CA Poitiers, 2e ch. civ., 15 janvier 2013, n° 12/01584
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Exco (SAS)
Défendeur :
Groupe Nouvel Expert (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Du Rostu
Conseillers :
M. Ralincourt, Mme Fauresse
Avocats :
Me Steva Touzery, Me Chalopin
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de POITIERS en date du 16 avril 2012 qui a :
- débouté la SAS EXCO de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamné la SAS EXCO à payer à la SARL Groupe NOUVEL EXPERT la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné la SAS EXCO aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 30 avril 2012 par la SAS EXCO ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2012 par la SAS EXCO demandant à la Cour de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce
- condamner la SARL Groupe NOUVEL EXPERT au paiement de la somme 62.659,24 euros majorée des intérêts légaux, à compter du 19 janvier 2009
- condamner la SARL Groupe NOUVEL EXPERT au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive
- condamner la SARL Groupe NOUVEL EXPERT au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2012 par la SARL Groupe NOUVEL EXPERT demandant à la Cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de POITIERS
- constater la nullité de plusieurs articles des statuts de la société EXCO ainsi que l'absence de disposition comportant pour l'associé qui cesse de l'être l'obligation de payer une pénalité de sortie
et à titre subsidiaire :
- de constater la nullité du règlement intérieur en ce qu'il prévoit une pénalité de sortie, de débouter la société EXCO ;
et plus subsidiairement vu l'article 1152 alinéa 2 Code Civil :
- de réduire à 1 euro le montant dû au titre de la clause pénale
- condamner la SAS EXCO au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 07 novembre 2012
La SAS EXCO a été constituée en 2002 par des cabinets d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes pour exercer l'activité de conseil en gestion, formation, développement d'outils d'analyse et communication. Les statuts disposent que la société est régie par les articles L.227-1 à L 227-20, et L 244-1 à L 244-4 du code de commerce, à l'exclusion des articles L.225-17 à L 225-126 du code de commerce, et des articles 1832 et 1844-17 du Code civil.
Par délibération de l'assemblée extraordinaire du 10 mai 2005 de la SAS EXCO, il a été décidé à l'unanimité des associés présents ou représentés, soit vingt associés sur vingt et un :
- que les membres démissionnaires du réseau, ou exclus, devront payer des pénalités de sortie conformément aux modalités fixées par le Règlement Intérieur ;
- d'adopter le règlement intérieur ;
- d'adopter une charte s'appliquant aux associés ;
- de modifier les statuts pour intégrer le principe de l'adoption de ces documents ;
L'assemblée générale extraordinaire a adopté une résolution autorisant les associés à démissionner, et prévoyant que les membres démissionnaires ou exclus devront payer des pénalités de sortie, selon les modalités fixées par le Règlement Intérieur. En conséquences, plusieurs articles des statuts ont été modifiés : l'article 11.2.4 relatif à la préemption d'actions, l'article 11.3.1 sur l'agrément et l'article 26.1 relatif à l'exclusion d'un associé ;
Aux termes de l'article 20 des statuts de la SAS EXCO, le règlement intérieur est adopté par la collectivité des associés, en assemblée générale extraordinaire à la majorité qualifiée des deux tiers des voix présentes ou représentées ;
L'article 2.2. du Règlement Intérieur dispose que « tout associé est libre de se retirer à tout moment, en notifiant sa décision qui prendra effet au plus tôt au Comité Directeur qui suit (...) », et précise que « le retrait de la société, ou d'une exclusion, ayant pour conséquence le non respect de cet engagement (de soutenir financièrement les efforts de recherche et de développement qui ont été définis et budgétés au début de chaque période et qui se poursuivent de manière récurrente), sera sanctionné par le versement, par l'associé ou ex associé défaillant, à titre de clause pénale, d'une indemnité égale au reliquat des cotisations non appelées de l'exercice en cours majoré de douze mois de cotisations » ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 novembre 2008 adressée au Président de la SAS EXCO, l'associé EXCO Partenaires devenue la société groupe NOUVEL EXPERT a fait part de sa démission du réseau à compter du prochain comité directeur, lequel a entériné cette décision le 8 décembre 2008 ;
