CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 30 juin 2023, n° 21/17252
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Solar (SAS), Absolute (SARL)
Défendeur :
Arneo Consulting (SAS), Remecom (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone
Avocats :
Me Mendes-Gil, Me Riquelme
M. [G] [X], dirigeant et associé unique des sociétés Solar et Absolute, ainsi que M. [W] [S] - dirigeant et associé de la société Remecom et de sa filiale et Business Lab ainsi que de leur groupe la société Venise Group - poursuivent tous les deux une activité dans le secteur de la communication, du marketing et de la publicité.
Le 25 juin 2018, ils ont établi un projet de « contrat de mandat de directeur général » devant être passé entre une société Newco, à créer, et la société Remecom - actionnaire majoritaire - avec pour objet des prestations de management que la société Newo confierait à la société Solar de M. [X] moyennant une rémunération de 21 000 euros hors taxes par mois.
Puis le 4 juillet 2018, M. [S] a transmis à M. [X] un nouveau projet cette fois-ci de « pacte d'actionnaires » avec une société à créer et la société Remecom, actionnaire majoritaire ainsi qu'un « projet de protocole » entre M. [X] et la société Remecom.
Alors qu'aucune de ces conventions ne sera signée, M. [X] a réalisé des prestations de communication moyennant un forfait de 21 000 euros hors taxes par mois facturé chaque mois par la société Absolute de juillet à novembre 2018, puis par la société Solar de décembre 2018 à mai 2019, et réglé par la société Business Lab, société ultérieurement transmise à la société Arneo Consulting.
M. [S] ayant dénoncé le 14 juin 2019 la fin de sa mission avec un préavis de quinze jours, M. [X] a contesté le 15 juillet suivant la rupture abusive de leur relation contractuelle, puis M. [X] et ses sociétés Solar et Absolute ont assigné le 21 janvier 2020 les sociétés Arneo Consulting et Remecom devant le tribunal de commerce de Paris en vue de les entendre condamner, in solidum, à payer, au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, à la société Solar, la somme de 63 000 euros, et à M. [X], la somme de 20 000 euros, et en réparation des préjudices résultant d'actes de concurrence déloyale, la somme de 237 000 euros.
Par jugement du 13 septembre 2021, la juridiction commerciale a débouté M. [X] et ses sociétés Solar et Absolute de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens et à payer deux sommes de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel du jugement interjeté le 1er octobre 2021 par M. [G] [X] et les sociétés Solar et Absolute ;
Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 décembre 2021 pour M. [G] [X] et les sociétés Solar et Absolute, aux fins d'entendre :
- déclarer les demandes de la société Solar et de M. [X] recevables et bien fondées,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
vu l'article L.442-1, II, du code de commerce,
- dire que la société Solar et M. [X] sont recevables et bien fondés à rechercher la responsabilité de la société Business Lab (aux droits de laquelle vient la société Arneo Consulting) et de la société Remecom sur le fondement de l'article L. 442-1, II du code de commerce,
- condamner in solidum la société Arneo Consulting (venant aux droits de la société Business Lab) et la société Remecom à payer à la société Solar la somme de 63 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale,
- condamner in solidum la société Arneo Consulting (venant aux droits de la société Business Lab) et la société Remecom à payer à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la rupture brutale de la relation commerciale,
vu l'article 1240 du code civil,
- dire que la société Solar et M. [X] sont recevables et bien fondés à rechercher la responsabilité de la société Business Lab (aux droits de laquelle vient la société Arneo Consulting) et de la société Remecom,
- condamner in solidum la société Arneo Consulting et la société Remecom à payer à la société Solar et M. [X] la somme de 237 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de leur agissements constitutifs d'actes de concurrence déloyale,
en tout état de cause,
- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter de la signification de l'assignation,
- débouter la société Arneo Consulting et la société Remecom de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner in solidum la société Arneo Consulting et la société Remecom à payer à la société Solar et M. [X] la somme de 5 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Arneo Consulting et la société Remecom aux entiers dépens ;
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2023 pour les sociétés Arneo Consulting, venant aux doits de la société Business Lab, et Remecom afin d'entendre :
- prendre acte de l'acceptation par la société Arneo Consulting venant aux droits et obligations de la société Business Lab du désistement d'appel et de l'action par les sociétés Solar et Absolute ainsi que par M. [X], en ce qu'elles étaient dirigées contre la société Arneo Consulting,
- condamner solidairement les sociétés Solar et Absolute ainsi que M. [X] à verser à la société Arneo Consulting venant aux droits et obligations de la société Business Lab la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- dire que les demandes soutenues par les sociétés Solar et Absolute ainsi que M. [X] sont infondées,
- dire que les demandes formées au titre des prétendus agissements en concurrence déloyale sont irrecevables, faute d'intérêt à agir, en vertu des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile,
- constater l'absence de demande formée par la société Absolute,
- débouter la société Solar de l'ensemble de ses demandes,
- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes,
- débouter la société Absolute de l'ensemble de ses demandes,
- condamner solidairement les sociétés Solar et Absolute ainsi que M. [X] à verser à la société Remecom la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Solar et Absolute ainsi que M. [X] aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, au jugement ainsi qu'aux arrêts suivant la prescription de l'article 455 du code de procédure civile.
