DĂ©cisions

CA Paris, PĂŽle 5 ch. 2, 26 mai 2023, n° 21/17890

PARIS

ArrĂȘt

PARTIES

Demandeur :

DANA-FARBER CANCER INSTITUTE INC. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

Mme RENARD

Conseillers :

Mme LEHMANN, Mme MARCADE

Avocat :

AARPI TEYTAUD - SALEH

Vu la dĂ©cision rendue le 13 juillet 2021 par le directeur gĂ©nĂ©ral de l'Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle (INPI) qui rejette la demande n° 17C1045 formĂ©e le 14 novembre 2017 par la sociĂ©tĂ© de droit amĂ©ricain Dana-Farber Cancer Institute Inc. aux fins de se voir dĂ©livrer, au fondement du rĂšglement (CE) n°469/2009, un certificat complĂ©mentaire de protection (CCP) pour le produit 'Atezolizumab'.

Vu le recours à l'encontre de cette décision remis au greffe de la cour par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc. le 11 octobre 2021.

Vu les conclusions (n°4) dĂ©posĂ©es le 10 fĂ©vrier 2023 par la sociĂ©tĂ© Dana-FarberCancer Institute Inc. qui demande Ă  la cour d'annuler la dĂ©cision du directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI ayant refusĂ© la dĂ©livrance du CCP n°17C1045, dĂ©cider qu'il n'est pas opportun de rĂ©fĂ©rer des questions prĂ©judicielles Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne, Ă  titre infiniment subsidiaire, rĂ©fĂ©rer la question suivante Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne : « Le test Teva/Royalty Pharma est-il satisfait dans le cas d'un brevet de base revendiquant un anticorps ou une mĂ©thode d'utilisation d'un anticorps en tant que mĂ©dicament, lorsque le brevet de base divulgue l'antigĂšne cible, les mĂ©thodes de fabrication des anticorps ainsi que l'effet technique liĂ© Ă  l'utilisation de l'anticorps en tant que mĂ©dicament, et lorsqu'il est Ă©tabli que l'homme du mĂ©tier, Ă  la date de prioritĂ© du brevet de base, savait comment fabriquer des anticorps capables de se lier Ă  l'antigĂšne cible ' ».

Vu les derniĂšres observations Ă©crites du directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI dĂ©posĂ©es au greffe le 15 fĂ©vrier 2023 pour l'audience du 23 fĂ©vrier 2023 , tendant au rejet des dĂ©bats des piĂšces n° 6, 8, 9 et 10 de la requĂ©rante comme nouvelles, au rejet du recours, la dĂ©cision attaquĂ©e Ă©tant selon lui bien fondĂ©e en ce qu'elle a refusĂ© de faire droit Ă  la demande de CCP faute pour celle-ci de rĂ©pondre aux exigences de l'article 3a) du rĂšglement (CE) n°469/2009, le produit objet de la demande de CCP n'Ă©tant pas protĂ©gĂ© par le brevet de base et, Ă  titre subsidiaire, de poser Ă  la Cour de justice de l'Union europĂ©enne les questions prĂ©judicielles suivantes :

[1] [a] DĂšs lors qu'un produit qui relĂšve d'une dĂ©finition fonctionnelle dĂ©crite dans les revendications du brevet de base et qui est une caractĂ©ristique nĂ©cessaire Ă  la solution du problĂšme technique, n'est pas protĂ©gĂ© par ce brevet, au sens de l'article 3, a) du rĂšglement n° 469/2009 s'il a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© aprĂšs la date de dĂ©pĂŽt de la demande de brevet au terme d'une activitĂ© inventive autonome, comment doit-on comprendre le sens du terme « autonome » et comment doit-il ĂȘtre apprĂ©ciĂ© ' Cette notion envisagĂ©e sous l'angle de l'article 3, a) rĂ©pond-elle aux mĂȘmes critĂšres d'examen que la notion d'activitĂ© inventive sous l'angle de la brevetabilitĂ© '

[b] Que faut-il entendre par la notion de développement du produit mise en exergue dans l'affaire Royalty Pharma ' Cette notion a-t-elle un lien avec les caractéristiques du produit mises en exergue dans l'autorisation de mise sur le marché '

[2] Suffit-il qu'un produit relĂšve de l'Ă©tendue de la protection pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme Ă©tant spĂ©cifiquement identifiable dans le brevet de base au sens de l'article 3, a) du rĂšglement n° 469/2009 ' A dĂ©faut, quels sont les critĂšres Ă  prendre en compte pour le reconnaĂźtre spĂ©cifiquement identifiable '

[3] DÚs lors que la protection conférée par le certificat complémentaire de protection s'étend au seul produit couvert par l'autorisation de mise sur le marché du médicament dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, dans quelle mesure les caractéristiques techniques essentielles du produit telles que définies dans l'autorisation de mise sur le marché, doivent-elles se retrouver dans le fascicule du brevet de base pour conclure qu'il y est spécifiquement identifiable '.

Le ministĂšre public ayant Ă©tĂ© avisĂ© de la date de l'audience du 23 fĂ©vrier 2023 .

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées de la société requérante et du directeur général de l'INPI.

La société Dana-Farber Cancer Institute Inc. (Dana-Farber) a déposé le 14 novembre 2017 la demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n°17C1045 fondée sur le rÚglement (CE) n°469 /2009 portant sur le produit 'Atezolizumab'.

Le brevet de base invoqué dans cette demande est le brevet européen n°00955878 déposé le 23 août 2000 sous priorité d'un brevet US 19990150390P du 23 août 1999, publié sous le n°EP1210424 (EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre 'nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations'.

La demande de CCP fait également référence à une autorisation de mise sur le marché (AMM) communautaire octroyée le 21 septembre 2017 sous le N°EU1/17/1220, à la société Roche Registration Ltd. pour une spécialité pharmaceutique dénommée 'Tecentriq' ayant pour principe actif l'Atezolizumab, anticorps monoclonal anti-PD-L1 approuvé pour traiter certains cancers du poumon, de la vessie et du systÚme urinaire.

