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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 14 décembre 2011, n° 10/09279

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ETOILE FRANCOIS 1ER (SARL)

Défendeur :

ZEN GARDEN (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme BARTHOLIN

Conseillers :

Mme BLUM, Mme REGHI

Avoués :

SCP MIREILLE GARNIER, SCP DUBOSCQ et PELLERIN

Avocats :

Me Philippe-Hubert BRAULT, Me Philippe RAYNAUD DE LAGE

TGI Paris, du 17 mars 2010, n° 09/14673

17 mars 2010

Par acte du 26 avril 2006, la société Immobilière de l'Ilot François 1er, aux droits de laquelle se trouve la société Étoile François 1er, a donné à bail à la société Bisoger, aux droits de laquelle se trouve la société Zen Garden, pour une durée de 12 ans à compter du 1er janvier 2001, des locaux commerciaux situés [...] moyennant un loyer de base annuel de 258.545,91 €, indexé chaque année à la date anniversaire de prise d'effet du bail suivant la variation de l'indice Insee du coût de la construction, payable, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006, à des montants inférieurs eux-mêmes indexés afin que la bailleresse participe indirectement aux travaux réalisés par la locataire à la prise de possession des lieux.

Par acte extrajudiciaire du 23 juin 2009, la société Zen Garden, faisant valoir que le loyer s'élevait désormais par le jeu de l'indexation à 370.840 € soit une variation de plus d'un quart par rapport au loyer de base, a demandé la révision du loyer et sa fixation à la valeur locative en application de l'article L 145-39 du code de commerce sur la base de 203.000 €.

Les parties ne s'étant pas accordées sur cette demande, la société Zen Garden, après notification de son mémoire, a saisi le juge des loyers commerciaux.

Par jugement rendu le 17 mars 2010, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que l'action de la S.A.R.L. Zen Garden en révision de son loyer au 23 juin 2009 doit être accueillie ;

- avant dire droit, ordonné une expertise sur la valeur locative à la date de la révision du 23 juin 2009 sur le fondement de l'article L 145-39 du code de commerce ;

- fixé le loyer provisionnel au montant du dernier loyer en cours ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- réservé les autres chefs de demandes et les dépens.

La S.A.R.L. Étoile François 1er a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions du 25 juillet 2011, demande à la cour, au visa des articles L 112-1 du code monétaire et financier, L 145-39 et R 145-31 du code de commerce et 568 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement et de :

- dire que seul le prix exigible le 1er janvier 2007, tel qu'actualisé à cette date et effectivement perçu par le bailleur, est susceptible de servir d'assiette de calcul pour déterminer si le seuil de 25% prévu par l'article L 145-39 du code de commerce est ou non atteint ;

- dire en conséquence nulle et de nul effet la notification de révision signifiée le 23 juin 2009, dès lors qu'à cette date les conditions légales ne pouvaient se trouver réunies ;

- déclarer dès lors irrecevable et infondée la société Zen Garden en sa demande de révision, l'en débouter,

- débouter la société Zen Garden de sa demande d'évocation ;

- condamner la société Zen Garden aux dépens de première instance et d'appel y compris s'il y a lieu les frais d'expertise ;

La S.A.R.L. Zen Garden, par ses dernières conclusions du 2 août 2011, demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- évoquer l'entier litige ;

- en conséquence, fixer le montant du loyer du bail révisé au 23 juin 2009 à la somme de 278.100 € en principal et par an et condamner la société Étoile François 1er à lui rembourser le trop perçu de loyer depuis cette date avec intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil et leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du même code pour ceux correspondant à des loyers payés depuis plus d'un an ;

- débouter l'appelante de toutes demandes contraires ;

- condamner l'appelante au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

SUR CE

Considérant qu'au soutien de son appel, la société Étoile François 1er fait valoir que les parties sont convenues d'un bail dont le loyer est fixé par paliers, qu'il convient de distinguer l'indexation du prix du loyer de son actualisation, que le loyer applicable au 1er janvier 2007, ultérieurement indexé, constitue une actualisation mais non une indexation de sorte que c'est ce loyer actualisé et exigible au 1er janvier 2007 qui est susceptible de servir d'assiette de calcul pour déterminer la recevabilité de la demande de révision fondée sur l'article L 145-39 du code de commerce ;

Considérant que la société Zen Garden objecte que le contrat ne constitue pas un bail par paliers mais comporte des allégements de sorte que le loyer contractuel reste celui fixé initialement hors allégements, que ce point est reconnu par le mandataire du bailleur dans sa lettre du 10 octobre 2007, qu'exiger que le loyer contractuel ait été facturé par le bailleur, ajoute une condition que l'article L 145-39 ne contient pas ;

Que la société Zen Garden sollicite par ailleurs l'évocation du litige compte tenu du dépôt de rapport de l'expert et de la notification, le 18 juillet 2011, de son mémoire après expertise, ce à quoi l'appelante s'oppose ;

Considérant que l'article L 145-39 du code de commerce dispose que "par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire' ;

Considérant qu'il résulte de ce texte que le loyer servant d'assiette à l'examen de la recevabilité de la demande de révision est, en l'espèce, en l'absence d'une fixation judiciaire antérieure, celui fixé contractuellement, peu important le montant réellement payé par la locataire en vertu de clauses particulière du bail lui consentant un abattement ou une réfaction de loyer ;

Considérant que l'article 4 des conditions particulières du contrat de bail auquel renvoie l'article 5 des conditions générales stipule que :

"CP 4.1. Loyer de base : Le loyer de base annuel sera de ... 258.545,91 euros hors taxes et hors charges, valeur indice Insee du coût de la construction du 2ème trimestre 2000 (valeur 1089).

CP 4.2. Indexation : Ce loyer sera indexé chaque année à la date anniversaire de prise d'effet du bail dans les conditions prévues à l'article CG7.

CP 4.3 Evolution du loyer : Afin de participer de façon indirecte au financement des travaux que le Preneur réalisera à la prise de possession des lieux, le Bailleur lui consent une réfaction sur le montant du loyer fixé à l'article CP4.1 ci-dessus.

De ce fait le loyer contractuel ne sera payable qu'à hauteur de :

... 136.271,58 euros à compter du 1er janvier 2001

... 182.006,29 euros à compter du 1er janvier 2002

... 197.251,34 euros à compter du 1er janvier 2003

... 220.233,64 euros à compter du 1er janvier 2004

... 258.545,91 euros à compter du 1er janvier 2007

Les chiffres ci-dessus étant exprimés hors jeu de l'indexation contractuelle prévue à l'article CP 4.2" ;

Considérant qu'il ressort de ces dispositions contractuelles que le loyer convenu est de 258.545,91 € hors taxes et hors charges, que ce loyer est indexé sur la base de l'indice Insee du coût de la construction du 2ème trimestre 2000 (valeur 1089) et que loin d'avoir prévu un loyer à paliers, le bailleur a consenti "une réfaction" sur "le montant du loyer fixé" pendant un certain nombre d'années pour tenir compte de la participation du bailleur aux travaux que le preneur a entrepris de réaliser ; que les parties ont ainsi conclu un bail avec allégements, à un loyer fixé contractuellement que la société Étoile François 1er a seulement accepté de diminuer pendant une certaine durée ;

Considérant que par le jeu de la clause d'indexation, le loyer contractuel s'élevait à la somme de 370.840 € à la date du 23 juin 2009 ; que les conditions d'application de la révision prévue à l'article L 145-39 du code de commerce sont remplies ;

Que pour ces motifs et ceux du premier juge, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il n'apparaît de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'évoquer les points non jugés, les parties devant être renvoyées devant le juge des loyers commerciaux ; que la demande d'évocation sera rejetée ;

Considérant que les dépens ayant été à juste titre réservés par le premier juge, la société Étoile François 1er qui succombe sur son recours, sera condamnée aux dépens d'appel ; que vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 2.500 € sera allouée à la société Zen Garden pour ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Rejette la demande d'évocation ;

Condamne la société Étoile François 1er à payer à la société Zen Garden une somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Étoile François 1er aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.