CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 26 avril 2013, n° 11/18809
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
GIOVANNI (SARL)
Défendeur :
SAM (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme AIMAR
Conseillers :
Mme NEROT, Mme RENARD
Avocats :
Me CHEVILLER, Me HOFFMAN, SELURL BOUCHARA Avocats
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
- la Société Sam exerçant sous l'enseigne G. a une activité de création, fabrication et vente d'articles en cuir et en fourrure de luxe pour femme,
- elle est titulaire des modèles français N° 848 869 et 848 870 déposés le 11 mars 2009 et soutient être titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur trois manteaux référencés SHANA, FELINI et EUGENIE,
- estimant qu'étaient commercialisées par la société Giovanni des copies serviles de ses manteaux, la société SAM a fait établir deux procès verbauxde constats d'achats le 23 octobre 2009 des deux manteaux argués de contrefaçon,
- elle a fait pratiquer le 9 novembre 2009 en vertu d'une autorisation présidentielle du 5 novembre 2009 des opérations de saisie contrefaçon dans les locaux de la société GIOVANNI et l'a fait assigner selon acte du 4 décembre 2009 en contrefaçon de ses droits d'auteurs, de dessins et modèles et en concurrence déloyale et parasitaire,
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- débouté la société Giovanni de sa demande de nullité de la saisie contrefaçon réalisée le 9 novembre 2009,
- déclaré la société Sam irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d'auteur pour les manteaux SHANA, FELINI et EUGENIE,
- dit que la société Giovanni a commis des actes de contrefaçon des modèles 848 869 (SHANA) et 848 870 (FELINI) en commercialisant les vêtements AUDE et EUGENIE,
- condamné la société Giovanni à payer à la société Sam exerçant sous l'enseigne G. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de
contrefaçon, celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et pris à son encontre des mesures d'interdiction sous astreinte,
- rejeté la demande de publication judiciaire de la société Sam et de production de pièces complémentaires,
En cause d'appel la société Giovanni, appelante demande essentiellement de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Sam de ses demandes au titre du droit d'auteur, de la concurrence déloyale, de publication judiciaire et de communication de pièces complémentaires,
- le réformer pour le surplus,
- prononcer la nullité du procès verbal de saisie contrefaçon du 9 novembre 2009,
- dire que les modèles SHANA et FELINI ne sont pas éligibles à la protection au titre des droits des dessins et modèles,
- dire que la société Giovanni n'a commis aucun acte de contrefaçon au préjudice de la Société Sam Giorgio,
- constater que la société Sam Giorgio a tenté de tromper le tribunal par des procédés mensongers et frauduleux en déposant à l'INPI un modèle acquis à l'étranger,
- prononcer la nullité des dessins et modèles N° 09 1160 déposés le 11 mars 2009 à l'INPI,
- condamner la société Sam Giorgio à lui payer la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner des mesures de publications au frais de l'intimée.
La Société Giovanni expose à cet effet que :
- la société Giovanni a pour activité la création, la fabrication et la vente de vêtements en cuir et en fourrure et a eu l'occasion, dans le cadre de cette activité d'acheter les modèles AUDE, et EUGENIA qu'elle a commercialisés en quantité limitée,
- le procès verbal de saisie contrefaçon est nul car l'huissier instrumentaire ne lui a pas signifié l'ordonnance d'autorisation préalablement au déroulement des opérations de saisie contrefaçon, celle ci n'étant intervenue que 5 minutes avant le début des opérations, ce qui ne constitue pas un délai raisonnable lui permettant d'être informée des motifs justifiant cette mesure et l'étendue des investigations autorisées,
- la société Sam Giorgio ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'auteur des modèles SHANA, FELINI et EUGENIE car elle n'a aucune activité de création, aucun élément relatif au procésus de création du modèle EUGENIE n'a été communiqué, seuls sont versées aux débats des croquis non datés des modèles SHANA et FELINI ainsi que des fiches techniques non datées,
- elle ne justifie pas du moindre contrôle de la moindre influence créatrice sur ces modèles et ne peut se prévaloir de la présomption de titularité au titre du droit d'auteur reconnu aux personnes morales,
