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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 16 février 2023, n° 21/04096

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gen'étiq (SARL)

Défendeur :

Matériel Graphique Moderne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vitse

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Deffrennes, Me Sorato

T. com. Lille Métropole, du 8 juill. 202…

8 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Matériel graphique moderne, ci-après désignée la société MGM, importe et distribue du matériel d'impression.

La société Gen'étiq est spécialisée dans l'impression d'étiquettes.

Le 16 décembre 2010, la société Gen'étiq a passé commande d'une presse industrielle de marque Focus, modèle Proflex 250 S, au prix de 383 200 euros H.T., soit 458 307,20 euros T.T.C.

Un procès-verbal de réception assorti de réserves a été signé le 3 septembre 2011.

Le surlendemain, l'acquéreur a adressé une lettre recommandée au vendeur invoquant une série de non-conformités.

Le 28 septembre 2011, la société Gen'étiq a procédé au paiement d'une partie complémentaire du prix, après que la société MGM eut pris l'engagement de résoudre les non-conformités invoquées, dans la mesure du possible.

Au cours des années suivantes, les parties ont continué à échanger sur les non-conformités alléguées, sans toutefois parvenir à trouver un terrain d'entente.

Le 4 août 2016, la société MGM a assigné la société Gen'étiq devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer le solde du prix, soit la somme de 58 228 euros.

Par jugement avant dire droit du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ordonné une expertise du matériel litigieux.

L'expert a déposé son rapport « en l'état » le 26 juin 2019.

' Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« Déboute la société Gen'étiq de tous ses moyens, fins et conclusions

Condamne la société Gen'étiq à payer à la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE la somme de 58 228 € avec intérêts au taux appliqué par Ia Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement Ia plus récente, majorée de 10 points, à compter du 04 août 2016

Ordonne la capitalisation des intérêts dus par année entière

Déboute Ia société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE de sa demande de dommages-intérêts tant au titre du préjudice subi que de la résistance abusive

Condamne la société Gen'étiq à payer à la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du CPC

Condamne la société Gen'étiq aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 126,74 € (en ce qui concerne les frais de Greffe)

Déboute les parties de leurs autres demandes. »

' Par déclaration du 22 juillet 2021, la société Gen'étiq a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement, à l'exception de celui déboutant la société MGM de sa demande de dommages-intérêts tant au titre du préjudice subi que de la résistance abusive.

' Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2022, la société Gen'étiq demande à la cour de :

« Recevoir la société Gen'étiq en son appel,

L'en déclarer bien fondé,

En conséquence,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE intervenu le 8 juillet 2021,

Et statuant à nouveau,

Vu les dispositions de l'article 11 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

Vu les articles 1604 et suivants du Code civil,

Vu les dispositions des articles 1240 et 1343-2 du Code civil,

- Débouter la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE de son appel incident ;

- Débouter la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 80 200 € HT au titre de la moins-value de la machine faute de module servo-motorisé fonctionnel ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 131 500 € HT au titre de la dévaluation de la machine ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 1 771 281 € au titre des pertes d'exploitation subies (Recours à la sous-traitance : 150 281 € + Perte de marchés : 1 620 000 €) ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 15 000 € au titre de la modification de ses autres machines nécessitées par le dysfonctionnement de la machine livrée ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 6 400 € au titre de la réparation de son préjudice lié à l'immobilisation et au nettoyage de la machine pour chaque réunion d'expertise, et au stockage de la machine ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE à payer à la société Gen'étiq la somme de 5 480 € HT en réparation de son préjudice lié à la nécessité de recourir à un expert financier pour le chiffrage de son préjudice ;

- Condamner la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE au paiement de la somme de 30 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d'expertise judicaire de Monsieur [V] désigné en ces fonctions selon jugement du 23 janvier 2018 (RG 2016014108) ».

Elle fait valoir que la société MGM n'a pas rempli son obligation de délivrance, la rotative n'étant pas conforme aux spécifications convenues.

Elle précise que la non-conformité procède notamment du servo-moteur, lequel doit en principe permettre une stabilité des couleurs à haute vitesse d'impression.

Elle dénonce l'attitude de la société MGM au cours des opérations d'expertise, auxquelles elle n'aurait pas utilement collaboré.

Elle ajoute que le rapport de l'expert met en évidence la non-conformité du bien, de sorte qu'elle estime avoir légitimement opposé l'exception d'inexécution au vendeur, qui ne saurait donc prétendre au paiement du solde du prix ni non plus invoquer une quelconque résistance abusive.

Elle termine en soutenant avoir subi divers préjudices financiers consécutifs dont elle réclame réparation, contestant la prescription des demandes formées à ce titre.

' Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, la société MGM demande à la cour de :

« Vu l'article 1582 du Code Civil dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat de vente,

Vu les articles 1641, 1648 du Code Civil,

Vu les articles 1240 et 1343-2 du nouveau Code Civil,

Vu l'article L. 441-6 I du Code de commerce,

Vu les articles 122, 126, 367, 514-1 , 695 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE le 8 juillet 2021 en ce qu'il a :

- Débouté la société Gen'étiq de tous ses moyens, fins et conclusions,

- Condamné la société Gen'étiq à payer à la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE la somme de 58 228 euros avec intérêt au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majorée de 10 points, à compter du 4 août 2016,

- Ordonné la capitalisation des intérêts dus par année entière,

- Condamné la société Gen'étiq à payer à la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- Condamné la société Gen'étiq aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 126,74 euros (en ce compris les frais de greffe),

Y ajoutant :

A titre principal,

- Déclarer recevable la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE en toutes ses demandes ;

- Condamner la société Gen'étiq au paiement de la somme de 10 00 euros en réparation du préjudice subi par la société MATERIEL GRAPHIQUE MODERNE résultant de la résistance abusive dont a fait preuve Gen'étiq dans l'exécution de son obligation de payer le prix de vente ;

- Déclarer la société Gen'étiq forclose et prescrite pour agir sur le fondement des vices cachés à l'encontre de la société MATERIEL GRAPHIQUE MORDERNE, au titre d'une prétendue non-conformité de l'imprimante fournie en septembre 2011 ;

- Débouter la société Gen'étiq de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Constater que la société Gen'étiq ne rapporte pas la preuve de la non-conformité de l'imprimante vendue ;

- Constater que la société Gen'étiq n'entretient pas l'imprimante litigieuse ;

- Constater que la société Gen'étiq a procédé à des modifications de l'imprimante litigieuse ;

- Débouter la société Gen'étiq de l'intégralité de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que la société Gen'étiq ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre les préjudices qu'elle prétend subir et la non-conformité alléguée de l'imprimante ;

- Dire et juger que la société Gen'étiq ne rapporte jamais le moindre commencement de preuve du quantum de ses prétendus postes de préjudice ;

- Débouter la société Gen'étiq de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Gen'étiq de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner la société Gen'étiq au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Gen'étiq aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [V] désigné en ces fonctions suivant jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole du 23 janvier 2018 ;

- Condamner la société Gen'étiq au paiement de la somme de 5 035 euros au titre du cylindre PROLEX 250 TENSION PULL ROLER commandé à la demande de l'expert pour réaliser les opérations d'expertise. »

Elle fait valoir que la presse livrée a été modifiée par la société Gen'étiq et qu'elle a souffert d'un défaut de maintenance, ces deux circonstances expliquant les prétendus dysfonctionnements invoqués.

Elle ajoute que la société Gen'étiq s'abstient abusivement de payer le solde du prix depuis plus de dix ans, alors même qu'elle utilise intensivement le bien litigieux.

Elle nie avoir entravé les opérations d'expertise, dont elle conteste les conclusions, faussées par les modifications techniques et le défaut de maintenance.

Elle termine en soutenant que les demandes indemnitaires de la société Gen'étiq sont prescrites et en toute hypothèse mal fondées, dès lors que la preuve d'une non-conformité n'est pas rapportée ni non plus celle des préjudices allégués.

' L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que ....' ou 'dire que...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions de la société MGM, lorsqu'elles portent sur des moyens ou des éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de la décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Sur la demande en paiement du solde du prix

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

La délivrance est définie par l'article 1604 du code civil comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

La non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement du vendeur à son obligation de délivrance.

La délivrance conforme étant l'exécution d'une obligation du vendeur, elle s'analyse comme un paiement. C'est donc au vendeur d'en rapporter la preuve, conformément à l'article 1315 ancien du code civil.

L'exception d'inexécution est le droit qu'a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d'exécuter l'obligation à laquelle elle est tenue, tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due. Si le vendeur n'a pas exécuté son obligation de délivrance, l'acquéreur qui n'a pas encore payé l'intégralité du prix est en droit, au regard du caractère synallagmatique de la vente, de lui opposer l'exception d'inexécution et de conserver une partie du prix.

En l'espèce, la société Gen'étiq reproche à la société MGM d'avoir manqué à son obligation de délivrance conforme et lui oppose un tel manquement pour faire échec à sa demande en paiement du solde du prix.

Il n'est pas contesté par la société MGM que le modèle de presse commandé par la société Gen'étiq est équipé d'un système d'entraînement par servomoteur indépendant devant permettre de stabiliser automatiquement les couleurs à haute vitesse d'impression.

Le procès-verbal de réception de la presse litigieuse, signé le 3 septembre 2011, est assorti de réserves, le matériel livré n'étant pas jugé conforme à la commande.

