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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 12 novembre 2019, n° 17/01042

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Herault Transport Express (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

Avocat :

SCP Judicia Avocats

Montpellier, du 9 fév. 2017, n° 14/4086

9 février 2017

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La société à responsabilité limitée Héraut Transport Express (la société HTE) qui exerce une activité de location de camion avec chauffeur a été constituée le 16 mars 1995 entre M.W. et M.G., chacun détenant la moitié du capital social de 50'000 Fr.

Après augmentation du capital social, cessions de parts sociales et intégration d'un nouvel associé en la personne de M. B., ce capital social, fixé à 80'000 euros, et divisé en 500 parts a été réparti comme suit :

- M.W. : 167 parts

- M.G. : 167 parts

- M.B. : 166 parts.

Selon délibération de l'assemblée générale extraordinaire réunie le 17 mai 2010 à 16 heures, les associés ont décidé de transformer la société HTE en société par actions simplifiée et d'adopter les statuts de la société sous sa nouvelle forme. Selon résolutions votées à l'unanimité, le capital social est resté fixé à 80'000 euros divisé en 500 actions de 160 euros chacune, entièrement libérées et réparties entre les trois associés proportionnellement au nombre de leurs parts sociales, à raison d'une action par part sociale et les statuts de la société dans sa nouvelle forme ont été adoptés article par article puis dans son ensemble.

Le même jour, les associés de la société HTE se sont ' à nouveau réunis en assemblée générale ordinaire au siège social sur convocation verbale faite par le président à chaque associé', au cours de laquelle ont été agréées les cessions d'actions suivantes :

- M.W. cède à M.Sylvain C., 42 actions au prix de 6720 euros

- M G. cède à M. Sylvain C., 20 actions au prix de 3200 euros et à Mme C., 22 actions au prix de 3520 euros

- M.B. cède à Mme Caroline G. épouse C., 41 actions au prix de 6760 euros.

Ainsi, le capital social a été réparti de la manière suivante :

- M.W. : 125 actions

- M.G. : 125 actions

- M.B. : 125 actions

- M.C. : 62 actions

- Mme C. : 63 actions

Par acte sous-seing privé du 18 octobre 2013, M. B. a vendu:

- à M.G. : 41 actions

- à Mme C. : 21 actions

- à M.C. : 20 actions

Cet acte a cependant prévu qu'afin de « gérer les rompus et de maintenir l'égalité entre les associés », il serait procédé à une réduction du capital social de 320 euros par achat de deux actions détenues par M. B. ce qui a été fait, si bien que le capital social a été ramené à 498 actions et réparti comme suit :

- M.W. : 125 actions

- M.G. : 166 actions

- M.B. : 41 actions

- M.C. : 82 actions

- Mme C. : 84 actions

Estimant que les cessions d'actions du 17 mai 2010 par M. G. et M. B. en faveur de M. et de Mme C. étaient intervenues en fraude de son droit de préemption, M.W. a fait assigner selon exploit du 11 février 2013, M.G., Mme G. épouse C., M. C., M .B. et la société HTE devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d'obtenir leur annulation et afin qu'il soit lui-même substitué dans ces cessions au prix de celle-ci avec effet rétroactif au 17 mai 2017. En cours de procédure, il a également demandé l'annulation de l'apport de 62 actions de M.C. à la SARL Groupe G. C. en date du 16 décembre 2013.

Par jugement contradictoire du 7 mai 2014, le tribunal a :

- annulé les cessions d'actions intervenues au cours de l'assemblée du 17 mai 2010

- rétabli la répartition du capital à cette date de la manière suivante :

' JF W. 167 actions

' Jp G. 167 actions

' C.B. 166 actions

- dit n'y avoir lieu à substitution,

- ordonné la répartition des dividendes pour les exercices 2010, 2011, 2012 conformément à la répartition du capital ci-dessus, avec reversement des trop-perçus éventuels à la caisse sociale

- jugé que les assemblées générales postérieures au 17 mai 2010 sont confirmées,

- maintenu l'apport des 62 actions intervenues en décembre 2013,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné in solidum les défendeurs hors la société H.T.E à payer à M.W. la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M.G., Mme G. épouse C., M. C. et la société HTE ont régulièrement relevé appel, le 2 juin 2014, de ce jugement en vue de sa réformation.