La procĂ©dure d'examen engagĂ©e par l'INPI a abouti Ă  une dĂ©cision de rejet en date du 13 juillet 2021 de la demande de CCP au motif que :

- d'une part, le produit, objet du CCP, n'est pas protĂ©gĂ© par le brevet de base n° EP 1 210 424 (article 3 a) du rĂšglement n° 469/2009 du 6 mai 2009),

-d'autre part, la sociĂ©tĂ© requĂ©rante s'est abstenue de choisir entre les deux demandes de CCP qu'elle a dĂ©posĂ©es pour le mĂȘme produit « Atezolizumab », l'une sur le fondement du brevet EP 1 210 424 (brevet de base du CCP litigieux) et l'autre sur le brevet n°EP 1 210 428 et ce, alors qu'un mĂȘme titulaire ne peut se voir octroyer plusieurs CCP pour le mĂȘme produit (article 3 c) dudit rĂšglement).

La requérante conteste cette décision qu'elle demande à la cour d'annuler.

Sur la demande de rejet des piĂšces

La sociĂ©tĂ© Dana-Farber soutient en rĂ©ponse Ă  la demande du directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI tendant au rejet des dĂ©bats des piĂšces n° 6, 8, 9 et 10, que celles-ci ont Ă©tĂ© communiquĂ©es devant la cour afin de l'Ă©clairer sur le contexte technique du dossier et ne sont pas Ă  Ă©carter des dĂ©bats, l'examinateur de l'INPI qui a statuĂ© sur le rejet de la demande de CCP ayant connaissance des articles scientifiques objets des piĂšces n° 8, 9 et 10 concernant la technique du 'phage display' dans la mesure oĂč cette technique est dĂ©crite dans le brevet de base et que la piĂšce 6, qui est une note rĂ©digĂ©e par un spĂ©cialiste de l'immunologie, ne fait que reprendre pour les rendre accessibles des techniques et des notions scientifiques bien connues. Elle ajoute qu'aucun texte ne s'oppose Ă  la communication de piĂšces nouvelles devant la cour dans le cadre d'un recours en annulation et qu'une telle interdiction contreviendrait au principe du droit au procĂšs Ă©quitable en application des dispositions de l'article 6 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme. Elle relĂšve que le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI communique lui-mĂȘme des piĂšces nouvelles devant la cour.

Néanmoins, selon les dispositions de l'article L. 411-4, premier alinéa, du code de la propriété intellectuelle, le directeur général de l'INPI prend les décisions prévues par le présent code à l'occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle.

L'article R. 411-19 de ce code précise que les recours exercés à l'encontre des décisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 411-4 sont des recours en annulation.

Il rĂ©sulte de ces textes que la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation d'une dĂ©cision du directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI, qui n'emporte pas d'effet dĂ©volutif, ne peut que rejeter le recours ou annuler la dĂ©cision dĂ©fĂ©rĂ©e et doit se placer dans les conditions qui Ă©taient celles existant au moment oĂč celle-ci a Ă©tĂ© prise. Elle ne peut donc prendre en compte les piĂšces nouvelles produites devant elle, ce sans que soit mĂ©connu le droit au procĂšs Ă©quitable tel que prĂ©vu Ă  l'article 6 de la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de l'homme, la requĂ©rante Ă©tant Ă  mĂȘme de critiquer la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision prise par le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI au vu des piĂšces qu'elle a choisi de lui fournir lors de l'examen du titre de propriĂ©tĂ© industrielle.

Aussi, il convient de rejeter des débats les piÚces n°6, 8, 9 et 10 communiquées par la société Dana-Farber devant la cour étant relevé que le directeur général de l'INPI indique dans ses derniÚres observations retirer les piÚces qu'il a produites pour la premiÚre fois devant la cour soit un article intitulé 'introduction aux techniques utilisées en biochimie - préparation des anticorps' (piÚce 21) et un article en ligne de l'Inserm (piÚce 27).

Sur le fond

Au soutien de son recours, la sociĂ©tĂ© Dana-Farber fait tout d'abord valoir que par dĂ©claration de renonciation en date du 5 octobre 2022, elle a expressĂ©ment renoncĂ© Ă  sa demande de CCP n° 17C1055 portant sur le mĂȘme produit et que la question de savoir si le produit n'a pas dĂ©jĂ  fait l'objet d'un certificat (article 3 c) du rĂšglement) n'a plus lieu d'ĂȘtre.

Elle fait ensuite valoir que le produit correspondant à l'anticorps 'Atezolizumab' est bien décrit de maniÚre fonctionnelle dans le brevet EP 424 et donc protégé par le brevet de base au sens de la jurisprudence européenne applicable en la matiÚre et que, dÚs lors, l'homme du métier pouvait l'obtenir, à partir d'opérations de routine, parfaitement maßtrisées au jour du dépÎt de sa priorité soit le 23 août 1999. Elle ajoute que l'Atezolizumab n'a pas été développé aprÚs le dépÎt du brevet de base au terme d'une activité inventive autonome.

Évoquant les arrĂȘts de la Cour de justice de l'Union europĂ©enne (CJUE) sur l'interprĂ©tation des dispositions de l'article 3 a) du rĂšglement (CE) n°469 /2009 du 6 mai 2009 et ce qu'il convient d'entendre par 'produit protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur', la requĂ©rante observe que la CJUE, dans l'arrĂȘt [U] [T] du 12 dĂ©cembre 2013 (C-493/12) a validĂ© la possibilitĂ© de dĂ©livrer un CCP portant sur un anticorps dĂ©fini de maniĂšre fonctionnelle par le brevet de base, que dans l'arrĂȘt Teva du 25 juillet 2018 (C-121/17), la CJUE a confirmĂ© que pour bĂ©nĂ©ficier des dispositions de l'article 3 a), un produit 'doit ĂȘtre spĂ©cifiquement identifiable, Ă  la lumiĂšre de l'ensemble des Ă©lĂ©ments divulguĂ©s par ledit brevet », « du point de vue de l'homme du mĂ©tier et sur la base de l'Ă©tat de la technique Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base', pour en dĂ©duire que lorsque l'anticorps est fonctionnellement dĂ©fini dans le brevet de base, ce sont les caractĂ©ristiques thĂ©rapeutiques/pharmacologiques du produit protĂ©gĂ© par le CCP, telles que dĂ©finies dans l'AMM, qui sont importantes et qu'afin de dĂ©terminer si cet anticorps est bien couvert par ledit brevet, au sens des dispositions de l'article 3 (a) du RĂšglement, ce qui importe est que ces caractĂ©ristiques thĂ©rapeutiques/pharmacologiques soient revendiquĂ©es par le brevet de base. Elle ajoute que l'arrĂȘt Royalty Pharma du 30 avril 2020, (C-650/17) requiert pour qu'un produit soit considĂ©rĂ© comme couvert par le brevet de base, que celui-ci soit seulement identifiable, et non identifiĂ©, en tant que tel dans ledit brevet et que le produit doit ĂȘtre identifiable Ă  partir des Ă©lĂ©ments indiquĂ©s dans ce brevet sans qu'il soit besoin que l'anticorps soit explicitement identifiĂ©.

