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Décisions

CA Lyon, 8e ch. civ., 27 avril 2010, n° 09/00190

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

TAC UP (SARL)

Défendeur :

JTMM (SARL), MACHEFERT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avoués :

Me MOREL, SCP AGUIRAUD-NOUVELLET

Avocats :

Me LAMAZE, Me LE BEL, Me JANIN

CA Lyon n° 09/00190

27 avril 2010

La SARL TAC UP exerce une activité de vente de produits liés à la forme physique et au bien être sur internet sous la dénomination commerciale SHOP AVENUE.

La SARL JTMM exerce cette même activité.

Par ordonnance rendue le 22 décembre 2008, le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON , statuant en référé, saisi par la société TAC UP d'une demande tendant à constater le plagiat du site internet '[...]', à ordonner la fermeture des sites '[...]' et '[...]' sous astreinte, à autoriser la publication de l'ordonnance sur son site internet et en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a :

- déclaré la société TAC UP irrecevable, faute de qualité à agir,

- condamné la SARL TAC UP à payer à Thierry MACHEFER une provision de 1.000,00 euros, et à la société JTMM et à Thierry MACHEFER la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Par déclaration en date du 12 janvier 2009, la SARL TAC UP a interjeté appel de cette ordonnance dont elle sollicite la réformation.

Aux termes de ses conclusions n°1, elle demande à la Cour de :

- constater sa qualité de producteur de base de données au titre du site internet '[...]',

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- constater l'extraction des données du site internet '[...]' par la SARL JTMM et Thierry MACHEFER au titre de leur site '[...] et ma [...]',

- infirmer l'ordonnance,

- ordonner à la SARL JTMM et Thierry MACHEFER la fermeture des sites '[...] et ma [...]' sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

- autoriser la publication par la SARL TAC UP de l'arrêt à intervenir sur son site internet '[...]',

- condamner solidairement la SARL JTMM et Thierry MACHEFER au paiement de la somme de 6.418,41 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens avec distraction au profit de maître MOREL, avoué.

Elle explique que son site '[...]' existe depuis le 1er août 2001, qu'il a été refait complètement courant 2006 par des professionnels à savoir un infographiste KMF DESIGN, un informaticien monsieur CHTOUMPIK et son gérant, qu'il est exploité et mis à jour régulièrement par deux salariés à plein temps. Elle précise avoir engagé des frais publicitaires pour faire connaître son site.

Elle prétend que la SARL JTMM et Thierry MACHEFERT ont copié son site, reproduisant la présentation générale et les descriptifs de produits. Elle se prévaut d'un constat d'huissier dressé par maître DENIS laissant apparaître que les auteurs des sites '[...] et ma [...]'sont la SARL JTMM et Thierry MACHEFERT, que les sites sont composés de la même manière avec un bandeau haut, la barre de menu et le menu à droite, avec la même présentation des produits vendus, les mêmes fiches techniques, que celles de son site.

Elle revendique le bénéfice des dispositions du code de la propriété intellectuelle et de ses articles L 341-1 à L L341-3.

Elle rappelle que Thierry MACHEFERT apparaît comme copropriétaire des deux sites.

Elle considère que son site est une base de donnée et se prévaut de la qualité de producteur de base de données au regard de son investissement matériel et humain ainsi que de l'antériorité de son site. Elle relève que les trois sites comportent les mêmes fautes d'orthographe, les mêmes qualificatifs, la même police, les mêmes onglets au même endroit, la même ponctuation, les mêmes icones.

Elle estime justifier en conséquence, d'un trouble manifestement excessif devant être réparé.

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En réponse, la SARL JTMM et Thierry MACHEFERT concluent à la confirmation de l'ordonnance critiquée et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle de 10.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la SCP d'avoués AGUIRAUD NOUVELLET.

A titre subsidiaire, ils demandent si la Cour devait faire droit à la demande de fermeture provisoire des sites la condamnation de la SARL TAC UP à verser une caution de 1.200.000,00 euros correspondant à son chiffre d'affaires sur quatre ans et à engager une action au fond dans les huit jours de la signification de l'arrêt à intervenir, à défaut la fermeture provisoire des sites web sera levée.

