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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 8 juin 2023, n° 23/03853

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Meysset Developpement (SAS)

Défendeur :

Biolandes Technologies (SAS), Deloitte & Associes (SAS), KPMG Audit IS (SAS), Association des Actionnaires Minoritaires de la Société Gascogne, Gascogne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masseron

Conseillers :

M. Rondeau, Mme Chopin

Avocats :

Me Vignes, Me Vermeille, Me Boccon Gibod, Me Dethomas, Me Lauezral, Me Moisan, Me Bouchaut, Me Rontchevsky

T. com. Paris, du 17 févr. 2023, n° 2022…

17 février 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe Gascogne, spécialisé dans la filière bois, papier et emballage en France et dans le monde, est organisé autour d'une société holding, la société Gascogne, et de quatre branches opérationnelles filialisées spécialisées dans les secteurs du bois, papier, sacs et produits complexes (matériaux multicouches et produits antiadhérents), réparties sur vingt sites de production en Europe.

La société Gascogne, holding du groupe, est une société anonyme à conseil d'administration au capital de 60.800.130 euros fondée en 1988, dont les actions sont admises sur Euronext [Localité 23] (Compartiment C), et qui est actuellement dirigée par Monsieur [W], en sa qualité de président directeur général.

Les membres actuels du conseil d'administration de la société Gascogne sont Mme [L], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [I] et Mme [R], étant précisé que Messieurs [O] et [B] ainsi que Mme [G] ont également été administrateurs.

L'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne (A.A.M.S.G) est une association regroupant des actionnaires minoritaires de la société Gascogne, fondée le 5 janvier 2002 par la société Meysset Développement, représentée par M. [N] [X], et M. [A] [J].

La société [T] Management Co est une société de droit américain dirigée par M.[T], depuis de nombreuses années et un fonds d'investissement américain qui détient directement à ce jour environ 2,5 % du capital de la société Gacogne.

Les sociétés Deloitte et KPMG, nommées lors de l'assemblée générale ordinaire du 2 juin 2010, puis renouvelées lors des assemblées générales des 23 juin 2016 et 23 juin 2022, sont les commissaires aux comptes titulaires de la société Gascogne, M.[F] étant l'associé signataire des rapports émis par la société Deloitte depuis 2021, et M. [C] étant l'associé signataire des rapports émis par KPMG également depuis l'année 2021.

Face aux difficultés puis à la crise de trésorerie auxquelles le groupe Gascogne a été confronté au début des années 2010, une première procédure de conciliation a permis, à l'été 2012, de lui assurer des concours de la part de plusieurs banques, de l'Etat et de son premier actionnaire de l'époque, Electricité et Eaux de Madagascar (« EEM »).

L'accord de conciliation conclu le 9 avril 2014 a permis une restructuration en profondeur du bilan du groupe Gascogne, dans le cadre de laquelle ont notamment été émises, au bénéfice de certains prêteurs, des obligations remboursables en actions ou en numéraire (ORAN).

En vertu de cet accord de conciliation, la société Gascogne a émis des ORAN en faveur de certains prêteurs, lesquels les ont cédées à la société Biolandes Technologies le 25 février 2020.

Les 9 juin et 29 juillet 2022, la société Gascogne a répondu aux questions posées par l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne au sujet des ORAN, en rappelant notamment que leur cession à la société Biolandes Technologies avait été prévue dès l'origine, afin d'offrir aux prêteurs qui les souscrivaient la liquidité qu'ils exigeaient.

Par acte du 9 novembre 2022, l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne (A.A.M.S.G), la société [T] Management Co et la société Meysset Développement ont fait assigner M. [W], la société Gascogne, M. [O], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B], la société KPMG Audit Is, la société Deloitte & Associés, M. [C] et M. [F] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

- enjoindre, sous astreinte journalière de 1.000 euros pendant 60 jours à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, M. [W], la société Gascogne, M. [O], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], et M. [B], de communiquer à l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne et à la société [T] Management Co :

la convention de cession des obligations remboursables en actions ou en numéraire conclue entre Société Générale, BNP Paribas, Natixis, Banque CIC Sud Ouest, Arkea Banque Entreprises et Institutionnels et Crédit Commercial Du Sud Ouest, d'une part, et M. [W], d'autre part, dont la cession a été effectuée le 25 février 2020 ainsi que toutes les annexes s'y attachant,

le protocole de conciliation signé par la société Gascogne en date du 9 avril 2014 et toutes les annexes s'y attachant, y compris les promesses d'achat et de vente des obligations remboursables en actions ou en numéraire ;

