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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 25 novembre 2021, n° 20/00840

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Société d'Exploitation des Etablissements Barre (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darracq

Conseiller :

M. Magnon

Avocats :

Me Declety, Me Fortin

T. com. Bayonne, du 27 janv. 2020

27 janvier 2020

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur U Z était de son vivant et au moment de son décès titulaire d'actions et de droits indivis sur des actions de la société d'exploitation des établissements Barré dont le capital de 47.259,20 euros est composé de 620 actions. Selon la dernière mise à jour des statuts datant de l'année 2007, Monsieur U Z possédait 145 actions en pleine propriété et détenait également des droits indivis sur 310 autres actions entre lui-même, Monsieur B Z et Madame G Z épouse P, son frère et sa soeur.

Au décès de U Z le 08 janvier 2017, seuls ses fils A Z, majeur, I Z, mineur, et son ex épouse X W, titulaire d'une donation entre époux non révoquée du vivant du donateur, avaient vocation à participer, chacun pour 1/3, à la dévolution concernant les actions et droits indivis du défunt.

Messieurs A et I Z, en application de la clause d'agrément prévue par les statuts de la société à jour du 25 octobre 2007, ont présenté leurs demandes d'agrément, cette clause prévoyant que le président disposait d'un délai de deux mois à compter de la réception de la demande pour faire connaître au requérant la décision de la collectivité des associés, et qu'à défaut de réponse dans ce délai, l'agrément était réputé acquis.

Par lettres recommandées du 04 février 2019, I et A Z ont formulé séparément leur demande d'agrément.

Par courriers du 15 mars 2019, Monsieur B Z, le président de la société, leur a répondu qu'il s'engageait à provoquer une décision collective des associés, dès la fourniture des justificatifs de leurs qualités d'héritiers, et dès que l'assiette des droits les concernant serait établie de manière non équivoque et contradictoire entre les parties, estimant que ce point posait difficulté au regard de successions d'ascendants de U Z à ce jour non réglées.

A la suite de la transmission de l'acte de notoriété par Messieurs A et I Z par courriers des 9 et 10 avril 2019, la SAS d'exploitation des Ets Barré, par un courrier officiel du 08 août 2019, a confirmé la position de son président et a maintenu en l'état le choix de ne pas provoquer de décision collective, sans pour autant reconnaître qu'un agrément implicite serait intervenu.

Par acte du 11 octobre 2019, Messieurs A et I Z ont assigné la SAS d'exploitation Ets Barré et son président Monsieur B Z devant le tribunal de commerce de Bayonne aux fins de :

- constater l'absence de réponse de la collectivité des actionnaires de la SAS d'exploitation des Ets Barré aux demandes respectives de M. A Z et M. I Z en qualité de nouveaux associés dans le délai de l'article 13-3° des statuts ;

En conséquence,

- constater l'agrément implicite des deux requérants en qualité de nouvel associé (au 13 juin 2019 pour A et au 16 juin 2019 pour I), respectivement (pour chacun d'entre eux) sur 1/3 indivis de chacune des 145 actions numérotées de 101 à 120 et 466 à 590, ainsi que respectivement (pour chacun d'entre eux) sur 1/9 indivis de chacune des 310 actions numérotées de 121 à 200, 221 à 320, 591 à 620, 1 à 60, 201 à 220, 321 à 340 ;

- ordonner la mention des requérants en qualité de nouveaux associés dans les documents sociaux et le registre des associés, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à la charge de M. B Z ;

- ordonner la publication par les soins de la présidence au registre du commerce et des sociétés en tant que de besoin des statuts modifiés en conséquence ;

- débouter la SAS d'exploitation des Ets Barré et M. B Z de tous moyens et conclusions contraires ;

- condamner M. B Z ès qualités de dirigeant social, à titre personnel, pour le caractère arbitraire de son attitude de résistance abusive et dilatoire à payer à titre de dommages et intérêts aux requérants la somme de 10.000 euros ;

- condamner in solidum la SAS Ets Barré et M. B Z à payer aux requérants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum en tous les dépens ;

- assortir la décision de l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution.

