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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 5 juillet 2023, n° 22/19019

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

UPSA (SAS), Bristol-Myers Squibb (SARL)

Défendeur :

Pyxis Services (SAS), Sagitta Pharma (SAS), Pyxis Pharma SRA (Association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

M. Richaud, Mme Lehmann

Avocats :

Me Fromantin, Mme Prade, Me Guerre, Me Testu

TGI Paris, du 2 juin 2021, n° 14/17914

2 juin 2021

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Bristol-Myers Squibb (ci-après "la SARL BMS"), filiale française du groupe pharmaceutique américain Bristol-Myers Squibb (ci-après, "le groupe BMS"), avait pour activité principale la commercialisation de médicaments sous le statut d'établissement pharmaceutique au sens de l'article L. 5142 du code de la santé publique.

Par apport partiel d'actif du 1er avril 2015, la branche d'activité fabrication et vente des produits de la gamme UPSA a été cédée à la SAS UPSA, filiale du groupe BMS bénéficiant également du statut d'établissement pharmaceutique en charge de la commercialisation de l'ensemble des spécialités de la gamme UPSA.

La SAS Pyxis Services (anciennement dénommée Pyxis Pharma puis Mon Courtier en Pharmacie) était, au sens de l'article D. 5215-24-1 du code de la santé publique, une structure de regroupement à l'achat (ci-après, une "SRA") réunissant des officines de moyenne ou petite taille, telle la Selarl Pharmacie [T] [8], gérée par le même représentant légal, monsieur [Y] [T]. Alors adossée à la centrale d'achat pharmaceutique SAS Sagitta Pharma intervenant en qualité de prestataire logistique stockant les produits achetés par la SRA pour le compte de ses adhérents, elle exerce désormais une activité de courtier en médicaments, l'activité de SRA étant assumée par l'association Pyxis Pharma SRA, soumise à la loi du 1er juillet 1901.

Expliquant avoir découvert que la Selarl Pharmacie [T] [8] avait commandé des médicaments non remboursables de la gamme UPSA, non pour ses besoins propres mais pour les revendre, via le site internet accessible sous le nom de domaine lacentralepharma.com exploité par la SAS Pyxis Pharma et la SAS Sagitta Pharma, à d'autres officines de pharmacie à des prix unitaires remisés de 30 % inférieurs à ceux qu'elle aurait pratiqué à leur égard, la SARL BMS a :

- fait dresser par huissier de justice un procès-verbal de constat en ligne les 20 et 21 février 2014 ;

- mis en demeure la Selarl Pharmacie [T] [8], la SAS Pyxis Pharma et la SAS Sagitta Pharma de cesser la commercialisation de ces produits ;

- fait signifier à celles-ci par huissier de justice le 18 mars 2014 une sommation d'avoir à cesser de vendre ces derniers ;

- fait dresser par huissier de justice un second procès-verbal de constat en ligne le 27 mars 2014.

Par ordonnance rendue sur requête le 3 avril 2014 par le président du tribunal de commerce de Tours sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la SAS UPSA a été autorisée à faire procéder par huissier à des opérations de constat dans les locaux des sociétés Pyxis Pharma et Sagitta Pharma.

C'est dans ces circonstances que, estimant que ces faits caractérisaient l'organisation d'un réseau de rétrocession illicite de médicaments en gros, la SARL BMS a, par acte d'huissier des 27 novembre et 1er décembre 2014, assigné la Selarl Pharmacie [T] [8], la SAS Pyxis Pharma et la SAS Sagitta Pharma devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation des actes de concurrence déloyale qu'elle leur imputait. La SAS UPSA intervenait volontairement à l'instance.

Par jugement du 25 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné in solidum les sociétés [T]-[8], Pyxis Pharma et Sagitta Pharma à payer à la société à la SAS UPSA la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS Pyxis Pharma après les avoir déclarées recevables ;

- débouté toutes les parties de leurs plus amples demandes ;

- condamné in solidum les sociétés [T]-[8], Pyxis Pharma et Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les sociétés [T]-[8], Pyxis Pharma et Sagitta Pharma aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 18 novembre 2016, les sociétés Bristol-Myers Squibb et UPSA ont interjeté appel de ce jugement en intimant la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma qui, par déclaration reçue au greffe le 10 avril 2017, ont à leur tour interjeté appel de cette décision, ces deux appels étant joints par ordonnance du 20 mars 2018. L'association Pyxis Pharma SRA intervenait volontairement à l'instance d'appel en soutenant avoir repris l'activité de SRA de la SAS Pyxis Services.