Par arrêt du 9 février 2016, la cour d'appel de Montpellier a ordonné le retrait de l'affaire du rôle de la cour sur demande écrite et motivée des parties en raison de pourparlers transactionnels. Puis, par déclaration de saisine en date du 2 mars 2017, les appelants ont sollicité la réinscription de l'affaire au rôle de la cour.

Ils demandent à la cour, en l'état de leurs conclusions déposées et notifiées le 23 février 2018 via le RPVA, de :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil

1°) sur la nullité prononcée par le tribunal de commerce de Montpellier des cessions d'actions conclus le 17 mai 2010 entre Messieurs G. et B., d'une part au bénéfice de M et Mme C.

- constater :

' l'inopposabilité de la clause de préemption instituée à l'article 12 des statuts de la société HTE à M et Mme C. à la date de cession d'actions du 17 mai 2010

' la renonciation de M.W. à se prévaloir de son droit de préemption

' en tout état de cause, la confirmation par M.W. des actes de cession du 17 mai 2010

- infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il a annulé les cessions d'actions intervenues au cours de l'assemblée du 17 mai 2010,

- rejeter les demandes de M.W.

- condamner M.W. au paiement de 3000 euros pour chacun d'eux à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

2°) sur la nullité sollicitée par M.W. de sa cession de 42 actions au profit de M. C. en date du 17 mai 2010

- constater que M.W. est défaillant à démontrer en fait et en droit que la cession d'actions qu'il a valablement conclue au profit de M. C. doit être annulée en raison de son prix

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a refusé de prononcer l'annulation de la vente des 42 actions au profit de M.C., en date du 17 mai 2010

3°) sur la prétendue faculté de substitution de M. W. dans les droits des cessionnaires des actions de la société HTE

A titre principal

- constater que M. W. est défaillant à démontrer, en fait et en droit, le bien-fondé de sa demande de substitution dans lesdites cessions à compter du 17 novembre 2010, avec toutes les conséquences et effets de droit notamment en ce qui concerne la perception des dividendes pour les exercices 2010,2011,2012

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a refusé la substitution de M.W. dans les droits des cessionnaires des actions de la société HTE

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse extraordinaire où la Cour réformerait sur ce point le jugement déféré

- constater:

' que M.et Mme C. sont détenteurs de bonne foi des actions cédées à leur profit

' que l'opération de substitution dans les cessions incriminées doit également s'opérer au profit de M. G.

' que M.W. est défaillant à établir la nullité des assemblées générales qui se sont tenues postérieurement au 17 mai 2010

En conséquence, dire et juger :

' que M et Mme C. sont en droit de conserver les dividendes perçus

' qu'à l'issue des annulations des cessions susvisées et de la substitution de Messieurs G. et W. dans les droits des consorts C., le capital social de la société HTE est réparti comme suit :

' M.W. : 187 actions

' M.G. : 187 actions

' M.B. : 125 actions

' que les assemblées générales qui se sont tenues postérieurement au 17 mai 2010 ne sauraient encourir la nullité

4°) sur l'apport de titres le 31 décembre 2013 de la société Hte par M.C. au profit de la SARL Groupe C. G. ( 62 actions) au prix de 89'280 euros

- constater que l'apport par M. C. des titres de la société achetés au profit de la société Groupe C. G. s'est effectué le 31 décembre 2013 en parfaite conformité avec la nouvelle rédaction des statuts adoptés le même jour

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé régulier l'apport de titres susvisé

5°) sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 formulée par M. W. pour la première fois en cause d'appel selon écritures en date du 15 décembre 2015

- dire irrecevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de M.W. tendant à l' annulation de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 et subsidiairement la rejeter