Par lettre du 19 janvier 2009, le Comité Directeur informait EXCO Partenaires qu'il avait été pris acte de sa démission et, en application des dispositions des statuts, du pacte d'actionnaires, du règlement intérieur et de la charte du réseau, demandait le paiement d'une pénalité de sortie d'un montant de 52.389 euros HT soit 62.659, 94 euros TTC ;
Après plusieurs échanges, l'associé démissionnaire refusant de payer cette pénalité, la SAS EXCO l'a attrait devant le Tribunal de Commerce de POITIERS qui a considéré que les délibérations de l'assemblée générale du 10 mai 2005 avaient augmenté les engagements des associés en les autorisant à se retirer à condition de verser une indemnité fixée par le règlement intérieur, que toutefois, en application des dispositions de l'article 1836 alinéa 2, l'augmentation des engagements doit résulter de l'accord unanime des associés, que tel n'étant pas le cas, les délibérations sont nulles et de nul effet. Le Tribunal a jugé qu'en l'absence de paiement de la pénalité de départ, l'exception de nullité pouvait être soulevée, et il a débouté la SAS EXCO la condamnant à payer 1.500 euros à la société NOUVEL EXPERT au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le 30 avril 2012, la société SAS EXCO a interjeté appel du jugement en soutenant que les dispositions de l'article 1836 alinéa 2 du code civil ne sont pas applicables à l'espèce ; que les statuts de la société SAS EXCO ne contiennent aucune disposition accordant aux associés le droit ou la faculté de se retirer, cette possibilité introduite par la délibération du 10 mai 2005 n'étant pas insérée aux statuts mais au règlement intérieur qui accorde aux associés un droit de retrait, et en fixe les modalités. Pour l'appelante les modalités d'adoption du règlement intérieur sont conformes aux dispositions de l'article 20 des statuts, que le règlement intérieur ayant été valablement adopté, il est opposable à la société NOUVEL EXPERT ; et précise que les pénalités de sortie ne constituent pas une augmentation des engagements des associés, mais seulement la contrepartie d'un droit nouveau. A titre subsidiaire, la SAS EXCO soutient que les demandes en nullité formées par la société Groupe NOUVEL EXPERT seraient prescrites, l'acte juridique contesté ayant été exécuté par l'exercice du droit de retrait prévu au règlement intérieur, et qu'en dissociant le paiement de l'indemnité de la faculté de retrait, le tribunal de commerce aurait commis une erreur de droit. Enfin la SAS EXCO conclut au rejet de la réduction du montant de la pénalité restant due dans les conditions fixées par l'article 1152 du code civil, en faisant valoir que le retrait d'un associé entraîne pour elle un déséquilibre significatif compte tenu notamment de ses charges d'exploitation ;
Selon la société Groupe NOUVEL EXPERT la délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 10 mais 2005 accordant aux associés le droit de démissionner dans les conditions fixées par le Règlement Intérieur a augmenté leurs engagements, et devait être adoptée à l'unanimité en application des dispositions de l'article 1836 alinéa 2 du code civil. Le défaut d'unanimité rendant nul tant les décisions de l'Assemblée Générale extraordinaire, que les dispositions du Règlement Intérieur adoptées le 10 mai 2005. Aucune disposition statutaire ne prévoit de pénalités de sortie pour l'associé dont la démission est acceptée, et les délibérations qui ont modifié les dispositions statutaires, et notamment les articles 11-2-4, 11-3-1 et 26-1, ne sont pas applicables à l'associé qui
choisi de démissionner. Selon la société Groupe NOUVEL EXPERT, le Règlement Intérieur d'une société ne peut, sans habilitation par une disposition statutaire, décider du principe d'une clause pénale à la charge d'un associé sortant sauf à être, comme les statuts eux mêmes et à peine nullité, adopté à l'unanimité des associés, mais que tel n'est pas le cas ; qu'au surplus, le règlement intérieur qui ne peut pas modifier les statuts, n'a pas été adopté à l'unanimité. La société Groupe NOUVEL EXPERT fait enfin valoir subsidiairement que le montant de la clause pénale doit être réduit en application des dispositions de l'article 1152 du Code Civil, d'autant que la SAS EXCO ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant de sa démission ;
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MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte du procès verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 10 mais 2005 que l'unanimité des associés présents, et représentés, a adopté en première résolution la décision aux termes de laquelle « (') les membres du réseau démissionnaires ou exclus devront payer des pénalités de sortie, dont les modalités seront fixées par le règlement Intérieur, avant cession de leurs actions.
