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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 21 mai 2019, n° 18/06551

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay Briere

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

Avocats :

Me Zerhat, Me Dontot, Me Reboul

T. com. Nanterre, du 5 sept. 2018, n° 20…

5 septembre 2018

La SAS Akube, créée en janvier 2009, avait pour activité le négoce de matériels et logiciels informatiques ainsi que la commercialisation de conseils et prestations dans le domaine des systèmes informatiques, en France et à l'étranger.

Son capital social était réparti comme suit :

- Monsieur C H, président, : ...

- Monsieur L A :...

- Monsieur K E :1865 actions

- Monsieur O X : 235 actions.

A compter de 2013, la SAS Akube a connu des difficultés qui ont conduit son président à régulariser une déclaration de cessation des paiements le 9 juillet 2014.

Suivant jugement du 17 juillet 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Akube, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er juillet 2014 et désigné la Selarl de Keating, prise en la personne de maître Y D Z G, en qualité de liquidateur judiciaire.

Ce dernier, estimant que les opérations de la procédure collective avaient révélé que la date de cessation des paiements était très antérieure à celle retenue par le tribunal, a fait assigner la SAS Akube, représentée par M. H, afin de voir reporter la date de cessation des paiements au 14 août 2013, demande à laquelle il a été fait droit par jugement du 18 décembre 2015, rectifié le 7 janvier 2016.

Par ailleurs, par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi d'une action en annulation des paiements effectués par la SAS Akube en période suspecte, a condamné les sociétés FTJ consulting et Tako consulting à régler respectivement les sommes de 97 188 euros et 63 388 euros à la Selarl de Keating, ès qualités.

Considérant en outre que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence un certain nombre de fautes de gestion imputables à MM. H et E, le liquidateur judiciaire les a attraits devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel suivant jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 5 septembre 2018, a :

- dit que M. C H devait supporter personnellement une partie de l'insuffisance d'actif de la société Akube et l'a condamné à payer la somme de 500 000 euros entre les mains de maître Hart de Keating, ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- dit que M. K E devait supporter personnellement une partie de l'insuffisance d'actif de la société Akube et l'a condamné à payer la somme de 300 000 euros entre les mains de maître Hart de Keating, ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- prononcé à l'égard de M. H une interdiction de gérer pour une durée de sept ans ;

- prononcé à l'égard de M. E une interdiction de gérer pour une durée de trois ans ;

- condamné MM. H et E à payer chacun à maître Hart de Keating, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné les défendeurs aux dépens, à l'exception des frais de greffe employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Le tribunal a retenu les griefs de gestion contraire à l'intérêt de la société et de détournements d'actifs à l'encontre de MM. H et E, et celui de défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal à l'égard du premier.

Il a rejeté la demande de faillite personnelle mais a considéré, pour prononcer des interdictions de gérer, que les griefs prévus aux 3° et 4° de l'article L.653-4 du code de commerce étaient établis à l'encontre de MM. E et H, ainsi que celui d'avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal à l'encontre de ce dernier seul.

M. E a interjeté appel de cette décision selon déclaration d'appel du 20 septembre 2018 enregistrée sous le numéro RG 18/06551.

M. H a également formé un appel contre ce jugement, le 24 septembre 2018. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 18/06608.

Par ordonnance du 17 décembre 2018, la jonction des deux procédures a été ordonnée sous le numéro 18/06551.

Dans ses dernières conclusions d'appelant, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 décembre 2018, dans des termes identiques à celles d'intimé et d'appelant incident déposées et notifiées le 22 novembre 2018 dans le dossier n°18/06608, M. E demande à la cour de :

A titre principal :

- constater qu'aucun grief du chef d'omission de la déclaration de cessation des paiements de la SAS Akube ne peut être retenu à son encontre ;

- constater qu'il n'a commis aucune faute dans la gestion de la SAS Akube et que sa responsabilité ne saurait être engagée ;

Par conséquent,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

A titre incident :

- le déclarer recevable et bien fondé en sa tierce opposition incidente du jugement rectificatif rendu le 7 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Akube au 14 août 2013 ;

- constater qu'à la date du 14 août 2013, la cessation des paiements de la SAS Akube n'était pas caractérisée ;

Et, statuant à nouveau,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 7 janvier 2016 ;

- fixer au 1er juillet 2014 la date de cessation des paiements de la SAS Akube ;

- constater que la date de cessation des paiements de la SAS Akube n'étant pas caractérisée au 14 août 2013, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif initiée à son encontre est mal fondée ;

Subsidiairement et si une quelconque condamnation était prononcée son encontre :

- reporter le terme du règlement du montant des condamnations mises à sa charge à deux ans compte tenu de ses capacités financières ;

- condamner maître Hart de Keating, ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions d'intimé déposées au greffe et notifiées par RPVA le 31 octobre 2018, dont le contenu est identique à celui des conclusions d'appelant déposées le même jour dans le dossier n°18/06608, M. H demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement du 5 septembre 2018 ;

- constater qu'il n'a pas sciemment omis de déclarer l'état de cessation des paiements de la SAS Akube dans le délai de quarante cinq jours ;

- constater qu'il a commis des fautes relevant de la simple négligence dans la gestion de la SAS Akube et que sa responsabilité ne saurait être engagée ;