Par arrêt du 2 juin 2021, la cour d'appel de Paris a statué en ces termes :

- "Réforme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société BMS ;

- Statuant de nouveau sur ce point, dit que les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma et Pharmacie [T] [8] sont entièrement responsables des conséquences dommageables subies par les sociétés UPSA et BMS du fait des rétrocessions illicites effectuées au moyen du site internet www.lacentralepharma.com ;

- Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés BMS et UPSA de leur

- demande au titre du préjudice commercial ;

- Statuant de nouveau sur ce point :

* Condamne in solidum les sociétés Pharmacie [T] [8], Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma, à payer à la société UPSA une somme de 163 996 euros au titre du préjudice économique sur la période 2010 - 17 avril 2014 ;

* Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma à payer à la société UPSA une somme de 54 914 euros au titre du préjudice économique sur la période postérieure au 17 avril 2014 et allant jusqu'au 29 juillet 2015 ;

* Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma à payer à la société UPSA une somme complémentaire de 5 000 euros au titre de la perte de marge, pour la période postérieure au 29 juillet 2015 ;

- Réforme le jugement en ce qu'il a limité les dommages-intérêts alloués à la société UPSA à la somme de 30 000 euros au titre du préjudice de désorganisation commerciale et d'atteinte à l'image ;

- Statuant de nouveau sur ce point, condamne in solidum les sociétés Pharmacie [T] [8], Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma, à payer à la société UPSA une somme de 50 000 euros au titre du préjudice de désorganisation commerciale ;

- Réforme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de publication de la décision ;

- Statuant à nouveau sur ce point, ordonne la publication du présent arrêt, intégralement ou par extrait, dans trois journaux ou magazines au choix de la société UPSA, ainsi que sur le site internet www.lacentralepharma.com, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder 15 000 euros HT à la charge in solidum des sociétés Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma ;

- Pour le surplus et y ajoutant :

* Confirme le jugement entrepris ;

* Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en pharmacie, Sagitta pharma et Pharmacie [T] [8] à verser à chacune des sociétés BMS et UPSA une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Condamne in solidum les sociétés Mon courtier en pharmacie, Sagitta pharma et Pharmacie [T] [8] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande".

Par décision du 29 juin 2022, la cour d'appel de Paris a rejeté la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par la Selarl Pharmacie [T] [8], l'association Pyxis Pharma SRA, la SAS Pyxis Pharma et la SAS Sagitta Pharma portant sur le calcul du préjudice subi par la SAS UPSA.

Cependant, par arrêt du 28 septembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 2 juin 2021 mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Pharmacie [T] [8], Mon Courtier en Pharmacie et Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA les sommes de 163 996 euros au titre du préjudice économique sur la période écoulée entre l'année 2010 et le 17 avril 2014, 54 914 euros pour la période postérieure au 17 avril 2014 jusqu'au 25 juillet 2015, et 5 000 euros pour la période postérieure au 29 juillet 2015. Elle motivait sa décision en ces termes :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice

15. La réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi.

16. Pour évaluer le préjudice commercial lié à la perte de marge de la société Upsa, l'arrêt, après avoir retenu que l'organisation du réseau de rétrocession illicite a eu pour but et pour effet d'obtenir pour des officines commandant des petites quantités de médicaments de remises correspondant au plein volume des commandes passées par l'intermédiaire de la société Pharmacie [T] [8], tandis que ces officines n'auraient pu bénéficier de ce taux de remise compte tenu de la politique commerciale mise en place par le fournisseur, énonce que le préjudice indemnisable qui en découle s'évalue à la perte de marge causée par la différence entre les marges obtenues et celles qui auraient été obtenues par les officines adhérentes de la SRA, si elles avaient traité directement avec le fournisseur. L'arrêt procède ensuite à l'évaluation du préjudice en retranchant le chiffre d'affaires effectif, correspondant à la somme effectivement payée annuellement au laboratoire avec remise de 30 %, de la somme correspondant au plein tarif avant application de toute remise pour la même année, somme à laquelle il applique le taux de marge de la société Upsa.