En toute hypothèse,

- condamner M.W. au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

- la clause prétendument violée n'était pas opposable aux cessionnaires le 17 mai 2010 puisque les statuts de la société HTE n'ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 30 juillet 2010 et qu'en application de l'article L. 123'9 du code de commerce, seuls les actes et faits publiés peuvent être opposés aux tiers,

- M.W. a renoncé à se prévaloir de son droit de préemption puisqu'il n'a pas mis en oeuvre la procédure de préemption, qu'il a convoqué les assemblées générales, a agréé en assemblée générale les différentes cessions d'actions intervenues et qu'il a lui-même cédé des actions,

- dans l'hypothèse où la cour considérerait que les cessions d'actions encourent la nullité, il y aurait lieu de juger que la nullité est relative, susceptibles d'être régularisée et qu'elle a été régularisée par M.W. qui a validé les cessions au cours de l'assemblée générale suivant la transformation de la société et en participant à toutes les assemblées générales ultérieures sans jamais remettre en cause la nouvelle répartition du capital social,

- sa demande d'annulation des trois cessions aurait pour conséquence de lui attribuer la propriété de 250 actions au lieu des 167 actions précédemment détenues alors même que les autres cessionnaires bénéficient également d'un droit de préemption et que M.W. n'avait jusqu'alors jamais exprimé son intention de se prévaloir d'un droit de préemption à l'égard de leurs actions,

- le jugement déféré encourt l'infirmation en ce qu'il a réparti le capital social selon les modalités existantes avant la cession du 17 mai 2010 car cela revient à substituer les autres cessionnaires qui n'ont rien demandé dans les droits des consorts C.,

- en sollicitant l'annulation des cessions d'actions qu'il a pourtant agréées, M.W. fait preuve de mauvaise foi, ce qui justifie l'octroi de dommages-intérêts,

- à l'appui de son appel incident tendant à la nullité de la cession à M. C. des 42 actions lui appartenant, M.W. ne rapporte pas la preuve que leur prix n'était pas réel et sérieux,

- les assemblées générales postérieures à celle du 17 mai 2010 ne peuvent encourir l'annulation car cette demande ne repose sur aucune disposition légale et que l'éventuelle nullité des cessions intervenues ne peuvent avoir d'incidence sur les assemblées générales ni sur la distribution des dividendes versés aux consorts C. qui sont de bonne foi,

- l'apport des titres au profit de la SARL Groupe C.G. a été effectué le 31 décembre 2013 au regard de nouvelles dispositions statutaires adoptées en assemblée générale du 31 décembre 2013 après consultation écrite de M.W. en date du 13 décembre 2013 restée sans réponse,

- la demande de M.W. tendant à la nullité de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 au cours de laquelle a été modifiée la clause d'agrément instituée à l'article 12 des statuts de la société HTE est irrecevable en appel et infondée puisqu'elle a été adoptée par tous les associés, M.W. ayant refusé de participer à la consultation écrite.

Formant appel incident, M.W. sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 15 mars 2019 :

Vu l'article 1591 du code civil, et le rapport du commissaire aux apports pris dans le cadre de l'apport du 16 décembre 2013 de 62 actions de M.C. à la SARL Groupe G. C. évaluant l'action à 1440 euros,

- annuler les cessions d'actions (42) intervenues le 17 mai 2018 entre M.W. et M. C. au prix de 6720 euros soit 160 euros l'action pour absence de prix sérieux,

Vu l'article 12 des statuts de la SAS HTE adoptés par l'assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2010, (...)

