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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 mai 2022, n° 22/00301

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

MCP (SAS)

Défendeur :

Compagnie Financière et Immobilière (SAS), Société de Participation d'Investissement et de Construction (SAS), SOPIC Investissement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

M. Darracq, M. Magnon

T. com. Tarbes, du 31 janv. 2022

31 janvier 2022

Par ordonnance du 10 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Tarbes a autorisé la société MCP et Monsieur Michel C. à assigner devant lui, statuant en référé la société de participation d'investissement et de construction (SOPIC), la société SOPIC INVESTISSEMENT, Monsieur Ahssan R. président de SOPIC et COFIM, directeur général de SOPIC INVESTISSEMENT, en référé à l'heure indiquée à l'audience du 17 janvier 2022, à 14h30.

Il a précisé que cette assignation devrait avoir été délivrée au plus tard le 13 janvier 2022 à 18 heures.

L'assignation a été signifiée le 11 janvier 2022.

Dans l'attente de cette audience contradictoire, et au vu des arguments exposés dans la requête, diverses mesures conservatoires ont été ordonnées.

Par ordonnance de référé du 31 janvier 2022, rendue contradictoirement et en premier ressort, le président du tribunal de commerce de Tarbes a :

- Déclaré irrecevables Monsieur Michel C. et la société MCP en leurs demandes ;

- Levé l'intégralité des mesures ordonnées par l'ordonnance du 10 janvier 2022 ;

- Ordonné aux huissiers commis de mentionner sur les registres de la société SOPIC SAS séquestrés entre leurs mains, que les mesures de séquestre sont levées concernant les 4000 actions considérées ;

- Ordonné aux huissiers commis de restituer à la SOCIÉTÉ DE PARTICIPATION D'INVESTISSEMENT ET DE CONSTRUCTION (SOPlC) SAS et à la société SOPIC INVESTISSEMENT les documents séquestrés ainsi que toute copie qui en aurait pu être faite ;

- Condamné solidairement Monsieur Michel C. et la société MCP à payer à la SOCIÉTÉ DE PARTICIPATION EVINVESTISSEMENT ET DE CONSTRUCTION (SAS) la somme de 4000,00 € (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné solidairement Monsieur Michel C. et la société MCP à payer à la société SOPIC INVESTISSEMENT la somme de 4000,00 € (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné solidairement Monsieur Michel C. et la société MCP à payer à la société COMPAGNIE FINANCIERE ET IMMOBILIERE (COFIM) la somme de 4.000,00 € (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamné solidairement Monsieur Michel C. et la société MCP à payer à Monsieur Ahssan R. la somme de 4000,00 € (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamné solidairement Monsieur Michel C. et la société MCP aux entiers dépens.

Par déclaration du 31 janvier 2022 la SAS MCP et Michel C. ont interjeté appel de la décision.

Par ordonnance du 3 février 2022, Le premier président de la cour d'appel de Pau a fait droit aux mesures provisoires demandées.

Michel C. et la société MCP sollicitent :

Vu les articles 126, 872 et 873 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1961 du code civil,

Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,

Il est demandé à la Cour d'appel de Pau de :

- infirmer l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de Tarbes du 31 janvier 2022 ;

Et statuant à nouveau :

- ordonner la suspension de l'exclusion de MCP et Michel C. de Sopic SAS et le rétablissement de leurs droits non-pécuniaires ;

- interdire à Sopic SAS et à son président Ahssan R. de procéder à tout acte visant à finaliser l'exclusion de MCP et Michel C. de Sopic SAS, la cession des actions de MCP et Michel C. dans Sopic SAS à un tiers, et la réduction du capital de Sopic SAS visant à faire annuler ces actions - et en particulier tout acte visant la modification des statuts et du K-bis de Sopic SAS en lien avec ces opérations ;

- ordonner le séquestre des actions de MCP et Michel C. dans Sopic SAS et le séquestre du registre des mouvements de titres de Sopic SAS ;

et ce, jusqu'à ce que les contestations entre les parties soient tranchées au fond par une décision définitive ;

En conséquence :

