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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 septembre 2016, n° 15/01202

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Objectif Emploi (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

M. Ardisson, M. Leplat

Avocats :

Me Dumeau, Me Dinety, Me Guttin, Me Torre, Me Fournier Latouraille

T. com. Versailles, 3e ch., du 9 janv. 2…

9 janvier 2015

FAITS :

Associé et directeur général depuis mars 2003 de la société par actions simplifiée Objectif emploi, qui a pour activité la conception et la distribution d'un magazine pour l'offre de formation et d'emploi, Monsieur

B. a été nommé président directeur général de la société le 23 janvier 2013. Le 18 octobre 2013, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de sauvegarde de la société Objectif emploi suivie d'une cession de son capital à la société Eduniversal autorisée par le tribunal le 29 novembre 2013, puis selon procès-verbal du 20 janvier 2014, l'associé unique de la société a révoqué le mandat de Monsieur B..

Estimant la révocation de son mandat abusive et vexatoire, Monsieur B. a fait assigner le 16 avril 2014 la société Objectif emploi devant le tribunal de commerce de Versailles en dommages et intérêts et pour réclamer le paiement d'indemnités statutaires, un arriéré de rémunération et des cotisations afférentes ainsi que le remboursement de frais professionnels.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 9 janvier 2015 qui a :

- condamné la société Objectif emploi à payer à Monsieur B. la somme de 12 369,04 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014,

- dit que les intérêts échus pour une année entière porteront intérêt au même taux, la première capitalisation des intérêts intervenant le 14 février 2015 et les capitalisations successives le 14 février de chaque année jusqu'à parfait paiement,

- condamné la société Objectif emploi à payer à Monsieur B. la somme de 40 000 euros,

- rejeté les autres demandes de Monsieur B.,

- reçu la société Objectif emploi en sa demande reconventionnelle, l'y dit partiellement fondée et condamne Monsieur B. à restituer à la société Objectif emploi la somme de 63 761,46 euros,

- rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Monsieur B. et la société Objectif emploi aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 16 février Monsieur B. ;

Vu les dernières conclusions remises par le RPVA le 15 janvier 2016 pour Monsieur B. aux fins de voir,. au visa des articles L. 227-5 du code de commerce et 1134 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le caractère abusif de la révocation de Monsieur B. et condamné la société Objectif emploi a payer a Monsieur B., la somme de 12 369,04 euros au titre du remboursement de ses frais professionnels,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à la somme de 40 000 euros, les dommages intérêts dus par la société Objectif emploi en réparation du préjudice subi du fait de la révocation abusive, débouté Monsieur B. au titre de sa demande relative au paiement de ses traitements arriérés de président, et reçu la société Objectif emploi en sa demande reconventionnelle de condamner Monsieur B. à lui verser la somme de 63 761,46 euros au titre de ses rémunérations perçues de janvier à septembre 2013, débouté Monsieur B. au titre de sa demande en paiement de la somme de 1 753 euros au titre de la cotisation annuelle GSC de 2014 et débouté Monsieur B. au titre de sa demande relative au paiement des indemnités statutaires dues en cas de révocation, en conséquence,

- dire et juger que la société Objectif emploi est débitrice des traitements arriérés de président et du remboursement de frais exposés au titre de l'année 2013,

- dire et juger que la révocation de Monsieur B. est brutale et vexatoire et partant abusive, et ouvre droit à réparation, la responsabilité de la société Objectif emploi étant engagée de ce chef,

- condamner la société Mars, es qualité de liquidateur judiciaire à verser à Monsieur B., avec intérêts et capitalisation des intérêts depuis le 25 janvier 2014 :

53 369,94 euros au titre des rémunérations et 12 369,04 euros au titre du remboursement de frais professionnels,

1 753 euros au titre de la cotisation annuelle 2014 GSC au titre du mandat social,

59.318,04 euros au titre des indemnités statutaires,

100 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la révocation abusive de son mandat social dont il a fait l'objet le 13 janvier 2014,

8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que la créance de Monsieur B. a l'égard de la société Objectif emploi sera inscrite à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société pour un montant de 228 694,30 euros, à parfaire des dépens,

- condamner la société Mars, es qualités de liquidateur judiciaire aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions remises par le RPVA le 17 novembre 2015 pour la société Mars prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Objectif emploi aux fins de voir, sur le fondement des articles L. 622-21 et suivants du code de commerce, 1376 et 1382 du code civil,

- prononcer la mise hors de cause de la société Laureau Jeannerot en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Objectif emploi ensuite de la liquidation,

- constater l'irrecevabilité de toute condamnation,

- débouter Monsieur B. de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Monsieur B. à verser à la société Mars és qualité de liquidateur judiciaire la somme de 82 384,28 euros à titre de remboursement des sommes irrégulièrement perçues par Monsieur B. lors de l'exercice de son mandat de président de la société Objectif emploi,

- condamner Monsieur B. à régler à la société Mars és qualité de liquidateur judiciaire la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2016 ;

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur les demandes relatives aux rémunérations, aux cotisations à la Garantie sociale du chef d'entreprise, à l'indemnité statutaire de cessation de fonction et au remboursement des frais professionnels