Par conséquent,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- subsidiairement, et si une quelconque condamnation était prononcée à son encontre, reporter le terme du règlement du montant des condamnations mises à sa charge à deux ans compte tenu de ses capacités financières ;

- condamner maître Hart de Keating, ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 décembre 2018 dans le dossier n° 18/06608, la Selarl Hart de Keating, ès qualités, demande à la cour de :

Sur la tierce opposition de M. E au jugement du 7 janvier 2016 :

A titre principal :

- déclarer irrecevable la tierce opposition de M. E ;

A titre subsidiaire :

- déclarer mal fondée la tierce opposition de M. E ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 janvier 2016 en toutes ses dispositions fixant la date de cessation des paiements de la SAS Akube au 14 août 2013 ;

A titre infiniment subsidiaire :

- fixer la date de cessation des paiements de la SAS Akube au 3 octobre 2013 ;

Sur l'appel du jugement du 5 septembre 2018 :

- déclarer M. H recevable mais mal fondé en son appel ;

- déclarer M. E recevable mais mal fondé en son appel incident ;

En conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner MM. E et H à lui payer chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 novembre 2018 dans le dossier n° 18/06551, la Selarl Hart de Keating, ès qualités, demande à la cour de :

- déclarer M. E recevable mais mal fondé en son appel ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner MM. E et H à lui payer chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans son avis communiqué par RPVA le 11 octobre 2018, le ministère public recommande la confirmation du jugement, relevant que la condamnation prononcée par les premiers juges n'est pas très sévère au regard des griefs de gestion hasardeuse et de détournements d'actifs caractérisés et proportionnée au regard de l'insuffisance d'actif qui s'élève à 4,2 millions d'euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer les appels de MM. H et E recevables.

1- Sur la direction de la société Akube

M. H ne conteste pas sa qualité de dirigeant de droit de la société Akube.

M. E explique qu'il a été embauché en 2009 en qualité de directeur technique avant d'occuper les fonctions de directeur général de la société Akube mais précise qu'il ne disposait d'aucun pouvoir de représentation de la société vis-à- vis des tiers, son rôle étant cantonné aux aspects strictement techniques de l'activité, ce que confirme M. H, avec lequel il avait par ailleurs, en sa qualité de salarié, un lien de subordination. Il prétend que l'action en comblement de passif formée à son encontre doit être rejetée faute pour le liquidateur judiciaire de démontrer l'accomplissement en toute indépendance d'actes positifs de gestion et de direction de la société Akube.

La Selarl de Keating expose qu'au vu de l'extrait Kbis de la société Akube, MM. H et E exerçaient respectivement les fonctions de président et de directeur général de la société. Il précise qu'aucune limitation de pouvoirs ne figure dans le procès verbal de l'assemblée générale du 25 mai 2012 nommant M. E aux fonctions de directeur général de la SAS Akube et que les pactes d'actionnaires encore en vigueur à la date de cette assemblée générale prévoyaient que «le président de la société ou son directeur général, sont habilités à effectuer seul tout acte de gestion'» , de sorte que MM. H et E ont tous les deux la qualité de dirigeant de droit de la société liquidée.

Les statuts de la société Akube et le procès verbal de l'assemblée générale du 25 mai 2012 établissent que M. H était président de la société et que M. E en est devenu le directeur général à compter du 25 mai 2012.

Selon l'extrait Kbis daté du 18 juillet 2014, versé aux débats, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, ils exerçaient les mêmes fonctions de président et de directeur général de la société Akube.

Il est constant que dans une société anonyme simplifiée le directeur général et le président sont des dirigeants de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce.

Il n'est justifié d'aucune décision statutaire qui aurait limité l'étendue des pouvoirs du directeur général de la société Akube, lequel est par suite doté des mêmes pouvoirs que le président par application de l'article L.227-6 du code de commerce.

Dans une société par actions simplifiée, le directeur général et le président sont des dirigeants de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce.

Il n'y a pas lieu, par conséquent, de rechercher si M. E a accompli des actes positifs de gestion en toute indépendance, ces actes n'étant nécessaires que pour caractériser une direction de fait.

Les dispositions du code de commerce relatives à la responsabilité pour insuffisance d'actif, à la faillite personnelle et à aux mesures d'interdiction de gérer sont donc applicables tant à M. H qu'à M. F

2- Sur la tierce opposition incidente formée par M. E

M. E soutient qu'il est recevable et fondé en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement rectificatif d'erreur matérielle du 7 janvier 2016 reportant la date de cessation des paiements au 14 août 2013. Rappelant un arrêt de la Cour de cassation du 5 septembre 2018 (n°17-15395), il fait valoir en premier lieu qu'il n'était pas partie à la procédure en report de la date de cessation des paiements, que faute de publication au BODACC le délai de dix jours pour former tierce opposition n'a pas commencé à courir et qu'il a un intérêt personnel à agir dès lors que cette décision sert de fondement à l'action en sanctions.

En deuxième lieu, il prétend que contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire, seule la société Tech data France disposait d'une créance exigible au 14 août 2013, laquelle a été réglée les 28 et 29 août 2013, les autres créances, qui n'étaient exigibles qu'à compter des mois d'octobre et décembre 2013, ayant soit fait l'objet d'accords d'échelonnement soit n'étaient pas définitivement fixées.