- concernant le modèle SHANA, le créateur de ce modèle est en réalité le fournisseur de la société Sam Giorgio, la Société FC Italia, tel que cela ressort d'une attestation d'Andréa C., modèle créé sous la référence ANASTASIA, identique à celui de SHANA et AUDE, pour la société Giovanni : un manteau trois quart matelassé, bordé du bas du manteau jusqu'au col, de part et d'autre de l'ouverture, de fourrure ton sur ton, une ceinture, deux poches plaquées comportant un double pli avec un rabat et des poignées bordée de fourrure, et la société Sam Giorgio a repris la même référence que son fournisseur ANAASTA/ANASTASIA, modèle créé en 2007,
- l'attestation d'un certain Monsieur C. qui se présente comme le créateur free lance et aurait créé le modèle SHANA en janvier et mars 2008, qui n'est corroboré par aucun élément extérieur, ne revêt aucun caractère probant,
- la Société Sam Giorgio a acheté ce modèle auprès de son fournisseur italien et l'a déposé en France au titre des dessins et modèles,
antérieurement à la création revendiquée par Sam G. en 2008,
- celui ci est revenu en établissant une lettre d'excuse et indiquant que c'est bien la société Sam Giorgio qui aurait créé ce modèle, ce courrier dépourvu de toute spontanéité a été dicté par un lien de subordination économique, et n'est pas probant,
- la titularité des droits de la société Sam Giorgio sur le modèle SHANA n'est pas certaine,
- concernant le modèle FELINI le procésus de création, ni les conditions dans lesquelles la société Sam Giorgio serait devenue titulaire des droits sur ce modèle, ne sont pas établis car la fiche technique n'est pas datée, mentionne Fellini avec 2 L et l'attestation de Monsieur C. qui se présente comme créateur free lance indique avoir créé les modèles en janvier et mars 2008
- en regard de ces incohérences, le seul dépôt du modèle FELINI auprès de l'INPI ne saurait suffire à asseoir une présomption de titularité,
- concernant le modèle EUGENIE les deux factures de commercialisation et l'extrait d'un catalogue collection 2009/20010 sont insuffisants pour prouver la divulgation du modèle sous son nom sans équivoque et une création à une date certaine,
- la société Sam Giorgo ne justifie pas du caractère original des manteaux dont s'agit, qui reprennent les caractéristiques standard des manteaux en fourrure,
- le modèle SHANA est antériorisé par le modèle ANASTASIA commercialisé dès juillet 2007 par la société Fontana Confezioni puis par FC Italia et des modèles similaires se trouvent chez d'autres créateurs,
- les modèles de la société Sam Giorgio sont dépourvus de nouveauté et de caractère propre, celle ci n'indique pas en quoi les caractéristiques qu'elle revendique présenteraient un quelconque caractère de nouveauté ou lui conféreraient un caractère propre,
- concernant le modèle SHANA une simple comparaison d'un échantillon de modèles antérieurs créé une même impression d'ensemble, de déjà vu, et a été divulgué antérieurement par le modèle ANASTASIA par la société FC Italia,
- concernant le modèle FELINI les caractéristiques décrites par l'intimée se retrouvent notamment dans plusieurs manteaux divulgués avant 2009 qui suscitent la même impression d'ensemble ôtant au modèle FELINI son caractère propre, et son dépôt doit être annulé,
- ses modèles AUDE, EUGENIA et ONE ne contrefont pas les modèles de la société Sam Giorgio qui ne démontre pas en quoi ceux ci seraient contrefaisants,
- de plus elle ne commercialise plus le modèle AUDE depuis le 23 mai 2009, et le modèle EUGENIE revendiqué par la société Sam Giorgio qui comporte deux poches sur le niveau de la poitrine, des surpiqûres et une ganse de fourrure tout le long du manteau, ne se retrouvent pas sur son modèle ONE qui au surplus comporte une courbure particulière qui ne se retrouve pas sur le modèle revendiqué, alors que les modèles ne comportent pas les mêmes attachent et les mêmes boucles de ceinture,
- il n'existe aucun fait distinct de concurrence déloyale ou de parasitisme par rapport aux prétendus actes de contrefaçons, car le fait d'être installée depuis dix ans à la même adresse que l'intimée ne peut lui être reproché puisque c'est le gérant de la société Giorgio à l'égard de laquelle elle n'est tenue d'aucune obligation de non concurrence qui lui a cédé son bail et que le principe est celui de la liberté du commerce,
- il ne peut par ailleurs lui être reproché l'usage de la dénomination EUGENIA s'agissant d'un modèle de ses collections puisque la société Sam Giorgio ne bénéficie d'aucun droit privatif sur le prénom Eugénie et ses déclinaisons, ni d'avoir reproduit une gamme de la société Sam Giorgio,
- la société intimée ne justifie d'aucune perte d'investissement ou d'une banalisation de ses modèles lui occasionnant un quelconque préjudice.
