CA Amiens, 1re ch. sect. 2, 12 avril 2007, n° 06/00294
AMIENS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schoendoerffer
Conseillers :
M. Florentin, Mme Six
Avoués :
SCP Selosse Bouvet et André, Me Caussain
Avocats :
Me Lombard, Me Ramage, Me Roger
DECISION :
Vu le jugement contradictoire rendu le 4 novembre 2004 par le tribunal de grande instance de SAINT-QUENTIN ;
Vu l'appel formé le 21 décembre 2004 par la BANQUE X ;
Vu l'ordonnance de radiation du 3 mai 2005 ;
Vu la demande de réinscription au rôle acceptée le 20 janvier 2006 ;
Vu les dernières conclusions déposées le 26 juillet 2006 pour la BANQUE X ;
Vu les conclusions déposées le 29 mars 2006 pour M. Y et pour Mme Y, son épouse ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 octobre 2006 ;
Par assignation des 7 mai 2002 et 13 septembre 2002, la BANQUE X a saisi le tribunal de grande instance de SAINT-QUENTIN d'une demande en paiement à l'encontre de M. Y et de Mme Y, son épouse, et aux fins de validation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en date du 11 avril 2002 sur trois immeubles situés à GUISE, leur appartenant.
Elle faisait valoir que, par acte sous seing privé du 15 octobre 1996, les époux Y se sont portés caution solidaire à concurrence de 251.540,88 € des engagements pris à son égard par la SA W, société de vente en gros d'électroménager, dont ils étaient actionnaires à concurrence de 50 % et dont M. Y était à la fois administrateur et directeur commercial ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la SA W par jugement du tribunal de commerce de SAINT-QUENTIN du 7 mars 1997, convertie en liquidation judiciaire le 19 février 1998 ; que, par lettre recommandée du 2 avril 1997 avec avis de réception, elle a déclaré sa créance d'un montant de 1.216.210,30 € entre les mains de Maître A, représentant des créanciers.
Par le jugement susvisé, le tribunal a statué en ces termes :
- prononce la nullité de l'engagement de caution souscrit par les époux Y par acte sous seing privé du 15 octobre 1996,
- déboute la BANQUE X de l'ensemble de ses demandes,
- condamne la BANQUE X à payer aux époux Y la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La BANQUE X conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner « conjointement et solidairement » les époux Y à lui payer les sommes suivantes :
- 251.540,88 €, correspondant au montant maximum de leur engagement de caution, avec intérêts au taux contractuel,
- 2.300 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
- 1.600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle demande, en outre, la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'un an.
Elle demande, par ailleurs, à la cour de dire qu'une inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituera rétroactivement à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire qu'elle a prise le 11 avril 2002 à la conservation des hypothèques d'HIRSON (volume 2002 n° 175).
La BANQUE X conteste que l'engagement de caution souscrit le 15 octobre 1996 par les époux Y soit nul en raison d'un dol : en effet, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle affirme ne pas leur avoir dissimulé, à la date de cet engagement de caution, que la situation de la SA W, débiteur principal, était irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée afin de les inciter à s'engager en qualité de caution ; que le seul fait qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte le 7 mars 1997 ne suffit pas à rapporter cette preuve, en rappelant que la SA W était une entreprise détenue et gérée par les membres de la famille Y, à savoir Mme Colette Y épouse de M. Stéphane Y, président du conseil d'administration, M. Armel Y, leur fils, directeur général, et M. Y, son frère cadet, administrateur et directeur commercial, que Mme Y épouse commune en biens de Y était titulaire avec son mari de 50 % des actions de la société et qu'en conséquence les cautions intimées étaient parfaitement informées de la situation exacte de la société, toute la famille Y sachant bien que M. Armel Y présentait de faux bilans à la banque pour s'assurer du maintien de son concours, ce pour quoi il a d'ailleurs été condamné par le tribunal correctionnel de SAINT-QUENTIN le 12 décembre 2000, puis par la cour d'appel d'AMIENS le 19 février 2002, et approuvait ces malversations lors des assemblées générales en toute connaissance de cause.
Elle indique, en outre, que les époux Y ne sont pas fondés à s'estimer déchargés de leur engagement de caution au motif qu'ils auraient consenti à se porter caution de la SA W en considération du fait que la banque allait également obtenir l'engagement de caution des autres membres de la famille Y alors que cela n'a jamais été envisagé et qu'ils ne démontrent nullement avoir fait de l'engagement de caution des époux Armel Y une condition déterminante de leur propre engagement de caution ; qu'en tout état de cause la sanction prévue par l'ancien article 2037 du code civil (devenu, depuis l'ordonnance du 23 mars 2006, l'article 2314 du dit code) n'est pas la nullité de l'engagement de caution ou la décharge des cautions de l'ensemble de leur engagement, mais leur libération à hauteur du préjudice qu'elles ont subi.