Dans un courrier à l'adresse du vendeur, en date du 5 septembre 2011, la société Gen'étiq dresse la liste des non-conformités du matériel livré et indique notamment, s'agissant du servomoteur : « Le système de servo-moteur doit permettre des multipassages mais il n'existe pas de reprise des ajustements lors du multipassage, puisqu'il faut les supprimer à partir du deuxième passage. Donc il ne peut être fiable. »

Après examen de la presse litigieuse, un procès-verbal de constat d'huissier en date du 22 novembre 2011 mentionne : « Le registre automatique entraîné par un système de servo-moteur est défaillant. La reprise automatique des données ne fonctionne pas lors d'un multi passage, il faut reprogrammer le passage de la bande à défaut un décalage de celle-ci est existant ».

Dans un nouveau courrier à l'adresse du vendeur, en date du 11 décembre 2012, la société Gen'étiq indique : « Problème de repérage : cette machine est livrée avec un système de repérage permettant une tenue des registres automatiques par spot. [...] Cette machine doit permettre un multi passage = on se repère sur le spot du premier passage et elle doit tenir les registres automatiquement après réglage. Ce qui n'est pas le cas, comme constaté lors de votre dernière visite ».

Procédant à divers essais d'impression afin d'évaluer le bon fonctionnement du servomoteur, l'expert judiciaire constate, pour sa part, lors de la quatrième réunion d'expertise du 9 mai 2019, « un décalage de l'impression des couleurs lors de l'augmentation de la vitesse ».

Il résulte de tout ce qui précède que le mécanisme d'entraînement de la presse litigieuse, qui doit en principe permettre une stabilisation des couleurs à haute vitesse d'impression grâce au servomoteur indépendant, ne correspond pas aux spécifications convenues.

La société MGM soutient qu'un tel dysfonctionnement procède, non pas d'un manquement à son obligation de délivrance, mais d'un défaut de maintenance et de diverses modifications techniques unilatéralement opérées par la société Gen'étiq.

Il apparaît toutefois qu'un défaut de maintenance ne saurait expliquer le manque d'ajustement des couleurs, signalé immédiatement après la réception du bien et conforté quelques semaines plus tard seulement par voie de constat d'huissier.

Il sera ajouté que si la société Gen'étiq ne conteste pas avoir ôté le revêtement en silicone du cylindre équipant la presse peu après la réception de celle-ci, il n'est pour autant pas établi qu'une telle modification serait à l'origine du défaut d'ajustement des couleurs à haute vitesse d'impression.

Le bon déroulement des opérations d'expertise aurait dû permettre de préciser l'impact d'une telle modification sur le fonctionnement de la rotative. Tel ne fut toutefois pas le cas en raison du comportement de la société MGM, laquelle s'est abstenue de coopérer utilement à la mesure d'instruction, méconnaissant ainsi l'article 11 du code de procédure civile, dont on rappellera qu'il dispose que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence.

C'est ainsi que l'expert judiciaire a été amené à déposer son rapport « en l'état », après avoir subi les atermoiements de la société MGM, laquelle a provoqué le report de plusieurs réunions d'expertise en invoquant de prétendus obstacles techniques et en omettant d'accomplir les diligences requises par l'expert, avant finalement de faire échec aux essais décisifs prévus lors de la cinquième réunion d'expertise, en s'abstenant purement et simplement de s'y présenter, privant ainsi l'expert de la possibilité de réaliser de manière contradictoire les tests destinés à mesurer l'impact de la suppression du revêtement en silicone garnissant le cylindre d'origine sur le fonctionnement de la presse litigieuse.

En l'état du rapport d'expertise et des pièces produites par la société MGM, aucun élément ne permet de se convaincre d'un défaut d'ajustement des couleurs qui procéderait, non pas d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, mais d'une modification hasardeuse de la presse litigieuse.

Il s'ensuit que la société Gen'étiq a pu légitimement exciper de l'inexécution de l'obligation de délivrance de la société MGM pour s'opposer au paiement du solde du prix.

La décision des premiers juges sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné la société Gen'étiq à payer le solde du prix de la presse litigieuse.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de délivrance

Aux termes de l'article 1611 du code civil, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

Une telle action en réparation est soumise au délai quinquennal de prescription de droit commun et court à compter du jour où l'acquéreur a connu ou aurait dû connaître l'absence de délivrance conforme, en application de l'article 2224 du code civil, aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. Pour produire un tel effet, une telle reconnaissance doit être certaine, c'est-à-dire exprimer sans équivoque l'aveu de l'existence du droit de celui contre lequel la prescription courait.

En l'espèce, la société Gen'étiq se prévaut de divers préjudices procédant du manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme. La société MGM lui oppose la prescription de son action en réparation des préjudices allégués, sollicitant ainsi l'irrecevabilité de ses demandes indemnitaires, ce qui résulte implicitement mais nécessairement du dispositif de ses conclusions, que la cour interprète en ce sens.