Il fait valoir enfin que dans son appréciation de l'actif disponible le tribunal n'a pas tenu compte des réserves de crédit dont disposait la société Akube au 14 août 2013.

La Selarl de Keating soutient que M. E est irrecevable en sa tierce opposition au jugement du 7 janvier 2016 en ce qu'en sa qualité de directeur général, il est également représentant légal de la SAS Akube et ne peut donc pas être assimilé à un tiers vis-à- vis de cette dernière.

Sur le fond, après avoir rappelé que la société Akube n'a pas interjeté appel du jugement du 7 janvier 2016, il fait valoir que l'examen des déclarations des créances et du grand livre 2013 permet de caractériser l'existence d'un passif exigible très antérieur à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, qu'il détaille dans ses écritures, pour conclure qu'en l'absence de preuve des délais de paiement allégués, l'état de cessation des paiements était manifeste au 14 août 2013, et subsidiairement au 3 octobre 2013.

M. H n'a pas conclu sur ce point.

Aux termes de l'article 588 du code de procédure civile, la tierce opposition incidente à une contestation dont est saisie une juridiction est tranchée par cette dernière si elle est de degré supérieur à celle qui a rendu le jugement. Elle est formée de la même manière que les demandes incidentes.

Selon jugement rendu le 18 décembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a, aux termes de son dispositif, reporté la date de cessation des paiements initialement fixée au 17 juillet 2014 dans le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Akube au 14 août 2014. Ce jugement a été publié au Bodacc le 6 janvier 2016.

Par une nouvelle décision rendue le 7 janvier 2016, le tribunal a constaté que ce jugement était affecté d'une erreur matérielle qu'il a rectifiée en fixant la date de cessation des paiements au 14 août 2013, conformément aux motifs du jugement rectifié. Il n'est pas justifié qu'il ait été procédé à la publication du jugement rectificatif. Le délai pour former tierce opposition, prévu à l'article R.661-2 du code de commerce, n'a donc pas couru.

Il n'est allégué d'aucun recours formé à l'encontre de l'une ou de l'autre de ces décisions par la société liquidée.

Il ne résulte pas des mentions de ces jugements que M. E y ait été personnellement partie de sorte que la tierce opposition incidente de celui ci, qui a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements, est recevable devant la cour d'appel, juridiction de degré supérieur au tribunal de commerce.

Aux termes de l'article L.631-1 du code de commerce tout débiteur dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

* Sur l'actif disponible

Il ressort des pièces communiquées et non contestées, notamment le grand livre des comptes, qu'au 14 août 2013, les quatre comptes bancaires de la société Akube présentaient les soldes suivants :

- CIC compte courant : - 616 267,94 euros

- CIC Akube hosting : 12 584,17 euros

- CIC USD : 138 025,91 euros

- compte à terme : 293 085,17 euros

soit un solde débiteur de 172 572,69 euros.

Il est toutefois justifié, par un mail du 25 septembre 2013 émanant du CIC, que la société Akube bénéficiait jusque fin août 2013 d'une autorisation de découvert bancaire à hauteur de 500 000 euros, laquelle a par la suite été ramenée à 300 000 euros jusqu'au 25 septembre suivant et à 200 000 euros à compter du 27 septembre 2013 selon les écritures concordantes des parties.

Il se déduit de ces éléments qu'au 14 août 2013, l'actif disponible de la société Akube s'élevait à la somme de 327 427,31 euros.

Courant octobre 2013, les quatre comptes bancaires de la société Akube présentaient, selon le grand livre des comptes, les soldes suivants :

- CIC compte courant : - 213 359,66 euros (3 octobre 2013)

- CIC Akube hosting : 18 455,99 euros (3 octobre 2013)

- CIC USD : 6 123,77 euros (3 octobre 2013)

- compte à terme : - 5 480,39 euros (16 octobre 2013)

en sorte qu'en tenant compte d'une autorisation de découvert à hauteur de 200 000 euros, la société Akube disposait au 3 octobre 2013 d'un actif disponible de 224 579,76 euros.

* Sur le passif exigible

Le liquidateur judiciaire fait état de cinq créances fournisseurs qu'il convient d'examiner.

- la créance Tech data France

Le 21 juillet 2014, la société Tech data France a déclaré une créance chirographaire de 943 295,02 euros correspondant à plusieurs factures dont huit, datées du 12 au 14 juin 2018, à échéance du 14 août 2013 pour la somme totale de 185 289,87 euros et douze, datées du 1er au 31 juillet 2013, à échéance du 14 septembre 2013 pour la somme totale de 662 177,15 euros .

Contrairement à ce qui est soutenu, l'examen de l'extrait du grand livre 2013 versé aux débats ne permet de constater ni que les premières sommes ont été payées les 28 et 29 août 2013 ni que deux virements pour un montant total de 281 358,85 euros auraient été opérés au profit de la société Tech data France en règlement de factures émises au plus tard en juin 2013.

L'état des créances versé aux débats montre que la créance a été admise en son intégralité.

- la créance Avnet Technology solutions

Le 18 août 2014, la société Avnet Technology solutions a déclaré une créance de 213 991,49 euros, qui a été admise en totalité, au titre de différentes factures dont aucune n'était exigible au 14 août 2013 et trois, d'un montant global de 3 501,43 euros, l'étaient au 15 octobre 2013.