Ils soulèvent l'incompétence du juge des référés, la notion de plagiat n'existant pas dans le code de la propriété intellectuelle, seuls les actes d'extraction et de réutilisation des données étant interdits et le juge des référés ne pouvant prononcer qu'une interdiction provisoire et non définitive des sites internet. Ils invoquent également de l'existence de contestations sérieuses, l'appelante n'étant pas selon elle producteur d'une base de données puisque celle-ci a été réalisée par un tiers antérieurement à la création de la SARL TAC UP, que la SARL TAC UP n'a pas pris l'initiative de la constitution de la base de données en cause et n'a pas réalisé les investissements nécessaires à sa constitution. Ils relèvent que la SARL TAC UP est propriétaire de treize autres sites internet dont deux sont des sites marchands commercialisant des produits de fitness comme le site internet '[...]'.

Ils considèrent que les investissements invoqués sont communs à plusieurs sites et ne sont nullement substantiels au sens de l'article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle et qu'ils ne concernent pas la constitution de la base de données.

Ils dénient l'existence de tout trouble manifestement illicite, l'extraction de donnée invoquée n'étant pas constituée. Ils rappellent que l'extraction est licite sauf si elle est massive, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, à supposer qu'elle existe. Ils considèrent que l'appelante confond la protection du droit d'auteur. Ils soulignent le caractère excessif des mesures demandées qui mettraient en péril leur pérennité.

Ils concluent à la mise hors de cause de Thierry MACHEFERT qui n'est que le gérant de la SARL JTMM.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2010 .

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MOTIFS DE LA DÉCISION

La SARL TAC UP fonde son action à la fois sur les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile et sur celles des articles L 341 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, les dispositions spéciales du code de la propriété intellectuelle et plus particulièrement celles de l'article L 341-2 de ce code, n'excluent pas la possibilité de recourir au droit commun.

Le plagiat invoqué par l'appelante n'est pas visé par le code de la propriété intellectuelle qui protège par contre les banques de données.

L'article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle donne la définition suivante d'une base de données : 'On entend par base de données un recueil d'oeuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposées de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou tout autre moyen.'

Cette définition est conforme à celle qu'en donnent les directives européennes et à celle reprise par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans ses arrêts du 9 novembre 2004.

La directive européenne 96/9/CE du 11 mars 1996 transposée en France par la loi 986536 du 1er juillet 1998 dans les articles L341-1 à L341-4 du code de la propriété intellectuelle, a créé un 'droit sui generis' au profit des producteurs de base de données, destiné à protéger les investissements de ces derniers en leur conférant le droit d'interdire extraction et/ou réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle de la base évaluée de façon qualitative ou quantitative du contenu de celle-ci, lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation du contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

Pour se prévaloir de la protection sui generis, le fabricant de la base de données doit justifier d'une part de sa qualité de producteur, c'est à dire qu'il est celui qui a pris l'initiative et le risque des investissements correspondants, et d'autre part de la réalisation d'investissements substantiels pour la constitution, la vérification ou la présentation de la base, lesquels s'entendent d'un investissement financier, matériel ou humain.

En l'espèce, il est reproché le plagiat du site internet de l'appelante, celle-ci reprochant à la SARL JTMM et à Thierry MACHEFERT d'avoir reproduit la présentation générale de son site et le descriptif des produits.

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Il lui appartient de l'établir, si elle justifie des deux conditions nécessaires à la protection sui generis de la base de données, sa qualité de producteur et la réalisation d'investissements substantiels.

Il n'est pas contesté que la SARL TAC UP n'est pas à l'initiative du site puisqu'elle admet dans ses conclusions avoir racheté le nom de domaine [...] à Thierry GUARDIOLA lors de sa création, lequel était à l'époque associé à 50% et que ce site était un des sites de la fédération française d'aérobic dont monsieur GUARDIOLA était le président, site qu'il animait bénévolement et qui est devenu un site marchand en février 2005 avec la création de la SARL TAC UP.

Il appartient donc à la SARL TAC UP de justifier qu'à compter de sa constitution et de son immatriculation en janvier 2005, elle a modifié de façon substantielle le contenu de ce site et qu'elle ait pour ce faire, engagé des investissements importants.

Il convient de relever que la SARL TAC UP ne produit aucun élément sur le contenu du site antérieurement à sa création. Elle verse par contre un certain nombre de factures d'une société CHTOUMPIK, des factures de KMF design, et des factures Google et Yahoo de 2008 ainsi que des extraits de son grand livre comptable relatif au paiement des factures et au budget publicité.

