CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 30 octobre 2013, n° 12/00541
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ovalie Recyclage (SAS)
Défendeur :
Paprec Sud-Ouest Atlantique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cousteaux
Conseillers :
Mme Pellarin, M. Delmotte
Avocats :
Me Malet, Me Loriot, Me Sorel
FAITS et PROCÉDURE
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE est une société par actions simplifiée au capital de 40.000 euros divisé en 400 actions de 100 euros chacune réparties entre 5 actionnaires : la société Financière d'investissement, l'EURL Mario-com, la S.A.R.L. Cancan, la S.A. Boucou recyclage et la S.A.R.L. Calicom.
La société Boucou Recyclage ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pau en date du 17 mars 2009, Maître Livolsi ayant été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Legrand en qualité de mandataire judiciaire, la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE a informé cette société, par lettre recommandée avec AR du 19 juin 2009 que le 2 juin 2009, l'assemblée générale des actionnaires a décidé son exclusion conformément à l'article 12 des statuts ainsi que le rachat de ses 132 actions par les actionnaires de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE . Par jugement du 7 juillet 2009, le tribunal de commerce de Pau a ordonné la cession totale de la S.A. Boucou Recyclage au profit de la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE ou de toute société qu'elle se substituerait. Le 12 janvier 2010, la S.A. Boucou Recyclage a été placée en liquidation judiciaire et Maître Legrand a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Estimant subir un préjudice de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE, la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE l'a attraite devant la juridiction consulaire de Toulouse par acte du 16 avril 2010.
Après radiation par ordonnance du 7 avril 2011 pour défaut de diligences de parties, le tribunal de commerce de TOULOUSE a, par jugement du 12 janvier 2012 :
- débouté la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, (notamment de sa demande de communication de pièces),
- dit que l'assemblée générale de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE du 2 juin 2009 est nulle et de nul effet,
- dit que la cession par la société BOUCOU RECYCLAGE à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE de 132 actions est valide et opposable à la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE,
- condamné la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE à fournir à Maître Legrand, mandataire judiciaire, les comptes d'actionnaires et le registre de mouvement de titres de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE lequel aura pour mission de :
- contrepasser dans le registre de mouvements de titres et dans les comptes d'actionnaires de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE les écritures de cession de titres intervenues ensuite de la décision d'exclusion du 2 juin 2009 à savoir :
- 33 actions au profit de la société Financière-Investissement,
- 33 actions au profit de la société Mario-Com,
- 33 actions au profit de la société Cancan,
- 33 actions au profit de la société Qualicom,
- inscrire dans le même registre et comptes la cession par la société BOUCOU Recyclage à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE des 132 actions dont Boucou Recyclage était propriétaire,
- dit que dans le cas de non-exécution totale ou partielle de la production de l'ensemble des documents dans le temps imparti, la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE sera condamnée à une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 31ème jour de la 1ère signification du jugement,
- dit que le tribunal de réserve de prononcer la liquidation de l'astreinte,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,
- condamné la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE à payer à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance, en ce compris ceux de la procédure de référé.
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE a interjeté appel le 7 février 2012, sous le numéro de RG 12/541.
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE a interjeté appel le 8 février 2012, sous le numéro de RG 12/559.
Le magistrat chargé de la mise en état a, par ordonnance du 14 février 2012, joint la seconde procédure à la première.
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE a déposé des écritures le 3 mai 2012.
La S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE a déposé des écritures le 23 juillet 2012.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2013.
MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et 1843-4 du code civil ainsi que L235-1 et L642-2 du code de commerce, la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE demande à la cour de :
- avant dire droit, ordonner la communication des pièces visées dans les courriers officiels de Maître Loriot des 12 octobre 2010 et 23 août 2011,
- en toute hypothèse :
- infirmer la décision de première instance,
- juger irrecevable la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,
- juger mal fondée la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,
- débouter la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
- juger parfaites les cessions intervenues entre les actionnaires de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE,
- condamner la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante fait essentiellement valoir que :
- les pièces réclamées avant dire droit sont :
- la copie de l'offre déposée par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE au tribunal de commerce de Pau,
- le bilan économique et social auquel il est fait référence dans le jugement,
- l'inventaire de Maître Simorre Gestas commissaire priseur,
- le rapport de l'administrateur,
- le dossier remis par l'administrateur en vue de permettre aux repreneurs de formaliser l'offre,
- la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE ne détient aucun droit et elle ne s'explique pas sur sa qualité à agir pour invoquer a posteriori la nullité des statuts de l'appelante et des conséquences de l'assemblée générale du 2 juin s'étant prononcée sur l'exclusion,
- l'assemblée générale du 2 juin 2009 a été régulièrement tenue,
- les dispositions statutaires sur l'exclusion (article 12) ne sont pas nulles, pas plus que celles sur l'agrément (article 15), la loi rappelant que les associés d'une société par actions simplifiées ont une grande marge de manoeuvre en ce qui concerne la rédaction de leurs statuts,
- la SA Boucou Recyclage a été convoquée régulièrement à son siège pour l'assemblée générale et ne s'est pas présentée,
- les actions de la SA Boucou Recyclage étaient sorties de ses actifs lorsque le tribunal de commerce de Pau a statué sur la reprise par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,
- la lecture de l'offre de reprise permettrait de déterminer le périmètre de la reprise ; or, la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE s'est refusée à la communiquer avant de la produire en appel,
- les actions de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE anciennement détenues par la S.A. Boucou Recyclage ne sont pas visées dans ladite offre,
- Maître Legrand n'a jamais émis la moindre réserve sur la cession litigieuse,
- le paiement du prix n'est pas une condition du transfert de propriété en matière de cession d'actions d'une société S.A.S..