Elle ajoute qu'il ressort des arrĂȘts de la Cour de cassation du 1er fĂ©vrier 2023 rendus dans les affaires [O] que les informations divulguĂ©es dans le brevet de base (exemples, dessins, description...) ainsi que les connaissances gĂ©nĂ©rales de l'homme du mĂ©tier doivent ĂȘtre Ă©valuĂ©es et apprĂ©ciĂ©es afin de dĂ©terminer si le produit est spĂ©cifiquement identifiable pour l'homme du mĂ©tier.

Elle considĂšre alors que l'homme du mĂ©tier qui est un spĂ©cialiste de l'immunologie, spĂ©cialitĂ© biologique et mĂ©dicale, qui Ă©tudie l'ensemble des mĂ©canismes de dĂ©fense de l'organisme contre les antigĂšnes (agents pathogĂšnes extĂ©rieurs), connaissait et maĂźtrisait les mĂ©thodes de caractĂ©risation des anticorps et savait parfaitement obtenir un anticorps humain ou murin, puis l'humaniser, en suivant des techniques de routine comme celles du phage display et des hybridomes, puis de l'ADN recombinant, afin d'identifier et de gĂ©nĂ©rer un anticorps tel que l'atezolizumab. Elle soutient que le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI a commis une erreur dans l'interprĂ©tation des faits de l'espĂšce en considĂ©rant qu'une vĂ©ritable activitĂ© inventive autonome Ă©tait nĂ©cessaire afin de produire un anticorps alors mĂȘme que les protocoles permettant d'isoler et de sĂ©lectionner les hybridomes contenant lesdits anticorps sont dĂ©crits dans le brevet de base et connus de l'homme du mĂ©tier.

La société Dana-Farber tire également argument du brevet Genentech, visé par le directeur général de l'INPI dans la décision de rejet critiquée, déposé en 2008 et qui identifie l'atezolizumab, ce brevet ayant été maintenu à la suite de la procédure d'opposition en raison de l'existence de la propriété de la réactivité croisée de l'atezolizumab laquelle était la caractéristique technique de l'anticorps permettant de justifier l'existence d'une activité inventive, puis révoqué par la chambre des recours de l'OEB, pour considérer que celui-ci apporte la preuve que les techniques par hybridome et avec phage display puis l'humanisation par la méthode de l'ADN recombinant étaient connues de l'homme du métier avant la date de priorité du brevet EP 424.

Elle soutient ensuite que les enseignements du brevet EP 424 conduisaient l'homme du métier à identifier et générer l'atezolizumab à partir des techniques connues, l'Office européen des brevets considérant que les méthodes pour la génération et l'identification d'anticorps dirigé contre un antigÚne donné constituent des techniques de routine pour l'homme du métier. Elle en déduit que l'identification et la production d'un nouvel anticorps lorsque l'antigÚne cible est déjà connu n'implique aucune activité inventive et encore moins une activité inventive autonome.

Elle soutient alors que le brevet de base EP 424 couvre expressément les anticorps humains ou humanisés et identifie la cible de l'atezolizumab, à savoir sa possibilité de se fixer spécifiquement à la protéine B7-4 (aussi appelée PD-L1). Elle ajoute que le brevet décrit l'identification de la protéine B7-4, que les revendications 17, 21 et 27 du brevet EP' 424 revendiquent expressément des anticorps anti-PD-L1 ainsi que leur utilisation pour moduler une réponse immunitaire chez un sujet, et que les méthodes de production de tels anticorps sont décrites dans la description du brevet et illustrées dans la partie expérimentale. Elle considÚre qu'à partir des enseignements du brevet EP'424, la technique des phages display, ou celle des hybridomes, suivies de celle de l'ADN recombinant, seront mises en oeuvre afin d'aboutir à l'identification de l'anticorps humanisé atezolizumab, lesquelles méthodes étaient parfaitement connues et maßtrisées à la date de priorité dudit brevet, comme démontré ci-dessus.

Elle soutient encore que le directeur général de l'INPI en soulevant plusieurs arguments qu'il sait inexacts a manqué à son devoir de neutralité au long de la procédure ce qui justifie également d'annuler la décision entreprise.

Elle ajoute qu'elle est lĂ©gitime Ă  obtenir une tel CCP, l'objet du rĂšglement n° 469/2009 Ă©tant d'encourager et de rĂ©compenser la recherche, et de permettre aux sociĂ©tĂ©s qui contribuent Ă  l'innovation dans le secteur pharmaceutique qu'elles soient des instituts de recherche ou des laboratoires pharmaceutiques, d'amortir leurs investissements.

Elle conclut au terme de l'ensemble des observations qui prĂ©cĂšdent que la dĂ©cision du directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI qui lui a refusĂ© l'octroi d'un CCP pour l'atezolizumabsur la base du brevet EP 424, ne peut qu'ĂȘtre annulĂ©e.

Le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI rappelle la jurisprudence europĂ©enne (arrĂȘts [U] [T], Teva et Royalty Pharma prĂ©citĂ©s) pour considĂ©rer que la CJUE a dit pour droit qu'un produit n'est pas spĂ©cifiquement identifiable s'il est dĂ©veloppĂ© aprĂšs la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base, au terme d'une activitĂ© inventive autonome.