- dire et juger que les appelants n'établissent pas que M.W. a renoncé de façon non équivoque à l'exercice d'un droit qui n'était pas né lors de l'assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2010 à défaut de notification préalable du projet de cession,

Vu l'article 1338 du code civil,

- dire et juger que les appelants n'établissent aucun acte confirmatif en conséquence,

- annuler les cessions d'actions intervenues le 17 mai 2010,

' au profit de Mme C. (22 actions) au prix de 3520 euros

' au profit de M. C. (20 actions) au prix de 3200 euros

' au profit de Mme C. (41 actions) au prix de 6560 euros

- ordonner la substitution de M.W. dans lesdites cessions au prix de celle-ci avec effet rétroactif à compter du 17 mai 2010 avec toutes conséquences et effets de droit,

- ordonner la restitution à la caisse sociale des dividendes perçus et à percevoir par M et Mme C. pour les exercices 2010 à 2017 et éventuellement 2018, jusqu'à l'arrêt à intervenir,

- dire et juger qu'à l'issue des annulations des cessions susvisées et de la substitution du bénéficiaire du droit de préemption, M.W., dans les droits des cessionnaires, de la nullité de la cession des 42 actions au profit de M. C. (article 1597 du code civil), le capital social de la SAS HTE est réparti comme suit :

' M.G.: 125 actions

' M.B. : 125 actions

' M.W. : 250 actions ( 208 actions suite à l'annulation des cessions en fraude du droit de préemption avec substitution et 42 actions dont la cession au profit de M.C. est annulé sur le fondement de l'article 1591 du code civil)

- annuler l'ensemble des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la SAS HTE postérieures aux assemblées générales du 17 mai 2010

- annuler l'apport de 62 actions de M.C. à la SARL Groupe G. C. du 16 décembre 2013,

Vu les articles 565 et 566 du code civil,

- dire et juger recevable la demande en nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2013,

Vu l'article 13 des statuts de la SAS HTE adopté selon assemblée générale extraordinaire du 17 mai 2010, vu l'article 1836 du code civil et L. 227'19 du code de commerce, (...)

- prononcer la nullité de l'assemblée générale sur consultation écrite du 31 décembre 2013 et de la modification subséquente des statuts sociaux,

- condamner in solidum les appelants hors la société HTE à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

Il expose en substance que :

- il n'a jamais renoncé à exercer son droit de préemption né de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 12 des statuts qui n'a pas été respectée, ni à exercer l'action en nullité en résultant, les dispositions invoquées de l'article L. 123'9 du code de commerce étant inapplicables pour ne concerner que les actes par lesquels la responsabilité d'une société peut être engagée,

- la cession des 42 actions qu'il a consentie le 17 mai 2010 à M. C. moyennant 6720 euros est nulle pour absence de prix sérieux sur le fondement de l'article 1591 du code civil,

- c'est à tort que le Premier juge a rejeté la demande de substitution dans les droits des cessionnaires alors que le droit de préemption est assimilé à un pacte de préférence et qu'en l'espèce, il résultait des statuts que les cessionnaires en avaient connaissance,

- l'annulation des cessions d'actions entraîne nécessairement celle des assemblées générales postérieures tenues en présence d'associé n'ayant pas qualité,

- l'apport le 16 décembre 2013 de 62 actions de la société HTE par M.C. à la société Holding Groupe C. G. constitué le 13 octobre 2013 est intervenu en fraude de ses droits de préemption et doit donc être annulé,

- l'assemblée générale de la société HTE tenue le 31 décembre 2013 et ayant modifié les articles 12 et 13 de ses statuts est nulle faute de respect de la condition de l'unanimité, précision étant faite que cette demande est recevable au visa des articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 27 octobre 2014, M.B. a conclu pour voir :

- qu'il lui soit donné acte qu'il s'en remet à justice quant à la demande de M.W. tendant à l'annulation de la cession de 41 actions de la SAS HTS au profit de Mme G. épouse C., cession intervenue le 17 mai 2010,

- constater que les consorts G.-C. et la société HTE déclarent explicitement dans leurs conclusions d'appel ne former aucune demande quelle qu'en soit la nature à son encontre,

En tout état de cause au visa de l'article 64 du code de procédure civile,

- dire et juger que :

' ni les consorts G.-C. ni la société HTE n'étaient recevables, en première instance, à formuler une demande reconventionnelle quelle qu'en soit la nature, à l'encontre de M. B. lui-même co-défendeur sur l'action engagée par M.W.

