CA Lyon, 1re ch. B, 9 juillet 1987, n° 5489-86
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Société des Etablissements Berny (SA)
Défendeur :
Klaus Steilmann GMBH et CIE (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avoués :
Me Guilhem, Me Aguiraud
Avocats :
Me Grange, Me Matuchet
En suite d'un jugement rendu sur la compétence entre les parties susnommées par le TRibunal de Commerce de LYON le 31 octobre 1986 et du contredit transcrit au greffe dudit Tribunal par Maître GRANGE, Avocat au Barreau de LYON le 21 novembre 1986, le dossier a été transmis au Greffe de la Cour d'Appel de LYON le 21 novembre 1986, conformément aux dispositions de l'article 83 du Nouveau Code de Procédure Civile afin qu'il soit statué sur l'exception soulevée.
L'affaire dispensée du tour de rôle est venue à l'audience publique de la Première Chambre Civile B de la Cour d'Appel de LYON du 26 février 1987 où siégeaient Madame MONDET, Président, rapporteur et Monsieur SCHUMACHER Conseiller.
Maître GRANGE, Avocat au Barreau de LYON assisté de Maître GUILHEM et Maître MATUCHET, Avocat au Barreau de LYON assisté de Maître AGUIRAUD ont été entendus en leur plaidoirie.
Le Magistrat rapporteur a rendu compte des débats à la Cour dans sa formation collégiale, composée de Madame MONDET, Président et de Messieurs SCHUMAHCER et CAILLAT, Conseillers.
Sur quoi lesdits Magistrats en ont délibéré conformément à la Loi, puis à l'audience publique du 9 JUIL. 1987, la cour composée de Madame MONDET, Président et de Mademoiselle DUBREUIL et de Monsieur SCHUMACHER, Conseillers a rendu l'arrêt suivant.
La SOCIETE DES ETABLISSEMENTS BERNY a formé contredit à un jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 31 octobre 1986 qui s'est déclaré incompétent "ratione loci" au profit du Tribunal Régional de BOCHUM en ALLEMANGE et l'a condamnée à payer à la SOCIETE KLAUS STEILMANN la somme de 3000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour asseoir sa décision le premier juge a estimé que la SOCIETE BERNY avait prioritairement manqué à son obligation de livraison de marchandise qui devait être exécutée en ALLEMANGE FEDERALE de sorte qu'en vertu de l'article 5 de la convention de BRUXELLES le Tribunal compétent était celui de BOCHUM.
La SOCIETE DES ETABLISSEMENTS BERNY fait valoir :
que le contrat synallagmatique conclu entre elle et la SOCIETE STEILMANN prévoyait deux obligations successives l'une à exécuter en ALLEMAGNE relative à la livraison de la marchandise, l'autre à exécuter en FRANCE concernant le paiement des factures.
que de jurisprudence constante l'obligation à laquelle il convient de se référer aux fins d'application de l'article 5 de la Convention de BRUXELLES est celle découlant du contrat dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande,
qu'en l'espèce l'obligation servant de base à l'action est bien l'obligation de paiement,
qu'à tort le Tribunal a retenu l'argumentation de la SOCIETE défenderesse selon laquelle l'exécution préalable de livraison aurait été tardive alors que d'une part la SOCIETE BERNY a bien satisfait à son obligation de livraison puisque le tissu a été réceptionné par le destinataire, d'autre part que cette obligation de livraison ne sert de base à aucune instance judiciaire puisque la partie adverse n'a engagé aucune procédure devant une juridiction française aux fins d'obtenir une résiliation judiciaire pour inexécution des obligations des ETABLISSEMENTS BERNY que des dommages-intérêts pour préjudice commercial subi par suite d'une livraison tardive et qu'elle se contente de former une demande reconventionnelle dans l'instance en paiement à l'effet d'obtenir des dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité sur le fondement de l'article 700.
C'est pourquoi elle demande à la Cour de déclarer recevable et fondé son contredit et y faisant droit, de réformer la décision entreprise et statuant à nouveau, de dire que le Tribunal de LYON est bien compétent pour connaître de la demande en paiement, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de Commerce de LYON pour qu'il soit statué au fond, de condamner la partie adverse en au moins 4000F de dommages-intérêts pour résistance abusive et dilatoire outre 3000F au titre de l'article 700 et en tous les dépens de première instance et d'appel relatifs à cette exception d'incompétence.