- autoriser MCP et Michel C. à mandater un huissier de justice ayant pour missions de:

o se faire remettre le registre des mouvements de titres de Sopic SAS, dès que l'arrêt de la Cour sera signifié, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard (à moins que ce registre ne soit déjà séquestré par cet huissier) ;

o inscrire dans ce registre une mention relative au séquestre des actions de MCP et Michel C. (à moins que cette mention n'ait déjà été inscrite) ;

o conserver le registre de mouvements de titres de Sopic SAS avec interdiction de procéder à l'inscription d'ordres de mouvements des actions de MCP et Michel C., et ce, jusqu'à ce que les contestations entre les parties soient tranchées au fond par une décision définitive; o percevoir les dividendes attachés aux actions de MCP et Michel C. que l'huissier versera, à l'expiration de sa mission, à la personne qui aura été désignée comme propriétaire des actions par une décision de justice définitive au fond ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- ordonner que les honoraires et frais de cet huissier seront à la charge de Sopic SAS.

En outre :

- ordonner la suspension de la fusion-absorption de Sopic SAS dans Sopic Investissement ;

- interdire à Sopic SAS, Sopic Investissement, Ahssan R. et COFIM de procéder à tout acte visant à finaliser le projet de fusion-absorption de Sopic SAS dans Sopic Investissement - et en particulier tout acte visant la modification des statuts et du K-bis de Sopic Investissement ou la radiation de Sopic SAS ;

- ordonner le report de toute assemblée générale de Sopic SAS devant ratifier le projet de fusion-absorption de Sopic SAS dans Sopic Investissement ;

- ordonner le séquestre du registre des mouvements de titres de Sopic Investissement ;

et ce, jusqu'à ce que les contestations entre les parties soient tranchées au fond par une décision définitive ;

En conséquence : Autoriser MCP et Michel C. à mandater un huissier de justice ayant pour missions de :

o se faire remettre le registre des mouvements de titres de Sopic Investissement, dès que l'arrêt de la Cour sera signifié, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard (à moins que ce registre en soit déjà séquestré par cet huissier) ;

o conserver ce registre avec interdiction de procéder à toute inscription en lien avec le projet de fusion-absorption de Sopic SAS dans Sopic Investissement et notamment toute modification de la répartition du capital de Sopic Investissement liée à cette opération et ce, jusqu'à ce que les contestations entre les parties soient tranchées au fond par une décision définitive ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- ordonner que les honoraires et frais de cet huissier seront à la charge de Sopic SAS.

- condamner Sopic SAS et Sopic Investissement à verser chacune à la société MCP et à Michel C. la somme de 60.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner Sopic SAS et Sopic Investissement aux entiers dépens de l'instance.

Les intimés Ahssan R., la SAS COFIM COMPAGNIE FINANCIERE ET IMMOBILIERE, la SAS SOPIC SOCIÉTÉ DE PARTICIPATION D'INVESTISSEMENT ET DE CONSTRUCTION et la SAS SOPIC INVESTISSEMENT sollicitent :

Vu l'article 1961 du Code civil

Vu les articles 31, 32, 122, 872, 873, 917 et 918 du CPC

Vu les pièces aux débats et les écritures des parties

À TITRE PRINCIPAL,

- écarter les pièces des appelants n°71 suivantes pour ne pas figurer dans le dossier soumis au Président de la cour de céans en application des art. 917 et 918 du CPC ;

- canceller les écritures des appelants notifiées le 21/03/2022 de toutes les mentions à ces pièces n°71 et s.