' qu'ils ne le sont pas plus en cause d'appel

' que même dans l'hypothèse où la cour, présentement saisie, viendrait à faire droit à l'une quelconque des demandes formulées soit par M.W. soit par les consorts G.-C. ou la société HTE, les cessions d'actions intervenues au terme des actes sous-seing privés signés le 18 octobre 2013 et 25 avril 2014 ne seraient en rien impactées par cette situation,

' qu'en effet, suite à la cession B./G.(épouse C.) intervenue le 17 mai 2010, portant sur 41 actions, M.B. a vu sa participation dans le capital social réduite de 166 à 125 actions et que ce sont ces derniers titres (125 actions) qui ont fait l'objet de la cession du 18 octobre 2013, du jugement postérieurement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier en date du 10 mars 2014 et du nouvel acte sous-seing privé du 25 avril 2014,

- condamner M.W. ainsi que les consorts G.-C. et la société HTE à tous les dépens distraits au profit de la SCP A.A. avocat soussigné dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile

Il fait essentiellement valoir que :

- par acte du 18 octobre 2013, il a vendu : à M. G. 41 actions, M. C. 20 actions et à Madame C. 21 actions de la société HTE

- postérieurement à ces cessions, un litige est survenu entre le cédant et les cessionnaires relativement à l'acquisition du reliquat des 41 actions qu'il détenait, car en effet alors que M. W. avait déclaré dans un premier temps qu'il voulait préempter une partie des actions cédées, puis, dans un second temps indiqué ne plus vouloir exercer ce droit, les acquéreurs ont refusé d'acheter ses 41 actions, si bien qu'il a dû saisir le tribunal de commerce de Montpellier, lequel par jugement du 14 mars 2014 passé en force de chose jugée, a condamné les consorts G.'C., à acquérir ses 41 actions, ce qui a été fait le 25 avril 2014 comme suit : M. G. 20 actions, Madame C. 11 actions et M C. 10 actions

- même dans l'hypothèse où la cour ferait droit à l'une quelconque des demandes dont elle est saisie, à titre principal ou subsidiaire, les cessions d'actions qu'il a consenties le 17 mai 2010 ne seraient en rien affectées puisque suite à ces sessions, il a vu sa participation dans le capital social réduite de 166 à 125 actions et que ce sont ces derniers titres qui ont été cédés le 18 octobre 2013

- il s'en remet à justice quant au bien ou mal fondé de la demande d'annulation de la cession des 41 titres au profit de Madame C., intervenue le 17 mai 2010 mais rappelle qu'en première instance, M.W. avait fait prendre des écritures aux termes desquelles il faisait état d'une répartition du capital social de la société HTE ignorant totalement la cession du 18 octobre 2013 et le jugement du 10 mars 2014,

- ainsi, à la suite de l'acte de cession du 13 octobre 2013, du jugement du 10 mars 2014, et de l'acte de cession du 25 avril 2014, le capital social, ramené à 498 actions, a été réparti comme suit:

' M.G. : 186 actions

' Mme C. : 95 actions

' M. C. : 92 actions

' M.W.: 125 actions

' M.B. : 0 action

- la position floue les consorts G.-C. ont une position floue à son égard, l'avait amené à opposer les dispositions de l'article 64 du code de procédure civile alors qu'en cause d'appel, ils précisent ne formuler aucune demande à son encontre.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d'annulation de cession des actions de M.W. pour vil prix :

La vente de droits sociaux doit, comme toute vente, comporter un prix sérieux qui ne se confond pas avec la valeur vénale de la part sociale ou de l'action.

Seule la vente à prix dérisoire est frappée de nullité.

Le prix en est en la matière librement fixé par les parties par application même du principe de la liberté contractuelle posé par l'article 1134 du code civil qui s'oppose à ce qu'une cession d'actions soit tenue pour nulle au seul motif que son prix librement convenu serait inférieur à la valeur réelle de l'action cédée.