17. En statuant ainsi, alors que la méthode d'évaluation qu'elle avait elle-même fixée aurait dû la conduire à retrancher le chiffre d'affaires effectif de la somme correspondant au chiffre d'affaires théorique après remise de 20 %, c'est-à-dire la somme que les officines auraient dû payer compte tenu de la remise à laquelle elles pouvaient prétendre, et non la somme qu'elles auraient dû payer sans aucune réduction, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Par déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2022, la SAS UPSA et la SARL BMS ont saisi la cour de renvoi.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 mai 2023 par la voie électronique, la SAS UPSA et la SARL BMS demandent à la cour, au visa des articles 631 et 638 du code de procédure civile et 1382 et 1383 du code civil (anciennement applicables) :

- de recevoir la SAS UPSA et la SARL BMS en leurs présentes écritures et les y déclarer bien fondées ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS UPSA de ses demandes relatives à la réparation de son préjudice commercial, et statuant à nouveau ;

- à titre principal, de :

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma et la Selarl Pharmacie [T] [8] à verser à la SAS UPSA la somme de 306 131,59 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre 2010 et le 17 avril 2014 ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA la somme de 102 507,99 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA une somme mensuelle de 9 133,68 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir ;

- à titre subsidiaire, de :

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma et la Selarl Pharmacie [T] [8] à verser à la SAS UPSA la somme de 67 348,60 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre 2010 et le 17 avril 2014 ;

condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA la somme de 48 973,46 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA une somme mensuelle de 2 082,12 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir ;

- à titre infiniment subsidiaire, de :

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma et la Selarl Pharmacie [T] [8] à verser à la SAS UPSA la somme de 39 524,58 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre 2010 et le 17 avril 2014 ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA la somme de 27 914,87 euros en réparation de son préjudice commercial subi du fait des actes de concurrence déloyale dont elle a été victime entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015 ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à verser à la SAS UPSA une somme mensuelle de 1 186,80 euros au titre de son préjudice commercial subi entre le 30 juillet 2015 et la décision à intervenir ;

- en tout état de cause, de :

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA à verser à la SAS UPSA une somme globale de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA aux entiers dépens

En réponse, dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mars 2023, la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA demandent à la cour, au visa des articles L. 442-6 ancien (devenu L. 442-1) et L. 441-6 ancien (devenu L. 441-1) du code de commerce, R. 5124-2-15° et D. 5125-24-16 du code de la santé publique et 1231-2 et 1240 du code civil :

- à titre principal :

* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la SAS UPSA et la SARL BMS n'avaient subi aucun préjudice commercial ;

* d'ordonner à la SAS UPSA et à la SARL BMS, qui y seront solidairement tenues, de restituer de la somme de 223 910 euros versée par les intimées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 2021, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard en l'absence de paiement par la SAS UPSA ou par la SARL BMS sous un délai de huit jours à compter de la signification à partie de la décision à intervenir ;

- à titre subsidiaire :

* de fixer le préjudice commercial subi par les Appelantes à la somme de 41 933,70 euros ;

* en conséquence, d'ordonner à la SAS UPSA et à la SARL BMS, qui y seront solidairement tenues, la restitution aux intimées du montant trop-perçu en exécution de la première décision d'appel, à savoir 181 976,30 euros, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard en l'absence de paiement par la SAS UPSA ou la SARL BMS sous un délai de huit jours à compter de la signification à partie de la décision à intervenir ;

- en tout état de cause, de :

* rejeter l'ensemble des demandes de la SAS UPSA et de la SARL BMS ;

* condamner in solidum la SAS UPSA et la SARL BMS à verser à chacun des défendeurs la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner in solidum la SAS UPSA et la SARL BMS aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie à la décision entreprise et aux arrêts postérieurs ainsi qu'aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur le préjudice économique de la SAS UPSA

Moyens des parties

Au soutien de leurs prétentions, la SAS UPSA et la SARL BMS exposent que la cour de renvoi n'est saisie que de l'appréciation du quantum du préjudice subi par la SAS UPSA dont le principe est définitivement acquis. Elles précisent que, si le taux de remise de 14,75 % est également celui applicable aux grossistes, les conditions générales de vente appliquées à la SAS Pyxis Services étaient celles des SRA et des CAP. Elles soutiennent :

- à titre principal, que le préjudice doit être calculé au regard du chiffre d'affaires HT réalisé par la SAS Pyxis Services et/ou la SAS Sagitta Pharma avec la gamme UPSA via le site litigieux, après déduction du taux de remise que la SAS UPSA consent habituellement aux pharmaciens d'officine (au regard des quantités commandées) et multiplié par son taux de marge brute, suffisamment établi par l'attestation de son commissaire aux comptes ;

- subsidiairement, que le préjudice réside dans le manque à gagner résultant de la différence entre les tarifs appliqués aux intermédiaires (remise de 14,75 %) et ceux effectivement pratiqués envers les officines pharmaceutiques (remise de 30 %) ;

- à défaut, que le préjudice réside dans la marge brute afférente au manque à gagner ainsi défini.

