CA Versailles, 5e ch. B, 10 avril 2008, n° 06/02268
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Gom Propreté (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Minini
Conseillers :
Mme Rouaud-Folliard, Mme Ollat
Avocats :
Me Lecourt, Me Massart
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Zaina A. a été embauchée par la société LA GÉNÉRALE, dépendant du Groupe GOM, selon contrat à durée déterminée en date du 25 novembre 2004 pour une période expirant le 31 décembre 2004 en remplacement de Mme T., en congé pour maladie. Elle a été affectée sur le site Ville d'Argenteuil- Ecole Ambroise T. pour un horaire de 104 heures par mois moyennant une rémunération mensuelle brute de 810,16 € . Un avenant à ce contrat de travail a été signé par les parties le 5 janvier 2005 prolongeant la période d'activité de Zaina A. pour la période du 3 janvier 2005 au 31 mars 2005 ou jusqu'au retour de Mme T..
Mme T. a repris son emploi à compter du 14 février 2005.
Zaina A. est restée au service de la société GOM Propreté postérieurement à cette date mais aucun contrat de travail n'a été signé entre les parties. Les bulletins de salaire adressés à Zaina A. ont fait apparaître un temps de travail mensuel de 17,33 heures.
Contestant les nouvelles modalités de travail imposées par la société GOM Propreté, Zaina A. a fait convoquer cette société le 21 juin 2005 devant le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil afin de voir ordonner la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et voir prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de la société GOM Propreté entraînant sa condamnation au paiement des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour rupture abusive.
En cours d'instance la société GOM Propreté a convoqué Zaina A. le 19 août 2005 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 25 août suivant. Puis, selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 septembre 2005 la société GOM Propreté a notifié à Zaina A. son licenciement pour faute grave lui reprochant un abandon de poste depuis le 1er juin 2005 sur le chantier de la Ville d'Argenteuil et ce malgré la mise en demeure en date du 3 août 2005 de rejoindre ce site.
Par jugement en date du 20 avril 2006 le conseil de prud'hommes a :
- requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- condamné la société GOM Propreté à payer à Zaina A. la somme de 810,16 € à titre d'indemnité de requalification,
- condamné la société GOM Propreté à payer à Zaina A. la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Zaina A. du surplus de ses demandes,
- condamné la société GOM Propreté aux dépens.
Zaina A. a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 28 février 2008 par lesquelles elle a conclu à la confirmation du jugement déféré ayant prononcé la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et fait droit à sa réclamation au titre de l'indemnité légale de requalification.
Pour le surplus, Zaina A. a conclu à l'infirmation du jugement déféré. Elle fait valoir pour l'essentiel :
- que son employeur ne lui a pas payé l'intégralité de son salaire pour le mois de décembre 2004,
- a modifié son contrat de travail postérieurement à la poursuite des relations professionnelles postérieurement au retour de Mme T. en ne lui précisant pas son lieu d'affectation et en ne lui versant qu'une rémunération dérisoire correspondant à 17,33 heures par mois lui interdisant de vivre dans des conditions normales,
- a procédé à la rupture de son contrat de travail dans des conditions irrégulières et pour un motif totalement injustifié.
Zaina A. a demandé en conséquence à la cour de condamner la société GOM Propreté à lui verser les sommes de :
- 186,96 € au titre du salaire impayé en décembre 2004,
- 96,60 € outre les congés payés afférents au titre de la prime de précarité relative au premier contrat à durée déterminée,
- 3 772,02 € outre les congés payés afférents au titre des salaires impayés durant la période du 1er avril 2005 au 7 septembre 2005 sur la base de 104 heures par mois,
- 814,32 € outre les congés payés afférents au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement (notifié par une personne n'ayant pas qualité pour prononcer une telle mesure compte tenu de la forme de la société) et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (la demande d'aide juridictionnelle ayant été rejetée).
Zaina A. a sollicité enfin la remise de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à la décision à intervenir.
La société GOM Propreté a conclu à la confirmation du jugement déféré.