Elle conteste, au surplus, avoir failli à son obligation d'information et de conseil.
Les époux Y demandent, en premier lieu, à la cour, de constater la violation du principe du contradictoire au motif que la BANQUE X a refusé de produire les actes de cautionnement souscrits par Mme Colette Y et par M. Armel Y, ainsi que le dossier relatif à l'octroi d'un prêt de 1.350.000 francs (205.806,17 €) le 19 août 1995 et, en conséquence, d'écarter les explications et les écritures de cette banque.
Ils soulèvent la nullité de leur engagement de caution au motif que la banque leur a dissimulé que la situation de la SA W, débiteur principal, était irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée afin de les inciter à s'engager en qualité de caution ; à titre subsidiaire, ils demandent à être déchargés de leur engagement, eu égard aux dispositions de l'article 2037 ancien du code civil, au motif qu'ils se sont portés caution en considération des engagements de caution que devaient consentir les autres membres de la famille Y, que la BANQUE X n'a jamais demandés.
Ils demandent, ensuite, à la cour de constater l'inexistence des créances invoquées par la BANQUE X, d'une part, au titre du compte courant ouvert dans ses livres, au motif que le jugement de redressement judiciaire de la SA W n'a pas eu pour effet de rendre exigible la créance au titre du compte courant, et, d'autre part, des cessions de créance « loi DAILLY » du fait de l'arrêt rendu le 26 octobre 2000 par la chambre économique de la cour d'appel d'AMIENS.
Ils reprochent à la banque un manquement à son obligation de conseil et d'information.
Ils lui reprochent, également, un soutien abusif envers la SA W et l'octroi de crédits ruineux.
Ils lui reprochent, enfin, d'avoir débité du compte courant les sommes de 1.613.889,20 francs (246.035,82 €) et de 297.062,40 francs (45.286,87 €), en infraction avec les dispositions de l'article 203 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 654-8 du code de commerce ).
Compte tenu des fautes qu'aurait, selon eux, ainsi commises la BANQUE X, ils demandent à la cour de la condamner à leur payer à titre de dommages intérêts une somme équivalente à celle à laquelle ils seraient susceptibles d'être tenus.
Ils sollicitent la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
A la demande du président de la chambre, conformément aux dispositions des article 442 et 445 du nouveau code de procédure civile, la BANQUE X a fait parvenir à la cour, le 14 février 2007, une note en délibéré relative au montant de sa créance, compte tenu du fait que les explications contenues dans ses écritures étaient obscures et contradictoires ; elle demande la condamnation des époux Y à lui payer, non plus la somme de 251.540,88 €, correspondant au montant maximum de leur engagement de caution, avec intérêts au taux contractuel, mais les sommes suivantes :
- au titre du prêt, 153.073,48 € en principal, avec intérêts au taux contractuel de 8,20 % à compter du 7 mars 1997 (date du redressement judiciaire) avec capitalisation des intérêts à compter du 13 février 2002, date des conclusions dans lesquelles elle a formé sa première demande à ce titre,
- au titre du compte courant, 23.014,21 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 1997, avec capitalisation des intérêts à compter du 13 février 2002, date de sa première demande.