En conséquence, l'Assemblée générale décide de modifier les articles 11.2.4, 11.3.1 et 26.1 des statuts (...) ».
La SAS EXCO admet que les statuts n'accordent pas aux associés la possibilité de démissionner, celle ci ayant été décidée par la résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 10 mai 2005, et organisée dans ses modalités d'application par le Règlement Intérieur.
Or, les dispositions du Règlement Intérieur d'une société ont seulement pour objet de préciser les dispositions statutaires, mais ne peuvent ni les modifier, ni accorder des droits nouveaux aux associés, telle que la possibilité de démissionner. Les résolutions et décisions adoptées par l'Assemblée générale extraordinaire du 10 mai 2005 intègrent dans le Règlement Intérieur des dispositions statutaires, et modifient en outre des règles statutaires relatives aux cessions d'actions, aux agréments préalables, aux contraintes de cession des titres, ainsi qu'à l'exclusion d'un associé, alors que, s'agissant d'une société par actions simplifiées, de telles dispositions ne peuvent résulter que de clauses statutaires en application des articles L.227-14, L.227-16 et L.227-17 du Code de Commerce, et doivent aux termes de l'article L.227-18 être adoptées ou modifiées à l'unanimité. Dès lors, en accordant par délibération approuvée par les seuls associés présents ou représentés, et sans l'unanimité de tous les associés, le droit de démissionner dans les conditions fixées par le Règlement Intérieur, alors qu'aucune disposition statutaire ne reconnait un tel droit, et en modifiant au surplus plusieurs articles statutaires, l'Assemblée Générale extraordinaire a violé les exigences légales de majorité, et entaché ses décisions de nullité; les règles d'unanimité relatives aux décisions en cause, s'agissant d'une société par actions simplifiées, sont fixées non par les dispositions de l'article 1836 du code civil, mais par celles de l'article L. 227-18 du Code de Commerce.
L'absence d'unanimité entachant la légalité des décisions adoptées par l'Assemblée Générale extraordinaire du 10 mais 2005, la société Groupe NOUVEL EXPERT, était fondée tant à refuser de payer les pénalités exigées par la SAS EXCO, qu'à soulever l'exception de nullité de ces décisions.;
Il sera surabondamment constaté, s'agissant de la nature juridique des pénalités de sortie, qu'une clause dont l'objet est de permettre aux parties de se libérer unilatéralement de leurs engagements ne constitue pas une clause pénale, mais seulement une faculté de dédit, à laquelle les dispositions de l'article 1152 du Code Civil ne s'appliquent pas;
Eu égard à ces éléments il y a lieu, pour ces motifs différents de ceux des premiers juges, de confirmer le jugement déféré ;
Attendu qu'il est inéquitable de laisser à S. A.R. L. Groupe NOUVEL EXPERT la charge de ses frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel ; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité complémentaire de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, le jugement étant par ailleurs confirmé ;
Que la demande présentée sur le même fondement par SAS EXCO , qui succombe, sera en revanche rejetée, et elle supportera seule la charge des dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS EXCO à payer à la SARL Groupe NOUVEL EXPERT la somme de deux milles euros (2000 euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la SAS EXCO de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la SAS EXCO aux dépens d'appel.