Le délai quinquennal de prescription de l'action en réparation de la société Gen'étiq a commencé à courir le jour du procès-verbal de réception avec réserves de la presse litigieuse, soit le 3 septembre 2011.

C'est à bon droit que la société Gen'étiq se prévaut de l'interruption de ce délai par la reconnaissance de son droit contenue dans un courrier de la société MGM en date du 30 janvier 2012, dès lors qu'il y est mentionné que « les difficultés de mise au point auxquelles vous faites allusion, sont en passe d'être résolues », ce qui témoigne d'une délivrance alors imparfaite.

C'est en revanche à tort qu'elle déduit l'interruption de ce même délai d'un courriel de la société MGM en date du 26 février 2014, dont l'objet était de convenir d'un rendez-vous afin de vérifier que les réglages effectués par le fabricant britannique permettaient désormais un bon repérage lors de l'impression. C'est simplement de manière incidente qu'il y est mentionné que « beaucoup de détails ont été rectifiés et réglés », sans qu'il soit possible de déduire de ce passage équivoque l'aveu d'un manquement persistant à l'obligation de délivrance, étant rappelé que la reconnaissance doit être certaine pour produire un effet interruptif.

Il s'ensuit que le délai de prescription de l'action indemnitaire pour manquement à l'obligation de délivrance expirait le 29 janvier 2017 à 24 heures.

Or la société Gen'étiq ne justifie d'aucun nouvel acte interruptif de prescription antérieur à cette date butoir.

C'est vainement qu'elle soutient, à titre subsidiaire, qu'aucun délai de prescription n'aurait commencé à courir faute pour le vendeur d'avoir jamais rempli son obligation de délivrance du bien complexe. En effet, le délai de prescription a commencé à courir dès la réception avec réserves, avant d'être interrompu par la reconnaissance contenue dans le courrier du 30 janvier 2012, ainsi qu'il a été dit précédemment.

C'est tout aussi vainement qu'elle soutient, à titre plus subsidiaire, que le délai de prescription n'aurait commencé à courir qu'à compter du mois de juin 2016, date à laquelle a pris fin le préjudice né de la nécessité d'avoir recours à la sous-traitance pour honorer ses contrats, faute de pouvoir bénéficier des performances attendues de la presse litigieuse. En effet, le délai de prescription a commencé à courir dès la réception avec réserves de ladite presse, avant d'être interrompu quelques mois plus tard, sans report de son point de départ jusqu'à la cessation du prétendu préjudice susmentionné, dont la réparation procède de l'action en manquement à l'obligation de délivrance conforme et en suit donc le régime de prescription.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Gen'étiq est irrecevable en ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de délivrance conforme.

Les premiers juges en ont jugé ainsi dans leurs motifs, mais toutefois débouté la société Gen'étiq de ses demandes indemnitaires dans le dispositif de leur décision, laquelle sera donc infirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes indemnitaires au lieu de les déclarer irrecevables.

Sur la demande en paiement au titre du cylindre Prolex 250 Tension Pull Roler

La société MGM sollicite la condamnation de la société Gen'étiq au paiement du cylindre commandé par ses soins à la demande de l'expert.

Force est de constater qu'elle produit à cette fin une facture d'un montant différent de celui réclamé, même après conversion des livres en euros, et dont la description ne permet pas de la relier avec certitude au cylindre demandé par l'expert, étant au surplus observé qu'il n'est pas justifié du paiement de cette facture.

La société MGM sera donc déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La société MGM sollicite la condamnation de la société Gen'étiq au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, reprochant à son cocontractant d'avoir omis de payer le solde du prix de la presse depuis 2011.

La demande en paiement d'un tel solde étant rejetée, la société MGM sera nécessairement déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige justifie de condamner la société MGM aux dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Tenue aux dépens d'appel, la société MGM sera condamnée à payer à la société Gen'étiq la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tandis qu'elle sera déboutée de sa propre demande formée au titre de ses frais irrépétibles d'appel. Le jugement entrepris sera en outre infirmé en ce qu'il a condamné la société Gen'étiq à payer à la société MGM la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, sauf en ce qu'il déboute la société Matériel graphique moderne de ses demandes de dommages et intérêts, le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute la société Matériel graphique moderne de sa demande en paiement de la somme de 58 228 euros avec intérêts au titre du solde du prix de la presse litigieuse ;

Déclare irrecevables les demandes indemnitaires de la société Gen'étiq au titre du manquement de la société Matériel graphique moderne à son obligation de délivrance ;

Condamne la société Matériel graphique moderne à payer à la société Gen'étiq la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Matériel graphique moderne de sa demande en paiement au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Matériel graphique moderne aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.