Elle s'oppose au paiement de tout salaire pour une partie du mois de décembre 2004 affirmant que Zaina A. a pris des congés sans solde pendant cette période et au paiement de la prime de précarité dès lors que le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée. Elle fait valoir que Mme C., directrice des ressources humaines, avait qualité pour conduire la procédure de licenciement. Elle estime enfin avoir légitimement prononcé la rupture du contrat de travail pour faute grave en l'état du refus opposé par Zaina A. de travailler sur le site de la Ville d'Argenteuil à compter du mois de juin 2005.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 février 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur l'exécution de la relation contractuelle
Considérant qu'il est établi que Zaina A. est restée au service de la société GOM Propreté postérieurement au retour de la salariée absente pour cause de maladie (Mme T.) sans pour autant bénéficier à l'issue du contrat à durée déterminée d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire ;
Considérant que la société GOM Propreté ne remet pas en cause la condamnation prononcée par la juridiction prud'homale au titre de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'ainsi de ce chef le jugement déféré doit être confirmé;
Considérant qu'en ayant proposé à Zaina A. aucun contrat de travail à l'issue du contrat initial stipulé à durée déterminée, la société GOM Propreté doit verser à celle-ci l'indemnité de précarité prévue par l'article L.122-3-4 du code du travail même si la relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du terme du premier contrat;
Considérant que la société GOM Propreté devra donc verser à Zaina A. la somme de 77, 90 € à titre de prime de précarité outre les congés payés afférents, cette primereprésentant 10% du montant de la somme brute versée à titre de rémunération pour la période du 25 novembre au 31 décembre 2004 (155,80 € + 623,20 € = 779 € );
Considérant qu'aucune contestation n'ayant été élevée par Zaina A. pendant toute la durée d'exécution de son contrat de travail et devant la juridiction prud'homale concernant le paiement des 24 jours de congés sans solde mentionnés sur son bulletin de salaire du mois de décembre 2004, la cour rejette sa demande dès lors que l'attestation peu précise du directeur de l'école Ambroise T. auprès de laquelle elle effectuait des prestations de nettoyage est insuffisante à caractériser l'exécution d'un travail durant la période de congés scolaires;
Considérant qu'en l'absence d'établissement d'un contrat à durée indéterminée écrit postérieurement à l'issue du contrat à durée déterminée et en l'absence de toute information portée à la connaissance de Zaina A. sur son lieu de travail et sur son temps de travail à compter du retour de la salariée qu'elle remplaçait depuis le mois de novembre 2004, la société GOM Propreté ne peut soutenir qu'elle a poursuivi la relation contractuelle avec Zaina A. pour un temps de travail réduit à 17,33 heures par mois au seul motif qu'elle a délivré à celle-ci des bulletins de salaire en avril et mai 2005 portant ces seules mentions ; qu'il est par ailleurs établi que Zaina A. a élevé dès le mois de mai 2005 une contestation en ce qui concerne la réduction très importante ainsi pratiquée sur les heures de travail qui lui étaient attribuées depuis la poursuite de la relation contractuelle puis a saisi dès le mois de juin 2005 la juridiction prud'homale afin de voir prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de la société GOM Propreté, sans provoquer une quelconque protestation de la part de cette entreprise;
Considérant que Zaina A. étant restée à la disposition de la société GOM Propreté, celle-ci devait lui verser une rémunération correspondant aux 104 heures de travail assurées depuis son embauche ; qu'ainsi la société GOM Propreté devra verser à Zaina A. les sommes de :
- 632,31 € au titre de la rémunération pour le mois d'avril 2005,
- 412,41 € au titre de la rémunération pour le mois de mai 2005,
- 814,32 € au titre de la rémunération pour le mois de juin 2005,
- 835,12 € au titre de la rémunération pour le mois de juillet 2005,
- 835,12 € au titre de la rémunération pour le mois d'août 2005,
- 192,72 € au titre de la rémunération pour le mois de septembre 2005,
soit au total la somme de 3 722 € outre les congés payés afférents,
2- sur la rupture de la relation contractuelle
Considérant que la société GOM Propreté a notifié à Zaina A. la rupture de son contrat de travail pour faute grave selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 5 septembre 2005 en invoquant le refus opposé par la salariée de rejoindre à compter du 1er juin 2005 son poste de travail;