La société Sam exerçant à l'enseigne G. s'oppose aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, et demande dans ses dernières écritures en date du 11 mars 2013 :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la saisie contrefaçon réalisée le 9 novembre 2009, dit que la société Giovanni a commis des actes de contrefaçon et l'a condamnée à lui payer la somme de 50.000 euros et a prononcé des mesures d'interdiction sous astreinte,
- l'infirmer pour le surplus,
- dire que la société Giovanni a commis des actes de contrefaçon sur les modèles de manteaux SHANA, FELINI et EUGENIE,
- condamner la société GIOVANNI à lui verser la somme de 80.000 euros au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur,
- prononcer des mesures d'interdiction sous astreinte,
- condamner la société appelante à lui verser une somme supplémentaire de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de ses droits sur dessins et modèles déposés sur les manteaux SHANA et FELINI,
- dire et juger que la société Giovanni a commis des actes de contrefaçon de dessin et modèle communautaire non enregistré et la condamner à lui verser à ce titre la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire que la société Giovanni a commis des actes de concurrence déloyale distincts et la condamner à ce titre à lui verser la somme de 70.000 euros,
- à titre subsidiaire, condamner la société Giovanni à lui payer la somme de 150.000 euros au titre de la concurrence déloyale en cas de confirmation de la décision sur les droits d'auteur ou d'infirmation pour le surplus,
- enjoindre à la société intimée de fournir tous documents comptables susceptibles de permettre de mesurer la masse contrefaisante,
- ordonner la publication de la décision,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société appelante à lui payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Sam fait valoir à cette fin que :
- elle est titulaire de droits d'auteur sur les modèles SHANA et FELINI commercialisés pour la première fois au titre de la collection Hiver 2008/2009 et sur le modèle EUGENIE commercialisé pour la première fois en juillet 2009 au titre de la collection automne/Hiver 2009/20010 et qui continuent être commercialisés et qui présentent tous un caractère original portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur,
- ces modèles ont été créés pour elle par un styliste free lance Monsieur C. en janvier et mars 2008 et l'intégralité des droits lui ont été cédés,
- les modèles sont commercialisés depuis le mois de juin 2008 pour le manteau FELINI et le mois d'août 2008 pour le modèle SHANA (version nylon) et juillet 2008 (version cuir),
- les modèles communiqués comme antériorité ne comportent pas de fourrure marbrée, ni de ceinture de cuir à la taille et des liens réglables au x poignets, des poches discrètes sur le côté, ni pour certain la même longueur de manteaux ou le mme sens de la fourrure,
- elle est également titulaire de dessins et modèles déposés SHANA et FELINI qui ont fait l'objet d'un dépôt auprès de l'INPI le 11 mars 2009 sous le numéro 09 1160, ces dépôts ont été publiés au BOPI 09/22 du 30 octobre 2009,
- ce modèle a été créé en mars 2009 par Monsieur C. qui lui a cédé ses droits patrimoniaux d'auteur et a été commercialisé par elle depuis le mois de juillet 2009,
- les antériorités communiquées ne comportent pas de modèle de cuir court à capuche bordé de fourrure tout le long sur les manches, ni de fourrure ton sur ton, de manches fendues, de ceinture à grosse boucle décorées des surpiqûres en cuir, de grandes poches à
soufflet et à rabat pointu..,
- elle est par ailleurs titulaire de dessins et modèles communautaires non enregistrés sur le modèle EUGENIE,
- aucun des modèles antérieurs versés aux débats ne reprend l'ensemble des caractéristiques des modèles revendiqués, et n'ont pas de date certaine s'agissant des captures d'écran réalisées dans des conditions ignorées,
- elle est titulaire des droits d'auteur sur le modèle de manteau SHANA, FELINI, commercialisés pour la première fois en 2008 et 2009 pour le modèle EUGENIE,
- elle communique aux débats pour justifier de la création des modèles : les croquis et fiches techniques des modèles SHANA, FELINI et EUGENIE, les patronages des modèles SHANA et FELINI, deux attestations de leurs créateurs, une lettre du fabricant précisant que le modèle SHANA a été créé par la société SAM sous ses instructions,