En réponse, la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA exposent que la SAS UPSA ne démontre ni perte de chiffre d'affaires ni perte de marge commerciale et qu'elle ne justifie pas de la mesure de son préjudice. Elles précisent que la SAS Pyxis Services, à raison de sa qualité de commissionnaire à l'achat, n'aurait pas dû se voir proposer les tarifs applicables aux grossistes, soit le taux de 14,75 %, et que le préjudice dont la réparation est poursuivie est illégitime juridiquement puisqu'il correspond au maintien d'un avantage indu résidant dans l'application aux petites et moyennes officines d'un tarif plus élevé que les grossistes en dépit de leur regroupement opéré dans le respect du décret n° 2009-741 du 19 juin 2009.

Subsidiairement, elles expliquent que la SAS UPSA ne justifie pas de son taux de marge, aucun élément comptable n'étant fourni sur la méthode de calcul utilisée et notamment sur les différents coûts variables qui ont dû être retranchés du chiffre d'affaires pour parvenir à de tels taux, anormalement élevés au regard du type d'activité en cause, le commissaire aux comptes ne précisant pas la nature de la marge certifiée. Elles ajoutent que l'indemnisation sollicitée pour la période postérieure au 31 décembre 2015 est infondée puisqu'elles ont cessé toute commercialisation à compter du 1er janvier 2016, le reliquat du stock de produits UPSA ayant été écoulé durant le semestre suivant pour un montant total de 8 169 euros par les pharmacies [T] [8] et [7] [T]. Elles exposent par ailleurs que le manque à gagner de la SAS UPSA réside, non dans la marge brute sur le chiffre d'affaires total généré, mais dans l'application de son taux de marge au différentiel entre le montant effectivement payé pour acquérir les produits litigieux, sous le bénéfice d'un taux de remise de 30 %, et celui qui était effectivement dû par application d'un taux de remise de 20 %. Elles indiquent que la demande subsidiaire consistant à maintenir le tarif grossiste avec remise de 14,75 % est incohérente et ne peut concerner le chiffre d'affaires perdu mais exclusivement les bénéfices manqués. Elles exposent plus subsidiairement que "le seul raisonnement soutenable serait de calculer la différence entre le chiffre d'affaires généré par les commandes passées par la SRA Pyxis Pharma, soit les commandes avec un taux de remise de 30 %, et le chiffre d'affaires qui aurait été généré si les commandes avaient été passées directement par les officines, soit avec un taux de remise de 20 %".

Réponse de la cour

A titre liminaire, la Cour constate que, conformément aux articles 631 et 638 du code de procédure civile, la Cour de cassation ayant cassé et annulé l'arrêt du 2 juin 2021 seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Pharmacie [T] [8], Mon Courtier en Pharmacie et Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA les sommes de 163 996 euros au titre du préjudice économique sur la période écoulée entre l'année 2010 et le 17 avril 2014, 54 914 euros pour la période postérieure au 17 avril 2014 jusqu'au 25 juillet 2015, et 5 000 euros pour la période postérieure au 29 juillet 2015, cette décision est définitive des chefs de dispositif suivants :

- "dit que les sociétés Pyxis Pharma, Sagitta Pharma et Pharmacie [T] [8] sont entièrement responsables des conséquences dommageables subies par les sociétés UPSA et BMS du fait des rétrocessions illicites effectuées au moyen du site internet www.lacentralepharma.com" ;

- "condamne in solidum les sociétés Pharmacie [T] [8], Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma, à payer à la société UPSA une somme de 50 000 euros au titre du préjudice de désorganisation commerciale" ;

- "ordonne la publication du présent arrêt, intégralement ou par extrait, dans trois journaux ou magazines au choix de la société UPSA, ainsi que sur le site internet www.lacentralepharma.com, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder 15 000 euros HT à la charge in solidum des sociétés Mon courtier en pharmacie et Sagitta Pharma" ;

- "pour le surplus et y ajoutant, confirme le jugement entrepris".

Aussi, est exclusivement en débat la détermination du quantum de l'indemnisation due à la SAS UPSA dont le principe est définitivement acquis (soit le chef du dispositif du jugement entrepris rejetant les demandes de la SAS UPSA au titre de son préjudice commercial), l'arrêt de la cour d'appel ayant été cassé pour une contradiction de motifs consistant pour celle-ci à ne pas appliquer la méthode d'évaluation qu'elle avait elle-même déterminée, et non en ce qu'elle estimait certain le préjudice et en a déclaré les intimées entièrement responsables, en écartant en cette occasion la faute du fournisseur à qui était imputé, outre une pratique discriminatoire, une tolérance sinon une participation consciente au dispositif illégal. De ce seul fait, le moyen des intimées tendant à contester le principe du préjudice à raison de son caractère illégitime, qui découlerait de l'illicéité de la situation de laquelle procèderait le dommage, est inopérant.

