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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 12 janvier 2021, n° 18/00400

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

ADF Bayard Musique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger-Le Gac, M. Garet

T. com. Draguignan, 1 avr. 2014

1 avril 2014

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte en date des 22 et 30 décembre 2009, la société DBA Production cédait à la société ADF Bayard Musique sa branche de fonds de commerce de production de musique et d'édition musicale.

La vente était conclue au prix total de 35.000 € dont 9.000 € pour les éléments incorporels et 26.000 € pour les éléments corporels, s'agissant d'un ensemble de matériels de studio (consoles de mixage, enceintes acoustiques etc) dont une liste énumérative était annexée à l'acte.

Le prix de vente était stipulé payable au moyen d'un crédit vendeur d'une durée de trente mois entre avril 2010 et octobre 2012.

Par ailleurs, un stock de CD était vendu à part, selon des modalités précisément définies à l'article 15 du contrat.

Par lettre recommandée du 3 mars 2010, la société ADF Bayard Musique adressait à la société DBA Production un état des matériels qui ne lui avaient pas été livrés, ce pour une somme totale de 12.250 € calculée par référence aux prix indiqués pour chacun des équipements cédés dans la liste annexée au contrat.

La société ADF Bayard Musique informait également la société DBA Production qu'elle venait de recevoir plusieurs oppositions à paiement du prix de vente, notamment de la part de l'administration pour des dettes fiscales de la cédante.

Enfin, elle lui reprochait de ne pas avoir réglé un solde de congés payés à devoir à un salarié dont le contrat de travail avait été transféré à l'occasion de la cession.

Pour l'ensemble de ces raisons, la société ADF Bayard Musique décidait de retenir le paiement des échéances du crédit vendeur pour les consigner sur le compte CARPA de son conseil.

Le 9 février 2011, rencontrant des difficultés pour rembourser ses emprunts et étant assignée à cette fin par son banquier devant le tribunal de commerce de Draguignan, la société DBA Production appelait en intervention forcée la société ADF Bayard Musique.

Par jugement du 11 octobre 2011, le tribunal de commerce de Draguignan, au visa d'une clause attributive de compétence insérée dans l'acte de cession, se déclarait incompétent au profit de celui de Nantes qui, finalement, allait procéder à la radiation de l'instance.

Par jugement du 1er avril 2014, le tribunal de commerce de Draguignan plaçait la société DBA Production en liquidation judiciaire et désignait Me Anne D. en qualité de liquidateur.

Alors que la société ADF Bayard Musique avait déclaré au passif de la procédure collective une créance de 12.250 € correspondant à la valeur du matériel qui ne lui avait pas été délivré par la société DBA Production, Me D. ès-qualités contestait cette créance et, parallèlement, réclamait à la société ADF Bayard Musique le paiement du prix de vente du fonds cédé, en l'occurrence la totalité du crédit vendeur que la société ADF Bayard Musique avait en effet retenu jusqu'alors.

Le 28 juillet 2014, la société ADF Bayard Musique réglait au liquidateur une somme de 12.748,86 €, l'acquéreur du fonds ayant en effet retenu une somme correspondant aux matériels non livrés ainsi que celle qu'elle avait précédemment réglée, en date du 4 février 2013, à l'administration fiscale pour le compte de la société DBA Production.

Au vu de la contestation élevée par le liquidateur, le juge commissaire du tribunal de commerce de Draguignan, statuant par ordonnance du 21 janvier 2015, sursoyait à l'admission de la créance déclarée par la société ADF Bayard Musique et renvoyait les parties à saisir la juridiction du fond, en l'occurrence le tribunal de commerce de Nantes déjà saisi.

Par jugement du 20 novembre 2017, ce tribunal ':

- recevait Me D., en qualité de liquidateur judiciaire de la société DBA Production, en son intervention volontaire à l'instance' ;

- jugeait que la société DBA Productions avait manqué à son obligation de délivrance d'une partie du matériel attaché à la branche de fonds de commerce cédée ;

- condamnait la société DBA Production au paiement d'une somme de 12.250 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution de son obligation contractuelle' ;

- fixait la créance de la société ADF Bayard Musique à due concurrence et jugeait que celle-ci serait admise au passif de la liquidation judiciaire de la société DBA Production ;

- condamnait la société DBA Production à payer à la société ADF Bayard Musique une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixait cette créance en frais privilégiés au passif de la liquidation' ;