I - Attendu que les époux Y ne sont pas fondés à demander à la cour d'écarter les pièces et conclusions déposées pour la BANQUE X, en application des dispositions de l'article 15 du nouveau code de procédure civile, au motif que la BANQUE X a refusé de produire les actes de cautionnement souscrits par Mme Colette C. épouse D. et par M. Armel Y, ainsi que le dossier relatif à l'octroi d'un prêt de 1.350.000 francs (205.806,17 €) à la société Y ;
Qu'en effet, d'une part, il résulte des explications des parties qu'en réalité la banque X n'a pas fait souscrire d'engagement de caution à Mme Colette Y et à M. Armel Y, respectivement mère et frère de M. Y, de sorte qu'elle ne peut produire des engagements de caution qui n'existent pas ; qu'au surplus, leur insistance à exiger la production de tels engagements de caution (qui suppose leur existence connue d'eux) est pour le moins contradictoire avec le fait de se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil, au motif que la banque aurait précisément omis d'obtenir de tels cautionnements de la part des autres dirigeants de la SA W ;
Que, d'autre part, le dossier relatif à l'octroi d'un prêt de 1.350.000 francs (205.806,17 €) le 19 août 1995 à la SA W est d'ores et déjà connu de M. Y puisqu'il résulte de l'acte de prêt lui-même qu'il a, à cette occasion, consenti à la banque un nantissement de 150 de ses actions de la Société Nouvelle des Etablissements Y, qu'il a souscrit à une assurance de groupe à concurrence de 50 % sur sa tête, et a accordé à la banque une délégation d'une assurance vie sur sa tête à hauteur de 675.000 francs ; qu'il ne pouvait à l'évidence consentir de telles garanties et sûretés s'il se trouvait dans l'ignorance de ce prêt, ou seulement du montage financier qui l'a précédé ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter les écritures régulièrement déposées pour la BANQUE X ;
II - Attendu que les époux Y ne démontrent pas que la banque leur aurait dissimulé que la situation de la SA W, débiteur principal, était irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée afin de les inciter à s'engager en qualité de caution le 15 octobre 1996, étant rappelé qu'il leur incombe de rapporter la preuve de la connaissance que la banque avait de la dite situation et de ce qu'elle la leur aurait dissimulée dans le but d'obtenir d'eux un cautionnement, ce qui caractérise le dol ;
Attendu, en premier lieu, que rien ne permet d'affirmer que la BANQUE X avait connaissance, le 15 octobre 1996, du bilan de la SA W arrêté au 30 juin 1996, que M. Y estime catastrophique ;
Qu'en effet, si l'exercice comptable de la société était bien arrêté au 30 juin de chaque année, les différents intéressés ne disposaient pas du bilan lui-même à cette date, puisqu'un délai était nécessaire à la société S.E.C.S.Q, expert-comptable, pour l'établir ;
Que d'ailleurs, il résulte de la lettre que M. B, commissaire aux comptes de la société Y, a adressée le 31 janvier 1997 à Mme Colette Y, en sa qualité de président du conseil d'administration de la société Y, que lui-même n'a eu connaissance « de faits lui paraissant de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de la société » que vers le 15 novembre 1996 ;
Attendu, en second lieu, que, même à supposer que la BANQUE X ait disposé du bilan arrêté au 30 juin 1996 au moment où les époux Y ont consenti à s'engager en qualité de caution solidaire (ce qui n'est nullement établi), il y a lieu de relever que, selon cette même lettre du 31 janvier 1997, Mme Colette Y avait fait part au commissaire aux comptes, à cette époque, par l'entremise de l'expert-comptable de la société, « d'arguments qui laissaient présager une amélioration de la situation économique et financière de la société », de sorte qu'elle-même n'estimait pas la situation de l'entreprise « irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée » ;
Qu'il en était de même de M. Armel Y qui n'estimait pas non plus la situation irrémédiablement compromise ou, à tout le moins lourdement obérée, puisqu'il écrivait à la BANQUE X, le 23 octobre 1996 (donc une semaine après l'engagement de caution consenti par son frère Yann et sa belle-soeur Anne) « prendre rapidement des dispositions concernant le renforcement de la structure financière (prêt envisagé de 1,5 MF) et apport personnel des dirigeants de 1,5 MF », ce qu'à l'évidence les dirigeants de la société, dont M. Y en sa qualité d'administrateur de la société et actionnaire à concurrence de 50 %, n'auraient pas accepté si la situation était telle que les époux Y tentent de le faire accroire à présent ;
Attendu que selon la lettre de M. B précitée, ce n'est que fin janvier 1997 que la situation est apparue compromise et qu'il a décidé, en conséquence, de saisir le tribunal de commerce, ce qui a conduit à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 7 mars 1997, étant rappelé à cet égard que la date de la cessation des paiements a été fixée au 31 décembre 1996, soit postérieurement à l'acte de caution en cause ;