Surabondamment, la Cour constate qu'il est également infondé car, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation en rejetant le premier moyen qui lui était soumis, le refus du fournisseur de communiquer à la SRA, qui n'appartient pas à la même catégorie d'acheteurs que les officines, les conditions générales qu'il réserve à ces dernières est fondé sur la différence objective entre celles-ci et celle-là. Le fait que les appelantes aient proposé l'application à la SRA du taux de 14,75 %, certes identique à celui pratiqué à l'égard des grossistes mais néanmoins stipulé dans des conditions générales de vente distinctes, n'est pas pertinent pour deux raisons. D'une part, cette pratique, même à la supposer irrégulière, ne peut justifier l'organisation d'un dispositif de rétrocession en gros de médicaments. D'autre part, le préjudice, tel qu'il a été déterminé définitivement en son principe, découle de l'inapplication du taux de remise dont aurait dû bénéficier, non la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma, mais les officines acheteuses. A cet égard, il importe peu que la SAS UPSA évalue à titre subsidiaire son préjudice par référence à une remise de 14,75 % puisque cette méthode est en contradiction avec la définition qu'elle a elle-même retenue de son préjudice et qui est identique à celle adoptée par la cour d'appel, cette erreur n'affectant ainsi pas sa légitimité mais la détermination de sa mesure.

Demeure en conséquence l'évaluation du préjudice qui doit être opérée en considération de la définition de la faute et du dommage livrée par l'arrêt de la cour d'appel du 2 juin 2021, définitif sur ce point. A ce titre, elle a jugé, s'appropriant les motifs du tribunal que la Cour adopte à son tour, que, entre le 20 août 2010 et le 29 juillet 2015, les petites officines adhérentes de la SRA Pyxis Pharma ont indirectement profité de taux de remise supérieurs à ceux auxquels elles auraient pu prétendre si elles avaient commandé en direct en application des conditions générales de vente de la SAS UPSA qui leur étaient applicables, et ce grâce au dispositif déployé par les intimées qui consistait à grouper leurs commandes passées par la Selarl Pharmacie [T] [8] qui assurait la réception des marchandises et en faisait payer le prix par la SRA Pyxis Pharma qui les revendait ensuite à ses adhérents via le site lacentralepharma.com. Elle qualifiait ces faits d'infractions à la prohibition de la rétrocession en gros de médicaments au sens des articles L. 5124-1 et L. 5125-1 du code de la santé publique et, partant, d'actes de concurrence déloyale.

La faute ainsi définie, elle précisait que l'organisation du réseau de rétrocession illicite avait eu pour but et pour effet de faire bénéficier à des officines commandant en réalité des petites quantités de médicaments de remises correspondant au plein volume des commandes passées par l'intermédiaire de la Selarl Pharmacie [T] [8] alors que ces officines ne pouvaient y prétendre en application de la politique commerciale mise en place par le fournisseur. Elle en déduisait que le préjudice indemnisable s'évaluait à la perte de marge appliquée à la différence entre les marges effectivement obtenues et celles dont auraient bénéficié les officines adhérentes de la SRA si elles avaient traité directement avec le fournisseur.

C'est la concrétisation de cette méthode qui a fondé la cassation partielle en ce qu'elle impliquait, pour déterminer l'assiette à laquelle appliquer le taux de marge de la SAS UPSA, non de soustraire le chiffre d'affaires affecté de la remise de 20 % du chiffre d'affaires plein tarif, mais de retrancher le chiffre d'affaires après remise de 30 % du chiffre d'affaires après remise de 20 %, c'est-à-dire la somme que les officines auraient dû payer compte tenu de la remise à laquelle elles pouvaient prétendre.