Considérant qu'en l'état des conditions ci-dessus rappelées constitutives d'une grave carence de la société GOM Propreté dans l'exécution de la relation contractuelle, celle-ci ne peut imputer à Zaina A. la rupture du contrat de travail pour le motif mentionné dans la lettre de licenciement alors que cette salariée n'était affectée sur aucun poste déterminé depuis le 15 février 2005 et n'avait pas perçu la rémunération correspondant à son ancienne affectation depuis le mois d'avril 2005 ; qu'ainsi le licenciement notifié le 5 septembre 2005 est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Considérant que selon les dispositions prévues par l'article L.122-14-1 du code du travail la notification du licenciement incombe à l'employeur ; que toutefois, certaines conventions collectives peuvent prévoir une compétence d'attribution en matière de procédure de licenciement ;
Considérant que seule l'absence de qualité à agir du signataire d'une lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement, l'irrégularité de forme ne pouvant en revanche exercer d'influence sur la cause du licenciement ;
Considérant au cas présent que Zaina A. invoque l'irrégularité de la procédure de licenciement rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse du seul fait de l'absence de qualité de la directrice des ressources humaines (Mme C.) pour engager la société GOM Propreté dès lors que celle-ci, constituée sous la forme d'une société par actions simplifiée, ne peut être représentée à l'égard des tiers que par son seul président ou, lorsque les statuts le prévoient, par une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué (article L.227-6 du code du commerce);
Considérant que si seul le président d'une SAS a la qualité de représentant légal de la société, par contre, rien n'interdit à celui-ci (sauf interdiction expresse des statuts) de déléguer, au sein de l'entreprise et à d'autres personnes, non les pouvoirs légaux de représentation de la société ou les pouvoirs qui appartiennent exclusivement à la collectivité des associés, mais une partie des pouvoirs qu'il détient pour assurer le fonctionnement interne de la société notamment aux fins d'accomplir certains actes déterminés comme les embauches et les licenciements d'une catégorie particulière de salariés; qu'il convient d'ailleurs de relever que l'article L.227-5 du code du commerce a prévu que les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, laissant ainsi aux dirigeants de la société une certaine liberté dans l'organisation de l'entreprise;
Considérant en conséquence qu'en engageant le 18 août 2005 la procédure de licenciement dirigée contre Zaina A. et en notifiant à celle-ci la rupture de son contrat de travail le 5 septembre 2005, Mme C., agissant normalement dans le cadre de ses fonctions de directrice des ressources humaines habilitée à embaucher et licencier les salariés de l'entreprise relevant de la catégorie des ouvriers, avait qualité pour agir au nom de la société GOM Propreté; qu'ainsi la procédure de licenciement était parfaitement régulière;
Considérant qu'après avoir pris en considération la faible ancienneté de Zaina A. au sein de l'entreprise et la reprise par elle d'un travail salarié en alternance avec la perception d'indemnités de chômage, la cour fixe à la somme de 2 000 € l'indemnisation que la société GOM Propreté devra lui verser en réparation du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi par application de l'article L.122-14-5 du code du travail ;
Considérant que Zaina A. peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à concurrence d'un mois de salaire outre les congés payés afférents;
Considérant enfin qu'il convient d'accorder à Zaina A. la somme de 1 500 € au titre des frais de procédure non taxables exposés tant en première instance qu'en cause d'appel au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (la salariée ayant justifié du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle selon décision du Bureau d'Aide Juridictionnelle en date du 24 octobre 2007 - 2007/012213);
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 20 avril 2006 par le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et accordé à Zaina A. une indemnité de requalification égale à 810,16 € ,
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :
CONDAMNE la société GOM Propreté à payer à Zaina A. les sommes de :
• 77,90 € à titre de prime de précarité outre 7,79 € au titre des congés payés afférents, • 3 722 € à titre de rappels de salaire pour la période du 1er avril 2005 au 7 septembre 2005 outre 372,20 € au titre des congés payés afférents, • 814,32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 81,43 € au titre des congés payés afférents, • 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, • 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise à Zaina A. d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision,
DEBOUTE Zaina A. du surplus de ses demandes,
CONDAMNE la société GOM Propreté aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.