Attendu que M. Y ne saurait se réfugier derrière son activité de directeur commercial pour affirmer n'avoir rien su de la situation financière de la société, alors qu'en sa qualité d'associé à concurrence de 50 % de la société, et surtout d'administrateur, il ne pouvait rien en ignorer, ce qui est confirmé par le fait, d'une part, qu'ensuite d'une procuration du 13 avril 1995, son frère Armel et lui devaient obligatoirement apposer leurs deux signatures sur chacun des actes concernant la banque (notamment les chèques) et, d'autre part, que lors de l'expertise diligentée par Mme C, expert-comptable, désignée en qualité d'expert judiciaire par le tribunal de commerce de SAINT-QUENTIN, c'est précisément lui qui a été mandaté par les dirigeants de la société Y, lors de la réunion d'expertise du 15 avril 1998, pour donner accès à cet expert aux documents et pièces comptables nécessaires à l'accomplissement de sa mission (rapport d'expertise en date du 27 mai 1998, page 3) ;
Que s'il n'avait rien su de la situation comptable de la société, Mme Colette Y et M. Armel Y auraient mandaté une personne mieux informée, compte tenu de l'importance que revêtait pour la famille Y la mission d'expertise en cause, puisqu'elle avait notamment pour but de déterminer la créance de la BANQUE X ;
Attendu, en outre, que sa situation de directeur commercial le mettait précisément en mesure d'avoir connaissance des malversations de son frère Armel (prélèvements nocturnes de produits d'électroménager pour les revendre, sans facture, à des forains) qui ont conduit à la dissipation occulte d'une grande partie du stock ;
Attendu que même si Mme Y, exerçant une activité de kinésithérapeute, n'est pas présumée avoir eu une connaissance particulière de la situation comptable de la société, elle ne démontre pas pour autant le dol qu'elle impute à la BANQUE X, dont la charge de la preuve lui incombe ;
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui ont annulé, en raison d'un dol, l'engagement de caution du 15 octobre 1996 ;
III - Attendu que les époux Y ne sont pas davantage fondés à invoquer les dispositions de l'article 2314 du code civil pour demander à être déchargés de leur engagement de caution, dès lors qu'ils ne démontrent par aucun élément de preuve que la souscription d'autres engagements de caution, notamment par Mme Colette Y, M. Stéphane D. et M. Armel Y, auraient été déterminants dans leur consentement le 15 octobre 1996 ;
Qu'en outre, la sanction prévue en cas d'impossibilité pour une caution de recouvrer une créance à l'encontre de cofidéjusseurs, n'est pas la nullité de l'engagement souscrit mais la réparation du préjudice causé ;
Attendu, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'engagement de caution pour ce second motif ;
IV - Attendu que les époux D. ne sont pas fondés à soutenir l'irrecevabilité de la demande de la banque au titre du compte courant, au motif que le jugement de redressement judiciaire de la SA W du 7 mars 1997 n'a pas eu pour effet de rendre exigible la créance au titre de ce compte courant, dès lors que cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 19 février 1998 ;
Attendu qu'ils ne peuvent davantage se prévaloir des dispositions de l'article 203 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 654-8 du code de commerce ), dans la mesure où les opérations critiquées ne sont que des contre passations d'écritures comptables d'un compte à un autre et non un paiement irrégulier au sens de ce texte législatif, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise de Mme C en date du 27 mai 1998 ; qu'en tout état de cause, les cessions de créance DAILLY n'ont pas été retenues par la chambre économique de la cour d'appel d'AMIENS le 26 octobre 2000, de sorte que la créance de la banque à ce titre est éteinte ;
Attendu que la créance de la BANQUE X, telle qu'elle a été admise à la procédure collective de la SA W, s'établit à la somme de :
- au titre du prêt, 153.073,48 € en principal, avec intérêts au taux contractuel de 8,20 % à compter du 7 mars 1997 (date du redressement judiciaire),
- au titre du compte courant, 23.014,21 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 1997,
Attendu qu'il convient donc de condamner les époux Y à payer à la BANQUE X les dites sommes, dans la limite toutefois de l'engagement de caution souscrit le 15 octobre 1996, soit la somme totale de 251.540,88 € (principal, intérêts, accessoires et frais compris) ;
Attendu que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 20 janvier 2006, date des conclusions déposées devant la cour dans lesquelles la BANQUE X a formé sa première demande à ce titre, à défaut pour elle de justifier qu'elle a formé sa demande à une date antérieure, qui serait, selon sa note en délibéré du 12 février 2007, soit le 13 septembre 2002 (date d'une réassignation) soit le 13 février 2002 (sans qu'il soit précisé à quoi correspond cette date) dans la mesure où les pièces de procédure de première instance n'ont pas été produites aux débats ;
V ' Attendu que les époux Y demandent la condamnation de la BANQUE X à leur payer des dommages intérêts d'un montant équivalent à celui de leur dette à son égard en réparation du préjudice que les fautes qu'auraient commises la BANQUE X leur auraient causé ;