- la créance Also France

Le 25 juillet 2014, la société Tech data France a déclaré une créance chirographaire de 464 498,29 euros correspondant à différentes factures impayées, laquelle a été admise en totalité. Si aucune n'était échue au 14 août 2013, le relevé de compte joint montre que la somme de 827 143,03 euros était exigible au 12 octobre 2013, avant d'être réduite par des règlements ultérieurs.

Contrairement à ce qui est soutenu, la preuve de l'obtention d'un moratoire n'est pas rapportée par les documents produits et intitulés 'protocole d'accord' et 'cession de créances ' qui ne sont signés que par la société Akube.

- la créance HP France

Le 25 juillet 2014, la société HP France a déclaré une créance chirographaire de 1 289 013,90 euros HT correspondant à une demande de remboursement du fait de la violation des conditions générales du 'programme HP de prix spécial client final' formulée le 18 décembre 2013.

Nonobstant les allégations de MM. E et H, il n'est pas démontré que cette créance, qui a été admise en totalité, aurait été contestée ni qu'elle aurait fait l'objet d'un plan d'apurement, le mail daté du 28 mars 2014, ne faisant état que d'une proposition de rencontre afin de parvenir à un accord amiable.

En tout état de cause, il résulte de la date de la demande de remboursement que cette créance n'était exigible ni au 14 août 2013 ni au 3 octobre 2013.

Il se déduit de ces éléments que la société Akube n'était pas en état de cessation des paiements au 14 août 2013 mais qu'elle l'était au 3 octobre 2013, son actif disponible (224 579,76 euros) étant à cette date inférieur à son passif exigible s'élevant à tout le moins à la somme de 847 467,02 € (185 289,87 + 662 177,15 euros).

Il y a lieu, par suite, d'accueillir la tierce opposition incidente et, réformant le jugement du 18 décembre 2015 rectifié le 7 janvier 2016 de fixer la date de cessation des paiements de la société Akube à cette date.

3- Sur l'insuffisance d'actif

La Selarl de Keating indique, sans être contredite sur ce point par MM. E et H, que l'actif réalisé s'élève à la somme de 55 057,87 euros et que le passif vérifié et admis est de 4 396 030,28 euros, soit une insuffisance d'actif de 4 340 972,41 euros.

4- Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

L'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, dispose notamment que 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée'.

* Sur la déclaration tardive de cessation des paiements

M. H soutient qu'il n'a pas volontairement omis de déclarer la cessation des paiements car au mois d'août 2013 il pouvait légitimement penser que la SAS Akube était en mesure de se redresser puisque la défaillance de la société Trimax solutions n'était pas encore avérée, que les sociétés HP France, Aslo et Tech data France avaient été désintéressées ou avaient consenti des moratoires, que la société bénéficiait d'une autorisation de découvert d'un montant de 500 000 euros, et que ce n'est qu'au mois de mars 2014 que le commissaire aux comptes l'a alerté sur le fait que la poursuite de l'exploitation de la société était désormais compromise. Il explique ensuite que l'activité s'est poursuivie postérieurement au 14 août 2013 exclusivement dans l'intérêt de la SAS Akube et non dans son intérêt personnel.

M. E souligne que ce grief n'est pas formulé à son encontre.

La Selarl de Keating fait valoir que la date de cessation des paiements a été fixée au 14 août 2013 et que le passif a augmenté postérieurement à cette date.

Il convient de relever que cette faute n'est développée à l'encontre de M. E ni par le liquidateur judiciaire ni par le ministère public qui sollicite la confirmation du jugement.

La date de cessation des paiements ayant été retenue ci dessus au 3 octobre 2013, il appartenait aux dirigeants de droit de procéder à la déclaration de la cessation des paiements avant le 18 novembre 2013. La déclaration de cessation des paiements est intervenue le 9 juillet 2014.

Cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif en ce que durant cette période le passif a augmenté de la manière suivante :

- la société HP France a déclaré une créance chirographaire de 1 289 013,90 euros exigible à compter du 28 décembre 2013,

- la société Tech data France a déclaré une créance de 170 828 euros au titre de deux factures dues au 14 novembre 2013,

- la société Avnet technology solutions a déclaré une créance de 167 512,22 euros au titre de plusieurs factures dues du 1er décembre 2013 au 18 juin 2014,

- la société EMC computer systems France a déclaré une créance de 155 724,14 euros correspondant à deux factures dues au 31 décembre 2013 et 19 mars 2014,

sans augmentation corrélative de l'actif.

Elle est établie à l'encontre de M. H en sa qualité de dirigeant de droit. L'absence de déclaration de cessation des paiements pendant près de huit mois ne peut s'analyser en une simple négligence eu égard aux difficultés financières de la société, connues de son dirigeant, lequel avait en outre été alerté en mars 2014 par l'engagement par le commissaire aux comptes d'une procédure d'alerte, et ce peu important que l'activité de la société se soit poursuivie exclusivement dans l'intérêt de la SAS Akube et non dans son intérêt personnel dès lors qu'il ne lui est pas reproché de poursuite abusive d'une activité déficitaire.