- elle verse également aux débats les attestations du créateur fre lance M. C. indiquant qu'il a cédé l'intégralité de ses droits patrimoniaux à la société Sam,
- les documents communiqués par la société Giovanni pour contester la titularité de ses droits sur le modèle SHANA sont postérieurs à sa création et non pertinents, la société Sam exerçant sous l'enseigne G. bénéficie de la présomption de titularité puisque les modèles revendiqués ont été divulgués et commercialisés sous son nom,
- les modèles AUDE, EUGENIA et ONE sont la copie servile de ses modèles respectifs SHANA FELINI et EUGENIE,
- lors des opérations de saisie contrefaçon le représentant de la société Giovanni a déclaré que les modèles AUDE (version nylon) et EUGENIA qui existaient en blanc et noir, vendus respectivement au prix de 249 euros HT et 269 euros HT pièce avaient été fabriqués durant le printemps 2009 en Chine à la demande de la société Giovanni par les sociétés Ninsa et Chuchiao et précisé que ces modèles avaient commencé à être commercialisés au mois de juillet 2009,
- selon les éléments communiqués à l'issue des opérations de saisie contrefaçon, les modèles seraient fournis par un fournisseur unique, la société Unique Peak Development limited et les modèles auraient été acquis en mai 2009 pour l'un et juin 2009 pour l'autre,
- les faits contrefaisant sont également établis par les catalogues de la société Giovanni et par deux constats d'achat en date du 23 octobre 2009 qui ont fait apparaître que le modèle AUDE était affiché à 1.300 euros et vendu en réalité à 900 euros dans l'un des magasins et 595 euros dans l'autre, les deux magasins présentaient à la vente les modèles sur un cintre et dans une housse de marque G.,
- le délai de 5 minutes laissé entre la remise de l'ordonnance et l'ouverture des opérations de saisie contrefaçon a permis au représentant de la société Giovanni d'être informée de la mission de l'huissier d'autant que la société avait préalablement été informée par une lettre de mise en demeure et que son représentant a précisé qu'il s'attendait à une intervention de ce type,
- le modèle EUGENIE, divulgué le 10 juillet 2009 bénéficie de la protection des dessins et modèles communautaires non enregistrés en application de l'article 19 du Règlement CE N° 6/2002 du 12 décembre 2001 et L 515-1 du code de la propriété intellectuelle,
- le modèle ONE commercialisé par la société Giovanni reproduit les caractéristiques du modèle EUGENIE qu'elle commercialise et sa demande présentée pour la première fois en cause d'appel à ce titre est recevable s'agissant d'une demande qui tend aux mêmes que précédemment, la condamnation de l'appelante pour des faits de contrefaçon,
- l'atteinte portée à ses droits d'auteur et à ses droits sur ses modèles déposés et à son dessin et modèle communautaire non enregistré lui a occasionné un important préjudice outre un préjudice commercial qui résulte d'une perte économique et une atteinte à son image, préjudices aggravés par la reproduction servile qui génère un risque de confusion alors que l'appelante n'a pas cessé les agissements qui lui sont reprochés.
- la société Giovanni a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire en s'installant en 2008 à la même adresse que la société SAM et à proximité de son emplacement actuel, et en vendant des modèles Giovanni sur des cintres et dans des housses de la société SAM exerçant sous l'enseigne G., en reprenant le style cartonné de son catalogue, en créant un effet de gamme en reproduisant un troisième modèle à l'identique de ceux de la société SAM dans les mêmes coloris et en empruntant un nom proche de celui adopté par la société SAM pour l'un de ses modèles,
- à titre subsidiaire, la commercialisation de copies de ses modèles qui crée un risque de confusion est constitutive d'un acte de
concurrence déloyale,
- ces actes de concurrence déloyale ont entraîné un manque à gagner et une dilution de ses modèles,
*****
Sur la procédure de saisie contrefaçon :
La société Giovanni conteste la régularité de la procédure de saisie contrefaçon au motif que le délai existant entre la signification de l'ordonnance portant autorisation et le début des opérations de saisie contrefaçon, de cinq minutes, est insuffisant pour que son directeur commercial prenne connaissance de ses droits et de l'étendue des mesures autorisées.