1°) Attendu que les époux Y ne sauraient sérieusement faire grief à la banque d'avoir accordé un soutien abusif et octroyé des crédits ruineux à la société Y, alors d'une part, que c'est la famille Y elle-même qui sollicitait un concours financier dans une situation qu'elle n'estimait pas compromise (ce qui résulte des courriers des 23 octobre 1996 et 31 janvier 1997 précités) et, d'autre part, que du fait des dissimulations comptables et des détournements de marchandise commis par M. Armel Y (infractions pour lesquelles il a été condamné par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'AMIENS le 19 février 2002) avec l'assentiment ou en tout cas à la connaissance de la famille Y (ce qui résulte de l'enquête pénale qui a permis de mettre en évidence que le conseil d'administration, dont faisait partie M. Y, approuvait en toute connaissance de cause des bilans qu'il savait mensongers) la banque ignorait la situation comptable réelle de la société Y et pensait légitimement, au vu des bilans truqués qui lui étaient soumis dans le but de maintenir son concours financier, que les aides financières qu'elle accordait ne conduisaient pas à retarder un dépôt de bilan, mais soutenaient une entreprise en besoin de financement ;
2°) Attendu que les époux Y ne sauraient davantage « s'étonner » des conditions dans lesquelles un prêt de 1.350.000 francs a été consenti à la société Y destiné à l'acquisition des actions de la Société Nouvelle des Etablissements Y, au terme « d'un montage insolite », dans la mesure où rien ne permet d'affirmer et de prouver que la BANQUE X ait été, de quelque façon que ce soit, à l'origine de ce montage juridique et de cette opération financière, à laquelle M. Y a été plus que partie prenante puisque c'étaient justement ses actions qui étaient acquises et que c'est ce montage, qu'il qualifie aujourd'hui « d'insolite », qui lui a permis de devenir titulaire de 50 % des actions de la SA W ;
3°) Attendu que M. Y ne saurait utilement mettre en cause le devoir d'information et de conseil de la banque, alors que précisément il était au coeur de la gestion de la société dont il connaissait en détail la situation comptable et les malversations de son frère ;
Attendu, en conséquence, qu'il convient de débouter M. Y de sa demande de dommages intérêts ;
Attendu, en revanche, que la BANQUE X ne démontre pas qu'elle a tenu informé et conseillé Mme Y, qui n'exerçait aucune activité au sein de l'entreprise (elle est kinésithérapeute) et dont aucun des éléments produits aux débats ne permet d'affirmer qu'elle connaissait à la fois la situation financière de la société Y et les malversations de son beau-frère, M. Armel Y ;
Attendu, en conséquence, compte tenu du risque qu'elle a accepté de prendre en se portant caution solidaire de la SA W, quelle que soit la situation de cette société, il y a lieu de condamner la BANQUE X à payer à Mme Y la somme de 125.000 € à titre de dommages intérêts, qui se compenseront avec la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'engagement de caution du 15 octobre 1996 ;
VI - Attendu qu'eu égard aux condamnations prononcées à l'encontre des époux Y, il convient de dire qu'une inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituera à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le 11 avril 2002 à la conservation des hypothèques d'HIRSON (volume 2002 n° 175) sur les immeubles appartenant aux époux Y sis à GUISE ;
VII - Attendu que la mauvaise appréciation par les époux Y de leurs droits ne constitue pas en soi une faute ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande de dommages intérêts formée par la BANQUE X pour résistance abusive ;
Attendu que les époux Y, succombant pour l'essentiel, doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel ;
Attendu qu'il serait inéquitable que la BANQUE X conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; qu'il y a lieu de condamner les époux Y à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable les écrits judiciaires déposés pour la BANQUE X ;
Déclare valable l'engagement de caution souscrit le 15 octobre 1996 par M. Y et Mme Y, son épouse ;
En conséquence, condamne solidairement les époux Y à payer à la BANQUE X les sommes de :
- 153.073,48 € en principal, avec intérêts au taux contractuel de 8,20 % à compter du 7 mars 1997 (date du redressement judiciaire),
- 23.014,21 €, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 1997,
dans la limite de leur engagement de caution du 15 octobre 1996, soit la somme totale de 251.540,88 € (principal, intérêts, accessoires et frais compris) ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 20 janvier 2006, date de la première demande ;
Déboute M. Y de sa demande de dommages intérêts en raison de fautes qu'aurait commises la BANQUE X ;
Condamne la BANQUE X à payer à Mme Y la somme de 125.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par cette banque ;
Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;
Dit qu'une inscription d'hypothèque judiciaire définitive se substituera à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le 11 avril 2002 à la conservation des hypothèques d'HIRSON (volume 2002 n° 175) sur les immeubles appartenant aux époux Y sis à GUISE ;
Déboute la BANQUE X de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive ;
Condamne les époux Y à payer à la BANQUE X la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne les époux Y aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.