Il soutient que le brevet de base a pour seul objet la dĂ©couverte d'un antigĂšne, la protĂ©ine PD-L1 et que si des revendications 17, 21 et 27 visent des anticorps susceptibles de se fixer Ă  la protĂ©ine PD-L1 pour inhiber le signal immunosuppresseur PD-L1, aucune indication n'est donnĂ©e sur les anticorps se liant Ă  l'antigĂšne, lesquels n'Ă©taient nullement identifiables Ă  la date du dĂ©pĂŽt du brevet ou Ă  la date de prioritĂ©. Il prĂ©cise que plusieurs anticorps dirigĂ©s contre la protĂ©ine PD-L1, prĂ©sentant des caractĂ©ristiques propres et diffĂ©rentes les uns des autres, ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s et ont Ă©tĂ© mis sur le marchĂ©, suite Ă  des Ă©tudes pharmacologiques poussĂ©es et que l'Atezolizumab, qui est un des anticorps se liant Ă  la protĂ©ine B7-4 (antigĂšne PD-L1) possĂšde des caractĂ©ristiques qui seront diffĂ©rentes de celles d'un autre anticorps ayant cette mĂȘme fonction. Il conclut qu'Ă  partir du brevet de base, l'homme du mĂ©tier devait donc mettre en oeuvre une activitĂ© inventive autonome pour dĂ©velopper et identifier spĂ©cifiquement l'anticorps que constitue l'Atezolizumab.

Il considÚre que la préparation d'anticorps monoclonaux suppose la mise en oeuvred'un processus complexe afin d'obtenir leur production (par criblage, isolation, clonage), leur mise en culture le plus souvent in vivo, leur sélection et leur purification, toutes ces étapes nécessitant la mise en oeuvre de techniques trÚs coûteuses en termes d'installations, de réactifs, de temps et de main d'oeuvre et qu'il fallait donc mettre en oeuvre une véritable activité inventive autonome pour découvrir l'Atezolizumab, le brevet de base n'étant pas explicite sur la méthode à utiliser pour identifier l'Atezolizumab puisqu'il vise à la fois des anticorps chimériques et humanisés, ce brevet identifiant en effet deux méthodes, la technique de l'immunisation des mammifÚres et la technique du phage display pour générer des anticorps murins ou humains sans toutefois identifier les anticorps et ne permettent pas d'identifier de maniÚre spécifique les anticorps monoclonaux humanisés anti PD-L1 ou anti B7-4.

Il conclut qu'à supposer que deux techniques de fabrication de l'anticorps étaient privilégiées dans le brevet de base, à savoir la technique d'immunisation de mammifÚre et la technique du phage display, ces derniÚres conduisaient à des hybridomes ou, tout au plus à des anticorps murins ou humains, mais nullement à des anticorps humanisés, que toutes les étapes nécessaires à l'identification de l'Atezolizumab ne sont pas décrites dans le brevet et ne procÚdent pas d'une déduction directe et sans ambiguïté pour l'homme du métier et que le produit Atezolizumab n'était donc pas spécifiquement identifiable au terme du brevet et qu'à partir du brevet de base, l'homme du métier devant mettre en oeuvre une activité inventive autonome pour rendre identifiable l'Atezolizumab.

Il précise que, de maniÚre surabondante, la décision critiquée a ajouté que la délivrance de brevets ultérieurs (brevet américain Genentech et brevet européen Hoffmann-Laroche) confirmait que le brevet de base (EP 424), déposé à un stade précoce de la recherche sur de tels anticorps, ne portait pas de maniÚre nécessaire et spécifique sur l'Atezolizumab, ces circonstances n'étant toutefois pas les fondements de la décision de rejet.

Le directeur général de l'INPI conclut, au terme de ses observations, que la décision déférée est fondée en ce qu'elle a rejeté la demande de CCP faute pour celle-ci de satisfaire à l'article 3 a) du rÚglement (CE) n°469/2009.

Ceci exposĂ©, il importe de rappeler que l'article 3, intitulĂ© 'Conditions d'obtention du certificat', du rĂšglement (CE) n°469/2009 du 6 mai 2009 concernant le certificat complĂ©mentaire de protection pour les mĂ©dicaments, dispose :

'Le certificat est dĂ©livrĂ© si, dans l'Etat membre oĂč est prĂ©sentĂ©e la demande visĂ©e Ă  l'article 7 et Ă  la date de cette demande:

a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;

b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité (...) ;

c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ;

d) l'autorisation mentionnée au point b) est la premiÚre autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament.'

L'article 2 prévoit, quant au 'Champ d'application' du CCP, que : ' Tout produit protégé sur le territoire d'un Etat membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d'autorisation administrative (...) peut ,dans les conditions et selon les modalités prévues par le rÚglement, faire l'objet d'un certificat.'

Préalablement, l'article 1 de ce rÚglement précise, sous l'intitulé 'Définitions': 'Aux fins du présent rÚglement on entend par :

a) 'mĂ©dicament' : toute substance ou composition prĂ©sentĂ©e comme possĂ©dant des propriĂ©tĂ©s curatives ou prĂ©ventives Ă  l'Ă©gard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant ĂȘtre administrĂ©e Ă  l'homme ou Ă  l'animal en vue d'Ă©tablir un diagnostic mĂ©dical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal ;

b) 'produit': le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament ;

c) 'brevet de base' : un brevet qui protÚge un produit en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat;

(...)' .

Il dĂ©coule du rĂšglement prĂ©citĂ© que, pour faire l'objet d'un CCP, le produit, c'est-Ă -dire le principe actif ou la composition de principes actifs d'un mĂ©dicament, doit ĂȘtre protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur et avoir obtenu, en tant que mĂ©dicament, une AMM en cours de validitĂ©, celle-ci devant ĂȘtre la premiĂšre pour le produit.

La protection par le brevet doit couvrir le produit en tant que tel mais aussi, selon l'article 1c) du rÚglement, un procédé d'obtention ou une application dudit produit.

La CJUE, par les arrĂȘts Medeva, [U] [T], Teva et Royalty Pharma, invoquĂ©s dans le cadre du prĂ©sent recours, a dĂ©fini la portĂ©e de la protection du produit par un brevet de base en vigueur qui conditionne, au sens de l'article 3a) du rĂšglement, l'obtention d'un CCP pour ce produit.