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1844, 1844-10 et 1843-4 du code civil ainsi que L 227-16, L235-1, L225-104 et L 642-8 du code de commerce et 30 à 32 du code de procédure civile, la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE demande à la cour d'appel de :
- débouter la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE de sa demande avant dire droit de communication de pièces,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE à lui payer la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée fait essentiellement valoir que :
- les actions de la S.A. Boucou Recyclage étaient libres à la vente,
- Maître Livolsi, dûment autorisé par le tribunal de commerce de Pau, les a valablement cédées à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,
- ni la clause d'exclusion ni la clause d'agrément ne peuvent lui être opposées, contrevenant aux dispositions légales et devant en conséquence être réputées non écrites,
- l'ordre de mouvement de titres est daté du 5 janvier 2010, la cession des titres au profit de la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE a été enregistrée le 11 janvier 2010 et le jugement de conversion en liquidation judiciaire date du lendemain,
- elle justifie d'un intérêt légitime à voir reconnaître la nullité des délibérations prétendument intervenues le 2 juin 2009 pour la défense de son droit de propriété sur les titres repris dans le cadre de la cession des actifs de la S.A. Boucou Recyclage,
- la procédure d'exclusion est irrégulière, la S.A. Boucou Recyclage n'ayant pas été valablement convoquée, le PV établi à l'issue de cette assemblée étant un faux, les pouvoirs établis en vue de cette assemblée comportant également un faux,
- aucune offre digne de ce nom n'a été formulée par les actionnaires de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE qui se sont contentés de formuler une proposition de reprise à un prix dérisoire,
- aucun accord n'étant intervenu sur un prix, les titres de la S.A. Boucou Recyclage n'ont pas été transférés et sont donc restés au sein des actifs valablement cédés à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,
- dans le jugement du 7 juillet 2009, le tribunal de commerce ordonne la cession totale de la S.A. Boucou Recyclage au profit de la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE tout en précisant que cette cession comprenait les actifs immobilisés de toute nature,
- le prix de cession de 350.000 euros a été acquitté,
- l'offre initiale a été versée aux débats par l'appelante,
- les autres pièces ne sont nullement déterminantes à la solution du litige, seule la reprise des titres détenus par la S.A. Boucou Recyclage intéressant ledit litige.
MOTIFS de la DÉCISION
Sur la recevabilité de la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE soutient l'irrecevabilité de l'intimée en faisant valoir qu'elle ne détient aucun droit et qu'elle ne s'explique pas sur sa qualité à agir pour solliciter l'annulation du procès-verbal de délibération de l'assemblée générale du 2 juin 2009 ainsi que la nullité de l'article 12 de ses statuts relatif à l'exclusion d'un associé.
Cependant, la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE fait valoir, à juste titre, qu'elle a un intérêt légitime à voir reconnaître la nullité des délibérations du 2 juin 2009 afin de défendre son droit de propriété sur les titres repris dans le cadre de la cession des actifs de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE.
L'action introduite par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE est donc recevable.
Sur la demande de communication de pièces
La S.A.S. OVALIE RECYCLAGE sollicite, avant-dire droit, la communication des pièces suivantes :
- la copie de l'offre déposée par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE au tribunal de commerce de Pau,
- le bilan économique et social auquel il est fait référence dans le jugement,
- l'inventaire de Maître Simorre Gestas commissaire priseur,
- le rapport de l'administrateur,
- le dossier remis par l'administrateur en vue de permettre aux repreneurs de formaliser l'offre,
Il est à relever que cette demande de communication n'a pas été présentée au magistrat de la mise en état.