* Sur la gestion hasardeuse

Invoquant les dispositions de la loi dite «Sapin II» n°2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable immédiatement aux procédures collectives et instances en responsabilité en cours, M. H soutient que la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée en cas de simple négligence de sa part. Il explique qu'il a parfaitement dirigé la société puisque toutes les obligations fiscales, sociales et juridiques afférentes à la comptabilité et à l'approbation des comptes ont été remplies, que la comptabilité était tenue par un cabinet d'expertise comptable et contrôlée par un commissaire aux comptes, qu'il ne s'est jamais octroyé une rémunération excessive au regard de la situation économique de l'entreprise, qu'il a fait toutes diligences pour tenter de redresser la situation et procéder au recouvrement des factures impayées, qu'il a collaboré sans réserve avec les organes de la procédure et aidé à ce que les salariés rachètent les actifs de la société pour relancer une structure.

Il considère que c'est à tort que le tribunal de commerce lui a reproché de ne pas s'être prémuni de la défaillance de la société Trimax solutions en ne cherchant pas à obtenir des crédits documentaires s'agissant d'un procédé lourd, coûteux, souvent jugé anti concurrentiel, et qui n'est généralement admis que lors de la première transaction. Il précise que cette cliente avait pour habitude de régler ses factures de manière échelonnée, qu'elle s'en est régulièrement acquittée au début et qu'il a entrepris des démarches actives auprès d'elle dès les premiers impayés, de sorte que la poursuite des transactions entre août et septembre 2013 relève d'une simple négligence en matière de choix stratégique commercial et non d'une faute de gestion.

Rappelant les mêmes dispositions légales, M. E prétend que sauf à démontrer qu'il aurait décidé de manière active de continuer à prendre des commandes de la part de la société Trimax solutions nonobstant des impayés, aucune faute de gestion de ce chef ne saurait être retenue à son encontre, alors que seul M. H, en sa qualité de président, décidait des relations commerciales avec les clients et des accords avec les fournisseurs. Il ajoute que la gestion de ce client relève, en tout état de cause, plus d'une simple négligence que d'une gestion hasardeuse.

La Selarl de Keating reproche aux appelants d'avoir continué à livrer du matériel à la société lithuanienne Trimax solutions en dépit d'arriérés qui s'élevaient à près de 2,6 millions d'euros en septembre 2013, sans avoir par ailleurs sollicité des crédits documentaires pour garantir les relations avec cette société. Elle soutient qu'il ne s'agit pas là d'une simple négligence mais d'une faute de gestion à l'origine de la déclaration de cessation des paiements et de l'insuffisance d'actif constatée, qui relève soit d'une incompétence grave de la part de MM. H et E soit d'une collusion frauduleuse avec la société Trimax solutions au préjudice des fournisseurs.

Aux termes de ses écritures M. H reconnaît l'existence d'impayés de la part de la société Trimax solutions à hauteur de 2 619 972,66 euros entre le 15 février 2013 et le 20 septembre 2013, date du dernier règlement obtenu.

Le grand livre des comptes témoigne qu'entre les mois de février et mai 2013 la société Trimax a passé des commandes dont elle a partiellement honoré les paiements, le poste client étant de l'ordre de 214 000 euros au 21 mai 2013 ; qu'entre le 24 mai et le 19 juin 2013, elle a commandé pour près de 2 290 663 euros de matériel qui lui ont été livrés alors qu'entre le 20 mai et le 25 juin suivant elle ne réglait que 1 101 621 euros, le compte client atteignant dès lors une somme de plus de 2 millions d'euros ; que la société Akube a néanmoins honoré trois commandes de 578 017,30 euros, 1 092 869,80 euros et 28 416 euros les 6 août 2013, 19 et 30 septembre 2013.

Le fait d'avoir vendu une grande quantité de matériels à une société étrangère, avec qui elle n'était en relations d'affaires que depuis le début de l'année 2013 selon l'attestation de Mme B et à propos de laquelle elle n'avait qu'une attestation de la banque Rietumu attestant de l'existence d'un compte bancaire, sans prendre de garantie ou exiger de crédits documentaires avant la demande y afférent présentée par courrier du 7 octobre 2013, laissant ainsi le compte client augmenter jusqu'à près de 26% du chiffre d'affaires, et ce alors que la société Akube connaissait elle même des difficultés financières, constitue une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a privé celle ci du recouvrement de créances. Au regard du montant des arriérés et des difficultés connues de ses dirigeants pour régler ses propres fournisseurs, il ne peut pas s'agir d'une simple négligence.

Elle est imputable à MM. H et E, ce dernier ne justifiant d'aucune limitation de ses pouvoirs.

* Sur les détournements d'actifs

Après avoir rappelé que la faute de gestion n'engage la responsabilité du dirigeant que si elle a contribué à aggraver l'insuffisance d'actif, M. H prétend qu'il est faux de parler de détournement d'actifs au sujet des paiements intervenus au profit de sociétés tierces, qui en outre n'ont pas contribué à aggraver le passif de la SAS Akube. Il fait valoir que la convention de prestations de services administratifs, commerciaux et de direction conclue entre cette dernière et la société FTJ consulting le 15 octobre 2009, régulièrement approuvée en assemblée générale, était tout à fait valable et causée, étant précisé que la Cour de cassation a reconnu, depuis un arrêt du 24 novembre 2015, la validité des conventions ayant pour objet la gestion d'une société facturées à une SAS. Il indique que la société FTJ consulting a déjà été condamnée à rembourser la somme de 97 188 euros au titre des versements opérés par la SAS Akube en période suspecte et en conclut qu'il ne peut pas être condamné à payer deux fois la même somme pour la même cause, conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice. Il ajoute que le liquidateur judiciaire ne peut pas demander l'augmentation du montant des paiements indus à la somme de 228 000 euros en raison de paiements intervenus en janvier 2013, soit plus de six mois avant la date de cessation des paiements et que par suite aucun grief de détournement d'actifs au profit de la société FTJ consulting ne peut être retenu à son encontre. S'agissant des allégations relatives à la société Yacloud, il explique que le tribunal de commerce a opéré une confusion entre cette dernière et les achats visant le «Cloud», qui désigne une méthode de stockage de données sur un serveur délocalisé, utilisée et développée par la SAS Akube avant même que la société Yacloud soit créée.