La CJUE prĂ©cise, dans l'arrĂȘt [U] [T] ( C-493/12, 12 dĂ©cembre 2012) qu'il n'est pas nĂ©cessaire que le principe actif soit mentionnĂ© dans les revendications de ce brevet au moyen d'une formule structurelle. Lorsque ce principe actif est couvert par une formule fonctionnelle figurant dans les revendications d'un brevet dĂ©livrĂ© par l'Office europĂ©en des brevets, cet article 3, sous a) ne s'oppose pas en principe Ă  la dĂ©livrance d'un certificat complĂ©mentaire de protection pour ce principe actif, Ă  la condition toutefois que, sur la base de telles revendications, interprĂ©tĂ©es notamment Ă  la lumiĂšre de la description de l'invention, ainsi que le prescrivent l'article 69 de la convention sur la dĂ©livrance de brevets europĂ©ens et le protocole interprĂ©tatif de celui-ci, il est possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nĂ©cessairement, le principe actif en cause, et ce de maniĂšre spĂ©cifique, ce qu'il appartient Ă  la juridiction de renvoi de vĂ©rifier.

Pour la mise en oeuvre de cette rĂšgle, la CJUE indique, dans l'arrĂȘt Teva (C-121/17, 25 juillet 2018), qu'il convient de vĂ©rifier si l'homme du mĂ©tier, sur le fondement de ses connaissances gĂ©nĂ©rales et Ă  la lumiĂšre de la description et des dessins de l'invention, peut comprendre que le produit est une caractĂ©ristique nĂ©cessaire pour la solution du problĂšme technique divulguĂ©e par le brevet (point 48) et d'avoir uniquement Ă©gard Ă  l'Ă©tat de la technique Ă  la date du dĂ©pĂŽt ou Ă  la date de prioritĂ© de ce brevet, de sorte que le produit puisse ĂȘtre identifiĂ© de façon spĂ©cifique par l'homme du mĂ©tier Ă  la lumiĂšre de l'ensemble des Ă©lĂ©ments divulguĂ©s par ledit brevet (point 49) et de l'Ă©tat de la technique Ă  la date du dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© de ce brevet (point 51) .

Dans l'arrĂȘt Royalty Pharma ( C-650/17, 30 avril 2020), la CJUE rappelle (point 37) que pour dĂ©terminer si un produit donnĂ© est protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur au sens de l'article 3, sous a) du rĂšglement n°469/2009, il convient de vĂ©rifier, lorsque ce produit n'est pas explicitement mentionnĂ© dans les revendications de ce brevet, si ledit produit est nĂ©cessairement et spĂ©cifiquement visĂ© dans l'une de ces revendications. A cette fin, deux conditions cumulatives doivent ĂȘtre remplies. D'une part, le produit doit nĂ©cessairement relever, pour l'homme du mĂ©tier, Ă  la lumiĂšre de la description et des dessins du brevet de base, de l'invention couverte pas le brevet. D'autre part, l'homme du mĂ©tier doit ĂȘtre en mesure d'identifier ce produit de façon spĂ©cifique Ă  la lumiĂšre de l'ensemble des Ă©lĂ©ments divulguĂ©s par ledit brevet, et sur la base de l'Ă©tat de la technique Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du mĂȘme brevet.

Afin de dĂ©terminer si la seconde des conditions cumulatives visĂ©es au point 37 est satisfaite, la CJUE prĂ©conise de rechercher (point 40) si l'objet du CCP concernĂ© est compris dans les limites de ce que l'homme du mĂ©tier est objectivement en mesure, Ă  la date du dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base, de dĂ©duire directement et sans Ă©quivoque du fascicule de ce brevet tel qu'il a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©, en se fondant sur ses connaissances gĂ©nĂ©rales dans le domaine considĂ©rĂ© Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© et Ă  la lumiĂšre de l'Ă©tat de la technique Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ©. Ce dont il s'ensuit (point 47) qu'un produit faisant l'objet d'un CCP ou d'une demande de CCP qui a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©, aprĂšs la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base, au terme d'une activitĂ© inventive autonome, ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme relevant de la protection confĂ©rĂ©e par ce brevet.

La CJUE dit alors pour droit :

1) L'article 3, sous a) du rĂšglement (CE) n°469/2009 (...) doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu'un produit est protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsqu'il rĂ©pond Ă  une dĂ©finition fonctionnelle gĂ©nĂ©rale employĂ©e par l'une des revendications du brevet de base et relĂšve nĂ©cessairement de l'invention couverte par ce brevet, sans pour autant ĂȘtre individualisĂ© en tant que mode concret de rĂ©alisation Ă  tirer de l'enseignement dudit brevet, dĂšs lors qu'il est spĂ©cifiquement identifiable, Ă  la lumiĂšre de l'ensemble des Ă©lĂ©ments divulguĂ©s par le mĂȘme brevet, par l'homme du mĂ©tier, sur la base de ses connaissances gĂ©nĂ©rales dans le domaine considĂ©rĂ© Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base et de l'Ă©tat de la technique Ă  cette mĂȘme date.

2) L'article 3, sous a) du rĂšglement (CE) n°469/2009 doit ĂȘtre interprĂ©tĂ© en ce sens qu'un produit n'est pas protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, lorsque, bien que relevant de la dĂ©finition fonctionnelle donnĂ©e dans les revendications de ce brevet, il a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© aprĂšs la date de dĂ©pĂŽt de la demande du brevet de base, au terme d'une activitĂ© inventive autonome.

En la cause, le brevet de base invoqué par la société Dana-Farber au soutien de sa demande de CCP pour l'atezolizumab est le brevet européen n°00955878 déposé le 23 août 2000 sous priorité d'un brevet US 19990150390P du 23 août 1999, publié sous le n°EP1210424 (EP 424) et délivré le 7 février 2007 sous le titre 'nouvelles molécules B7-4 et leurs utilisations'et, en particulier, les revendications 17, 21 er 27 de ce brevet qui revendiquent des anticorps anti-PD-L1 ainsi que leur utilisation dans la modulation d'une réponse immunitaire chez un sujet.

La revendication 17 vise 'tout « anticorps qui se lie de maniÚre sélective à un polypeptide selon la revendication 12 » , cette derniÚre se réfÚre à un polypeptide :

- qui est codé par une molécule d'acides nucléiques constituée d'une séquence nucléotidique qui est identique à 90 % au moins à un acide nucléique selon la séquence nucléotidique de la SEQ ID N° 1 ou 3 et

- qui comprend une séquence d'acides aminés qui est identique à 90% au moins à la séquence d'acides aminés de la SEQ ID N° : 2 ou 4 dans lequel le polypeptide co-stimule la prolifération des cellules T en fournissant un second signal délivré par le récepteur des cellules non-T dans une cellule T qui a reçu un signal délivré par les cellules T par interaction avec un antigÚne ou un activateur polyclonal.