- confirmer l'ordonnance du 31/1/22 ayant jugé les appelants irrecevables en leurs demandes et ayant levé l'intégralité des mesures ordonnées par l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce du 10/01/2022 ordonnant aux huissiers commis de mentionner sur les registres appréhendés que les mesures sont levées, et de les restituer,

À TITRE SUBSIDIAIRE, pour le cas où la Cour, infirmant l'ordonnance déférée, jugerait les appelants recevables en leur action,

- les en débouter et rejeter l'intégralité de leurs demandes ;

Plus généralement débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

En conséquence

Ordonner aux huissiers commis :

' De mentionner sur les registres de Sopic SAS séquestrés entre leurs mains que les mesures de séquestre sont levées concernant les 4000 actions considérées [appartenant autrefois à Michel C. et à MCP] ;

' de restituer aux sociétés Sopic et Sopic Investissement l'intégralité des documents séquestrés [dont les registres de mouvements de titres], ainsi que toute copie qui aurait pu en être faite';

- condamner solidairement les appelants au paiement de la somme de 15 000 € à chacun des concluants sur le fondement de l'art. 700 du CPC ;

Les condamner au paiement des entiers dépens.

Par ordonnance du 15 février 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mars 2022.

SUR CE

Sur la demande visant à écarter des débats les pièces 71 à 74 produites par Michel C. :

Les articles 917 et suivants du code de procédure civile sont applicables à la procédure à jour fixe.

L'article 918 du code de procédure civile prévoit que la requête doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives.

En l'espèce il apparaît que les pièces 71 à 74 ont été produites par le demandeur postérieurement à la requête s'agissant particulièrement de l'assignation du 16 mars 2022.

Ces nouvelles pièces ne pourraient être accueillies que si elles visaient à répondre à des arguments nouveaux présentés en appel par l'intimé ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elles devront donc être écartées des débats.

Au fond :

Il convient de rappeler le contexte dans lequel l'ordonnance de référé dont appel a été rendue.

Michel C., par l'intermédiaire de sa société MCP, est l'un des associés du groupe SOPIC.

La société SOPIC INVESTISSEMENT est détenue par deux associés égalitaires, Michel C. et Didier E..

Cette société est la holding de tête du groupe de promotion immobilière SOPIC qui détient plusieurs sociétés, dont la principale société opérationnelle SOPIC SAS. Le capital de cette société est partagé avec d'autres actionnaires dont Ahssan R..

Outre Messieurs C. et E., les principaux associés dirigeant du groupe SOPIC sont Ahssan R., Stéphane T. et Jean-Pascal G..

Michel C. détient sa participation dans le groupe SOPIC soit directement, soit par l'intermédiaire de MCP dont il est le président et l'associé à 99,5 %.

Didier E. détient ses participations dans le groupe directement et par l'intermédiaire de COFIM.

Ahssan R. détient ses participations dans le groupe par l'intermédiaire de la société financière Andalib.

Stéphane T. détient ses participations dans le groupe par l'intermédiaire de la société Finalin.

Jean-Pascal G. détient ses participations dans le groupe par l'intermédiaire de la société foncière immobilier Investissement(F21).

La principale société opérationnelle du groupe SOPIC est SOPIC SAS , Société par actions simplifiées détenues par SOPIC INVESTISSEMENT(52,1 %) MCP (11,2 %), COFIM (11,2%), ANDALIB (10,4 %),Ahssan R.(5 %), FINALIN (5 %) et F21 (5 %) et Michel C. détient également une part du capital.

Les rapports entre associés de SOPIC SAS sont régis par un pacte d'associés du 16 octobre 2017.

Le président de SOPIC SAS est Ahssan R.. Ses directeurs généraux sont FINALIN (Stéphane T.) et F21 (Jean-Pascal G.).

Un conseil de direction présidé par Ahssan R., et composé de COFIM, FINALIN, F21, SOPIC INVESTISSEMENT et jusqu'à très récemment, MCP (Michel C.) est chargé de nommer et révoquer le président et le directeur général, d'assurer que les orientations stratégiques définies par le conseil de SOPIC INVESTISSEMENT sont mises en oeuvre, de décider de la création cession de filiales opérationnelles, et d'assurer la gestion des risques de celle-ci.

SOPIC SAS détient intégralement ou majoritairement diverses filiales régionales chargées de mener à bien les projets du groupe. Les actifs immobiliers du groupe SOPIC sont détenus à travers diverses SCI, filiales de SOPIC INVESTISSEMENT.

Une mésentente entre Michel C. et les autres associés est née et s'est développée en 2021 ce qui a conduit ces derniers à mettre en oeuvre diverses mesures visant à démettre Michel C. de ses mandats et à l'exclure de la société SOPIC SAS.

Michel C. précise que jusqu'alors, il entretenait de bons rapports avec Didier E., Ahssan R. et Stéphane T. ainsi qu'avec les organes de direction du groupe qui fonctionnaient normalement.

Michel C. expose qu'avant les opérations contestées dans le cadre de la présente procédure il était donc, par l'intermédiaire de MCP :

associé à 50 % de SOPIC INVESTISSEMENT,

président et membre du conseil de direction de SOPIC INVESTISSEMENT,

associé à 11,2 % de SOPIC SAS.

membre du conseil de direction de SOPIC SAS.

associé à 20 % de SOPIC Paris.

Michel C. s'estime victime depuis le mois de novembre 2021, d'un enchaînement d'opérations soudaines et abusives mises en oeuvre par un groupe d'associés hostiles afin de le dépouiller méthodiquement de ses mandats et participation dans le groupe SOPIC.

Ainsi :

le 15 décembre 2021, MCP a été révoquée de son mandat de président de la société mère du groupe SOPIC ;

le 23 décembre 2021, les actionnaires de la principale filiale opérationnelle du groupe ont voté l'exclusion de MCP et Michel C.,

depuis le 23 décembre 2021, les associés hostiles à Michel C.,ont initié à son insu une opération de fusion absorption.

Il estime que le but de ces opérations, sous couvert d'un semblant de légalité en invoquant la défense de l'intérêt social, est en réalité d'organiser un putsch à son encontre.

La société DE PARTICIPATION, D'INVESTISSEMENT ET DE CONSTRUCTION SOPIC, la société SOPIC INVESTISSEMENT, la société COFIM et Ahssan R. concluent à l'irrecevabilité de ces demandes.

Ils considèrent que le juge de l'urgence et de l'évidence qui a été saisi ne peut bloquer des titres entre les mains d'un séquestre, ni interrompre une opération régulière de fusion « jusqu'à ce que les contestations entre les parties soient tranchées au fond par une décision définitive» sans être en mesure d'évaluer la légitimité de demandes aussi graves.

Ils font valoir que l'action en contestation de la révocation du mandat de président de MCP dans SOPIC INVESTISSEMENT, n'a aucun rapport avec une contestation sur la propriété des titres et est insusceptible de motiver les mesures de séquestre judiciaire requises, l'action intentée à cet égard étant une action indemnitaire et non une action en nullité de la révocation.

Ils font également remarquer que l'assemblée générale du 23 décembre 2021 ayant exclu MC et MCP de SOPIC SAS ne peut en aucun cas être annulée à supposer même qu'elle soit fondée sur des motifs fallacieux et même au motif que les conditions posées par l'article13-2 des statuts n'ont pas été respectées et citent à cet effet les dispositions de l'article L227-16 du code de commerce.

Les causes de nullité sont déterminées par la loi dans la législation sur les sociétés et sanctionnent à titre exceptionnel certaines irrégularités commises. La loi distingue entre les actes et délibérations modifiant les statuts et les actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts.

En l'espèce la décision d'exclusion est, aux termes mêmes des statuts, une décision d'assemblée générale ordinaire ne modifiant pas les statuts.

En vertu de l'article L23561 alinéa 1 du code de commerce, la nullité des actes ou délibérations modifiant les statuts, « ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats». La notion de nullité expresse est interprétée strictement par la Cour de cassation et au cas présent aucune disposition du livre II du code de commerce ne prévoit expressément la nullité évoquée par les demandeurs en ce qui concerne le rachat par la société SAS SOPIC des titres de MC et MCP puis leur annulation dans le cadre d'une réduction de capital non motivée par des pertes. Quant à la résolution, de la compétence de l'assemblée ordinaire décidant l'exclusion (résolution numéro 2), aux termes de l'article L235-1 al2 du code de commerce : « la nullité de toute délibération autres que ceux prévus à l'alinéa précédent (ce ne modifiant pas les statuts) ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats. »

Les sociétés intimées remarquent qu'aucun texte impératif n'est cité dans l'assignation des demandeurs devant le juge des référés susceptible d'entraîner une annulation des opérations contestées de réduction du capital puis de fusion, justifiée selon eux en regard de l'intérêt social alors qu' aucun procédé déloyal n'est à mettre à leur passif.

Ils font aussi remarquer que l'exclusion d'un associé n'est pas une sanction et que les clauses d'exclusion doivent être efficaces raison pour laquelle elles doivent être adoptées dans les statuts ou bien à l'unanimité des associés jusqu'à la loi du 19 juillet 2019 prévoyant désormais leur adoption possible à la majorité prévue par les statuts.

En l'espèce la clause d'exclusion a été adoptée lors de la transformation de la société SOPIC SAS en 2017 avec l'accord de Michel c..

Ils font observer que la seule contestation existante entre les parties s'agissant de la propriété des titres ne pourrait avoir trait qu'à l'application de la formule de prix et que des titres annulés par des décisions régulières de réduction du capital ne peuvent plus être séquestrés. En conséquence les actions concernées ne sont plus susceptibles d'être séquestrées puisqu'elles ont été annulées de façon effective et définitive par l'assemblée.

En considération du régime très restrictif des nullités en matière de fusion ils considèrent que les mesures sollicitées auprès du juge des référés reviennent à annuler une opération de fusion ce qui n'entre pas dans ses attributions alors que le juge du provisoire ne peut ordonner des mesures visant à annuler la fusion en dehors des prévisions de la loi.

Ils constatent que le report d'une assemblée est une mesure réglementée et exceptionnelle et que lorsque l'ajournement de l'assemblée résulte d'une décision de justice, le juge fixe le délai de convocation de la nouvelle assemblée (article R225-69 du code de commerce) ce qui n'est pas prévu en l'espèce.

Ils sollicitent la rétractation de l'ordonnance du 31 janvier 2022 dans toutes ses dispositions et la levée de toutes les mesures ordonnées ainsi que la remise en état des registres de mouvements appréhendés par l' huissier, libres de toute mention de séquestre.

- L'intérêt à agir :

Il a été décidé par l' ordonnance déférée que les demandes de Michel C. et de la société MCP étaient irrecevables, puisque les demandeurs , à défaut d'avoir engagé une action au fond, sont dépourvus du droit d'agir. Selon la décision, l'intérêt à agir doit être né et actuel,ce qui exclut toute prétention prématurée, hypothétique ou éventuelle, l'intérêt actuel doit exister avant l'introduction de l'instance.

L'article 31 du code de procédure civile prévoit que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qualifiées pour relever ou combattre une prétention pour défendre un intérêt déterminé.

La règle selon laquelle le défaut d'intérêt à agir entraîne l'irrecevabilité de la demande s'applique en matière de référé. Le juge des référés est tenu dans les conditions de droit commun de s'assurer que les parties peuvent valablement justifier d'un intérêt direct certain et légitime d'agir et de l'apprécier au besoin en tranchant toute contestation même sérieuse.

Les intimés concluent à titre principal que les demandes de séquestre et de report de l'assemblée dans l'attente d'une décision au fond définitive sont irrecevables faute d'avoir assigné les concluants en nullité de l'assemblée générale du 23 décembre 2021.

En tant que condition de l'action en justice, l'intérêt à agir existe indépendamment de l'existence du droit litigieux ou de la réalité du préjudice invoqué dont l'appréciation relève du fond du droit.

L'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice.

Michel C., par l'intermédiaire de sa société MCP est l'un des principaux dirigeants et associés du groupe SOPIC.

Cette qualité lui confère un intérêt à agir pour suspendre les opérations consistant à voir ordonner la suspension de l'exclusion de MCP et Michel C. de SOPIC SAS, le rétablissement de leurs droits non pécuniaires ainsi que les mesures provisoires qu'il sollicite.

Le fait de ne pas avoir engagé d'action au fond avant l'introduction de l'instance ne les prive pas de cet intérêt à agir qui relève de l'appréciation souveraine du juge.