A propos de la société Jumbo, il relève qu'aucun paiement, règlement ou utilisation de crédit de la SAS Akube à son profit n'est allégué par le liquidateur judiciaire.

Enfin, concernant la société Tavira, créée afin de réaliser des transactions avec la SAS Akube dans le cadre d'apports d'affaires et de prêt de base de données, il indique produire les factures correspondant aux honoraires facturés et payés à un moment où le compte courant de la société était créditeur.

M. E soutient en premier lieu que la «convention de prestations de services administratifs, commerciaux et de direction» conclue entre la SAS Akube et la société Tako consulting le 15 octobre 2009, approuvée en assemblée générale, était valable et non dépourvue de cause, précisant également que la Cour de cassation a reconnu la validité de telles conventions. Il observe en deuxième lieu que la société Tako consulting a déjà été condamnée à rembourser la somme de 63 388 euros au titre des versements opérés par la débitrice en période suspecte et qu'il ne peut donc être condamné à payer deux fois la même somme pour la même cause, conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice. Il prétend, enfin, que maître Hart de Keating, ès qualités ne peut pas demander l'augmentation du montant des paiements indus à la somme de 120 500 euros en raison de paiements intervenus en février 2013 au profit de la société Tako consulting, soit plus de six mois avant la date de cessation des paiements et que par conséquent aucun grief de détournement d'actifs au profit de cette société ne peut lui être reproché. S'agissant de la société Jumbo, il relève qu'aucun paiement, règlement ou utilisation de crédit de la SAS Akube à son profit n'est allégué par le liquidateur judiciaire.

La Selarl de Keating soutient que les versements de sommes très importantes vers les sociétés FTJ consulting et Tako consulting, dirigées respectivement par MM. H et E, constituent des détournements d'actifs et que les conventions de prestations de services conclues entre celles ci et la SAS Akube étaient dépourvues de cause. Elle précise qu'en 2013 les sociétés FTJ consulting et Tako consulting ont perçu de la société Akube des sommes de 228 000 euros et 120 500 euros alors même que cette dernière enregistrait des pertes importantes, étant en outre relevé que les écritures des deux sociétés font mention d'opérations transitant par un compte courant d'associé qui n'existe pas dans la comptabilité de la société Akube.

Il prétend également que le crédit de la société Akube a été utilisé au profit de la société Yacloud, constituée en avril 2014, dans laquelle les appelants étaient intéressés, en ce que le personnel de la société Akube a été mis à disposition de la société Yacloud, et ce sans aucun cadre légal, et que la première a dépensé près de 170 000 euros de matériel et 210 000 euros en frais divers au profit de la société Yacloud.

Il ajoute que la société de droit luxembourgeois Tavira, dont M. C H est le gérant et l'associé unique, a bénéficié en 2014, soit en période suspecte, de paiements d'honoraires d'un montant de 42 000 euros de la part de la société Akube, sans aucun justificatif comptable ; que la société I H consulting a perçu en 2013 une somme de 12 250 euros HT à titre d'honoraires et que M. M, co gérant de la SARL Jumbo holding, elle même associée unique de la SARL de droit luxembourgeois Akube international, a perçu 16 000 euros non justifiés.

Selon l'article L.227-5 du code de commerce, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée.

En l'espèce, les statuts de la société Akube prévoient d'une part que celle ci est administrée et dirigée par un président, dont le premier mandat est attribué à M. C H, et qu'un directeur général ou directeur général délégué peuvent également être nommés et, d'autre part, que la rémunération du président et des dirigeants, qui peut être fixe et/ou proportionnelle, est fixée par une décision ordinaire des associés.

Ils ne prévoient ni n'excluent que la société ait recours à une société tierce pour l'exercice de la présidence ou de la direction générale.

Le 15 octobre 2009, la SAS Akube et la SAS FTJ consulting, toutes deux représentées par M. H, celui ci étant également président et actionnaire unique de la seconde, ont conclu une «convention de prestations de services administratifs, commerciaux et de direction» ayant notamment pour objet de mettre M. C H à disposition de la société Akube au poste de président et d'assister cette société dans la gestion de son entreprise moyennant une rémunération de 1 000 euros par jour. Un avenant prévoyant une rémunération sur l'atteinte des objectifs de 65 000 euros a été régularisé le 1er mars 2011 entre les sociétés Akube, représentée par M. L A, associé, et FTJ consulting, représentée par M. C H.

L'examen du grand livre 2013 montre que la société FJT a facturé une somme globale de 323 000 euros entre le 20 février 2013 et le 18 décembre 2013 et qu'elle a perçu 80 000 euros le 30 juin 2013.

