CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 4 juin 2015, n° 14/12405
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roussel
Conseillers :
Mme Durand, Mme Chalbos
La SARL B., qui exerçait une activité de bâtiment et gros oeuvre en maçonnerie et qui était gérée par Monsieur Benito G. a fait l'objet d'un redressement judiciaire ouvert par jugement du tribunal de commerce de Fréjus le 12 avril 2010.
Un plan de redressement a été arrêté par jugement du 23 mai 2011.
Par jugement en date du 17 octobre 2011, le tribunal de commerce de FREJUS a prononcé la résolution du plan de redressement de la société et l'a déclarée en liquidation judiciaire, désignant Me Anne D. en qualité de liquidateur judiciaire.
Maître D. a introduit une action à l'encontre de Monsieur G., afin qu'il soit condamné à lui payer la somme de 543 294 €, au titre de l'insuffisance d'actif.
Cette demande a été rejetée par un jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 13 mai 2013 dont il a été relevé appel par Maître D..
Sur cet appel, statuant par un arrêt de défaut le 27 février 2014, cette chambre, infirmant le jugement entrepris, a condamné Monsieur Benito G. à payer la somme de 400 000 € à Maître D., ès qualités, outre celle de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile a rejeté les autres demandes et a statué sur les dépens.
Monsieur G. a formé opposition à cet arrêt par déclaration reçue au greffe le 17 juin 2014.
Vu ses conclusions déposées et notifiées le 16 janvier 2015.
Il demande à la cour de le recevoir en son opposition, de confirmer le jugement dont appel et de condamner Maître D., ès qualités, à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 2 avril 2015 par Maître D., ès qualités.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater l'existence d'une insuffisance d'actif s'élevant à la somme de 543 294 € et des fautes de gestion commises par Monsieur Benito G., de le condamner à lui payer la somme de 400 000 € en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL B., de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les dépens, distraits au profit de Me Florent L., avocat.
Vu l'avis du ministère public en date du 15 janvier 2015, par lequel il indique s'en rapporter à la décision de la cour.
Vu l'ordonnance du président de cette chambre fixant la date de clôture de l'instruction et la date de l'audience au 8 avril 2015.
SUR CE, LA COUR,
1. Aux termes de l'article L. 651-2 du Code de Commerce : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne-morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ».
2. Me D. fait valoir que le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé l'inaliénabilité des actifs corporels et incorporels de la société B. le 23 mai 2011, décision qui a donné lieu aux formalités d'inscription au greffe du tribunal le 27 mai 2011 ; qu'or, Monsieur G., passant outre cette décision a cédé l'ensemble des actifs corporels de la société évaluée par lui-même à la somme de 72.097 €, ceci sans la moindre autorisation et en infraction aux dispositions de l'article L. 654-8 du Code de Commerce , ce qui constitue une faute ayant contribué à l'augmentation du passif de la société.
Mais, ainsi que le fait valoir M. G., en raison de sa date, cette cession ne constitue pas une faute de gestion antérieure à l'ouverture de la procédure collective et n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article précité.
3. Quoiqu'il en soit, il n'est pas contesté par M. G. que l'insuffisance d'actif, chiffrée initialement par Me D. à la somme de 543.294,17 €, s'élève à tout le moins à 302.000 euros, selon les chiffres débattus à l'audience.
4. En dépit des difficultés rencontrées par la société, Monsieur G. s'est versé des rémunérations démesurées et n'a d'ailleurs pas respecté la décision du juge-commissaire qui a fixé sa rémunération a 4000 € par mois, après l'ouverture de la procédure collective.
Les chiffres suivants témoignent du caractère excessif de sa rémunération :
Résultats de la SARL B. Rémunération de M.G.
Exercice 2006 23.000 € (pièce 18) 25.772 € (Pièce 16)
Exercice 2007 - 5.000 € (Pièce 18) 25.400 € (Pièce 17)
Exercice 2008 59.000 € (Pièce 19) 168.356 € (Pièce 20)
Exercice 2009 - 161.266 € (Pièce 21) 105.500 € (Pièce 22)
Exercice 2010 - 54.390 € (Pièce 21) 148.230 € (Pièce 8)
Certains de ces prélèvements n'ont été rendus possibles qu'au prix du non-respect des obligations fiscales de la société, ce qui constitue une faute de gestion ayant favorisé l'augmentation de son passif à proportion du montant de la dette fiscale.
5. Monsieur G., qui se borne à soutenir que la société B. a rencontré des difficultés de trésorerie à compter de l'année 2006, en raison de la résistance abusive d'un de ses débiteurs, ne conteste pas le fait soutenu par Me D. au vu de la pièce 5, que de nombreuses opérations de débit atteignant la somme de 63.600 € ont été effectuées depuis le compte bancaire de la société à son profit, ceci à une époque où la société B. avait un besoin criant de trésorerie et alors qu'arrivait l'échéance d'un dividende à hauteur de 38.000 €, dans les mois à venir (Pièce 12).
Monsieur G. ne conteste pas davantage que son compte courant a présenté un solde débiteur dès 2009.
Ces faits caractérisent également une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.
6. M. B. reconnaît n'avoir pas réglé les sommes dues au titre de la TVA, mais il conteste que ceci ait un lien avec l'insuffisance d'actif.
En fait, la société B. a fait l'objet de contrôles fiscaux portant sur les années 2006 à 2008. L'administration a constaté qu'elle n'avait pas acquitté la TVA et a donc notifié un redressement avec majoration pour « manquement délibéré ». Une transaction signée avec l'administration pour un montant de 207 109 € n'a pas été respectée (Pièce 10).
En s'abstenant de régulariser les impayés de TVA accumulés avant l'ouverture de la procédure collective, M.G. a provoqué l'augmentation de la dette fiscale de la société, ce qui, dans une trésorerie inexistante, a nécessairement engendré des charges financières indues ayant aggravé le passif.
7. Ainsi que le soutient Me D., le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif. Il en est de même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie des dettes de la société.
En l'espèce, plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif sont caractérisées, ce qui conduit la cour, faisant application de l'article L. 651 ' 2 du code de commerce à mettre à la charge de Monsieur G. la somme de 150 000 €.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit M. G. en son opposition,
Met à néant l'arrêt de défaut et statuant à nouveau,
Infirme le jugement entrepris,
Condamne Monsieur Benito G., au titre de ses fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, à payer à Maître D., ès qualités, la somme de 150 000 €,
Le condamne également à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,
Rejette toute autre demande,
Condamne Monsieur Benito G. aux dépens, distraits au profit de Me Florent L., avocat.