Au regard de la faute définitivement retenue et de ses effets, cette assiette de préjudice et cette méthode, qui n'ont fait l'objet d'aucune censure par la Cour de cassation, seront adoptées par la Cour : victime d'actes de concurrence déloyale consistant en des rétrocessions en gros de médicaments, la SAS UPSA n'a pas été privée de l'application aux intimées d'un taux de remise de 14,75 % valable pour les intermédiaires selon ses conditions générales de vente catégorielles, mais de commandes directes des officines, acheteuses finales des produits commandés en gros par la Selarl Pharmacie [T] [8] et payés et revendus par la SAS Pyxis Pharma, affectées du taux de remise correspondant. C'est d'ailleurs ainsi qu'elle définit elle-même son préjudice (page 12 de ses écritures) :

['] la société UPSA - qui est venue aux droits de la société BMS France à la suite de l'apport partiel d'actifs intervenu en avril 2015 - a subi un préjudice consistant à avoir été privée de commandes de produits par les pharmaciens d'officines lesquels ont préféré s'approvisionner par l'intermédiaire du site litigieux.

Il est établi que les agissements illicites ont permis aux sociétés PYXIS PHARMA et/ou SAGITTA PHARMA de vendre sur le site litigieux des produits de la gamme UPSA avec des remises de 27 % à 30 % par unité.

Or, si les sociétés PYXIS PHARMA et SAGITTA PHARMA n'avaient pas organisé un système de rétrocession illicite, elles n'auraient pas pu pratiquer des remises de 27 à 30 % sur le site litigieux, de telle sorte que les pharmaciens d'officine auraient commandé directement les produits de la gamme UPSA auprès de la société BMS France puis UPSA, et ce aux prix pratiqués envers les officines.

C'est également le périmètre retenu par les intimées à titre infiniment subsidiaire (pages 17 et 18 de leurs écritures, extrait cité supra dans l'exposé de ses moyens).

Ce raisonnement invalide les trois méthodes proposées par la SAS UPSA qui souffrent en outre des incohérences suivantes :

- la première, qui consiste à appliquer son taux de marge brute au chiffre d'affaires HT réalisé par la SAS Pyxis Services et/ou la SAS Sagitta Pharma avec la gamme UPSA via le site litigieux, après déduction du taux de remise qu'elle consent habituellement aux pharmaciens d'officine (20 %), occulte le fait que les produits revendus par les intimées ont été préalablement achetés et ont déjà donné lieu à la perception de sa marge, certes dans une proportion insuffisante mais néanmoins de manière effective, par la SAS UPSA. Celle-ci sollicite par ce biais une indemnisation excédant nécessairement son préjudice effectif en contradiction avec le principe de la réparation intégrale, le propre de la responsabilité civile étant de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle (en ce sens, Com., 12 février 2020, n° 17-31.614) ;

- la deuxième, selon laquelle le préjudice réside dans la différence entre le chiffre d'affaires affecté d'un taux de remise de 14,75 % des intermédiaires et le même chiffre d'affaires déduction faite du taux de remise de 30 % applicable aux officines, est en contradiction avec la définition que la SAS UPSA livre de son préjudice et le fait que les acheteurs finaux qui auraient dû commander en direct étaient les officines. Par ailleurs, même en suivant cette logique, le gain manqué de la SAS UPSA ne résiderait pas dans le différentiel de chiffres d'affaires des intimées, qu'elle n'a pas vocation à capter en soi, mais dans la marge brute, les frais de commercialisation engagés étant constants selon les hypothèses et étant indifférents de ce fait, dont il doit être affecté et dont elle a été effectivement privée ;

- la troisième, qui consiste à appliquer le taux de marge brute à ce différentiel, repose sur la même contradiction que la précédente et ne correspond pas à l'assiette du préjudice indemnisable.

Aussi, la seule méthode aboutissant à une réparation intégrale du préjudice subi par la SAS UPSA consiste, comme le soutiennent les intimées à titre infiniment subsidiaire, à appliquer son taux de marge brute, qui s'entend de la différence hors taxe entre le prix de vente d'un produit et son coût de revient (coût de production ou d'acquisition), au différentiel de chiffres d'affaires résultant de l'application d'un taux de remise de 30 % puis de 20 %.