- enjoindre la société KPMG Audit Is et M. [C] de communiquer à l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne et à la société [T] Management Co, les rapports et documents établis et reçus qui ont permis d'évaluer la convention de cession portant sur les obligations remboursables en actions ou en numéraire émises par Gascogne le 19 septembre 2014 dans le cadre de leur rapport d'audit sur les conventions réglementées pour la société Gascogne au titre de l'exercice 2020 ;

- enjoindre la société Deloitte & Associés et M. [F] de communiquer à l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne et à la société [T] Management Co, les rapports et documents établis et reçus qui ont permis d'évaluer la convention de cession portant sur les obligations remboursables en actions ou en numéraire émises par Gascogne le 19 septembre 2014 dans le cadre de leur rapport d'audit sur les conventions réglementées pour la société Gascogne au titre de l'exercice 2020 ;

- condamner solidairement M. [O], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], et à M. [B], à payer à l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne et à la société [T] Management Co la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [O], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], et à M. [B] aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 17 février 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- donné acte aux parties demanderesses de leur désistement d'instance et d'action à l'encontre de M. [C] et de M. [F] ;

- dit recevables les exceptions d'incompétence ;

- s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan ;

- dit que, passé le délai d'appel prévu par l'article 84 du code de procédure civile, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne et la société [T] Management Co à payer la somme de 500 euros à M. [C] et la somme de 500 euros à M. [F] ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour les autres demandes à ce titre ;

- condamné solidairement l'association des actionnaires minoritaires de la société Gascogne (A.A.M.S.G), la société [T] Management Co et la société Meysset Developpement aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 291,37 euros TTC dont 48,35 euros de TVA.

Par déclaration du 1er mars 2022, la société [T] Management Co et la société Meysset Developpement ont interjeté appel de cette décision.

Par requête du 1er mars 2022, la société [T] Management Co et la société Meysset Developpement ont sollicité auprès du premier Président de la Cour d'appel de Paris, la possibilité d'assigner et plaider à jour fixe, ce qui leur a été accordé par ordonnance du 2 mars 2023.

Aux termes de leurs assignations délivrées le 18 mars 2023, les sociétés [T] Management Co et la société Meysset Developpement demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé du 17 février 2023 en ce qu'elle dispose :

« Disons recevables les exceptions d'incompétences,

Nous déclarons incompétent au profit du Président du tribunal de commerce de Mont-de- Marsan.

Disons qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile pour les autres demandes à ce titre,

Condamnons solidairement l'Association des Actionnaires Minoritaires de la Société Gascogne (A.A.M.S.G), la société de droit américain [T] Management Co. et la SAS MEYSSET DEVELOPPEMENT aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 291,37 euros TTC dont 48,35 euros de TVA »

Statuant à nouveau de ces chefs,

- débouter de leur exception d'incompétence territoriale la société Gascogne, ses administrateurs et la société Biolandes Technologies ;

- déclarer le juge des référés du tribunal de commerce de Paris territorialement compétent pour statuer ;

- renvoyer l'affaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pour y être jugée et rappeler qu'en application de l'article 86 du code de procédure civile, lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l'instance se poursuit à la diligence du juge ;

- condamner solidairement M. [W], M. [O], la société Biolandes Technologies, M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B], la société Kpmg Audit Is et la société Deloitte & associés à payer à la société Meysset Développement et à la société [T] Management Co à payer la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [W], M. [O], à la société Biolandes Technologies, M.[H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B], la société KPMG Audit Is et la société Deloitte & associés aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appelantes exposent notamment que :

- la décision déférée, selon laquelle le rôle éventuel des administratrices dans le litige est secondaire et insuffisant pour justifier de la compétence du juge parisien est contraire au droit positif,

- ces deux administratrices ont bien été appelées à la cause dans le cadre d'une action personnelle et directe,

- surabondamment, cette décision est d'autant plus incompréhensible qu'aucune explication n'est donnée quant au caractère soit-disant secondaire et insuffisant de leur rôle dans le litige,