Par jugement du 27 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bayonne a :

- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;

- dit que Messieurs I et A Z ainsi que Madame X YY (note de la cour : laquelle n'était pas partie au litige en première instance) ont acquis automatiquement la qualité d'associé de la SAS Barré au jour du décès de M. U Z ;

- débouté Messieurs I et A Z de leur mise en cause de la responsabilité de M. B Z ;

- renvoyé les parties vers le notaire chargé de la succession de M. U Z afin que soient définis les droits de chacun ;

- rejeté les demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les parties à parts égales aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 13 mars 2020, M. A Z et M. I Z ont relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 9 juin 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par leurs conclusions n°5 notifiées le 05 juillet 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, M. A Z et M. I Z demandent à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions N° 3 des intimés et appelants incidents, signifiées après la clôture du 9 Juin 2021 et refuser le rabat de clôture, et très subsidiairement, si par extraordinaire la Cour entendait révoquer la clôture du 9 Juin 2021, recevoir les présentes écritures des appelants principaux (conclusions n° 5).

Vu les articles L 227-14, L 228-24 et L 721-3, 2° du code de commerce,

Vu l'article 411-4 2 du code de l'organisation Judiciaire,

Vu les articles 6, 1240, 1241, 1870, 1103, 1104, 1194, 1217, 1231-1, 1231-7, 1360 du code civil,

Vu les statuts de la SAS Société d'Exploitation des Ets Barré en date du 25 octobre 2007,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur I Z, représenté par son représentant légal Madame ZZ, et par Monsieur A Z à l'encontre du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Bayonne le 27 janvier 2020,

- Réformer le jugement de première instance en ce que celui ci a :

« Dit que Messieurs I et A Z, ainsi que Madame X YY, ont acquis automatiquement la qualité d'associé de la SAS Barré au jour du décès de Monsieur U Z,

« Débouté Messieurs I et A Z de leur mise en cause de la responsabilité de Monsieur B Z et de l'ensemble de leurs demandes,

« Renvoyé les parties vers le Notaire chargé de la succession de Monsieur U Z afin que soient définis les droits de chacun,

« Rejeté les demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

« Condamné les parties à parts égales aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 115,46 Euros ».

Statuant de nouveau et faisant droit à l'appel de Monsieur I Z et de Monsieur A Z :

- constater l'absence de réponse de la collectivité des actionnaires de la SAS d'exploitation des établissements Barré aux demandes d'agrément respectives de Monsieur A Z et de Monsieur I Z en qualité de nouveaux associés dans le délai de l'article 13.3° des statuts,

- en conséquence, juger l'existence d'un agrément implicite de Monsieur I Z et de Monsieur A Z en qualité de nouveaux associés de la SAS société d'exploitation des Ets Barré (RCS Bayonne 712 721 083) (au 13 juin 2019 pour A Z, au 16 Juin 2019 pour I Z), respectivement (pour chacun d'entre eux) sur 1/3 indivis de chacune des 145 actions numérotées de 101 à 120 et 466 à 590, ainsi que respectivement (pour chacun d'entre eux) sur 1/9 indivis de chacune des 310 actions numérotées de 121 à 200, 221 à 320, 591 à 620, 1 à 60, 201 à 220, 321 à 340.

- Ordonner la mention de Monsieur I Z et de Monsieur A Z en qualité de nouveaux associés de la SAS Barré dans les documents sociaux et le registre des associés, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à la charge de Monsieur B Z ;

- ordonner la publication par les soins de la présidence au registre du commerce et des sociétés en tant que de besoin des statuts modifiés en conséquence,

- débouter la SAS d'exploitation des établissements Barré et Monsieur B Z de leur appel incident et de tous moyens et prétentions contraires,

- condamner Monsieur B Z ès qualités de dirigeant social, à titre personnel, pour le caractère arbitraire de son attitude de résistance abusive et dilatoire, à payer à titre de dommages et intérêts aux concluants la somme de 10.000 euros,

- condamner in solidum la SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z à payer à Monsieur I Z et à Monsieur A Z la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum en tous les dépens dont distraction au profit de la SELAS Lexavoué Maître J V pour ceux dont il aurait fait l'avance.