Pour la discussion, la cour désignera la société Business Lab, au lieu de son nouveau nom Arneo Consulting.
1. Sur la responsabilité fondée sur la rupture de la relation commerciale établie
Il suit de l'article L. 442-1 du code de commerce que :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article L. 442-1 précité, M. [X] et sa société Solar revendiquent le bénéfice d'une relation commerciale établie depuis un an avec les sociétés Business Lab et Remecom dont le caractère suivi, stable et habituel était acquis, d'une part, par les projets de 'contrat de mandat de directeur général' et de 'pacte d'actionnaires' entrepris avec M. [S], d'autre part, par le fait que M. [S] a recherché la collaboration de. M. [X] en vue de suppléer le départ du co-fondateur de la société Business Lab et de son épouse et enfin, en considération de la mise à disposition le 23 août 2018 d'un véhicule au moyen d'un contrat de location longue durée.
Et pour prétendre fixer à trois mois, la durée du préavis et revendiquer une indemnité fondée sur le forfait mensuel de 21 000 euros (soit 63 000 euros), la société Solar se prévaut de son état de dépendance économique qui est résulté de l'exclusivité de son activité dédiée aux sociétés de M. [S]. M. [X] revendiquant pour sa part la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des manoeuvres avec lesquelles les sociétés Business Lab et Remecom ont obtenu son investissement personnel et exclusif dans une activité dont la poursuite a été délibérément avortée.
Toutefois, alors qu'il est constant qu'aucun des actes de partenariat n'a été signé entre les parties et que d'autre part, il ne se déduit pas des projets d'actes précités une continuité économique et juridique entre l'objet du forfait exécuté par M. [X] au nom de l'une ou l'autre de ses sociétés, les premiers juges ont dûment déduit que la durée de collaboration pendant un an était précaire et ne caractérisait pas une relation commerciale établie ouvrant droit à un préavis en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Solar et de M. [X].
2. Sur les actes de concurrence déloyale
Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale qu'ils reprochent aux sociétés Business Lab et Remecom, M. [X] et sa société Solar se prévalent de la liquidation judiciaire dont la société Agence Fove détenue par M. [X] a fait l'objet le 14 juin 2018, et oppose ainsi la faute avec laquelle la société Venise Group a, en premier lieu, embauché les anciens salariés de l'Agence Fove, Mme [B], M. [R] et Mme [L] entre juin 2018 et février 2019.
Au demeurant, il est constant que la société Fove a fait l'objet d'une cession d'actif le 4 mars 2018 au profit de la société SIA Partners à laquelle ont été transférés les contrats de travail de ces trois collaborateurs, ce dont il résulte que M. [X] et sa société Solar ne peuvent personnellement reprocher les départs ultérieurs de ces salariés vers la société Venise Group.
M. [X] et sa société Solar font en second lieu grief à la société Venise Group ainsi qu'à la société Business Lab d'avoir détourné à compter du 1er mars 2019 le client société Fabre Dermo Cosmétique - marque Laboratoires Aderma - plus gros client de l'agence Fove, et dont M. [X] soutient qu'il est seul à l'origine de sa prospection, ce client ayant généré sur l'année 2019 plus de 700 000 euros de chiffre d'affaires au profit de la société Business Lab.
Cependant, aucune de ces allégations ou des pièces numéros 38 à 45 produites par M. [X] et sa société Solar n'établit la preuve que ceux-ci détenaient des droits sur ce client ni par ailleurs que M. [X] a particulièrement concouru à la prospection de ce client au profit de la société Business Lab et en tous les cas, en contrepartie d'autres sources de rémunération que celle du forfait qu'il a convenu avec cette société, en sorte que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
3. Les frais irrépétibles et les dépens
Les sociétés Solar et Absolute ainsi que M. [X] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens et statuant de ces chefs en cause d'appel, ils supporteront les dépens et il est équitable de les condamner solidairement à payer la somme de 1 500 euros chacun.
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE solidairement les sociétés Solar et Absolute et M. [X] aux dépens ;
CONDAMNE solidairement les sociétés Solar et Absolute et M. [X] à payer à chacune des sociétés Arneo Consulting et Remecom la somme de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.