de la société destiné aux salariés, en créant de façon artificielle un compte courant débiteur, en donnant une publicité à ces informations erronées dans le rapport du président de la société et en recherchant par tous moyens des manquements et fautes. Il soutient subir un préjudice lié à la nécessité de vendre un bien immobilier et de se porter caution pour acquérir une nouvelle société exerçant dans le même domaine, de mobiliser du temps pour se défendre de ces accusations, et enfin aux tracas indélébiles laissées sur sa réputation par la calomnie.

La société Process s'y oppose en contestant toute manoeuvre déloyale ou diffamation, la cessation des fonctions de M. R ayant été proposée par l'administrateur provisoire nommé à la demande de l'intimée lui même et l'action n'ayant pour but que de faire rétablir l'intérêt social de la société, alors au contraire que M. R qui rejette la faute de ses divers agissements sur des tiers, qu'il n'a pas attrait à la procédure, ne s'est jamais remis en cause.

En l'espèce, si l'action en justice de la société Process était recevable, il s'avère, eu égard à l'absence de tout préjudice établi et de la multiplicité des fautes qui lui ont été imputées, que l'action procédait d'une intention de nuire dans un contexte de relations familiales et professionnelles tendues, excédant le strict exercice d'une action judiciaire pour la défense de ses droits.

L'intimé ne justifie en revanche d'aucun de lien de causalité entre la souscription d'un emprunt et la vente d'une maison pour investir dans une nouvelle société et l'action en responsabilité à son encontre, dès lors que la reconstruction de son projet professionnel trouve son origine non dans la présente action mais dans la cessation de ses fonctions de représentant permanent ou le défaut de rachat des parts de la société Corlia Invest dans Ceprotek. Il ne justifie pas plus d'un préjudice complémentaire résultant des traces prétendument indélébiles laissés dans sa réputation, dès lors qu'il produit aux débats de nombreux témoignages de confiance, y compris d'anciens clients de la société Process désormais clients de sa nouvelle société.

En revanche, il résulte des éléments du dossier que cette action a occasionné un préjudice moral lié tant aux tracas inhérents à la procédure qu'à l'atteinte à l'honneur liée à la demande pour un montant particulièrement important.

Au bénéfice de ces observations, il sera fait droit à sa demande de dommages intérêts par infirmation partielle du jugement entrepris, uniquement à hauteur de la somme de 10 000 euros représentative du préjudice moral subi.

L'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel (outre ceux de première instance mis à bon droit à sa charge par la décision entreprise). Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais engagés pour sa défense; la décision de première instance mettant à la charge de l'appelante la somme de 10 000 euros sera confirmée; la cour y ajoutant condamne en outre la société Process à payer à M. S une somme complémentaire de 8 000 euros pour ceux engagés en cause d'appel. La demande de la société Process à ce titre sera rejetée puisqu'elle succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du 4 septembre 2018 du tribunal de commerce de La Roche sur Yon en ce qu'il a:

- dit et jugé que M. XX R n'a pas d'intérêt à défendre dans la présente instance.

- dit et jugé que l'action de la Société Process est irrecevable.

- condamné la société Process à payer à M. XX R la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau des chefs infirmés:

- déclare recevable l'action de la société Process à l'encontre de M. XX R ;

- rejette l'intégralité des demandes de la société Process ;

- condamne la société Process à payer à M. XX R la somme de 10.000,00 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus;

Y ajoutant ;

- condamne la société Process au paiement à M. XX R la somme de 8 000 euros (huit mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Process aux dépens de l'instance d'appel.