Par conclusions n°3 notifiées le 10 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, M. B Z et la SAS Ets Barré demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bayonne prononcé le 27 janvier 2020, pour les dispositions suivantes :

« - débouter Messieurs I Z et A Z de leur mise en cause de la responsabilité de Monsieur B Z et de l'ensemble de leurs demandes» ;

«- Dit que Messieurs I Z et A Z ainsi que Madame X XX ont acquis automatiquement la qualité d'associés de la SAS Barré au jour du décès de Monsieur U Z »

- Infirmer le fondement légal de cette reconnaissance de la qualité d'associés et remplacer le fondement légal par l'acquisition résultant de l'agrément implicite par application des statuts de la société,

- Infirmer le jugement en tant que:

« - Renvoie les parties vers le Notaire chargé de la succession de Monsieur U Z afin que soient définis les droits de chacun,

- Rejette les demandes faites sur les fondements de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne les parties à parts égales aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 116,46 euros ».

- Statuant de nouveau et faisant droit aux demandes de la Société des Établissements Barré et de Monsieur B Z son Président :

- constater l'existence d'un agrément implicite et l'acquisition de la qualité d'associés par Messieurs I et A Z par le jeu de l'agrément implicite, conformément aux statuts de la société,

- limiter l'assiette des droits revenant à Messieurs I et A Z aux 145 actions détenues par Monsieur U Z,

- constater l'absence de détermination claire de la composition de l'actionnariat de la société Z résultant de l'absence de liquidation des régimes matrimoniaux et des successions passées,

- renvoyer les parties vers un notaire choisi en toute impartialité par la cour, et différent de celui en charge de la succession de Monsieur U Z, avec pour mission de clarifier la situation et de liquider les régimes matrimoniaux et les successions, de manière contradictoire et définitive,

- débouter Messieurs I et A Z de l'ensemble de tous moyens et prétentions contraires,

- condamner in solidum Messieurs I et A Z à payer à la société des Établissements Barré et à Monsieur B Z, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Duale Ligney, Maitre E H, pour ceux dont il aurait fait l'avance.

Faisant application en l'espèce des termes de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci dessus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Rappel sur le rabat de l'ordonnance de clôture

Avant l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué en accord avec les parties l'ordonnance de clôture et a fixé la clôture au 27 septembre 2021, date de l'audience, ni les appelants, ni les intimés n'ayant souhaité répliquer aux dernières écritures adverses, notifiées par chacune des parties, après l'ordonnance de clôture, le 10 juin 2021 par les intimés et le 05 juillet 2021 par les appelants.

2 - Sur l'agrément des associés

Devant la cour, la SAS Ets Barré et Monsieur B Z admettent que Messieurs A et I Z ont acquis la qualité d'associés par le jeu de la clause d'agrément implicite, mais que cet agrément ne peut valoir que sur les 145 actions que leur père détenait en pleine propriété. Ils ne critiquent sur ce point que le fondement légal retenu par les premiers juges. Par contre, ils estiment nécessaire concernant les droits indivis qu'un renvoi préalable soit opéré vers un notaire chargé de clarifier les droits indivis de chacun des associés au regard des successions antérieures non définitivement réglées, lesquelles viendraient troubler la détermination des droits de chacun.

Ainsi, les parties se rejoignent désormais sur l'application au litige de la clause d'agrément qui n'est plus, dans son principe, l'objet d'un débat. Par contre, les appelants contestent concernant leurs droits indivis sur les parts autres que celles reçues en pleine propriété qu'il serait nécessaire de procéder préalablement à la liquidation de régimes matrimoniaux et successions antérieures. Ils estiment l'assiette de leurs droits parfaitement déterminée et n'expliquent les prétentions adverses que par la volonté des intimés de retarder l'issue finale du litige.

Il n'est pas contestable que la clause d'agrément figurant aux statuts est conforme à l'article 1870 du code civil, ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 227-14 du code de commerce applicable spécifiquement aux sociétés par actions simplifiées, lequel soumet toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société. Il résulte de l'article 11 des statuts de la SAS d'exploitation des Ets Barré que la dévolution successorale est assimilée à une cession d'actions. Cette disposition permettait ainsi à Messieurs A et I Z de présenter chacun en leur qualité d'héritiers une demande d'agrément sur le fondement de la clause n°13.3 des statuts.