La SOCIETE STEILMANN conclut à la confirmation de la décision déférée mais demande à la Cour de porter à 6000F la condamnation sur la base de l'article 700 et lui demande de condamner la société appelante en 4000F de dommages-intérêts pour procédure abusive et en tous les dépens.
DISCUSSION
Attendu que contrairement à ce que dit la SOCIETE BERNY elle n'a pas satisfait à ses obligations de délivrer la marchandise puisque s'étant engagée à livrer 22000 mètres de tissu au plus tard le 30 décembre 1984 elle n'avait livré que 4225 mètres ;
Attendu qu'elle ne saurait davantage soutenir de ce que la société allemande n'a jamais entendu se prévaloir d'une quelconque inexécution de l'obligation de livraison alors que le 9 janvier 1985, elle a reçu une mise en demeure puis le 14 janvier 1985 un télex attirant l'attention sur le fait que le client la rendait responsable de tous préjudices causés par suite du non-respect de ses obligations contractuelles et l'avertissant qu'elle devait s'attendre à une action en justice en ALLEMAGNE,
Attendu que les parties ne contestent pas qu'en l'espèce, c'est la convention de BRUXELLES qui s'applique pour la compétence territoriale, chacune d'elles étant domiciliée sur le territoire d'un état membre de la Communauté Economique Européenne ;
Attendu que si cette convention pose le principe de la compétence du Tribunal du défendeur, son article 5 prévoit que le défendeur domicilié sur le territoire s'un état contractant peut être attrait dans un autre état contractant :
"en matière contractuelle devant le Tribunal du lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée",
Attendu que la SOCIETE BERNY essaie de scinder en deux obligations indépendantes et autonomes, celles qui découlent d'un contrat synallagmatiques et considère que nonobstant son manquement de 1 livrer les 22 000 mètres de tissu, l'obligation de STEILMANN était de payer en FRANCE le montant des 4225 mètres, que c'était cette obligation qui avait servi de base à l'action et que c'était le Tribunal de LYON qui devait statuer ;
Attendu que c'est au contraire sur la notion de l'unité du contrat et de l'indépendance des obligations découlant de celui-ci que les premiers juges ont mis l'accent en estimant que l'obligation principale et prioritaire c'est-à-dire la livraison n'ayant pas été respectée par BERNY celle incombant à la partie adverse n'existait plus ou tout au moins était suspendue ;
Attendu que cette interprétation est judicieuse et correspond aux réalités de commerce ;
Attendu et surabondamment qu'admettrait-on même dans un contrat synallagmatique une certaine indépendance entre elles qu'il faudrait pour se prévaloir de l'article 5 1er localiser dans chaque cas de contrat l'obligation incombant à chacune des parties et dont dépend la compétence du Tribunal saisi ;
Attendu qu'au terme de l'article 1651 du code Civil l'acheteur doit payer au lieu où doit se faire la délivrance de la chose ;
Que par ailleurs l'article 1247 dispose qu'à défaut d'une convention de lieu de paiement, celui-ci doit être fait au domicile du débiteur ;
Attendu que dans ses conclusions devant la Cour la société BERNY ne se réclame plus ce que les conditions générales de vente prévoyaient que les marchandises étaient payables à LYON, qu'en fait, cette clause n'est imprimée qu'au verso des factures et ne saurait être donc opposable à la Société allemande dont il n'est nullement établi qu'elle la connaissait et l'avait acceptée ;
Attendu par suite qu'à défaut de convention et conformément au droit français, c'est bien la juridiction allemande qui est compétente ;
Attendu qu'il échet par suite de confirmer la décision du 31 octobre 1986 ;
Attendu que le caractère abusif de la procédure n'est pas établi et qu'il n'y a pas lieu à allouer de dommages-intérêts à la SOCIETE STEILMANN ; que l'équité commande d'allouer à celle-ci à nouveau 3 000F au titre de l'article 700.
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges,
LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 31 octobre 1986,
Y ajoutant condamne les ETABLISSEMENTS BERNY à payer à la SOCIETE STEILMANN une nouvelle somme de 3000 F sur la base de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne aux dépens du contredit, ceux-ci distraits au profit de Maître AGUIRAUD, Avoué dont l'intervention est déclarée utile.