CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 avril 2013, n° 11/14299
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
INSTITUT DE DEVELOPPEMENT DU SEMINAIRE (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme BARTHOLIN
Conseillers :
Mme BLUM, Mme REGHI
Avocats :
AARPI DES DEUX PALAIS, Cabinet BENAYOUN ASSOCIES, SELARL BARBIER ASSOCIES
Suivant acte sous seing privé en date du 28 février 2002, la sci du [...] a donné à bail à l'Institut du développement du Séminaire divers locaux à usage commercial dans un immeuble situé [...] 2ème, suivant loyer d'un montant annuel de 182 939 € en principal ; le loyer a été porté par l'effet de la clause d'indexation à la somme de 230 551 € par an en principal ;
Par acte d'huissier du 8 décembre 2008, l'Institut du développement du Séminaire a sollicité la révision du loyer sur le fondement de l'article L 145-39 du code de commerce, demandant de voir fixer le loyer à la somme de 160 380 € par an en principal.
Par jugement du 17 juin 2011, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a :
- fixé à la somme de 178 948 € en principal par an, à compter du 8 décembre 2008, le loyer du bail révisé depuis cette date entre la sci du [...] et la société Institut de développement du Séminaire pour les locaux situés [...],
- condamné la sci du [...] à payer à la société Institut du développement du Séminaire les intérêts au taux légal sur les loyers trop perçus à compter du prononcé de la décision,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
-débouté les parties de leur demande plus ample,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné chaque partie par moitié aux dépens incluant le coût de l'expertise.
La société civile immobilière du [...] a interjeté appel de cette décision ; elle demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau, de juger que la clause par laquelle le loyer ne varie qu'à la hausse ne constitue pas une clause d'échelle mobile, faute de réciprocité, que le preneur ne peut en conséquence se prévaloir du bénéfice des dispositions dérogatoires de l'article L 145-39 du code de commerce, qui sont d'ordre public, pour demander la révision du loyer, que la demande du preneur est irrecevable, que la société Institut du développement du Séminaire doit être débouté de ses demandes,
A titre subsidiaire, elle demande de fixer le loyer révisé à la somme de 220 000 € par an hors taxes et hors charges, de condamner la société Institut du développement du Séminaire à lui payer la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens y compris les frais d'expertise.
La société Institut du développement du Séminaire demande de dire la société [...] mal fondée en son appel et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sous réserve des frais de procédure, de condamner la sci du [...] aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et de la condamner à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Le bail signé entre les parties dispose que le loyer sera augmenté de plein droit et sans formalité ni demande en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'insee et pour la première fois le 6 mars suivant la prise d'effet de la location puis ensuite tous les trois ans à la même date, l'indice de référence servant de base étant le dernier indice connu à la prise d'effet de la location, l'indice de révision étant celui du trimestre correspondant et précédant la prise d'effet du nouveau loyer indexé. Il y est expressément convenu que si au 6 mars, la valeur de l'indice de comparaison est inférieure à celui de référence, l'impact de cette variation sera sans effet sur le loyer de base en vigueur à la date considérée ;
La sci du [...] fait valoir qu'en décidant d'un commun accord de déroger à la réciprocité qui est de l'essence même d'une clause d'échelle mobile, les parties ont choisi en réalité un aménagement conventionnel qui exclut l'application des dispositions du mécanisme de révision prévu par l'article L 145-39 du code de commerce qui joue en cas de variation à la hausse comme à la baisse du loyer ; qu'un arrêt récent de la cour d'appel de Douai a décidé en ce sens que si une telle clause est licite et conforme à la liberté contractuelle, elle ne revêt pas l'exigence de variation positive et négative pour entrer dans le champ d'application de l'article L 145-39 du code de commerce qui est d'interprétation stricte.