Considérant en premier lieu, que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a, d'une part, débouté de sa demande de rémunération d'octobre 2013 à janvier 2014 ainsi que des cotisations à l'assurance sociale, et d'autre part, condamné à répéter les rémunérations qu'il avait perçues de février à novembre 2013, Monsieur B. soutient que ces rémunérations lui étaient irrévocablement acquises depuis la décision que les associés ont prise le 27 mai 2008 de fixer '[leur] rémunération au titre de leurs mandats à la somme mensuelle de 11 374 euros brut', tandis que les décisions ultérieures des associés se sont limitées à plafonner annuellement cette rémunération dans des conditions conformes à l'article 18 des statuts de la société qui extraordinaire des associés. Elle peut consister en un traitement fixe ou proportionnel ou à la fois un fixe et proportionnel au bénéfice ou aux chiffres d'affaires', ainsi que de l'article 21 b prévoyant que 'les associés délibérant collectivement sont seuls compétents pour prendre [la décision de fixer] la rémunération du Président et des Directeurs Généraux, dès lors que celle-ci excédera un montant fixé par décisions unanimes des associés en date du 28 décembre 2006' ;

Mais considérant que d'après les décisions collectives de la société qui sont communiquées, il est constant que depuis 2003 jusqu'à la décision du 27 mai 2008, les associés ont décidé chaque année de la rémunération des dirigeants, et tandis qu'ainsi que le relève Monsieur B., il est constant qu'à compter d'octobre 2011, ces rémunérations ont de nouveau été fixées annuellement par les associés en fonction des difficultés économiques auxquelles la société Objectif emploi était confrontée, et que pour l'année 2013, celle-ci a été placée sous un plan de sauvegarde judiciaire, l'associé unique de la société a pu ne pas décider d'allouer de rémunération dans le respect des statuts et du droit applicable aux sociétés par actions simplifiée ;

Et considérant que d'après les bulletins de salaire que le liquidateur judiciaire verse aux débats (pièce n°15), il n'établit pas la preuve que Monsieur B. s'est attribué plus que les 63 761,46 euros de rémunération que les premiers juges l'ont condamné à répéter, en sorte que le jugement sera confirmé de ce chef ; que le rejet de la demande relative à la Garantie sociale du chef d'entreprise accessoire à la rémunération sera aussi confirmé ;

Considérant en deuxième lieu, que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de l'indemnité de cessation, Monsieur B. revendique derechef le droit à rémunération pour l'année 2013, et réplique d'autre part au liquidateur judiciaire, qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat ;

Mais considérant qu'aux termes de leur article 17, les statuts stipulent que 'la révocation du Président, personne physique, dont le mandat social est rémunéré, ouvre droit à son profit au versement par la Société à titre d'indemnité de cessation de fonctions, d'une somme correspondant à 6 mois de traitement, calculée sur la moyenne des traitements bruts mensuels perçus par le Président révoqué au cours des douze derniers mois, sous déduction de toute prime quelconque ainsi que de toute rémunération liée à l'existence éventuelle d'un contrat de travail avec la Société' ;

Qu'ainsi que cela s'évince des motifs adoptés ci-dessus, Monsieur B. n'avait droit à aucune rémunération pour l'année 2013 qui a précédé sa révocation en janvier 2014, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant en troisième lieu, que pour s'opposer à la créance des frais professionnels que les premiers juges ont reconnu à Monsieur B., le liquidateur judiciaire conteste l'établissement de leur preuve issue du tableau récapitulatif des frais exposés chaque mois que Monsieur B. a communiqué, en concluant 'qu'il semble peu probable que des frais enregistrés dans la comptabilité de la société Objectif emploi depuis le début de l'année 2013, n'aient toujours pas été remboursés à l'intéressé' ;

Qu'alors que ce tableau dresse une liste de dépenses détaillées et compatible avec l'exercice du mandat de Monsieur B., le liquidateur supportait la charge d'établir la preuve ou des présomptions contraires, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef.

2. Sur l'abus et les conditions brutales et vexatoires de la procédure de révocation du mandat de président directeur général

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, Monsieur B. réclame la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation des circonstances abusives, brutales et vexatoires de sa révocation, tandis que le liquidateur judiciaire conteste la somme de 40 000 euros allouée à ce titre, en affirmant que la société Objectif emploi avait régulièrement informé Monsieur B. des motifs de sa révocation avant que la décision ne soit prise, en déniant toute attitude vexatoire et en prétendant qu'il avait dissimulé au repreneur des factures, modifié des bulletins de salaire de salariés et échoué à redresser l'activité de la société ;

Mais considérant que les premiers juges ont, par des motifs que la cour adopte, dûment retenu le mal fondé des griefs de la société Objectif emploi, et caractérisé l'absence du respect du contradictoire dans la procédure de révocation, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef, y compris dans l'appréciation du montant des dommages et intérêts propres à réparer les conséquences de la révocation fautive.

3. Sur la compensation judiciaire des condamnations, les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'en suite des sommes mises à la charge de chacune des parties, il convient, après compensation judiciaire, de condamner Monsieur B. à verser au liquidateur judiciaire la somme de 11 392,42 euros (63 761,46 - 12 369,04 - 40 000) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la capitalisation des intérêts ;

Considérant que s'il est équitable de confirmer le jugement dans ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, il convient, dès lors que Monsieur B. succombe dans son appel, de le condamner à verser au liquidateur judiciaire la somme de 3 000 euros et de le condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le point de départ des intérêts et la capitalisation des intérêts ;

Après compensation judiciaire,

Condamne Monsieur B. à verser à la société Mars és qualité de liquidateur judiciaire de la société Objectif emploi la somme de 11 392,42 euros intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Condamne Monsieur B. à verser à la société Mars és qualité de liquidateur judiciaire de la société Objectif emploi la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur B. aux dépens d'appel.