En l'espèce, le prix de vente des actions de M.W. a été établi sur la base de 160 euros la part correspondant à sa valeur nominale.

Cette vente s'inscrit dans une opération générale de vente d'une partie des actions de chaque associé à cette même valeur pour permettre l'introduction de deux autres associés apparentés à M.G. étant relevé que les membres fondateurs de la société initialement créée sous la forme d'une SARL ont ainsi confirmé la dimension familiale de leur entreprise après avoir précédemment accueilli M.B., gendre de M.W.

M.W. a par son vote, agréé la cession de toutes les actions au prix de 160 euros.

Il n'est pas établi qu'en ce qui le concerne, ce prix n'aurait pas été librement consenti ou que ce consentement aurait été vicié. Il apparaît que cette cession est intervenue immédiatement après la transformation de la SARL en SAS dont il convient de constater qu'elle a été précédée d'un rapport aux commissaires aux comptes sur la situation de la société (application des articles L.223-43 et L.223-43 du code de commerce) portant notamment sur la valeur des capitaux propres de la société que M.W. ne pouvait donc ignorer.

Soutenant aujourd'hui que ce prix ne tenait pas compte des fonds propres de la société, il n'en demeure pas moins que la valeur vénale d'une action correspond au prix qu'un acquéreur est prêt à payer et à cet égard, il ne précise pas quel aurait été ce prix ni a fortiori sa méthode de calcul.

Il se limite à invoquer le fait que l'apport de titres réalisé trois ans plus tard s'est effectué au prix de 1 440 euros le titre, sans que cet argument ne puisse être opérant puisque les conditions de temps, de management, d'exploitation et d'effectifs n'étaient effectivement pas les mêmes

Ainsi il n'est pas établi que le prix auquel les actions ont été vendues serait dérisoire et M.W. sera débouté de sa demande en nullité de la cession

Sur la nullité des cessions d'actions du 17 mai 2010 au profit de M et Mme C. :

Les premiers juges ont annulé ces cessions d'actions au visa de l'article L. 227-15 du code de commerce selon lequel 'toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle'.

En présence d'une disposition légale prévoyant cette nullité, il n'y a pas lieu de rechercher si le cessionnaire avait connaissance de l'existence de la clause et de l'intention du bénéficiaire de préempter.

Il est donc inopérant d'invoquer au visa de l'article L.123-9 du même code, le défaut de dépôt des statuts au greffe au jour de la cession et le fait que les cessionnaires étaient supposés n'avoir pas eu connaissance de la clause de préemption figurant dans les statuts.

Il est constant ensuite qu'à l'égard des associés, la transformation d'une SARL en SAS produit ainsi ses effets immédiatement et les parties au litige étaient donc en droit de céder leurs actions dans les conditions prévues par les statuts qu'ils venaient d'adopter.

Il convient de rappeler à ce stade que la clause de préemption a pour but de permettre à un actionnaire d'acquérir par priorité les actions de la société et d'y augmenter sa participation tout en empêchant un tiers d'y entrer alors que la clause d'agrément oblige le cessionnaire à obtenir l'accord de la société quant à cette entrée et empêche à défaut d'accord, un tiers de devenir sociétaire.

L'insertion d'une clause de préemption dans les statuts d'une SAS relève de la liberté des sociétaires même si elle n'est pas prévue par les dispositions légales régissant ce type de société au contraire de la clause d'agrément prévue à l'article L.277-14.

En l'espèce, les sociétaires ont intégré dans les statuts de leur société une clause de préemption (article 12) ainsi qu' une clause d'agrément (article 13).