Mais c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le délai de cinq minutes qui s'est déroulé entre la remise de l'ordonnance présidentielle du 9 novembre 2009 et de la requête, de 9 pages contenant des clichés et faisant état des droit du saisissant, constitue un délai raisonnable dès lors que le saisi déjà informé préalablement de l'existence des faits reprochés par l'envoi d'une lettre de mise en demeure circonstanciée, son représentant ayant d'ailleurs déclaré qu'il s'attendait à une intervention de ce type, et que le saisi en toute connaissance de ses droits, a émis une réserve concernant une imprécision alléguée dans l'ordonnance relative au modèle FUGENIA argué de contrefaçon.
A défaut de justifier d'un grief résultant de cette prétendue irrégularité, il convient de confirmer le jugement à ce titre.
Au fond :
La société Sam se prévaut à la fois de la protection au titre du droit des modèles et celle, sans formalité, instituée au titre du droit d'auteur, du seul fait de la création d'une forme originale ;
* Sur les droits d'auteur revendiqués sur les manteaux référencés SHANA, FELINI et EUGENIE :
Il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l''uvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; Il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l''uvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;
Enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;
La société Sam est donc tenue de rapporter la preuve d'une création déterminée, à une date certaine et de caractériser l'originalité de cette création, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale ;
L'originalité de la création revendiquée procède de la combinaison des éléments caractéristiques suivants :
- Modèle SHANA : modèle de manteau trois quart, matelassé, bordé du bas du manteau jusqu'au col, de part et d'autre de l'ouverture, de fourrure ton sur ton ; le manteau porte une ceinture et deux passants de ceinture dans le dos ; il se ferme à l'aide d'une pression et d'un lien de cuir au niveau de la poitrine ; le manteau comporte deux poches plaquées, comportant un double pli, avec un rabat recouvert de cuir noir et un jeu de trois pressions pour les accroches, l'une en bas et au milieu de la poche, la seconde sur le côté droit et au milieu et la troisième sur le côté gauche ; le col peut se resserrer à l'aide d'un lien coulissant ; les poignets sont bordés de fourrure noire et sont également réglables à l'aide d'un lien de cuir,
- Modèle FELINI : manteau en lapin blanc, découpé dans le sens de la largeur pour former des rayures et bordé du bas du manteau, jusqu'au col, de part et d'autre de l'ouverture de fourrure blanche comportant des rayures marbrées ; le manteau possède deux poches recouvertes de fourrure ton sur ton ; le manteau comporte également une ceinture en cuir blanc ; les poignets peuvent se resserrer à l'aide d'un lien réglable, tel une ceinture,
La personnalité de l'auteur s'exprime :
concernant le modèle SHANA : notamment à travers le choix esthétique d'avoir bordé un manteau trois quart matelassé de fourrure ton sur ton ; le col choisi par l'auteur est épais et couvre délibérément une bonne partie des épaules tout en laissant découverte le haut de la poitrine ; l'auteur a également décidé de permettre au manteau de se fermer par une ceinture et d'apposer 2 poches plaquées mais bouffantes et imposantes, agrémentées d'un double pli et d'un rabat recouvert de cuir ; l'auteur a choisi volontairement des jeux de passants, de liens coulissants et de pressions d'accroche spécifique, concernant le modèle FELLINI : l'auteur a choisi volontairement d'associer une fourrure de lapin blanc à une fourrure blanche marbrée de rayure sur un manteau, il a décidé de couper la fourrure blanche dans le sens de la largeur et de border le manteau de haut en bas et sur tout le col de fourrure marbrée et il a choisi de faire un col de fourrure imposant couvrant une grande partie des épaules et a choisi d'ajouter une ceinture de cuir à la taille