- elles sont à l'évidence des défenderesses et intimées réelles et sérieuses,

- les intimés, pour leur part, se prévalent en réalité d'arguments qui relèvent du fond de l'affaire,

- par conséquent, du fait de la domiciliation à Paris de plusieurs des défendeurs, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris est bien compétent.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 mars 2023, M. [W], M. [O], M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B] demandent à la cour, au visa des articles 42, 43, 145 et 700 du code de procédure civile, de :

- rejeter les demandes formées par la société [T] Management Co et la société Meysset Développement ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 février 2023 ;

- déclarer le tribunal de commerce de Paris territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan pour connaître des demandes formulées par la société [T] Management CO et de la société Meysset Développement ;

En tout état de cause,

- condamner la société [T] Management Co et la société Meysset Développement à payer, chacune, la somme de 2.000 euros M. [W], M. [O], M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B], chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [T] Management Co et la société Meysset Développement aux entiers dépens.

Ils exposent notamment que :

- le premier juge a fait une application juste et claire de la jurisprudence en la matière,

- le tribunal de commerce n'est pas compétent pour connaitre du litige éventuel au fond, cette compétence étant dévolue au tribunal de commerce du lieu du siège social de la société, en l'occurrence la société Gascogne, domiciliée à [Localité 8] (Landes),

- la juridiction appelée à traiter du contentieux de fond est donc le tribunal de commerce de Mont de Marsan,

- de plus, les mesures in futurum dirigées à l'encontre des membres du conseil d'administration sont vouées à l'échec,

- par ailleurs, ces mesures ne pourront pas être exécutées dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, les documents requis se trouvant au siège social de la société Gascogne, à [Localité 8] (Landes).

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mars 2023, la société Gascogne demande à la cour, au visa des articles 42 et 145 du code de procédure civile, de :

- rejeter toutes les demandes formées à l'encontre de la société Gascogne par la société

Meysset Développement et la société [T] Management Co ;

- confirmer dans tous ses chefs l'ordonnance rendue le 17 février 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris ;

- déclarer incompétent territorialement le juge des référés du tribunal de commerce de Paris et renvoyer l'affaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan pour statuer sur l'ensemble des demandes ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement, au titre de la procédure d'appel, la société Meysset Développement et la société [T] Management Co à verser à Gascogne la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Meysset Développement et la société [T] Management Co aux entiers dépens.

Elle expose notamment que :

- les appelantes ont une approche artificielle des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile et délaissent les principes établis de longue date en matière de référé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile,

- l'option de l'article 42 du code de procédure civile ne trouve pas à s'appliquer en matière d'action sociale ut singuli,

- l'utilité de la mise en cause des deux membres du conseil d'administration, domiciliées à [Localité 23], de la société Gascogne n'est pas démontrée, celles-ci, au surplus ne détenant pas les documents demandés,

- le lieu d'exécution de la mesure est incontestablement situé dans le ressort du tribunal de commerce de Mont de Marsan (Landes),

- les administratrices domiciliées à [Localité 23] ne sont évidemment pas personnellement concernés par l'action au fond que les appelantes envisagent d'engager contre le président de la société Gascogne, ni d'ailleurs non plus par les demandes formées par les appelantes au visa de l'article 145 du code de procédure civile,

- les appelantes entendent principalement obtenir la communication du protocole de conciliation et de la convention de cession des ORAN alors que ces documents ne sont évidemment détenus ni par les administrateurs, ni par les commissaires aux comptes de la société Gascogne.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 avril 2023, la société Biolandes Technologies demande à la cour, au visa des articles 42 et 145 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 17 février 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan ;

- débouter la société [T] Management Co et la société Meysset Développement de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement la société [T] Management Co et la société Meysset Développement à payer à la société Biolandes Technologies la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société [T] Management Co et la société Meysset Développement aux entiers dépens dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la société Lexavoue [Localité 23]-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose notamment que :

