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Décisions

Cass. 2e civ., 10 janvier 2019, n° 16-24.742

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brouard-Gallet

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Girard

Avocats :

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Foussard et Froger

Orléans, du 23 oct. 2014

23 octobre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte authentique du 30 mai 1989, la caisse de Crédit mutuel de Mortagne au Perche (la Caisse) a consenti un prêt à la société Valentin pizza, garanti par le cautionnement solidaire de Mme C..., constaté au sein du même acte ; que la société Valentin pizza a été mise en redressement puis liquidation judiciaire les 23 décembre 1991 et 5 février 1992, la créance déclarée par la Caisse étant admise par le juge-commissaire le 23 octobre 1992 ; que la liquidation judiciaire a été clôturée le 16 mai 1994 ; que par un acte du 31 janvier 2013, la Caisse a fait procéder à une saisie-attribution sur le compte dont Mme C... était titulaire dans les livres de la société CIC Ouest ; que Mme C... a saisi un juge de l'exécution pour en obtenir mainlevée en invoquant notamment la prescription ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Délibéré par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Béleval, Fontaine, conseillers, Mmes Schmidt, Jollec, Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce ;

Attendu que l'opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale résultant de la décision d'admission de la créance garantie au passif du débiteur principal n'a pas pour effet de soumettre les poursuites du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai pour agir du créancier contre cette caution, sur le fondement d'un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à la date de sa clôture ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance fondant la saisie-attribution, l'arrêt, après avoir justement énoncé que la déclaration de créance au passif du débiteur principal avait interrompu la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective par un jugement du 16 mai 1994, retient que l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la créance, le 23 octobre 1992, a entraîné la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale, applicable au cautionnement de nature commerciale, et que cette interversion étant opposable à la caution, le délai de trente ans n'était pas expiré lorsque la banque a pratiqué la saisie-attribution le 30 janvier 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'admission de la créance de la Caisse au passif de la société débitrice principale n'avait pas eu pour effet de soumettre à la prescription trentenaire l'exercice des voies d'exécution de la Caisse contre la caution et qu'après son interruption pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu'à sa clôture, intervenue le 16 mai 1994, la Caisse disposait d'un nouveau délai pour agir, soumis à la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance fondant la saisie-attribution, l'arrêt retient qu'à retenir même l'application de la prescription décennale, son cours avait été régulièrement interrompu, ainsi qu'il en est justifié, d'abord en 1996 où un commandement aux fins de saisie-vente fut délivré le 12 novembre, puis en dernier lieu en 2002, par une saisie-attribution pratiquée à la requête de la Caisse le 28 mai dont les effets se sont poursuivis jusqu'à la signification du certificat de non contestation intervenue le 31 janvier 2003 suivie de la quittance avec mainlevée signifiée au tiers saisi par acte du 14 mars 2003, de sorte que la créance n'était pas prescrite au 31 janvier 2013 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'effet interruptif résultant de la saisie-attribution se poursuivant jusqu'au terme de celle-ci, un nouveau délai, de même nature et durée que le précédent, recommence à courir à compter du paiement par le tiers saisi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.