et des liens réglables du mme style aux poignets ainsi que des poches très discrètes sur les côtés, concernant le modèle EUGENIE l'auteur a choisi une capuche à un manteau en cuir court en cuir brillant et beige, et bordé de fourrure chatoyante ton sur ton, choisi une fourrure très épaisse, et des manches fendues afin de leur donner un aspect graphique et les a bordées de fourrure, il a également apposé de grandes poches à soufflet et à rabat légèrement décorées de surpiqûres en cuir, comme celles présentes sur la ceinture, et a choisi une grosse boucle en fer blanc pour la ceinture, des liens réglables à boucle pour les manches, un système de réglage par un lien coulissant vertical pour la capuche et des boutons ronds pour l'avant du manteau,
Ces combinaisons telles que revendiquées confèrent aux modèles SHANA, FELINI et EUGENIE une physionomie propre qui les distingue des autres modèles du même genre qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur,
Les modèles ont été créés pour la Société Sam par un styliste free lanceMonsieur C. qui en atteste, en janvier et mars 2008, qui lui en a cédé l'intégralité des droits, et ils ont été commercialisés depuis le mois de juin 2008 pour le manteau FELINI, le mois d'août 2008 pour le modèle SHANA (version nylon) et juillet 2008 (version cuir) et 2009 pour le modèle EUGENIE,
L'attestation du créateur est corroborée par les croquis et fiches techniques signées par lui des modèles SHANA, FELINI et EUGENIE, les patronages des modèles SHANA et FELINI, l'attestation de l'imprimeur du catalogue de la collection prêt à porter 2008/2009, l'attestation de l'expert comptable de la société et par une lettre du fabricant précisant que le modèle SHANA a été créé par la société SAM sous ses instructions, l'attestation contraire d'un de ses représentants qui s'en est excusé, n'étant pas probante car il fait état d'une création en septembre 2007 alors que la société FC Italia n'a été créée qu'en novembre 2007.
Les documents produits par l'appelante portant sur une vente du modèle ANASTASIA à une société Sam située à Nice ne sont pas pertinents dès lors qu'ils portent sur des documents postérieurs (mai 2009 et 15 mars 2010) à la création de 2008 du modèle SHANA pas plus qu'une facture de la société Fontana Confezioni dont les liens avec la société FC Italia ne sont pas établis, portant sur la vente d'un modèle ANASTASIA en date du 9 juillet 2007, non décrit.
Il s'ensuit que la société Sam est recevable à se prévaloir de la titularité des droits d'auteur sur les modèles de manteaux SHANA, FELINI et EUGENIE et qu'il convient de réformer le jugement à ce titre.
* Sur les dessins et modèles :
L'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.
Les modèles SHANA et FELINI ayant fait l'objet d'un enregistrement auprès de l'INPI le 11 mars 2009 sous le N° 09 1160 publiés le 30 octobre 2009, ceux ci doivent bénéficier de la protection des dessins et modèles, dès lors qu'il n'est nullement justifié d'une absence de nouveauté (aucune divulgation antérieure à la date du dépôt, de modèles identiques n'étant invoqués et justifiés seuls des extraits de journaux féminins ou de mode, et des captures flous d'écran, sans analyse comparative étant communiqués) et qu'il n'est produit aucun élément de nature à contredire leur caractère propre alors qu'ils présentent des caractéristiques qui procèdent de choix arbitraires : combinaison d'un manteau trois quart, matelassé, bordé d'une large bande de fourrure ton sur ton du bas du manteau jusqu'au col de part et d'autre de l'ouverture et sur les manches pour le modèle SHANA ou bordure du bas du manteau jusqu'au col de part et d'autre de l'ouverture, de fourrure blanche comportant des rayures marbrées, poches, ceinture et liens réglables aux poignets pour le modèle FELINI, dès lors qu'il se dégagent de ces modèles une impression globale qui leur permet de se démarquer des autres manteaux invoqués par la société appelante.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.