Les héritiers de U Z n'ayant pas reçu une réponse explicite de la collectivité des associés dans le délai de deux mois suivant la réception de leur demandes d'agrément, déposées dans les formes et délais prévus par les statuts, cet agrément implicite, par l'effet de la clause n°13.3 est réputé acquis pour chacun d'eux. Cet état de fait n'est pas contesté dans son principe devant la cour par les intimés, lesquels reconnaissent la qualité d'associés de Messieurs A et I Z.

- Cependant, Messieurs A et I Z contestent que les liquidations des successions et régimes matrimoniaux d'autres membres de la famille soient nécessaires pour déterminer l'assiette de leurs droits indivis, étant précisé que les intimés ne contestent pas le nombre de 145 actions leur revenant en pleine propriété, chacun pour un tiers, le tiers restant revenant à Madame X W, ex épouse de leur père. Celle ci a bénéficié d'une donation entre époux consentie durant le mariage sur les biens meubles et acquêts présents et à venir.

Cette donation n'avait pas été révoquée par Monsieur U Z de son vivant.

Une reconnaissance de dons manuels fait état, tant pour U que B Z, de ce qu'ils ont reçu chacun de leur père C F Z et de leur mère N K, un don manuel en avancement d'hoirie d'un montant de 189.100 francs, le 17 décembre 1987. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 1987, une augmentation du capital social par l'émission de 280 parts a été adoptée, U et B Z, associés, ayant immédiatement souscrits, grâce à ces dons, aux termes de la deuxième résolution, 125 parts chacun, et leur père, également associé, 30 parts.

Ces 125 parts sont venues se rajouter aux 20 parts que détenaient déjà U et B Z, pour leur permettre d'atteindre chacun le nombre de 145 parts, sans modification depuis. Or, contrairement à ce qu'indiquent les intimés, l'absence de rapport de ces donations de deniers aux successions de C F Z et de N K n'est pas de nature à affecter les droits héréditaires de Messieurs A et I Z, pour un tiers chacun, sur ces actions que leur père détenait en pleine propriété.

D'ailleurs, les droits portant en pleine propriété sur les actions que détenait U Z en pleine propriété ont été reconnus à ses ayants droit lors de l'assemblée générale de la SAS d'exploitation des Ets Barré du 30 septembre 2020, tel qu'il résulte du procès verbal produit. Ce procès verbal précise qu'à la suite de la résolution leur reconnaissant la qualité d'associés par l'effet de leur agrément implicite, Messieurs A et I Z ont été convoqués à l'assemblée générale annuelle à laquelle ils ne se sont pas présentés, malgré les convocations adressées à leur intention. Des courriers explicatifs des appelants ont cependant été adressés à la SAS d'exploitation des Ets Barré, après réception des convocations, pour faire valoir leurs points de désaccord et les incidences en matière de droit de vote de la reconnaissance partielle de leurs droits sociaux.

Au regard de la date des avis de réception se rapportant aux lettres par lesquelles les appelants ont communiqué les actes de notoriété sollicités préalablement à leur agrément, leurs agréments seront retenus, conformément à leur demande, au 13 juin 2019 pour A Z et au 16 Juin 2019 pour I Z. En cela, le jugement querellé sera infirmé pour avoir retenu la date du décès de U Z comme étant celle du jour de l'acquisition par ses fils de la qualité d'associé, alors qu'à cette date aucun agrément de la société ne pouvait immédiatement intervenir.

- Par ailleurs, les appelants soutiennent que les statuts du 25 octobre 2007 suffisent à prouver leurs prétentions relatives aux droits sur les parts indivises, en ce qu'ils établiraient la répartition du capital social et seraient opposables à la société. Cette répartition vaudrait liquidation amiable et conventionnelle des actions indivises entre les signataires. Cette répartition serait d'autant moins difficile à opérer que ces droits indivis auraient été détenus en nue propriété et à parts égales par U Z, son frère B et leur soeur G. Madame N K, leur mère, non associée, n'aurait été que usufruitière de la valeur de 210 parts et est décédée le 22 septembre 2017, soit antérieurement à la demande d'agrément litigieuse. De manière plus générale, et pour répondre aux divers arguments développés par les intimés, Messieurs A et I Z leur font remarquer qu'il n'est pas nécessaire pour la solution du litige que soit préalablement réglé l'ensemble des successions n'ayant pas donné lieu jusqu'ici à partage.