La revendication n°21 protÚge l'utilisation d'un anticorps qui se lie à un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N° 2 ou 4 pour la préparation d'un médicament pour moduler la réponse immunitaire chez un sujet.

La revendication n°27 couvre un « anticorps qui se lie de maniÚre sélective à un polypeptide de la SEQ ID N° : 2 ou 4 ».

Il est précisé dans la partie descriptive du brevet notamment aux paragraphes 115, 116 et 117 et [118] que :

[0115] « des cellules productrices d'anticorps peuvent ĂȘtre obtenues du sujet et utilisĂ©es pour prĂ©parer des anticorps monoclonaux par des techniques standards, telles que la technique d'hybridome dĂ©crite Ă  l'origine par [Z] et [E] (1975, Nature 256 :495-497) ».

[0116] « N'importe lequel des nombreux protocoles bien connus utilisĂ©s pour fusionner des lymphocytes et des lignĂ©es cellulaires immortalisĂ©es peut ĂȘtre appliquĂ© dans le but de gĂ©nĂ©rer un anticorps monoclonal anti-B7-4 ».

[0117] « Comme alternative Ă  la prĂ©paration d'hybridomes sĂ©crĂ©tant des anticorps monoclonaux, un anticorps monoclonal anti-B7-4 peut ĂȘtre identifiĂ© et isolĂ© par criblage d'une banque d'immunoglobulines combinatoires recombinantes (par exemple, une bibliothĂšque de prĂ©sentation sur phage d'anticorps) avec un B7-4 pour ainsi isoler les membres de la bibliothĂšque d'immunoglobulines qui se lient Ă  un polypeptide B7-4. Des kits pour gĂ©nĂ©rer et cribler des bibliothĂšques de phage display sont disponibles dans le commerce (par exemple, la Pharmacia Recombinant Phage Antibody Catalog, N° de catalogue 27-9400-01 ; et le StratagĂšne SurfZAP' Trousse d'affichage de phages, N° de catalogue 240612). De plus, des exemples de mĂ©thodes et de rĂ©actifs particuliĂšrement adaptĂ©s Ă  une utilisation dans la gĂ©nĂ©ration et le criblage d'une bibliothĂšque d'affichage d'anticorps peuvent ĂȘtre trouvĂ©s ».

[0118]'De plus, les anticorps anti-B7-4 recombinants, tels que les anticorps monoclonaux chimĂ©riques et humanisĂ©s, comprenant Ă  la fois des portions humaines et non humaines, qui peuvent ĂȘtre fabriquĂ©s en utilisant des techniques d'ADN recombinant standard, entrent dans le cadre de l'invention. De tels anticorps monoclonaux chimĂ©riques et humanisĂ©s peuvent ĂȘtre produits par des techniques d'ADN recombinant connues dans l'art, par exemple en utilisant des mĂ©thodes dĂ©crites dans Robinson et al. Publication de brevet internationale PCT/US86/02269 ; [C], et al. demande de brevet europĂ©en 184 187 ; [R], M., demande de brevet europĂ©en 171 496; [A] et al. demande de brevet europĂ©en 173 494 ; [I] et al. demande PCT WO 86/01533; [N] et al. brevet amĂ©ricain n° 4 816 567; [N] et al. demande de brevet europĂ©en 125 023 ; [Y] et al. (1988) Science 240:1041-1043; [H] et al. (1987) PNAS 84:3439-3443; [H] et al. (1987) [B] [P]. 139:3521-3526 ; [V] et al. (1987) PNAS 84:214-218; [F] et al. (1987) Canc. RĂ©s. 47:999-1005; [M] et al. (1985) Nature 314:446-449; et [L] et al. (1988) [B] [S] Cancer Inst. 80:1553-1559); [A], S.L. (1985) Science 229:1202-1207; Oi et al. (1986) BioTechniques 4:214; Brevet amĂ©ricain de [K] 5 225 539; [W] et al. (1986) Nature 321:552-525; [D] et al. (1988) Science 239:1534; et [X] et al. (1988) [B] [P]. 141:4053-4060.'

L'exemple 8 décrit ainsi une méthode de génération d'anticorps murins contre B7-4 et apporte des précisions complémentaires.

L'exemple 9 complÚte le précédent avec la génération d'anticorps entiÚrement humains contre B7-4, par la technique hydridoma, comme l'enseignent les paragraphes 292 à 295.

L'atezolizumab est un anticorps monoclonal humanisé, anti PD-L1, de type IgG1 à Fc modifié, produit dans des cellules d'ovaire de hamster chinois par la technique d'ADN recombinant.

Ainsi qu'il a Ă©tĂ© exactement constatĂ© dans la dĂ©cision attaquĂ©e, il ne rĂ©sulte ni des revendications du brevet, ni de la description du brevet Ă  la lumiĂšre de laquelle, ainsi que le prescrivent l'article 69 de la CBE et le protocole interprĂ©tatif de celui-ci, doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©es les revendications, que le principe actif de l'atezolizumabserait spĂ©cifiquement visĂ© par le brevet.

S'il n'est pas contestĂ© que l'atezolizumab est un anticorps se liant Ă  un polypeptide B7-4 de la SEQ ID N°2 ou 4 (PD-L1) qui relĂšve d'une dĂ©finition fonctionnelle couverte par le brevet de base, il n'est aucunement montrĂ© par la requĂ©rante, qui procĂšde par affirmation, que l'homme du mĂ©tier se trouvait en mesure, Ă  la date du dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du brevet de base (23 aoĂ»t 1999), d'identifier ce produit de façon spĂ©cifique, au vu des enseignements du brevet, et sur la base de l'Ă©tat de la technique Ă  la date de dĂ©pĂŽt ou de prioritĂ© du mĂȘme brevet.

Le brevet de base porte sur la découverte d'un antigÚne et décrit la protéine B7-4 (PD-L1) comme une protéine impliquée dans la prolifération des cellules T et la modulation des réponses immunitaires mais ne donne aucune indication sur l'anticorps se liant à l'antigÚne lesquels n'étaient pas identifiables à la date de priorité.