Pour prouver son taux de marge brute, la SAS UPSA produit une attestation de son commissaire aux comptes qui certifie les taux de marge suivants, préalablement déterminés par le gérant de la SARL BMS (sa pièce 13) : 55 % en 2010, 57 % en 2011, 62 % en 2012, 57 % en 2013 et 57 % en 2014. Cette pièce, qui souffre la preuve contraire et n'a pas à être exclusivement contestée par la voie de l'inscription de faux contrairement à ce qu'affirment les appelantes, a une force probante particulière à raison de la qualité de son auteur et des méthodes mises en œuvre pour garantir la sincérité et l'exactitude des données qu'elle certifie. En effet, elle a été dressée par un spécialiste du chiffre, assermenté et extérieur à l'entreprise, exerçant une profession règlementée et surveillée au sens des articles L. 821-1 et suivants et L. 822-1 et suivants du code de commerce et engageant sa responsabilité civile professionnelle, y compris à l'égard de tiers, à raison des fautes et négligences commises dans l'exercice de ses fonctions en vertu de l'article L. 822-17 du même code. Pour garantir l'authenticité des marges attestées par le gérant des sociétés BMS et UPSA, le commissaire aux comptes, qui avait audité leurs comptes annuels 2010 à 2014 dans le cadre de sa mission légale, a effectué des rapprochements avec la comptabilité et a procédé à des vérifications par sondages en s'assurant de la pertinence des calculs effectués, soit les investigations usuelles en pareille matière. Aussi, à défaut du moindre élément permettant de douter de sa sincérité, ce document vaut preuve de la pertinence des chiffres qu'il mentionne. Et, s'il est vrai que le commissaire aux comptes ne le précise pas, ceux-ci se rapportent nécessairement au taux de marge brute puisque son attestation est explicitement dressée dans la perspective du litige et que ce taux est le seul dont la preuve doit être rapportée.

Faute de contestation utile sur ce point, la SAS UPSA prouve par la production d'un rapport d'expertise dressé à sa demande retraitant les données issues des opérations de constat du 17 avril 2014 (ses pièces 5 à 11) que le chiffre d'affaires généré par la vente des produits litigieux sur le site lacentralepharma.com atteignait, hors remise, 20 641,57 euros pour l'année 2010, 84 796,67 euros pour l'année 2011, 228 495,25 euros pour l'année 2012, 252 248,41 euros pour l'année 2013 et 65 840,16 euros pour l'année 2014 (jusqu'au 17 avril). Pour la période écoulée entre le 17 avril 2014 et le 29 juillet 2015, qui ne concerne pas la Selarl Pharmacie [T] [8] ainsi que le reconnaissent les appelantes, le chiffre d'affaires hors remise, calculé par référence au chiffre d'affaires communiqué par les intimées (pièce 17 des appelantes) retraité selon la méthodologie appliquée par l'expert de partie, est de 321 137,52 euros. Ces données, employées par les appelantes, sont considérées constantes par les intimées à titre infiniment subsidiaire (page 18 de leurs écritures, § 74).

La marge perdue entre l'année 2010 et le 29 juillet 2015 s'établit ainsi, en euros :

2010

2011

2012

2013

2014 (jusqu'au 17 avril)

Sous-total (2010 - 17 avril 2014

17 avril 2014 au 29 juillet 2015

Total

CA sans remise (tarif catalogue)

20 641,57

84 796,67

228 495,25

252 248,41

65 840,16

321 137,52

 

CA théorique après remise de 20 %

16 513,26

67 837,34

182 796,20

201 798,73

52 672,13

256 910,02

 

CA après remise de 27 à 30 %

15 246,64

62 647,71

171 135,68

188 928,80

50 541,71

224 796,27

 

Différentiel de CA

1 266,62

5 189,63

11 660,52

12 869,93

2 130,42

32 113,75

 

Taux de marge

55 %

57 %

62 %

57 %

57 %

57 %

 

Marge perdue

696,64

2 958,09

7 229,52

7 335,86

1 214,34

19 434,45

18 304,83

37 739,28

Si la SAS UPSA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la poursuite des faits postérieurement au 29 juillet 2015, la SAS Pyxis Pharma et la SAS Sagitta Pharma reconnaissent dans leurs écritures au sens de l'article 1383-2 du code civil qu'ils ont perduré jusqu'au 1er janvier 2016 (page 13 de leurs écritures, §50). Les faits prouvés ont ainsi perduré 5 mois après le 29 juillet 2015.

Faute d'éléments pertinents sur le chiffre d'affaires réalisé après le 29 juillet 2015, le taux de marge de 57 %, réputé constant au regard des marges pratiquées antérieurement, les intimées en admettant la pertinence à titre infiniment subsidiaire, sera appliqué selon la même méthodologie à un différentiel de chiffre d'affaires moyen. La période pertinente pour le calculer sera identique à celle des faits commis hors année 2010 qui n'apparaît pas représentative (janvier 2011 au 29 juillet 2015, soit 55 mois), la SAS UPSA n'expliquant pas pourquoi elle ne retient que les années 2013 et 2014 et la progressivité constatée de 2011 à 2013 étant contrebalancée par l'inévitable dégressivité découlant de la cessation des pratiques. Ainsi, le chiffre d'affaires mensuel moyen hors remise atteint 17 318,51 euros, soit 86 592,55 euros sur la période pertinente. Affecté des remises de 20 % et 30 %, il s'établit respectivement aux sommes de 69 274,04 euros et 60 614,79 euros, pour un différentiel de 8 659,26 euros. La marge perdue est ainsi égale à 4 935,77 euros sur cette période.