- condamnait la société DBA Production aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 16 janvier 2018, Me D. ès-qualités interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 12 avril 2018, l'intimée les siennes le 11 juillet 2018.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 5 novembre 2020.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Me D., en qualité de liquidateur judiciaire de la société DBA Production, demande à la cour de :

- réformer le jugement sauf en ce qu'il a reçu Me D. en son intervention volontaire ;

- dire et juger que la demande de la société ADF Bayard Musique est irrecevable pour avoir été présentée en 2014 pour des faits datant de 2010 et ne pas avoir ainsi respecté le délai préfix d'un an prévu à l'article L 141-4 du code de commerce ';

- dire et juger que les allégations de dépôt en CARPA ne constituent pas des paiements et qu'en conséquence, vu l'article 1612 du code civil, à l'absence de paiements, l'obligation de délivrance cesse ';

- dire et juger qu'aucune preuve d'un manquement à l'obligation de délivrance n'est rapportée contradictoirement' ;

- dire et juger qu'une mise en demeure ne constitue pas une preuve quelconque, surtout pas celle d'un manquement à l'obligation de délivrance ';

- constater qu'en lecture du contrat avec effet rétroactif au 1er décembre 2009, l'obligation de délivrance a en tout état de cause été exécutée par la société DBA Production' ;

- dire et juger qu'en l'état de la clause fixant en le plafonnant à 15.000 € le prix du stock, seul ce prix doit être retenu, et que c'est à tort que le tribunal a exigé un inventaire ';

En conséquence,

- réformer la décision entreprise ;

- constater que le prix de vente de la branche cédée du fonds de commerce s'élève à 50.000€ ;

- constater que Me D. ès qualités n'a rien perçu sur la vente du stock ;

- constater que la société DBA Production justifie avoir rempli son obligation de délivrance ;

- débouter la société ADF Bayard Musique de sa demande de fixation de créance au passif ;

- constater que sur le prix de vente, seuls 12.748,86 € ont été payés ;

- condamner la société ADF Bayard Musique à payer entre les mains de Me D. ès-qualités la somme de 27.540,74 € correspondant au solde du prix de vente [en ce déjà déduite la somme de 9.710,40 € réglée à l'administration fiscale pour le compte de la société DBA Production] ;

- condamner la société ADF Bayard Musique à payer à Me D. ès-qualités la somme de 6.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au contraire, la société ADF Bayard Musique demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1315, 1604, 1605, 1606 et 1610 anciens du code civil,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ';

En conséquence,

- dire et juger les demandes de la société ADF Bayard Musique recevables et bien fondées' ;

- débouter Me D. ès-qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- dire et juger que la société DBA Production a manqué à son obligation de délivrance dans le cadre de la cession de sa branche de fonds de commerce à la société ADF Bayard Musique et notamment à la délivrance d'une partie du matériel affecté à la branche cédée ;

- condamner la société DBA Production à mettre en possession de la société ADF Bayard Musique le matériel non livré ;

- condamner la société DBA Production à verser à la société ADF Bayard Musique une somme de 12.250 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- fixer en conséquence la créance de la société ADF Bayard Musique à un montant de 12.250€ et dire et juger que celle-ci sera admise au passif de la société DBA Production ;

- prendre acte que la société ADF Bayard Musique a payé l'intégralité du prix de cession de la branche de fonds de commerce ;

- dire et juger que la société ADF Bayard Musique ne peut être tenue de reverser à Me D. une somme excédent 5.132,12 € au titre du prix du stock' ;

- prendre acte que la société ADF Bayard Musique tient le reliquat du stock invendu à la disposition de la société DBA Production ';

- condamner la société DBA Production à verser à la société ADF Bayard Musique la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance' ;

En toute hypothèse, et y additant,

- condamner la société DBA Production à verser à la société ADF Bayard Musique la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la recevabilité de l'action en dommages-intérêts intentée par la société ADF Bayard Musique' :

Expliquant que la société ADF Bayard Musique se plaint en réalité de l'inexactitude des énonciations figurant dans l'acte de cession quant à la liste des matériels cédés, Me D. ès-qualités prétend lui opposer l'irrecevabilité de l'action en garantie fondée sur l'article L 141-3 du code de commerce, laquelle est enfermée dans un délai préfix d'un an à compter de la date de la prise de possession, ce par application de l'article L 141-4.