En l'espèce compte tenu des enjeux présentés par les opérations contestées par Michel C. et MCP leur intérêt à agir est suffisamment démontré et leur action sera en conséquence déclarée recevable après infirmation de l'ordonnance.

- Sur les mesures provisoires sollicitées en référé :

L'article 872 du code de commerce fixant les pouvoirs du président en matière d'ordonnances de référé, dispose que : « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans la limite de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »

L'article 873 prévoit que : « le président peut, dans les mêmes limites, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

En présence d'une contestation sérieuse sur le litige opposant Michel C. et ses associés qui relève de la compétence du juge du fond, il y a lieu d'examiner le bien-fondé de ses demandes visant à obtenir de la juridiction des mesures conservatoires en présence d'un dommage imminent pour lui-même.

Michel C. et la société MCP justifient leurs demandes de mesures provisoires au motif que leur action au fond serait vidée de sa substance si les titres de MCP et Michel C. dans SOPIC SAS était annulés et /ou si la fusion-absorption de SOPIC SAS dans SOPIC INVESTISSEMENT étaient finalisée. Il serait en effet impossible de défusionner SOPIC INVESTISSEMENT et SOPIC SAS, cette dernière étant radiée, ou de réintégrer Michel C. et MCP dans leur qualité d'associés de SOPIC SAS, du fait de l'annulation de leurs actions et de la radiation de SOPIC SAS.

Les intimés considèrent que les demandes présentées sont vouées à l'échec dès lors que les opérations contestées ont été effectuées dans l'intérêt de la société dans le respect des statuts et des dispositions du code de commerce et ne sont pas susceptibles d'être annulées.

Il s'agit d'apprécier l'imminence d'un dommage ou l'existence d'un trouble manifestement illicite et la nécessité d'en prévenir la réalisation en constatant que ce dommage résulte de la violation d'un droit du demandeur.

Il faut que l'illéceité du trouble soit manifeste la seule méconnaissance d'une réglementation étant à cette égard insuffisante. Il doit donc être évident que la règle de droit au sens large du terme a été violée dans des conditions justifiant sans contestation possible qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur. Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Seule la nécessité d'éviter la violation manifeste d'un droit autorise le magistrat des référés à prendre à titre conservatoire. les mesures sollicitées.

En l'espèce les demandeurs contestent la révocation de MCP de son mandat de président de SOPIC INVESTISSEMENT en considérant que Didier E. directeur général de COFIM n'avait aucun pouvoir de convoquer une réunion du conseil de direction, cette prérogative relevant de la compétence exclusive du président de la société MCP et font valoir également que les motifs invoqués étaient infondés.

Malgré les mises en garde et objurgations de Michel C., le 10 novembre 2021 la visioconférence a été organisée en présence des membres du conseil de direction et de Michel C. qui y a assisté afin de faire acter l'irrégularité de la réunion et son opposition à la révocation.

Par lettre du 13 décembre 2021 Michel C., réitérait que les décisions votées lors de la visioconférence du 10 novembre 2021 étaient nulles et non avenues et confirmait que le conseil de direction aurait à se prononcer sur la révocation de MCP le 15 décembre 2021. Stéphane T. et Didier E. lui ont répondu le même jour.

Le 15 décembre 2021 le conseil de direction régulièrement convoqué par Michel C. s'est réuni par visioconférence en présence d'un huissier. Lors de ce conseil, Stéphane T. et Didier E. ont approuvé la révocation de MCP qui n'est plus à ce jour président de SOPIC INVESTISSEMENT.

Il considère que cette révocation est abusive et décidée sans juste motif contrairement aux stipulations de l'article 14-2 des statuts.

Le 23 décembre 2021, l'assemblée générale de SOPIC INVESTISSEMENT s'est tenue par visioconférence en présence de l'ensemble de ses associés et d'un huissier de justice mandaté par Ahssan R..

Malgré les protestations de Michel C., les associés de SOPIC SAS ont approuvé la décision d'exclusion de MCP et Michel C.,proposée à l'assemblée générale ainsi que la cession des actions de MCP et Michel C. à SOPIC SAS, leur annulation et l'attribution d'actions de SOPIC FINANCES à MCP et Michel C..