Par ailleurs, les bulletins de salaire versés aux débats montrent que la société Akube a versé des salaires à M. H à hauteur de 28 266,87 euros pour les onze premiers mois de l'année 2013.

Outre que la convention a pour objet la mise à disposition de M. H pour assurer la gestion de la société Akube, pouvoirs dont il disposait déjà en sa qualité de président désigné par celle ci, la société a payé deux fois le même service alors que le compte de résultat de l'exercice 2013 montre que durant cet exercice elle a réalisé des pertes à hauteur de 1 297 174 euros.

En dépit de son absence de production aux débats, il n'est pas contesté que le 15 octobre 2009, la SAS Akube a également conclu une «convention de prestations de services administratifs, commerciaux et de direction» avec la société Tako consulting, dont M. E était président et actionnaire unique, ayant notamment pour objet de mettre M. E à disposition de la société Akube et d'assister cette société dans la gestion de son entreprise. Des avenants portant sur la rémunération ont été convenus les 1er mars 2011 et 1er juin 2012 entre la société Akube, représentée par M. C H, et la société Tako, représentée par M. K F

L'examen du grand livre 2013 montre que la société Tako consulting a facturé une somme globale de 160 500 euros entre le 22 février 2013 et le 1er décembre 2013 et qu'elle a perçu 40 000 euros le 30 juin 2013.

Bien que les bulletins de salaire le concernant pour l'année 2013 ne soit pas produits, seuls ceux de 2014 l'étant, il n'est pas plus contesté que la société Akube a versé des salaires à M. E pour les onze premiers mois de l'année 2013.

Outre que la convention a pour objet la mise à disposition de M. E pour assurer la gestion de la société Akube, pouvoirs dont il disposait déjà en sa qualité de directeur général depuis le 25 mai 2012, la société a payé deux fois le même service alors que dans le même temps la société réalisait des pertes.

Contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, la demande du liquidateur judiciaire ne revient pas à les condamner une seconde fois pour la même cause, car outre qu'il n'y a pas identité entre les personnes physiques et les personnes morales concernées, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 8 décembre 2016 a annulé des paiements faits au profit la société FJT consulting entre le 4 septembre 2013 et le 1er avril 2014, et pour la société Tako le 21 octobre 2013, lesquels ne correspondent donc pas aux versements visés ci dessus.

Il est constant que le capital social de la société Yacloud, présidée par M. C H, dont le siège social a été fixé à la même adresse que la société Akube, est détenu majoritairement par la SARL de droit luxembourgeois Jumbo holding, elle même détenue à 70% par M. C H et à 30% par M. E, la SASU Laurent Lacroix consulting, présidée par M. I H, frère de M. C H, la société Axiles et M. Vincent Caron.

Aux termes de ses écritures, M. H reconnaît que la société Akube a effectué des dépenses d'impressions, de sous traitance et de fournitures pour le compte de la société Yacloud à hauteur de 6 629,68 euros HT, sans toutefois démontrer l'intervention de la société Yacloud dans la recherche alléguée de clients finaux pour revendre l'offre cloud de la société Akube.

Il convient d'ajouter à cette somme celles de 5 980 euros et de 17 942,67 euros correspondant à des virements 'J P' effectués les 5 mars et 24 avril 2014, ainsi que celles non justifiées de 11 800 euros et 4 200 euros payées respectivement le 7 janvier 2014 et 5 mai 2014 à M. M, co gérant de la société Jumbo holding et de 17 000 euros payée le 5 mai 2014 à la société de droit luxembourgeois Tavira, dont M. C H est gérant et associé unique, pour des journées de consulting sans autre précision.

Ces dépenses injustifiées ont nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif de la société Akube.

En revanche, compte tenu de l'activité de la société Akube, les extraits du grand livre des comptes ne permettent pas, en l'absence d'autres éléments et de production de l'inventaire, d'imputer à la société Yacloud toutes les dépenses mentionnant le terme 'cloud' et à établir que la société Akube aurait acquis pour 170 773,96 euros HT de matériels et supporté des frais de sous traitance pour aider au démarrage de la société Yacloud.

En outre, si le grand livre des comptes montre que :

- la SASU Laurent Lacroix consulting a facturé à la société Akube la somme globale de 12 250 euros entre le 1er juillet 2013 et le 27 décembre 2013,

- la société Axiles conseils a facturé à la société Akube les sommes de 9 300 euros le 1er décembre 2013, 6 375 euros le 2 janvier 2014 et 4 200 euros le 5 mai 2014,

- la société Tavira a facturé le 31 mars 2014 une somme de 25 000 euros pour des journées de consulting,

la preuve du paiement de ces sommes n'est pas rapportée. En l'absence de règlement et de déclaration de ces créances au passif de la société Akube, elles n'ont pas contribué à augmenter l'insuffisance d'actif.

Le grief de détournement d'actifs de la société Akube au profit des sociétés dirigées par MM. H et E, ou dans lesquelles ceux ci sont intéressés, est donc caractérisé à l'encontre de ces derniers.

* Sur le quantum de la sanction

M. H soutient que le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif mis à sa charge est totalement disproportionné au regard de ses capacités financières, dans la mesure où il est actuellement sans emploi, n'est propriétaire d'aucun bien immobilier et ne dispose d'aucune trésorerie par le biais des sociétés Jumbo et Tavira et sollicite, à défaut d'une réformation de la condamnation, un report du terme du règlement.