La clause dite d'échelle mobile que les parties ont la faculté d'insérer dans le bail a en pour objet de faire varier le loyer automatiquement en fonction d'un indice de référence et de jouer ainsi en principe tant en faveur du bailleur qu'en faveur du preneur toutes les fois qu'il peut être constaté une variation dans un sens ou dans l'autre, instituant ainsi un principe de réciprocité ;
Il n'est pas demandé en l'espèce par le preneur de voir juger que la clause du bail qui prévoit de ne prendre en compte la variation de l'indice de référence qu'en cas de hausse de celui-ci, serait illicite ; aucune disposition légale ne prohibe en effet une restriction du mécanisme d'application de la clause d'échelle mobile par la convention des parties dès lors que l'indice choisi est lui-même licite ;
Cette clause du bail demeure cependant, malgré le défaut de réciprocité, une clause dite d'échelle mobile par le choix d'un indice de référence licite susceptible lui-même de varier tant à la hausse qu'à la baisse, même si sa variation n'est prise en compte pour le calcul du loyer qu'en cas de hausse constatée et en faveur d'une partie ;
Quoiqu'il en soit et bien que les parties aient expressément convenu que cette clause d'indexation conventionnelle ne se référait pas à la révision triennale prévue par les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953, une telle clause ne peut mettre obstacle à l'application des mécanismes légaux de révision du bail qui sont d'ordre public et s'imposent aux parties et à celle de l'article L 145-39 du code de commerce en particulier qui prévoit que, chaque fois que par le jeu de la clause d'échelle mobile, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, le révision du loyer et sa fixation à la valeur locative peut être demandée, l'article L 145-39 ne posant aucune autre exigence que la simple constatation de l'augmentation ou la diminution du loyer par le jeu de la clause d'échelle mobile ;
Le premier juge doit être en conséquence approuvé en ce qu'il a retenu que, par le jeu de la clause du bail qualifiée de clause d'échelle mobile, le loyer a été porté à la somme de 230 551 € au 6 mars 2008, ce qui correspond à une augmentation de plus du quart du montant du loyer préalablement fixé et que l'action en révision du loyer pouvait donc être mise en oeuvreet était recevable ;
Les parties ne discutent pas la surface pondérée évaluée par l'expert à 606,70m² : elles s'opposent en revanche sur la valeur locative ;
La sci du [...] reproche en substance à l'expert d'avoir choisi des éléments de comparaison qui ne sont pas pertinents ; elle fait observer que les locaux loués sont situés dans le quartier du sentier et que l'expert a exclu à tort certaines références qu'elle proposait pour en retenir d'autres moins bien situées ou intéressant des surfaces moindres ; elle propose plusieurs autres références tirées d'un rapport d'expertise amiable qu'elle a fait diligenter et demande que le prix des locaux soit évalué à la somme de 340 €/m² et non 300 €/m² comme l'a proposé l'expert et comme l'a retenu le premier juge ; elle fait observer qu'aucun abattement ne saurait être pratiqué au titre des charges supportées par la locataire qui font l'objet d'un forfait et ne sont pas exorbitantes ; elle demande d'ajouter à la location des locaux proprement dits celle des deux emplacements de parking dont bénéficie la locataire dans la cour de l'immeuble qu'elle demande de voir fixer à la somme de 1 500 €/emplacement ;
La société Institut du développement du Séminaire fait observer de son coté que les références choisies par l'expert sont plus anciennes que 2008, époque à laquelle les valeurs locatives avaient baissé, que l'état d'entretien des locaux est médiocre du fait du refus de la bailleresse d'y faire les réparations nécessaires à la chaudière et au toit et que le premier juge a justement fait observer que les locaux ne sont ni câblés ni climatisés.
Les locaux sont situés dans un immeuble ancien en pierre de taille de bel apparence au rez-de-chaussée, premier, deuxième, troisième, quatrième et sous-sol, dans la partie de la [...]comprise entre la [...] et Notre Dame de recouvrance, secteur défini par l'expert comme calme et central qui sont en parfait état d'entretien, équipés d'un chauffage central au gaz et bénéficient de deux places de parking dans la cour de l'immeuble ;
L'expert qui disposait lors de la rédaction de son rapport de nombreuses références de comparaison produites par les parties, a indiqué avoir sélectionné celles qui lui sont apparues les plus pertinentes au regard de l'aspect général des locaux, de leur situation en privilégiant 10 références géographiquement proches, en tenant compte de la date de révision qui s'inscrit dans un contexte économique de crise sur le marché des locaux de bureaux, en écartant les prix de locaux situés à une adresse plus valorisante et notamment celle située [...] à l'angle du [...] et ainsi que les prix des locaux rénovés et climatisés qui s'inscrivent entre 350 et 450 €/m² ;
Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a choisi des locaux de comparaison de bonne dimension comprise entre 100 et 250 m² situés dans des ensembles immobiliers comparables aux locaux en litige, qu'il a à juste titre refusé de prendre en compte les prix des locaux rénovés et climatisés qui sont dotés d'équipements -câblage et climatisation- qui font qu'ils ne sont pas équivalents à ceux en cause même si ces derniers présentent un très bon état d'entretien ; le prix des locaux situés [...] s'applique à une adresse plus attractive puisque l'immeuble est situé en angle de la [...] mais ne saurait néanmoins être écarté des références de locations à prendre en compte dans le voisinage pour ce seul motif sauf à tenir compte des différences constatées ; les emplacement de parkings dont bénéficie la société locataire sont inclus dans l'assiette du bail et donc dans le prix des locaux et ne sauraient faire l'objet d'un loyer complémentaire ;
Il s'ensuit que la proposition de l'expert de voir fixer le prix du loyer du bail révisé au prix de 300 €/m² doit être légèrement surévaluée pour tenir de la nouvelle référence à la somme de 310 €/m² ;
Il n'y a pas lieu de pratiquer un abattement pour charges exorbitantes qui n'est pas demandée ; en revanche, la taxe foncière a été justement déduite, ce qui ramène la valeur locative à la somme de 310 € x 606,70= 188 077 € - 3062 € = 185 010 €, prix auquel sera fixé le montant du loyer révisé à compter du 8 décembre 2008 ;
La société locataire ne demande pas que le trop perçu des loyers produise intérêts au taux légal à compter d'une date autre que celle du jugement qui sera confirmé sur ce point ainsi que sur le partage des dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il ne sera pas davantage fait application en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu que l'action de la société Institut du Seminaire en révision du montant du loyer sur le fondement de l'article L 145-39 du code de commerce est recevable,
Le confirme en ses autres dispositions sauf en ce qui concerne le montant du prix du loyer révisé,
Réformant et statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 185 010 €/an en principal hors taxes et hors charges à compter du 8 décembre 2008 le montant du loyer révisé du bail des locaux situés [...] 2ème ;
Dit que chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.