Dès le lendemain, il a dénoncé le déroulement de cette assemblée générale.

Quelques jours après la tenue de cette assemblée générale du 23 décembre 2021, il a découvert que le jour même de cette assemblée, Ahssan R., Didier E. et Stéphane T. avaient réalisé à son insu plusieurs opérations visant à diluer la participation de MCP dans SOPIC INVESTISSEMENT.

Il conteste également ce projet de fusion dont il n'a jamais été informé alors même qu'il possède 50 % du groupe SOPIC, qu'il siège toujours au comité de direction de SOPIC INVESTISSEMENT et que la fusion-absorption modifierait fondamentalement la structure du groupe.

Il dénonce la mise en oeuvre de ce plan avec une particulière brutalité au moment des fêtes de fin d'année afin de rendre l'exclusion de MCP et Michel C. irréversible et d'éviter toute remise en état a posteriori.

Michel C. n'apporte pas la démonstration de l'irrégularité de la visioconférence du 10 novembre 2021 et de la réunion du conseil de direction du 15 décembre 2021 qui s'est tenue en présence de tous les associés et de lui-même et du projet de fusion nécessitant l'approbation d'une assemblée qui n'est pas encore tenue, le projet de traité de fusion ayant été déposé au greffe du tribunal de commerce de Tarbes et publié au BODACC selon les prescriptions du code de commerce.

Ainsi toutes les résolutions soumises au vote des associés de SOPIC le 23 décembre 2021 ont été votées par tous les autres associés de SOPIC SAS et il est démontré que l'exclusion de cet associé s'est faite dans le respect des dispositions statutaires pour faire face à une situation de mésentente entre associés, la clause d'exclusion mise en oeuvre en application de l'article 13-2 des statuts prévoyant qu'un associé peut être exclu à raison de ses agissements contraires à l'affectio societatis.

Les intimés établissent les tensions existantes entre les associés et Michel C. en particulier par le long courriel adressé par Stéphane T. le 25 septembre 2021 lui reprochant d'être : « clivant » et de chercher à les remonter les uns contre les autres.

Des griefs sérieux sont évoqués traduisant un conflit, des désaccords patents sur la stratégie du groupe, les modalités de rémunération du président de SOPIC et l'entrée d'un tiers au capital.

La révocation de Michel C. et de MCP de ses fonctions de président de SOPIC INVESTISSEMENT et son exclusion du capital de SOPIC SAS n'apparaissent donc entachées d'aucune irrégularité manifeste.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter ses demandes d'ordonner des mesures provisoires. Les mesures sollicitées seraient de nature à bloquer et compromettre le fonctionnement des organes des sociétés concernées de façon pérenne alors que les mesures provisoires sont prévues pour éviter la survenance d'un dommage imminent dans l'attente d'une décision au fond.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 juin 2020, a eu l'occasion de préciser qu'en présence d'une possibilité d'illécéité du comportement d'une société à l'origine du dommage invoqué par une autre société, la cour d'appel avait à bon droit décidé, à titre de mesures conservatoires et,« dans les conditions qu'elle avait définies», le maintien d'une relation contractuelle en fixant une astreinte sur une durée de six mois et au plus tard jusqu'au prononcé de la décision au fond du tribunal de commerce à intervenir.

De telles mesures décidées à titre provisoire pour pallier une menace de dommage imminent ne sont en effet pas destinées à trancher au fond le litige existant entre ces associés touchant à la structure même de leur groupe et aux conditions du rachat des actions d'un associé.

Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de Michel C. et de MCP et de les condamner in solidum à payer à chacun des intimés la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort

Dit y avoir lieu à écarter des débats les pièces 71 à 74 produites par Michel C..

Infirmant l'ordonnance déférée :

Déclare recevables les demandes présentées par Michel C.

Rejette les demandes de Michel C. et de la SAS MCP.

Condamne in solidum Michel C. et la SAS MCP. à payer à chacun des intimés la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit Michel C. et la SAS MCP tenus in solidum aux dépens.