En revanche, concernant le modèle EUGENIA argué de contrefaçon, la société Sam est irrecevable à solliciter pour la première fois en cause d'appel la protection du modèle EUGENIE au titre du dessin et modèle communautaire non enregistrée, et ce, en application de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur la contrefaçon :
Il ressort de l'examen des manteaux AUDE et EUGENIA saisis lors des opérations de saisie contrefaçon qu'ils reprennent l'ensemble des caractéristiques des modèles SHANA et FELINI à savoir : AUDE : manteau trois quart, matelassé, bordé du bas du manteau jusqu'au col, de part et d'autre de l'ouverture, de fourrure ton sur ton ; le manteau porte une ceinture et deux passants de ceinture dans le dos ; il se ferme à l'aide d'une pression et d'un lien de cuir au niveau de la poitrine ; le manteau comporte deux poches plaquées, comportant un double pli, avec un rabat recouvert de cuir noir et un jeu de trois pressions pour les accroches, l'une en bas et au milieu de la poche, la seconde sur le côté droit et au milieu et la troisième sur le côté gauche ; le col peut se resserrer à l'aide d'un lien coulissant ; les poignets sont bordés de fourrure noire et sont également réglables à l'aide d'un lien de cuir, EUGENIA : manteau en lapin blanc, découpé dans le sens de la largeur pour former des rayures et bordé du bas du manteau, jusqu'au col, de part et d'autre de l'ouverture de fourrure blanche comportant des rayures marbrées ; le manteau possède deux poches recouvertes de fourrure ton sur ton ; le manteau comporte également une ceinture en cuir blanc ; les poignets peuvent se resserrer à l'aide d'un lien réglable, tel une ceinture,
La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances ; qu'en l'espèce les dissemblances relevées concernent des détails : longueur du manteau pour le modèle AUDE mais non l'appréhension globale de ces modèles et ne parviennent pas à effacer l'impression visuelle d'ensemble de composition similaire et de reprise, dans la même combinaison, des éléments caractéristiques des modèles SHANA et FELINI et sont constitutifs des actes de contrefaçon de ceux ci tant au titre du droit d'auteur concernant les trois vêtements que des deux modèles.
La vente des manteaux effectuée par la société appelante, acquis selon elle auprès de fournisseur chinois, puis d'une société italienne, sans communiquer de documents comptables exhaustifs, a occasionné un manque à gagner pour la société intimée et porté atteinte à son image dès lors qu'elle justifie procéder à des investissements importants pour la promotion de ses modèles, préjudices aggravés par la vente des produits contrefaisants moins chers que ceux de la société Sam qui ont perduré pendant la durée de la procédure.
Il convient en conséquence de condamner la société appelante à payer à la société intimée la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du droit d'auteur et celle de, ajoutant au jugement, 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des dessins et modèle et de confirmer les mesures d'interdiction ordonnées.
Ces mesures étant suffisantes à réparer le préjudice subi, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication.
Sur la concurrence déloyale :
La proximité d'installation de la société appelante dans ses anciens locaux, depuis plus de dix ans, après avoir acquis un bail cédé par l'un des représentants de l'intimée, ne peut, en regard du principe de la liberté du commerce et d'installation, être constitutif d'un acte de concurrence déloyale.
La présentation d'un modèle de la société Giovanni sur un cintre de la société Sam dans une boutique et un autre dans une housse de cette dernière dans un autre magasin ne sont pas plus constitutifs d'actes de concurrence déloyale qui ne sont pas directement commis par l'appelante.
La simple confection d'un catalogue cartonné de présentation des modèles, usuelle, dans le domaine de la mode, n'est également pas constitutif d'acte de concurrence déloyale.
La reproduction de trois modèles de manteaux n'est pas constitutive d'un effet de gamme, distinctive des actes de contrefaçon.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes formées à ce titre.
Sur les autres demandes :
L'équité commande d'allouer à la société intimée la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande à ce titre de la société appelante.
La demande formée au titre de la procédure abusive par l'appelante n'est, en regard des dispositions de la présente décision, pas fondée et doit être rejetée.
Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré la société SAM irrecevable en ses demandes fondées sur le droit d'auteur sur les manteaux SHANA, FELINI et FELINI,
En conséquence,
Dit que la société Sam exerçant à l'enseigne G. est titulaire des droits d'auteur sur les modèles SHANA, FELINI et EUGENIE,
Condamne la société GIOVANNI à payer à la société SAM au titre de la contrefaçon sur ses droits d'auteur la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société Giovanni à payer à la société Sam la somme de 15.000 euros au titre de la contrefaçon de ses modèles SHANA et FELINI ayant fait l'objet d'un enregistrement auprès de l'INPI le 11 mars 2009 sous le N° 09 1160 publiés le 30 octobre 2009,
Condamne la Société Giovanni à payer à la Société Sam la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante,
Rejette le surplus des demandes de la société intimée,
Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.