En défense, la SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z soutiennent qu'en l'absence d'un partage successoral préalable concernant l'ensemble des successions ayant laissé perdurer des situations d'indivision, il serait impossible de déterminer l'assiette des titres indivis dépendant de la succession de U Z. Seul un notaire distinct de celui chargé de ces opérations successorales pourrait venir éclairer les parties. Ils rajoutent que la composition de l'actionnariat issue de la rédaction des statuts pourrait contenir des erreurs rendant l'assiette des droits des appelants indéterminée.

L'enchevêtrement des situations patrimoniales consécutives aux décès successivement survenus au sein de la famille Z a donné lieu, en l'absence de partages successoraux au gré des disparitions successives, à des situations d'indivision entre les membres de la famille, en ce compris sur une partie des actions détenues de manière indivise dans la SAS d'exploitation des Ets Barré.

Cependant, concernant les droits indivis portant sur un ensemble de 310 actions, seul le testament établi par la mère de U et B Z, au profit de leur soeur, est susceptible de perturber la répartition actuelle du capital.

En l'absence de règlement successoral, les intimés contestent les mentions des statuts selon lesquelles U, B et G Z se seraient trouvés nu propriétaires de ces titres indivis et leur mère simple usufruitière. Les intimés soutiennent que le testament olographe établi le 17 octobre 2003 par Madame K au profit de sa fille G, par lequel elle lui a attribué la totalité de toutes ses parts détenues dans la société, confère à celle ci la propriété de titres qui figureraient encore dans l'indivision.

Les intimés admettent qu'au décès de C F Z en 1987, époux de Madame K, et détenteur du temps du mariage de 210 actions, aucune liquidation du régime matrimonial n'était intervenue. Néanmoins, se référant au régime légal de communauté des meubles et acquêts qui serait applicable en l'espèce, ces valeurs mobilières avaient vocation à tomber en communauté. Par l'effet de la dissolution de celle ci lors du décès de C F Z, Madame K se serait ainsi trouvée détentrice de la moitié de ces parts qui figurent aujourd'hui encore dans l'indivision.

L'article 815-11 du code civil dispose que : « (') A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire. En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive. A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.»

Cette seule disposition légale suffit à établir qu'une liquidation préalable de l'ensemble des indivisions existantes au sein de la famille Z n'est pas un préalable indispensable pour l'admission de Messieurs A et I Z aux bénéfices de l'indivision.

Le fait que le registre de mouvement des titres prévu par l'article L. 228-1 du code de commerce n'ait pas été tenu au sein de la société ne saurait être décisif pour permettre aux intimés de contester le contenu des statuts qu'ils n'ont au demeurant jamais remis en cause avant le décès de U Z, ce d'autant que la tenue de ce registre relève de leur seule responsabilité.

Les statuts à jour de la société à la date du 25 octobre 2007 font état pour les 310 actions indivises présentes dans le capital social :

- d'une indivision résultant du décès de C F Z à concurrence de 210 actions numérotées de 121 à 200, de 221 à 320 et de 591 à 620, entre U, B et G Z, en qualité de nus propriétaires, leur mère, Madame K en étant usufruitière,

- d'une indivision résultant du décès de Madame S D T veuve Z à concurrence de 80 actions numérotées de 1 à 60 et de 201 à 220, entre U, B et G Z,

- d'une indivision entre U, B et G Z découlant de celle ayant existé entre leur père et leur grand mère paternelle qui avait survécu à son fils et portant sur 20 actions numérotées de 321 à 340.

Les droits indivis de Messieurs A et I Z sur ces titres, pour la part leur revenant, sont établis par une attestation notariée du 30 septembre 2019 venue compléter l'acte de notoriété établi le 08 avril 2019 par Maître Fabien Soule Tholy. Cet acte de notoriété fait foi jusqu'à preuve contraire. En application de l'article 730-3 du code civil, celui qui s'en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion qui s'y trouve indiquée.