En effet, comme le soutient Ă  juste titre le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI, de trĂšs nombreux anticorps peuvent se lier Ă  un mĂȘme antigĂšne, l'identification d'un anticorps qui pourra faire l'objet d'un mĂ©dicament susceptible de donner lieu Ă  une AMM nĂ©cessitent de nombreux tests pharmacologiques et un anticorps tel l'atezolizumab qui est un anticorps qui se lie Ă  la protĂ©ine B7-4 possĂšde des caractĂ©ristiques diffĂ©rentes de celles d'autres anticorps ayant cette mĂȘme fonction.

Si le brevet de base mentionne bien des protocoles génériques permettant de fabriquer des anticorps, il vise à la fois les anticorps chimériques et les anticorps humanisés et n'enseigne pas à l'homme du métier la direction dans laquelle il doit orienter ses recherches. Ce fait ne permet donc pas de conclure que l'atezolizumab, anticorps humanisé, y était identifiable par l'homme du métier.

Deux techniques, celle du phage display (paragraphe 117) et celle des hybridomes (paragraphe 115 du brevet, exemples 8 et 9 et paragraphes 292 et 295) sont exposées dans le brevet de base pour générer des anticorps murins ou humains et apparaissent maßtrisées à la date de priorité du brevet de base.

NĂ©anmoins, s'agissant de la premiĂšre, outre que le brevet n'est pas explicite sur cette technique, une fois la bibliothĂšque de phage display crĂ©Ă©e, d'autres Ă©tapes sont nĂ©cessaires telles le criblage des clones, leur quantification, leur maturation aux fins de stabilisation, leur culture, purification et sĂ©lection afin de conserver ceux qui permettent d'inhiber la voie des PD1-PDL1 et enfin de procĂ©der Ă  des expĂ©riences in vivo pour conserver ceux qui ont la capacitĂ© d'exercer un effet thĂ©rapeutique attendu. Ces Ă©tapes ne sont nullement dĂ©crites dans le brevet et il n'est pas dĂ©montrĂ© par la requĂ©rante qu'il s'agit pour l'homme du mĂ©tier d'une simple opĂ©ration de routine mĂȘme longue et fastidieuse.

La seconde peut permettre l'isolement et la sélection des hybridomes mais n'expose pas la technique de caractérisation d'un anticorps qui nécessite d'autres étapes fastidieuses d'identification et de sélection des hybridomes, d'isolement et de purification pour aboutir à un anticorps murin ou humain qui n'est pas une simple opération de routine comme une simple purification d'une molécule chimique.

Aussi, il ne peut ĂȘtre dĂ©duit de ces deux techniques indiquĂ©es dans le brevet de base qui conduisent Ă  isoler et sĂ©lectionner des hybridomes ou Ă  crĂ©er des bibliothĂšques de phage display pour aboutir Ă  des anticorps murins ou humains, que l'Atezolizumab Ă©tait spĂ©cifiquement identifiable par l'homme du mĂ©tier, alors que des travaux de recherche sont encore nĂ©cessaires pour parvenir aux anticorps humanisĂ©s, le brevet de base n'explicitant nullement comment aboutir Ă  de tels anticorps monoclonaux humanisĂ©s anti PD-L1 ou anti B7-4.

Le paragraphe 118 de la description est Ă  ce titre insuffisant, les publications scientifiques listĂ©es dans ce paragraphe n'ayant pas Ă©tĂ© invoquĂ©es dans le cadre de la procĂ©dure de dĂ©livrance du CCP devant le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI, la sociĂ©tĂ© Dans Farber se bornant Ă  invoquer une publication de M. [G] [K] qui ne figure pas audit paragraphe, et il n'est pas Ă©tabli que ces publications font rĂ©fĂ©rence Ă  des anticorps humanisĂ©s, aucune consĂ©quence ne pouvant ĂȘtre tirĂ©e de cette seule liste.

La sociĂ©tĂ© Dana-Farber ne soutient pas utilement que l'absence de description explicite des Ă©tapes dans le brevet de base s'explique par le fait qu'il s'agit de mĂ©thodes de biologie molĂ©culaire usuelles qui font partie des connaissances gĂ©nĂ©rales de l'homme du mĂ©tier qui n'ont nullement besoin d'ĂȘtre prĂ©cisĂ©es. Les dĂ©cisions de l'OEB que la sociĂ©tĂ© Dana-Farber cite Ă  ce titre sont inopĂ©rantes Ă  dĂ©montrer comme elle le soutient Ă  tort, que la production et la sĂ©lection d'hybridomes permettaient inĂ©vitablement Ă  l'homme du mĂ©tier de produire des anticorps monoclonaux. Ces dĂ©cisions, comme le dĂ©montre le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI sans ĂȘtre dĂ©menti, concernent en effet des circonstances diffĂ©rentes (antisĂ©rum remplacĂ© par un anticorps monoclonal T-906/91) ou ne font qu'Ă©tablir que les techniques de production et de sĂ©lection d'hybridomes Ă©taient des techniques de routines courantes (T-431/96 et T-877/03), la production et la sĂ©lection d'hybridomes n'Ă©tant qu'une Ă©tape pour la production d'un anticorps humanisĂ©.

Les directives de l'OEB de 2021 selon lesquelles : ' l'objet d'une revendication dĂ©finissant un nouvel anticorps qui se lie Ă  un antigĂšne connu n'implique pas d'activitĂ© inventive Ă  moins qu'un effet technique surprenant ne soit dĂ©montrĂ© dans la demande ... Si un nouvel anticorps se lie au mĂȘme antigĂšne que des anticorps connus, l'activitĂ© inventive n'est pas reconnue au seul motif que le nouvel anticorps est structurellement diffĂ©rent des anticorps connus ...' et citĂ©es par la requĂ©rante, sont tout aussi inopĂ©rantes n'Ă©tant pas contemporaines de la date de prioritĂ© du brevet de base invoquĂ©, et surtout en ce qu'elles visent la dĂ©couverte d'un nouvel anticorps se liant au mĂȘme antigĂšne, d'autres anticorps se liant Ă  cet antigĂšne Ă©tant dĂ©jĂ  connus.

Les brevet Genentech (EP 539 B9) dont la date de dĂ©pĂŽt est le 8 dĂ©cembre 2009 et de prioritĂ© le 9 dĂ©cembre 2008, et le brevet US correspondant (US 8 217 149) portant sur l'identification de l'Atezolizumab dĂ©livrĂ©s bien ultĂ©rieurement au brevet de base, peuvent ĂȘtre un indice venant corroborer la complexitĂ© des recherches Ă  effectuer pour aboutir Ă  cet anticorps humanisĂ© et que cet anticorps a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© aprĂšs la date de dĂ©pĂŽt de la demande du brevet de base, au terme d'une activitĂ© inventive autonome.