Il apparaît que M.W. ne pouvait en ignorer les dispositions précises dans la mesure où il a présidé l'assemblée générale extraordinaire réunie le 17 mai 2010 à 16 heures au cours de laquelle ont été adoptées à l'unanimité les résolutions portant :

- sur la transformation de la SARL en SAS

- sur l'adoption des statuts de la société sous sa nouvelle forme, cette adoption ayant été faite 'article par article' puis sur le texte des statuts ' dans son ensemble'

Il a ensuite participé à 'l'assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement' dont le procès-verbal précise bien que 'Les associés de la société Hérault Transport Express- Hte se sont à nouveau réunis en assemblés générale ordinaire, au siège social, sur convocation verbale faite par le Président [ M.G.] à chaque associé'. ( souligné par la cour)

Au cours de cette assemblée , la résolution portant sur l'agrément des cessions en litige ( y compris celles cédées par M.W.) a été adoptée à l'unanimité.

Loin d'opposer aux autres cédants, un droit de préemption sur les actions mises en vente, M.W. n'a pas davantage respecté la procédure à l'égard d'actions qu'il a entendu céder le même jour, au même prix et à un même bénéficiaire.

Il n'est pas inutile de rappeler la dimension familiale donnée à la société par les associés fondateurs et les cessions aboutissant à faire entrer la fille et le gendre de M.G. dans la société, s'inscrivaient dans la même orientation.

Il apparaît ainsi qu'en cédant lui même une partie de ses propres actions à M C. puis en agrééant par son vote donné en parfaite connaissance des clauses statutaires, les cessions litigieuses nonosbtant le défaut de mise en oeuvre de la procédure préalable de préemption, M.W. a effectivement renoncé par des actes positifs et non équivoques, à augmenter sa participation dans le capital de la société qu'il a au contraire accepté de diminuer, pour permettre l'entrée de tiers dans la société.

Les dispositions précitées de l'article L.227-15 du code de commerce doivent enfin s'apprécier par référence à celles des deux articles précédents dont L.227-14 autorisant l'insertion dans les statuts d'un agrément de la société préalablement à toute cession.

Cet agrément devait être obtenu aux termes des statuts 'par décision collective des associés statuant à la majorité des voix'. Il l'a été à l'unanimité des voix dont celle de M.W. qui ne demande d'ailleurs pas la nullité de la délibération correspondante puisqu'elle se heurterait à l'absence de violation d'une disposition impérative du droit des sociétés.

M.W. sera donc débouté de ses demandes tendant à l'annulation des cessions en litige et de celles subséquentes tendant :

- à sa substitution dans lesdites cessions

- à la restitution à la caisse sociale des dividendes perçus et à percevoir par M et Mme C.

- à la nouvelle répartition du capital

- à la nullité des assemblées générales, ordinaires et extraordinaires ultérieures fondées sur l'annulation de la cession et de la perte de qualité d'actionnaires de M et Mme C.

Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 :

Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Il apparaît ainsi que la demande d'annulation de l'assemblée générale du 31 décembre 2013 était virtuellement comprise dans celle tendant à l'annulation des assemblées générales tenues postérieurement au 17 mai 2010.

Elle s'inscrit ensuite dans la demande visant à obtenir la nullité de l'apport de titres réalisé au profit de la SARL Groupe C.G. après que les articles 12 et 13 des statuts aient été modifiés au terme de cette assemblée pour permettre cette opération sans la contrainte des dispositions antérieures.

La fin de non recevoir opposée au visa de l'article 564 du code procédure civile sera donc écartée.

L'article L.227-19 alinéa 2 du code de commerce prévoit que 'Les clauses statutaires mentionnées aux articles L. 227-14 et L. 227-16 ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts'.

L'article 13 des statuts de la société HTE prévoit que 'la clause d'agrément ne peut être supprimée ou modifiée qu'à l'unanimité des associés'

Il résulte du procès-verbal du président à la consultation écrite en date de 31 décembre 2013 que le vote favorable portant modification des articles 12 et 13 faisant suite à la consultation écrite faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 décembre 2013, a été obtenu de la part des associés 'représentant plus de 3/4 des actions' puisque M.W. et M.B. n'avaient pas répondu dans le délai requis.