Se référant aux statuts de la société, Maître Nicolas Berhonde, notaire en charge de la succession de Madame K a lui même admis dans un courrier daté du 12 mars 2019, après avoir précisé l'existence du testament olographe du 17 octobre 2003, que de son vivant Madame K détenait 210 parts en usufruit, lequel usufruit s'est ensuite éteint par le décès de son titulaire.

Les mentions figurant dans les statuts sont contradictoires avec les termes du testament de Madame K, laquelle a stipulé : « Je lègue à ma fille G toutes mes parts dans les sociétés SARL Barré SEE et société BARCHENO ».

La cour note que Madame G Z épouse P n'intervient pas à la présente instance.

L'incidence du régime matrimonial ayant existé entre Madame K et C F Z est de nature à faire entrer dans la succession de Madame K la valeur de la moitié des titres dont son époux disposait en pleine propriété. Toutefois, Madame K n'ayant jamais eu la qualité d'associé de la société Z, elle ne pouvait transmettre à sa fille que la valeur de ces actions mais non les titres eux mêmes. Au surplus, l'admission de ce legs, sur lequel la cour n'a pas à se prononcer, ne se conçoit juridiquement que dans la limite des droits des héritiers réservataires de Madame L

Aussi, alors que les intimés ne soutiennent pas que les droits indivis recueillis dans la succession de U Z seraient aujourd'hui différents de ceux dont dispose Monsieur B Z, ce testament ne saurait retarder davantage la reconnaissance des droits de Messieurs A et I Z sur la part de l'indivision reçue de leur père. Les liquidations des indivisions successorales qui ont ultérieurement vocation à intervenir ne peuvent suspendre sine die l'effet résultant de l'agrément par la société de Messieurs A et I Z, alors que les autres associés dont la quotité de droits indivis se trouve de la même manière questionnée se trouvent en mesure d'en percevoir les fruits et d'exercer les droits sociaux qui y sont attachés.

Les droits véritables de chacun des indivisaires peuvent être discutés ultérieurement, les dispositions de l'article 815-11 du code civil assurant durant ce temps la protection des nouveaux associés sur la base des données résultant des statuts et de l'acte de notoriété, lesquelles, concernant la répartition du capital social indivis, n'avaient donné lieu à aucune contestation connue du vivant de U Z.

Messieurs A et I Z seront reçus en leur demande d'agrément sur l'ensemble des titres et droits indivis leur revenant en l'état des éléments connus d'hérédité, comme il sera dit au dispositif.

La présente décision constituant un titre suffisant pour la reconnaissance de leurs droits, Messieurs A et I Z seront déboutés de leur demande d'astreinte concernant leur mention en qualité de nouveaux associés de la SAS Barré dans les documents sociaux et le registre des associés, mention à laquelle les intimés devront procéder, outre la publication par leurs soins au registre du commerce et des sociétés des statuts modifiés en conséquence.

3 - Sur la résistance abusive reprochée à Monsieur B Z

Les appelants soutiennent que Monsieur B Z, leur oncle, actuel dirigeant de la SAS d'exploitation des Ets Barré, leur aurait opposé un comportement dilatoire dès le dépôt de leur demande d'agrément, ne serait ce qu'en sollicitant la communication d'un acte de notoriété, alors que leurs liens familiaux ne pouvaient le faire douter de leur qualité d'héritiers réservataires. Par cette attitude, Messieurs A et I Z indiquent avoir été privés d'accès à leurs droits dans le compte d'indivision de la société. Ils sollicitent la somme globale de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d'une résistance abusive de Monsieur B Z, à titre personnel.

Monsieur B Z expose avoir été confronté à une inertie des précédents avocats et notaires de la société pour remédier aux incertitudes de cette situation familiale patrimoniale. Monsieur B Z estime qu'un mauvais procès lui serait fait par ses neveux, alors qu'il se prévaut d'une gestion prudente de la société et d'une volonté de conciliation, l'accès au compte d'indivision étant volontairement bloqué dans l'attente de la réalisation des comptes entre les parties pour lesquels la désignation d'un notaire par la cour est sollicitée.