Cependant et ainsi que la société ADF Bayard Musique le fait valoir à juste titre, l'action qu'elle intente à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société DBA Production ne relève pas de la garantie prévue à l'article L 141-3 du code de commerce, l'acquéreur la fondant plus généralement sur l'obligation de délivrance qui incombe à tout vendeur en application des articles 1604 et suivants (anciens) du code civil.

En d'autres termes, la société ADF Bayard Musique n'invoque pas l'inexactitude de la liste des matériels cédés telle qu'annexée à l'acte de cession, mais seulement le fait que, postérieurement à la signature du contrat, la société DBA Production a omis de lui délivrer une partie des matériels convenus.

Ainsi, reprochant à la société DBA Production d'avoir manqué à son obligation contractuelle de délivrance, la société ADF Bayard Musique réclame des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi pour ne pas avoir été mise en possession de l'ensemble des matériels convenus.

Engagée dans le délai de la prescription de droit commun, cette action est donc recevable.

II - Sur le bien-fondé de l'action indemnitaire ':

L'article 1612 ancien du code civil dispose que le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le paiement.

Pour autant, il résulte des articles 1604 et 1651 du code civil que, sauf convention particulière, l'obligation, pour l'acheteur, de payer le prix de vente résulte de l'exécution complète, par le vendeur, de son obligation de délivrance.

En l'occurrence, il est constant que l'acte de vente prévoyait un règlement du prix sous la forme d'un crédit vendeur d'une durée de trente mois avec un premier règlement prévu pour la fin du mois d'avril 2010.

Dès lors, c'est à tort que le liquidateur judiciaire de la société DBA Production, se prévalant du principe de l'exception d'inexécution, prétend que celle-ci n'était pas tenue de son obligation de délivrance tant que la société ADF Bayard Musique n'avait pas réglé le prix convenu.

Au contraire et nonobstant le crédit accordé à la société ADF Bayard Musique, la société DBA Production était tenue de lui délivrer, dès la signature du contrat et sans délai particulier, l'intégralité des matériels énumérés à la liste annexée à l'acte de vente.

De même, c'est vainement que le liquidateur judiciaire de la société DBA Production, pour prétendre interdire toute action à son encontre, invoque les articles 8 et 9 du contrat aux termes desquels la société ADF Bayard Musique a reconnu être devenue propriétaire de tous les éléments cédés rétroactivement à compter du 1er décembre 2009, ou encore le fait que l'acquéreur se soit engagé à prendre possession du matériel cédé «'dans l'état ou le tout se trouvera au jour de la prise de jouissance, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité [...] pour quelque cause que ce soit'».

En effet, c'est précisément en sa qualité de propriétaire qui n'a pas été mis en possession de l'ensemble des matériels cédés que la société ADF Bayard Musique agit à l'encontre du vendeur, sans que celui-ci puisse lui opposer une sorte de présomption d'entrée en jouissance rétroactive.

En toute hypothèse, les clauses précitées ne sauraient vider de sa substance l'obligation de délivrance qui incombe à tout vendeur, étant encore rappelé' :

- d'une part qu'il n'est pas allégué que tout ou partie du matériel ait été délivré à la société ADF Bayard Musique antérieurement à la signature de l'acte (l'acquéreur se prévalant quant à lui de livraisons qui, bien qu'incomplètes, sont intervenues les 27 janvier et 4 février 2010) ';

- d'autre part que c'est au vendeur qu'il appartient de rapporter la preuve qu'il a mis la chose vendue à la disposition de l'acheteur.

Or, la société DBA Production ne rapporte pas cette preuve en se bornant à produire, pour seule tentative de justification de ses affirmations, un message du 26 mai 2016 émanant de M. Jean-Marc B., ex-gérant de la société DBA Production, qui «'certifie sur l'honneur avoir procédé personnellement à la livraison des matériels manquants'» à l'occasion d'une «'seconde livraison'» dont il ne précise même pas la date, et qui ajoute au surplus n'avoir jamais été informé d'une quelconque difficulté postérieurement à ce deuxième transport.

En effet, cette déclaration, qui émane d'une personne directement intéressée au procès, est contredite par les éléments du dossier puisque, si l'on admet que M. B. fait allusion au transport du 4 février 2010 (soit le «'second'», après celui du 27 janvier 2010), pour autant il est établi qu'il a donné lieu à un courrier de récrimination adressé par le conseil de la société ADF Bayard Musique à M. B. le 3 mars 2010, courrier aux termes duquel il était déploré l'absence de livraison d'un certain nombre de matériels inclus dans le périmètre de la vente («'Notre cliente va aujourd'hui de déboires en déboires dans cette opération dans la mesure où le matériel qui lui a été livré les 27 janvier et 4 février 2010 est incomplet et il manque [etc]'».

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a jugé que la société DBA Production avait manqué à son obligation de délivrance.

Partant, la société ADF Bayard Musique est recevable et fondée à réclamer, alternativement à l'exécution forcée du contrat ou encore à sa résolution, plutôt l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait du non-respect de l'obligation contractuelle incombant à la société DBA Production, et ce par application de l'article 1611 ancien du code civil.

Contrairement aux affirmations de l'appelante, il n'y a là aucun paradoxe, quand bien même la société ADF Bayard Musique n'aurait pas réglé le prix de vente du fonds, étant en effet rappelé que la fixation de la créance de dommages-intérêts au passif de la procédure collective de la société DBA Production n'a pas d'autre objet que de permettre à l'acquéreur de solliciter, par application de l'article L 622-7 du code de commerce qui autorise le paiement par compensation de créances connexes même en période de procédure collective, que le liquidateur soit débouté de sa demande en paiement du solde du prix de vente, du moins à concurrence des dommages-intérêts accordés à l'acquéreur.

Quant à leur montant, ces dommages-intérêts seront liquidés, conformément à la demande de la société ADF Bayard Musique et eu égard à l'énumération des matériels manquants, par référence au prix de vente convenu pour chacun des matériels tel que figurant sur la liste annexée au contrat, et ce pour une somme totale de 12.250 €.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ADF Production.

En revanche, il ne pourra qu'être infirmé en ce qu'il l'a en outre «'admise'» au passif de la liquidation, seul le juge commissaire ayant compétence pour statuer sur une demande d'admission, et ce conformément aux dispositions de l'article L 624-2 du code de commerce.

III - Sur les sommes restant dues à la liquidation judiciaire' :

A - Sur le solde du prix de vente' :

Il est constant que la société ADF Bayard Musique n'a réglé, jusqu'à ce jour, qu'une somme de 12.748,86 € sur un prix de vente d'un montant total de 35.000 €.

Pour autant et ainsi qu'il a été précédemment démontré, la société ADF Bayard Musique est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L 622-7 du code de commerce pour opposer compensation de sa dette avec celle, strictement connexe, de la société DBA Production.

De même, la société ADF Bayard Musique est fondée à se prévaloir du paiement de la somme de 9.725,63 € qu'elle a réglée le 4 février 2013 pour le compte de la société DBA Production par suite de l'opposition à paiement formée par l'administration fiscale par acte du 19 février 2010.

A cet égard, c'est à tort que le liquidateur judiciaire se prévaut de l'irrégularité de ce paiement au motif, tiré de l'article L 622-21.II du code de commerce, que le jugement d'ouverture interdit toute procédure d'exécution ou de distribution qui n'aurait déjà produit un effet attributif.

En effet, cette règle ne saurait s'appliquer en l'occurrence dans la mesure où le paiement en cause, en date du 4 février 2013, est très largement antérieur à l'ouverture de la procédure collective, elle-même initiée par jugement de redressement judiciaire en date du 11 février 2014, finalement converti en liquidation par jugement du 1er avril 2014.

Dès lors, parfaitement régulier, le paiement effectué par la société ADF Bayard Musique doit être pris en compte et, en conséquence, déduit de la somme restant due en règlement du prix de vente.

En définitive et après déduction de l'ensemble des sommes qui précèdent (35.000 - 12.748,86 - 12.250 - 9.725,63), la société ADF Bayard Musique reste devoir à la liquidation judiciaire de la société DBA Production un solde de 275,51 €.

B - Sur le paiement du stock de CD ':

Il est constant que ce stock ne faisait pas partie des éléments corporels de la branche de fonds de commerce cédée, et donc du prix de vente précédemment évoqué, leur sort ayant été déterminé par une clause distincte insérée à l'article 15 du contrat qui est rédigée comme suit' :

«'Le stock de pièces et marchandises existant au jour de l'entrée en jouissance fera l'objet d'un inventaire contradictoirement dressé entre les parties.

Les conditions de reprise du stock sont les suivantes' :

Le stock doit être constitué de marchandises saines et commercialisables selon l'avis commun des parties.

Le stock sera mis en dépôt dans les locaux de la société ADF Bayard Musique et racheté au fur et à mesure des ventes réalisées pendant la période de 34 mois du crédit vendeur expirant le 31 décembre 2012, sur la base d'un prix de 2,30 € par CD.