Il ne saurait donc être retenu que cette modification ait été adoptée à l'unanimité des associés et les résolutions correspondantes seront donc annulées

Sur l'apport de titres du 16 décembre 2013 :

Il n'est pas discuté que l'opération consistant pour M.C. à apporter des titres de la SAS HTE au profit de la SARL Groupe C.G. était soumise à la mise en oeuvre de la procédure statutaire de préemption, étant révélateur de constater que les modifications des articles 12 et 13 soumises à la consultation écrite du 14 décembre 2013 auraient eu pour effet d'exclure cette opération de la procédure de préemption et d'agrément, avec l'insertion des dispositions suivantes :

article 12 : ' Il est cependant précisé que la présente procédure de préemption ne sera pas applicable en cas de cessions d'actions ou de contrats d'apports d'actions conclus entre associés et une société holding dont les associés concernés seraient les seuls détenteurs de titres en capital'

article 13 : ' Il est cependant précisé que la présente procédure d'agrément ne sera pas applicable en cas de cessions d'actions ou de contrats d'apports d'actions conclus entre associés et une société holding dont les associés concernés seraient les seuls détenteurs de titres en capital'.

Il n'est pas davantage discuté que la procédure de préemption n'a pas été mise en oeuvre n'étant pas établi que l'apport de titres litigieux ait fait l'objet d'une procédure d'agrément.

Il en résulte qu'il sera fait droit à la demande de M.W. tendant à l'annulation de l'apport des 62 actions de M.C. à la Sarl Groupe G.C. du 16 novembre 2013.

Sur la demande en dommages intérêts :

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice, en l'absence de justification d'un préjudice spécifique, il convient de rejeter la demande d'indemnisation formée à ce titre par les appelants.

Sur les demandes de M.B. :

Il convient de constater que M.B. s'en est rapporté sur la demande d'annulation de la cession à Mme C. de 41 de ses actions le 17 mai 2010 que la cour rejette.

Par ailleurs, dans le dernier état de leurs conclusions développées en première instance comme en cause d'appel, les appelants, défendeurs en première instance ne formulent aucune demande à l'encontre de M.B., n'étant pas discuté que la demande de M.W. tendant à l'annulation de l'apport de titres du 31 décembre 2013 n'impacte en rien la cession intervenue le 18 octobre 2013 entre M.B. d'une part et les consorts C. d'autre part.

Sur les frais et les dépens :

M.W. d'une part, la société HTE, M.G., M et Mme C. d'autre part succombent partiellement, il convient en conséquence de partager les dépens entre eux et de dire que les parties conserveront chacune à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont pu engager dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 7 mai 2014 et statuant à nouveau,

Déboute M.W. de sa demande d'annulation de la cession de ses 42 actions pour vil prix,

Déboute M.W. de sa demande d'annulation des cessions d'actions intervenues le 17 mai 2010 :

' au profit de Mme C. (22 actions) au prix de 3520 euros,

' au profit de M. C. (20 actions) au prix de 3200 euros,

' au profit de Mme C. (41 actions) au prix de 6560 euros,

Déboute M.W. de ses demandes tendant :

- à sa substitution dans lesdites cessions,

- à la restitution à la caisse sociale des dividendes perçus et à percevoir par M et Mme C.,

- à la nouvelle répartition du capital,

- à la nullité des assemblées générales, ordinaires et extraordinaires ultérieures fondées sur l'annulation de la cession et de la perte de qualité d'actionnaires de M et Mme C.,

Rejette la fin de non recevoir opposée par les appelants au visa de l'article 564 du code de procédure civile,

Annule les résolutions adoptées en assemblée générale du 31 décembre 2013,

Annule l'apport des 62 actions de M.C. à la Sarl Groupe G.C. du 16 novembre 2013,

Déboute la société HTE, M.G., M et Mme C. de leur demande en dommages-intérêts,

Partage les dépens de première instance et d'appel entre d'une part M.W. et d'autre part la société HTE, M.G., M et Mme C. sans application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.