Les intimés ne se réfèrent à aucune pièce pour justifier du blocage effectif du compte d'indivision.

Malgré l'argumentation développée par Monsieur B Z, les raisons qui ont été opposées à Messieurs A et I Z pour tenter de retarder leur agrément et faire échec à la clause n°13.3 en prévoyant les modalités et délais, ne trouvent aucune justification au regard de l'intérêt social de la S. A.S. Par leur demande d'agrément, les appelants souhaitaient légitimement venir aux droits de leur père, tels que fixés par les statuts et identiques à ceux de Monsieur B Z.

Alors que Messieurs A et I Z ont formulé leur demande d'agrément dès le 04 février 2019, et si, formellement, la demande d'une preuve de leur qualité d'héritier ne peut en la matière être jugée superfétatoire, cet agrément n'a été péniblement admis de manière officielle qu'à l'occasion de l'assemblée générale de la SAS d'exploitation des Ets Barré du 30 septembre 2020, après que le jugement contesté ait été frappé d'appel. Cette reconnaissance ne se rapportait toutefois qu'aux 145 actions dont leur père disposait en pleine propriété, laissant pendant le sort des parts indivises relevant de la succession de U Z.

Devant la cour, les intimés tendent également à retarder la reconnaissance des droits indivis que Messieurs A et I Z ont recueillis en leur qualité d'héritiers, alors que le règlement préalable de l'ensemble des successions et indivisions subséquentes, dont les intimés se sont jusqu'ici accommodés, serait de nature à rallonger sans justification véritable, et pour une durée difficilement déterminable en cas de contestation en justice, l'issue des prétentions des appelants sur les actions indivises.

En adoptant cette position, Monsieur B Z a commis une faute incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, ayant recherché au travers de son mandat à faire échec, pour des raisons étrangères à l'intérêt de la société, à l'application de la clause d'agrément aux nouveaux associés et à l'exercice des droits se rattachant à cette qualité.

La résistance abusive de Monsieur B Z est manifeste. Elle justifie que la somme totale de 4.000 euros soit allouée à titre de dommages et intérêts à Messieurs A et I Z.

4 - Sur les demandes accessoires

Parties succombantes, la SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z seront condamnés in solidum, par infirmation du jugement entrepris, aux dépens de première instance et aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la SELAS Lexavoué Maître J V.

La SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z seront condamnés in solidum à verser à Messieurs A et I Z la somme totale de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme en toutes des dispositions le jugement du 27 janvier 2020 du tribunal de commerce de Bayonne,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Juge que Messieurs A et I Z ont acquis le bénéfice de leur agrément implicite en qualité de nouveaux associés par la SAS d'exploitation des Ets Barré au 13 juin 2019 pour A Z, au 16 Juin 2019 pour I Z, respectivement, pour chacun d'entre eux, sur le tiers (1/3) indivis de chacune des 145 actions numérotées de 101 à 120 et 466 à 590, ainsi que respectivement, pour chacun d'entre eux, sur un neuvième (1/9) indivis de chacune des 310 actions numérotées de 121 à 200, 221 à 320, 591 à 620, 1 à 60, 201 à 220, 321 à 340,

Ordonne la mention de Monsieur I Z et de Monsieur A Z en qualité de nouveaux associés de la SAS d'exploitation des Ets Barré dans les documents sociaux et le registre des associés,

Ordonne la publication par les soins de la présidence de la SAS d'exploitation des Ets Barré au registre du commerce et des sociétés des statuts ainsi modifiés,

Déboute Messieurs A et I Z de leur demande de fixation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,

Condamne Monsieur B Z, à titre personnel, à payer à Messieurs A et I Z la somme globale de 4.000 euros au titre de sa résistance abusive,

Déboute la SAS d'exploitation des établissements Barré et Monsieur B Z de l'ensemble de leurs prétentions,

Condamne in solidum la SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de la SELAS Lexavoué Maître J V, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS d'exploitation des Ets Barré et Monsieur B Z à payer à Messieurs A et I Z la somme totale de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.