Le prix global du stock est plafonné à 15.000 €.

Si, à l'issue du crédit vendeur, le prix payé atteint ce montant, les articles non vendus seront conservés par le cessionnaire.

Si, en revanche, le prix payé est inférieur, le reliquat du stock sera acquis à une valeur actualisée, sans que le prix global (reliquat et CD déjà achetés) excède 15.000 €.

Il sera procédé au transfert du stock dans les locaux du cessionnaire au plus tard le 31 décembre 2009, les frais de transport incombant à celui-ci.

Toutefois, en cas de réalisation de la condition résolutoire, les frais de transport de retour seront à la charge du cédant.'»

Pour refuser de régler à ce titre à la liquidation judiciaire de la société DBA Production une somme supérieure à 5.132,12 €, la société ADF Bayard Musique fait valoir ':

- qu'elle n'a pas réussi à vendre la totalité des CD, n'étant parvenue à en vendre que 2.917 unités, ce pour un prix total de 6.709,10 € (2.917 X 2,30 €)' ;

- que, par ailleurs, elle a dû régler à M. Philippe P., salarié dont le contrat de travail lui avait été transféré dans le cadre de la cession, une somme de 1.576,98 € correspondant à un reliquat de congés payés que la société DBA Productions avait négligé de régler à son salarié pour la période antérieure à la cession, ce qui justifie la déduction de cette somme, par compensation, du solde du prix du stock de CD non vendus' ;

- que la valeur marchande de ce stock demeure très théorique et, en toute hypothèse, ne saurait être fixée à 15.000 €, la société ADF Bayard Musique le tenant d'ailleurs à la disposition du liquidateur s'il souhaite le reprendre.

La cour ne pourra pas suivre la société ADF Bayard Musique dans cette analyse, observant en effet' :

- que l'intimée dispose toujours d'un stock de 7.996 CD ainsi qu'il résulte de sa pièce n° 22, ce stock ayant donc une valeur théorique de 18.390,80 € (7.996 X 2,30 €)' ;

- que les parties s'étaient entendues pour que les articles non vendus à l'expiration du crédit vendeur soient acquis par la société ADF Bayard Musique qui, en contrepartie, s'engageait à le racheter pour sa valeur théorique sans toutefois qu'elle puisse excéder la somme de 15.000 €' ;

- qu'il n'a donc jamais été convenu que les invendus soient repris par la société DBA Production, la société ADF Bayard Musique ne pouvant pas, dès lors, prétendre le lui imposer aujourd'hui ';

- que la société ADF Bayard Musique ne peut pas non plus soutenir que les invendus ne seraient pas des marchandises «'saines et commercialisables'» au sens de l'article 15, alors en effet qu'il n'est pas allégué que les CD soient en mauvais état, alors surtout que le prix convenu pour la reprise est particulièrement modéré et sans rapport avec un prix public.

En conséquence, la liquidation judiciaire de la société DBA Production est fondée à réclamer la condamnation de la société ADF Bayard Musique à lui régler la somme de 15.000 €, sauf à en déduire, par voie de compensation entre créances connexes conformément à l'article L 622-7 du code de commerce, celle de 1.576,98 € réglée par la société ADF Bayard Musique pour le compte de la société DBA Production.

La société ADF Bayard Musique sera donc condamnée à régler à Me D. ès-qualités, pour solde de tout compte, une somme totale de 13.698,53 € (soit 275,51 + 15.000 - 1.576,98).

Les deux parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin et compte tenu de la succombance partielle de chacune des parties, il convient d'ordonner le partage par moitié des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- confirme le jugement en ce qu'il a reçu Me D. en son intervention volontaire à l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société DBA Production, en ce qu'il a jugé que la société DBA Production avait manqué à son obligation de délivrance d'une partie du matériel cédé à la société ADF Bayard Musique, et en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société DBA Production une créance de 12.500 € au profit de la société ADF Bayard Musique ';

- l'infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant ':

* ordonne la compensation entre les créances connexes respectives de la société DBA Production et de la société ADF Bayard Musique ';

* en conséquence et après compensation, condamne la société ADF Bayard Musique à payer à Me D. ès-qualités une somme restant due de 13.698,53 € pour solde de tout compte' ;

* déboute les parties du surplus de leurs demandes, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* partage par moitié entre les parties les entiers dépens de première instance et d'appel.