M. E argue également de ce que le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif mis à sa charge est totalement disproportionné au regard de ses capacités financières, dans la mesure où son salaire actuel s'élève à 6 700 euros mensuels, qu'il n'exerce aucun mandat social et qu'il continue de rembourser un emprunt pour financer l'acquisition de son domicile conjugal, seul bien dont il est propriétaire. Il sollicite donc une réformation de la condamnation ou à défaut un report du terme du règlement.

La selarl de Keating sollicite la confirmation des condamnations prononcées à ce titre.

Pour justifier de sa situation personnelle, sociale et financière, M. H se contente de produire des documents de Pôle emploi selon lesquels au 28 juillet 2017, il avait épuisé ses droits ainsi que le montant des allocations perçues en 2017 soit 26 335 euros, lesquels sont insuffisants à justifier de sa situation personnelle et patrimoniale au jour où la cour statue alors qu'il exerce plusieurs mandats sociaux.

M. E, pour sa part, verse aux débats son avis d'imposition 2018 qui démontre qu'il est marié avec un enfant à charge et qu'il a perçu en 2017 des revenus salariés à hauteur de 80 458 euros et des revenus de capitaux mobiliers de 10 euros ainsi qu'une offre de crédit immobilier de 232 750 euros contractée en 2005 pour l'achat de sa résidence principale au prix de 245 000 euros.

Il convient, au regard de ces éléments, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle les a condamnés à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 500 000 euros pour le premier et de 300 000 euros pour le second et de rejeter les demandes de délais.

5- Sur les sanctions personnelles

Après avoir rappelé les dispositions de la loi dite «Macron» n°2015-990 du 6 août 2015, applicables aux procédures collectives en cours au 8 août 2015, M. H prétend que ni maître Hart de Keating, ès qualités, ni le tribunal de commerce n'ont démontré le caractère intentionnel et fautif de son omission de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.

M. E fait valoir que le grief de défaut de déclaration de cessation des paiements n'étant pas retenu à son encontre, aucune mesure d'interdiction de gérer ne peut être prononcée à son encontre.

La Selarl de Keating soutient que les griefs d'usage des biens ou du crédit de la société Akube contraire à son intérêt, de détournements d'actifs et de déclaration tardive de l'état de cessation des paiements sont établis et sollicite par conséquent la confirmation des mesures d'interdiction de gérer prononcées.

L'article L 653-1 du code de commerce dispose que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions de ce chapitre III, intitulé 'de la faillite personnelle et des autres mesures d'interdictions', sont notamment applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.

Aux termes des articles L.653-4 3° et 5° du même code, une mesure d'interdiction de gérer peut également être prononcée pour avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, et pour avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

L'article L 653-8, alinéa 1 du code de commerce permet au tribunal, dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6, de prononcer à la place de la faillite personnelle une interdiction de gérer une entreprise. L'alinéa 3 du même article précise qu'une telle mesure peut également être prononcée à l'encontre d'un dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Il résulte des éléments analysés ci dessus que MM. H et E, dirigeants de droit, ont utilisé les biens et notamment la trésorerie de la société Akube au détriment de celle ci pour favoriser la société Yacloud dans laquelle ils étaient intéressés via la SARL de droit luxembourgeois Jumbo holding qu'ils détenaient, et qu'ils ont en outre détourné une partie de l'actif de la société Akube au profit des sociétés FTJ consulting et Tako consulting qu'ils dirigeaient.

Enfin M. H, qui n'a pas demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation, a nécessairement omis sciemment de déclarer l'état de cessation des paiements de la société Akube pendant près de huit mois eu égard aux difficultés financières de la société qu'il connaissait, étant observé qu'il avait été alerté en mars 2014 par le commissaire aux comptes sur la situation compromise de la société.

Au regard du nombre et de la gravité des fautes qui leur sont reprochées ainsi que des situations personnelles et financières de MM. H et E, telles quelles ressortent des éléments ci dessus et des quelques pièces qu'ils ont versées aux débats, les mesures d'interdiction de gérer prononcées par le tribunal sont fondées tant dans leur principe que dans leur quantum. Il convient, en conséquence, de les confirmer.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare recevable les appels formés par MM. C H et K E ;

Déclare recevable la tierce opposition incidente formée par M. K E à l'encontre du jugement rectificatif du 7 janvier 2016 ;

Y faisant droit,

Réforme ce jugement en ce qu'il a reporté de cessation des paiements de la société Akube au 14 août 2013 ;

Reporte la date de cessation des paiements de la société Akube au 3 octobre 2013 ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 5 septembre 2018 en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a condamné M. C H, de nationalité française, né le 22 avril 1973 à Enghien les bains (95), demeurant ..., ... et M. K E, de nationalité française, né le 24 juillet 1970 à Strasbourg (67), domicilié à Carrières sous Poissy (78955), ..., à une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale d'une durée de 7 ans pour le premier et de 3 ans pour le second ;

Déboute MM. H et E de leur demande de délais ;

Condamne MM. H et E à payer chacun à la Selarl Hart de Keating, ès qualités, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;

Dit qu'en l'application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 20/6/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Condamne MM. H et E aux dépens d'appel.