- les sociétés Biolandes Technologies et Gascogne ont toutes deux leur siège social situé

dans le ressort du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan,

- les mesures sollicitées par les appelantes au visa de l'article 145 du code de procédure

civile, notamment la communication du protocole de conciliation conclu le 9 avril 2014

et homologué par le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, ainsi que la convention de cession des ORAN, seraient, si toutefois elles étaient autorisées, amenées à être exécutées dans le ressort du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, et n'ont donc aucun lien de rattachement avec la compétence du tribunal de commerce de Paris,

- l'action au fond annoncée par les appelantes viserait le président de la société Gascogne,

et relèverait donc elle aussi de la compétence du Tribunal de commerce de Mont-de-Marsan.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 avril 2023, la société Kpmg Audit Is demande à la cour, au visa des articles 42, 145, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a jugé :

« condamnons solidairement l'Association des Actionnaires Minoritaires de la Société Gascogne et la société [T] Management Co à payer la somme de 500 euros à M. [C] » ;

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a jugé :

« Nous déclarons incompétent au profit du Président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan » ;

Statuant à nouveau,

- juger le Président du tribunal de commerce de Nanterre territorialement compétent pour connaitre du présent litige ;

- renvoyer les parties à se pouvoir devant le Président du Tribunal de commerce de Nanterre.

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner solidairement l'Association des Actionnaires Minoritaires de la société Gascogne, la société [T] Management Co ainsi que la la société Meysset Développement à verser à la société Kpmg Audit Is une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Baechlin Moisan.

Elle expose ntamment que :

- l'application de l'article 42 du code de procédure civile susvisé conduit à désigner comme étant compétent pour statuer sur le présent litige le président du tribunal de commerce de Nanterre, territorialement compétent au regard du lieu de son siège social, ou subsidairement, le président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 avril 2023, la société Deloitte & Associés demande à la cour de :

- déclarer la société [T] Management Co et la société Meysset Développement mal fondées en leur appel et les en débouter ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré le Président du Tribunal de commerce de Paris territorialement incompétent pour connaître de la présente action ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a renvoyé la cause et les parties devant le juge des référés du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan ;

Statuant à nouveau,

- renvoyer la cause et les parties devant le Juge des référés du Tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner la société [T] Management Co et la société Meysset Développement à payer à la société Deloitte la somme de 10.000 euros, au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle expose notamment que :

- le tribunal de commerce de Paris n'est pas compétent pour connaitre du litige éventuel au fond,

- les mesures d'instruction in futurum sollicitées ne peuvent être exécutées dans le ressort du tribunal de commerce de Paris,

- la remise des documents au titre d'une éventuelle action contre les commissaires aux comptes ne peut avoir lieu dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, de sorte que le tribunal de commerce de Nanterre est compétent.

L'association des actionnaires minoritaires de la société gascogne (AAMSG) n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

L'article 42 du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

Le demandeur saisit donc, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, et nonobstant le titre auquel ils interviennent dans la procédure (Civ. 2e, 25 mars 1969, Bull. civ. II, n° 93. ' Com. 7 avril 1987, Bull. civ. IV, n° 86. ' Civ. 2e, 7 nov. 1994, n°92-20.776) à la seule condition que les défendeurs soient exposés à une condamnation (Civ. 2e, 7 juill. 1971, n° 70-13.292 )

L'article 145 de ce code dispose pour sa part que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il résulte des articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées (Civ.2, 2 juillet 2020, 19-21.012) .

En l'espèce, il doit être observé tout d'abord, que s'agissant d'une demande fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, tendant à se voir communiquer un certain nombre de pièces avant tout procès, demande faite en référé et non par requête, le siège social de la société Gascogne n'est pas nécessairement le lieu d'exécution de la mesure.

En effet, la demande portant la mesure en question, dans l'hypothèse où il y serait fait droit n'a pas vocation à être exécutée dans un lieu particulier alors qu'elle est simplement susceptible de l'être par la société Gascogne, ou encore par la société Biomandes Technologies, depuis le ressort du tribunal de commerce de Mont de Marsan.

Il en est de même en ce qui concerne les deux commissaires aux comptes qui exposent que le lieu d'exécution de la mesure est celui de leur siège social situé dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre, seul le juge des référés de ce tribunal pouvant être compétent.

A ce titre, cette exception d'incompétence en ce qu'elle n'est fondée que sur ce critère du lieu d'exécution de la mesure sera écartée, critère alternatif, aucun lieu particulier n'étant requis en l'espèce s'agissant d'une communication forcée et sous astreinte de pièces.