Surtout, le litige portant la question de savoir si les titres de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE sont compris dans le périmètre de la cession décidée par la juridiction consulaire paloise, le bilan économique et social auquel il est fait référence dans le jugement ainsi que l'inventaire de Maître Simorre Gestas commissaire priseur sont inutiles à la solution du litige.
Il en est de même du dossier remis par l'administrateur en vue de permettre aux repreneurs de formaliser leur offre, la seule pièce importante étant l'offre telle que formalisée par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE . Or, devant la cour d'appel, cette pièce a été versée aux débats.
De même, le rapport de l'administrateur, visé en page 3 du jugement du tribunal de commerce de Pau en date du 7 juillet 2009, ne présente pas d'intérêt dans la mesure où selon l'article 642-2 du code de commerce, le liquidateur ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné informe le débiteur, le représentant des salariés et les contrôleurs du contenu des offres reçues et les dépose au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance. Dès lors, la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE pouvait demander à prendre connaissance du contenu des offres.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de communication de pièces, étant rappelé que l'offre déposée par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE est versée aux débats.
Par ailleurs, la cour d'appel relève que les actionnaires de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ont dû être réunis en assemblée générale extraordinaire le 18 juin 2009 pour délibérer sur leur propre agrément mais que si la convocation du 4 juin 2009 est produite, le procès-verbal ne l'est pas.
De même, la cour d'appel relève que la liquidation judiciaire de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE ayant été prononcée le 21 janvier 2010, le liquidateur indique, dans un message adressé le 10 août 2010 à l'avocat de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE, qu'il était dans l'obligation de faire convoquer par le juge-commissaire ses clients sur leur proposition de rachat des 132 actions litigieuses . Or, malgré les délais de jugement de l'affaire, aucune information n'est communiquée à la cour d'appel sur la mise en oeuvre de cette convocation ainsi que sur les suites qui lui ont été données.
La cour d'appel relève encore que la convocation adressée au dirigeant de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE, datée du 18 mai 2009 pour l'assemblée générale du 2 juin 2009 suivant a été reçue le 23 juin 2009 sans que la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ne produise la preuve de la date du dépôt de la convocation.
Sur l'exclusion de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE
L'article 12 des statuts de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE prévoit une exclusion facultative notamment en cas de procédure de redressement, l'actionnaire dont l'exclusion est demandée ne prenant pas part au vote et ses titres n'étant pas pris en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Or, il résulte de l'article 1844, alinéas 1 et 4, du code civil que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi, et de l'article 1844-10, alinéa 2, du même code que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite (Cass Com - 09 juillet 2013) .Certes, la règle d'ordre public du droit de tout associé de participer aux décisions collectives posé par l'article 1844 du code civil reçoit des exceptions avec des privations de vote comme celle des articles L. 223-19 et L. 225-40 du code de commerce.
Cependant, si l'article L227-9 n'impose pas la forme collective en matière d'exclusion, prévue par l'article L 227-16 dudit code, les statuts de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ont arrêté une telle forme tout en précisant que l'actionnaire dont l'exclusion est demandée ne prend pas part au vote, ses titres n'étant pas pris en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Dès lors que l'article L 227-9 al.1 du Code de commerce laisse le soin aux statuts de déterminer les décisions devant être prises collectivement, les statuts d'une S.A.S. ne peuvent pas prévoir, tout d'abord que la décision d'exclure un associé sera prise collectivement, pour, ensuite, écarter la participation de l'intéressé à la décision de révocation le concernant. En effet, à partir du moment où les statuts stipulent qu'une décision sera prise par la collectivité des associés, elle doit, effectivement, être votée par l'ensemble des associés, et non pas seulement par certains d'entre eux.
En conséquence, la clause d'exclusion mise en oeuvre lors de l'assemblée générale du 2 juin 2009 étant nulle, la délibération ayant abouti à l'exclusion de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE et les délibérations éventuellement prises en exécution de la mesure d'exclusion sont nulles.
Le périmètre de la cession
Aucune décision n'a valablement exclu les parts de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE du patrimoine de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE .
En page 14 du jugement du tribunal de commerce de Pau, il est précisé que les offres modificatives des candidats à la reprise, VEOLIA PROPRETE et la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE sont parvenues tardivement à l'administrateur et se trouvent de ce fait irrecevables, seules les offres initiales et les précisions ultérieures seront examinées par le tribunal.
La S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE avait déposé une offre de reprise en date du 5 juin 2009 qui ne mentionnait pas expressément les actions détenues par la S.A. BOUCOU RECYCLAGE au sein de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE.
Le 4 juillet 2009, l'audience étant tenue le 7 juillet suivant, la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE a transmis une , note apportant des précisions à l'offre de reprise avec ventilation du prix offert de cession comprenant pour 350.000 euros les titres litigieux. Mais cette note, qui portait aussi sur les contrats de travail et les stocks, n'a pas été reprise par le tribunal de commerce dans son étude des offres.
Cependant, dans le dispositif du jugement du tribunal de commerce, il est notamment indiqué :
'ordonne la cession totale de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE au profit de la société PARFEC FRANCE ou de toute société qui se substituera aux conditions ci-après :
- cession de tous les actifs immobilisés de toutes natures pour 1.050.000 euros, l'ensemble du stock de toutes nature pour une valeur négative de 500.000 euros
- droit des tiers : l'ensemble des actifs, objets de la présente offre, devront être libres de tous gages, hypothèques, privilèges ou nantissements, réserve de propriété, droits de rétention et plus généralement de tous droits quelconque des tiers et notamment ceux visés par l'article L642-12 du code de commerce à l'exception des clauses d'agrément pouvant figurer dans les statuts des sociétés dans lesquelles la société BOUCOU RECYCLAGE peut avoir fait des participations qui font l'objet de la cession'.
Il résulte clairement de ce dispositif que sont cédés tous les actifs immobilisés de toute nature tout en précisant que l'ensemble des actifs devront être libres sous une seule exception, l'existence de clauses d'agrément dans les statuts de sociétés dans lesquelles la S.A. BOUCOU RECYCLAGE peut avoir des participations, comme c'est le cas dans la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE.
L'agrément
L'article 15 des statuts de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE relatif à la cession d'actions prévoit que l'agrément à la cession est donné par décision collective des actionnaires à la majorité des deux tiers, le cédant ne prenant pas part au vote.
Or, il résulte de l'article 1844, alinéas 1 et 4, du code civil que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi, et de l'article 1844-10, alinéa 2, du même code que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite (Cass Com - 09 juillet 2013) .Certes, la règle d'ordre public du droit de tout associé de participer aux décisions collectives posé par l'article 1844 du code civil reçoit des exceptions avec des privations de vote comme celle des articles L. 223-19 et L. 225-40 du code de commerce.
Cependant, si l'article L227-9 n'impose pas la forme collective en matière d'agrément préalable à une cession d'action prévu par l'article L 227-14 dudit code, les statuts de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ont arrêté une telle forme tout en précisant que le cédant ne prend pas part au vote .
Dès lors que l'article L 227-9 al.1 du Code de commerce laisse le soin aux statuts de déterminer les décisions devant être prises collectivement, les statuts d'une S.A.S. ne peuvent pas prévoir, tout d'abord que la cession d'actions sera soumise à un agrément pris collectivement, pour, ensuite, écarter la participation du cédant à l'agrément de la cession le concernant. En effet, à partir du moment où les statuts stipulent qu'une décision sera prise par la collectivité des associés, elle doit, effectivement, être votée par l'ensemble des associés, et non pas seulement par certains d'entre eux.
Selon l'article L642-8 du code de commerce, en exécution du plan arrêté par le tribunal, le liquidateur ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné passe tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession.
En l'espèce, en exécution de la décision de cession, le cédant était l'administrateur judiciaire entre le 7 juillet 2009, date de la décision du tribunal de commerce et le 21 janvier 2010, date de la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire . Depuis cette date, le cédant est le liquidateur judiciaire. D'ailleurs, l'administrateur judiciaire a signé le 5 janvier 2010 un ordre de mouvement portant sur les titres litigieux.
Force est de constater qu'aucune procédure d'agrément n'a été mise en oeuvre, étant observé que les associés de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ne prouvent nullement avoir donné leur agrément pour une cession à leur profit. Dès lors, il ne peut y avoir de nullité d'une délibération. En revanche, par application du deuxième alinéa de l'article 1844-10 du code civil, la clause d'agrément prévue aux statuts de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE , doit être réputée non écrite.
En conséquence, la cession des actions de la S.A. BOUCOU RECYCLAGE à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE étant valide et le prix de cession ayant été acquitté par la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE, il convient de confirmer le jugement entrepris .
Par ailleurs, la défense à une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le défendeur a agi par malice ou de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable. En l'espèce, le simple fait que l'appel soit rejeté ne le rend pas abusif. La S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE n'établit pas la malice, la mauvaise foi ou la légèreté blâmable de la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE ; il semble plutôt que cette dernière se soit méprise sur la portée des clauses d'exclusion et d'agrément contenues dans ses statuts.
Enfin, la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de commerce,
Y ajoutant,
Déboute la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE de sa demande de dommages et intérêts,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE de sa demande de ce chef,
Condamne la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE à payer à la S.A.S. PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE la somme de 2.000 euros,
Condamne la S.A.S. OVALIE RECYCLAGE aux dépens d'appel, dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.