Il est constant que la SARL TAC UP est propriétaire d'autres sites internet dont deux sont marchands et commercialisent également des articles de fitness comme le site '[...]', à savoir 'shop-avenue'et 'bien-être avenue'qui sont antérieurs à 2006.

Les factures de KMF dont le montant cumulé s'élève à la somme de 6.157,01 euros concernent une charte graphique dont l'objet est d'homogénéiser l'identité visuelle des boutiques en ligne de la marque shop avenue et concernent tant le site '[...]', à savoir 'shop-avenue'et 'bien-être avenue'. Elles ne peuvent être retenues comme investissement en vue de procéder à la recherche, la vérification et au rassemblement des données alors qu'elles ne concernent que la ligne visuelle des sites de TAC UP.

Les factures CHTOUMPIK dont le montant cumulé s'élève à la somme de 15.548 euros sur trois ans, comportent entre autres objets la création de bannières publicitaires, la création de formulaires newletters, la gestion du projet, de sorte qu'elles ne peuvent être considérées comme participant dans leur entier à la création de la base de données.

La SARL TAC UP se prévaut également de dépenses salariales à hauteur de 45.600,00 euros par an, en produisant deux contrats de travail à durée déterminée. Ces contrats signés en mars et août 2007 concernent respectivement un poste de secrétaire et un poste de chargé de

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communication. Faute de précision dans les contrats sur le contenu de ces postes, et d'autres éléments produits, et ce malgré l'observation du premier juge sur l'absence de tout élément sur le nombre de salariés de la société, la SARL TAC Up n'établit que ces emplois ont contribué ou contribuent à la création et au développement de la base de données ou s'ils participent à l'activité générale de la société qui est la commercialisation de produits.

Les référencements à Google et Yahoo ainsi que les factures de publicité qui composent le poste le plus important des investissements allégués par l'appelante (170.000,00 euros sur trois ans), sont inhérentes à la commercialisation par internet et ne peuvent entrer dans le cadre des dépenses précitées.

Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge l'a déclaré irrecevable à agir sur le fondement des dispositions des articles du code de la propriété industrielle, faute de qualité à agir.

En cause d'appel, il est également invoqué les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile lesquelles permettent au juge des référés de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, même en présence d'une contestation sérieuse, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SARL TAC UP se prévaut de l'antériorité de son site et du fait que les intimés auraient copié leur site en y intégrant bon nombre de fiches techniques et dans sa présentation générale.

Elle produit au soutien de son argumentation un constat d'huissier dressé le 25 septembre 2008 par maître DENIS.

La comparaison des sites des parties telle qu'elle ressort de ce constat, ne laisse pas apparaître de 'plagiat manifeste'. En effet, s'il est constant que les sites présentent des onglets sou le bandeau de leur nom et un menu déroulant sur la partie gauche, rien ne permet de noter que cette présentation aurait un caractère d'originalité, la majorité des sites internet se présentant de cette façon et les onglets étant différents d'un site à l'autre même si certains sont nécessairement communs, le contenu des menus en partie gauche et droite n'étant pas les mêmes et ne présentant pas les mêmes rubriques.

Enfin, le fait que le texte de présentation des produits DKN Technology soit identique fautes d'orthographe comprises ne concerne que six produits parmi les 200 proposés à la vente et ne saurait donc constituer une extraction massive de données susceptible de justifier l'existence d'un trouble manifestement illicite.

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La demande d'interdiction sera donc rejetée également sur le fondement de l'article 809 du code précité.

Il convient également de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a alloué à Thierry MACHEFERT la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celui-ci ayant été assigné en première instance et en appel alors que les noms de domaine ont tous deux été enregistrés par la société JTMM et Jt2m, et Thierry MACHEFERT n'étant que le gérant de la SARL JTMM.

La Cour estime devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des intimés à hauteur de 1.000,00 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 22 décembre 2008 par le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON .

Y ajoutant,

Déboute la SARL TAC UP de ses demandes.

La condamne à payer à la SARL JTMM et à Thierry MACHEFERT la somme de 1.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL TAC UP aux dépens avec distraction au profit des avoués de ses adversaires, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Madame Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre et par Madame Nicole MONTAGNE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.