Contrairement à ce que soutient la société Dana-Farber, la circonstance que ces brevets visent le brevet de base EP 424 et utilisent les techniques du phage display ou des hybridomes pour développer l'Atezolizumab, ne démontre pas que l'homme du métier savait mettre en oeuvre ces techniques équivalentes décrites dans le brevet EP 424 à la date de priorité du brevet de base (23 août 1999), afin d'identifier et de générer l'Atezolizumab, alors que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, un produit n'est pas spécifiquement identifiable s'il est développé aprÚs la date de dépÎt ou de priorité du brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome. A cet égard, à supposer que le brevet européen Genentech (EP 539 B9) déposé en 2009 a été invalidé par la chambre des recours de l'OEB pour défaut d'activité inventive, ce fait ne caractérise pas plus que cet anticorps était spécifiquement identifiable dans le brevet de base à sa date de priorité en août 1999.

L'Atezolizumab ne peut ĂȘtre en consĂ©quence regardĂ© comme un 'produit protĂ©gĂ© par un brevet de base en vigueur' au sens des dispositions de l'article 3 a) du rĂšglement (CE) n°469/2009 et la requĂ©rante ne saurait dĂšs lors prĂ©tendre Ă  l'octroi d'un CCP pour ce produit sur la base du brevet europĂ©en n°EP 424 invoquĂ© dans sa demande.

Contrairement Ă  ce que soutient la sociĂ©tĂ© Dana-Farber, statuer ainsi n'est pas contraire aux objectifs du rĂšglement (CE) n°469/2009 concernant le certificat complĂ©mentaire de protection pour les mĂ©dicaments qui vise Ă  apporter au titulaire d'un brevet de mĂ©dicament une compensation pour le dĂ©lai durant lequel, dans l'attente de l'obtention d'une AMM, il n'a pu exploiter son brevet. En l'espĂšce, la sociĂ©tĂ© Dana-Farber, dont le brevet de base ne vise pas un produit entendu au sens strict de substance active mais, ainsi qu'il a Ă©tĂ© vu, un antigĂšne, a pu l'exploiter en le cĂ©dant en licence Ă  des laboratoires pharmaceutiques qui ont ensuite entrepris les recherches et consenti les investissements ayant permis le dĂ©veloppement de substances actives, au nombre desquels l'Atezolizumab, pour lesquelles des brevets ont Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©s et des AMM octroyĂ©es.

Dans l'arrĂȘt [U] [T], la CJUE a prĂ©cisĂ©ment soulignĂ© qu' au regard de l'objectif du rĂšglement n°469/2009 qui est d'encourager la recherche et, pour ce faire, viser Ă  permettre un amortissement des investissements effectuĂ©s dans cette recherche (...) un refus opposĂ© Ă  une demande CCP pour un principe actif qui n'est pas visĂ© de maniĂšre spĂ©cifique par un brevet (...) invoquĂ© au soutien d'une telle demande pourrait se justifier ( ...) dans la mesure oĂč le titulaire du brevet en cause n'a pas entrepris de dĂ©marches tendant Ă  approfondir et Ă  prĂ©ciser son invention de maniĂšre Ă  identifier clairement le principe actif susceptible d'ĂȘtre exploitĂ© commercialement dans un mĂ©dicament rĂ©pondant aux besoins de certains patients . Dans une telle configuration, octroyer un CCP au titulaire du brevet alors mĂȘme que, n'Ă©tant pas titulaire de l'AMM du mĂ©dicament dĂ©veloppĂ© au-delĂ  des spĂ©cifications du brevet source, ce titulaire dudit brevet n'a pas rĂ©alisĂ© d'investissement dans la recherche portant sur ce volet de son invention initiale reviendrait Ă  mĂ©connaĂźtre l'objectif du rĂšglement (point 43) .

La société Dana-Farber n'invoque pas utilement que lui refuser l'octroi d'un CCP pour l'Atezolizumab sur la base du brevet de base invoqué reviendrait à créer une discrimination entre la recherche fondamentale et celle qui est réalisée à des stades plus avancés du processus de développement d'un médicament. A l'inverse, faire droit à sa demande lui procurerait, ainsi qu'il est mis en évidence par la CJUE, un avantage qui ne serait pas conforme à l'objectif du rÚglement qui est d'encourager la recherche et de permettre un amortissement des investissements réalisés pour cette recherche.

Il rĂ©sulte des motifs qui prĂ©cĂšdent que la requĂ©rante n'est pas davantage fondĂ©e Ă  soutenir que le directeur gĂ©nĂ©ral de l'INPI a manquĂ© Ă  son devoir de neutralitĂ© tout au long de la procĂ©dure, celui-ci n'ayant fait qu'appliquer les dispositions du rĂšglement (CE) n°469/2009 au vu de la nombreuse jurisprudence de la CJUE rendue en la matiĂšre.

Le recours formé à l'encontre de la décision du directeur général de l'INPI qui a rejeté la demande de CCP formée par la société Dana-Farber, portant sur l'Atezolizumab est en conséquence rejeté.

En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne sur les questions soulevées, il n'y a pas lieu de saisir la CJUE d'une question préjudicielle.

Il n'y a pas lieu de statuer sur le motif de rejet de la demande de CCP fondĂ© sur l'article 3 c) du rĂšglement 469/2009, la requĂ©rante ayant expressĂ©ment renoncĂ© Ă  sa demande de CCP n° 17C1055 portant sur le mĂȘme produit.

PAR CES MOTIFS :

Rejette des débats les piÚces n°6, 8, 9 et 10 communiquées par la société Dana-Farber Cancer Institute Inc.,

Donne acte au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du retrait des débats des piÚces 21 et 27,

Rejette le recours de la société Dana-Farber Cancer Institute Inc.,

Rejette toute autre demande,

Dit que le prĂ©sent arrĂȘt sera notifiĂ© par le greffe et par lettre recommandĂ©e avec accusĂ© de rĂ©ception Ă  la sociĂ©tĂ© Dana-Farber Cancer Institute Inc. et au directeur gĂ©nĂ©ral de l'Institut national de la propriĂ©tĂ© industrielle.