En conséquence, la SAS UPSA et la SARL BMS reconnaissant que la Selarl Pharmacie [T] [8] n'a pas participé aux faits postérieurs au 17 avril 2014, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS UPSA au titre de son préjudice commercial. Statuant de nouveau de ce chef, la Cour condamnera :

- in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma et la Selarl Pharmacie [T] [8] à payer à la SAS UPSA la somme de 19 434,45 euros en réparation du préjudice causé par leurs actes de concurrence déloyale sur la période 2010 - 17 avril 2014 ;

- in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA la somme de 18 304,83 euros en réparation de ce préjudice sur la période 18 avril 2014-29 juillet 2015 ;

- in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA la somme de 4 935,77 euros en réparation de ce préjudice sur la période 30 juillet 2015-3 avril 2017.

A raison de la différence entre ces condamnations et celles prononcées par la cour d'appel dans son arrêt du 2 juin 2021, les intimées sollicitent la condamnation sous astreinte des appelantes à leur restituer le trop-perçu.

Cependant, en application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Or, si le trop-perçu correspond effectivement à un indu objectif, il l'est à raison de l'arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2022 qui a cassé et annulé l'arrêt servant de fondement aux condamnations acquittées et qui, conformément aux articles 624 et 625 du code de procédure civile, replace les parties, sur les points qu'elle atteint déterminés par son dispositif, dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. De la même manière qu'un arrêt infirmant un jugement portant condamnation au paiement d'une somme d'argent emporte de plein droit, sans mention expresse de sa part, obligation de restitution des sommes versées en exécution du jugement réformé et constitue le titre exécutoire fondant l'exécution forcée au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution (en ce sens, 2ème Civ., 20 juin 2019, n° 18-18.595 et 2ème Civ., 7 avril 2011, n° 10-18.691), un arrêt de cassation constitue le titre fondant la répétition des sommes payées en exécution de l'arrêt infirmatif cassé (analyse conforme à 2ème Civ., 27 février 2020, n° 18-25.382).

Dès lors que les intimées disposent d'un titre pour poursuivre le recouvrement forcé des sommes dont elles demandent répétition, leur prétention, qui ne repose sur aucun intérêt à agir, se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 28 septembre 2022 et est irrecevable en application des articles 122 et 125 du code de procédure civile. Si cette fin de non-recevoir n'est pas dans le débat, la SAS UPSA et la SARL BMS n'ayant d'ailleurs pas répondu à cette prétention, aucune réouverture des débats n'est nécessaire au regard de l'évidence de la solution et de l'automaticité de ses conséquences.

En conséquence, la demande de la SAS Pyxis Services, de la SAS Sagitta Pharma et de la Selarl Pharmacie [T] [8] sera déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en répétition et violation de l'autorité de la chose jugée.

2°) Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

Succombant à l'appel, la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, l'association Pyxis Pharma SRA et la Selarl Pharmacie [T] [8], dont les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées, seront condamnées in solidum à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS UPSA la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme, dans les limites du renvoi après cassation, le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS UPSA au titre de son préjudice commercial ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma et la Selarl Pharmacie [T] [8] à payer à la SAS UPSA la somme de 19 434,45 euros en réparation du préjudice causé par leurs actes de concurrence déloyale sur la période 2010 - 17 avril 2014 ;

Condamne in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA la somme de 18 304,83 euros en réparation de ce préjudice sur la période 18 avril 2014 - 29 juillet 2015 ;

Condamne in solidum la SAS Pyxis Services et la SAS Sagitta Pharma à payer à la SAS UPSA la somme de 4 935,77 euros en réparation de ce préjudice sur la période 30 juillet 2015 - 1er janvier 2016 ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir et violation de l'autorité de la chose jugée, la demande de la SAS Pyxis Services, de la SAS Sagitta Pharma, de la Selarl Pharmacie [T] [8] et de l'association Pyxis Pharma SRA au titre de la répétition de l'indu ;

Rejette les demandes de la SAS Pyxis Services, de la SAS Sagitta Pharma, de la Selarl Pharmacie [T] [8] et de l'association Pyxis Pharma SRA au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA à payer à la SAS UPSA la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS Pyxis Services, la SAS Sagitta Pharma, la Selarl Pharmacie [T] [8] et l'association Pyxis Pharma SRA aux entiers dépens d'appel.