En revanche, il convient d'examiner si le tribunal de commerce de Paris était susceptible de connaître de l'instance au fond.

En l'occurrence, le conflit à l'origine du litige oppose l'AAMSG et le président de la société Gascogne à qui il est reproché un certain nombre de dysfonctionnements (opacité, défaut d'indépendance effectif de BPIFRANCE dans la gestion du groupe, absence d'informtion relative aux modalités concrètes des promessses d'achat et vente par les établissements bancaires titulaires d'ORAN et la société Biolandes Technologies, cession des ORAN à la sociéé Biolandes technologies).

C'est dans ces conditions que l'AASMG a sollicité, sous-entendant un conflit d'intérêts qui afffecterait M [W], dont le fils dirigerait la société Biolandes Technologies les documents suivants :

- contrat de cession des ORAN à la société Biolandes technologies en date du 25 février 2020,

- l'accord de conciliation conclu le 9 avril 2014 et ses annexes, en ce compris les promesses d'achat et de vente entre la société Biolandes Technologies et les titulaires d'ORAN,

- la composition du capital d'ATTIS 2, société créée le 28 mars 2014, regroupant un consortium d'investisseurs autour de la société Biolandes Technologies, les dérivés résiniques et termeniques (DRT), BPIFRANCE Participations et Sifagri Participations, et les accords entre ATTIS 2 et BPI France.

Il ressort, en outre, de l'assignation délivrée devant le président du tribunal de commerce de Paris, que les appelantes envisagent "la mise en oeuvre de plusieurs actions en justice à l'encontre du président qui rendent légitimes la consolidation de la preuve des fautes commises par lui et du préjudice qu'elles leur occasionnent ainsi qu'à la société, via la mise en oeuvre d'une production forcée de pièces." Les appelantes indiquent aussi qu'elles entendent agir en responsabilité pour le compte de la société à l'encontre des administrateurs au titre de leur devoir de loyauté.

Il ressort de l'ensemble ces éléments que le litige présente des liens étroits avec les sociétés Gascogne, et Biolandes Technologies et M. [W], mais que l'action dirigée en qualité de co-défendeur contre deux administratrices dont l'une, Mme [G], n'était pas membre du conseil d'administration de la société Gascogne au moment de l'autorisation du contrat de cession des ORAN a manifestement eu pour seul objet de créer artificiellement un critère de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris.

A cet égard, les seules qualités d'administratrices de la société Gascogne ne peuvent suffire à en faire des co-défenderesses sérieuses au sens de l'article 42 précité et justifier la compétence territoriale du juge des référés du tribunal de commerce de Paris, alors au surplus que les mesures sollicitées portent exclusivement sur des documents détenus par la société Gascogne ou ses partenaires dont la société Biolandes Technologies, voire les commissaires aux comptes.

De plus, c'est à juste titre que les intimées indiquent que les appelantes envisagent d'exercer en réalité une action ut singuli dont le principe général posé à l'alinéa 1 de l'article 1843-5 du Code civil s'énonce ainsi: « Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société. ». Or, dans ces conditions, en application des dispositions de l'article 43 du code de procédure civile, s'agissant d'une personne morale, cette action relève de la compétence du tribunal de commerce du lieu où celle-ci est établie, soit en l'espèce, le tribunal de commerce de Mont de Marsan.

Il ressort de ces éléments que le lieu du domicile de Mmes [G] et [L]-[S] à Paris, ne peut être pris en compte au titre des critères de compétence du juge des référés au sens de l'article 42 al. 2 du code de procédure civile, qu'il convient de faire droit à l'exception d'incompétence soulevée, de confirmer l'ordonnance rendue et de renvoyer les appelantes à se pourvoir devant le tribunal de commerce de Mont de Marsan.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.

Les appelantes qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel ainsi qu'à verser aux intimées des sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, conformément au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue,

Y ajoutant,

Condamne la société Meysset Développement et la société [T] Management Co aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Meysset Développement et la société [T] Management Co à payer à M. [W], M. [O], M. [H], Mme [L]-[S], Mme [G], M. [B], la société Bioandes technologies, la société Gascogne, la société Deloitte associés, la société KPMG Audit Is, chacun la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes.