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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 juin 2011, n° 09/17015

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

EDITIONS DU BOISBAUDRY (SAS)

Défendeur :

KANTAR (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M PIMOULLE

Conseillers :

Mme CHOKRON, Mme GABER

Avoués :

SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, SCP DUBOSCQ et PELLERIN

Avocats :

Me DE FREMOND, Me LANGE

Paris, du 26 juin 2009

26 juin 2009

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

- La société les Éditions du Boisbaudry (ci-après : EDB) édite des revues spécialisées à destination des professionnels de différents secteurs, et notamment le journal intitulé 'Linéaires', destiné aux distributeurs alimentaires,

- La société Kantar, anciennement dénommée TNS, est spécialisée dans les études d'opinion et les études marketing ; elle édite ainsi des recueils de données à l'intention de ses clients dont notamment le « Référenseigne Expert » (étude annuelle), et le « Référenseigne Flash » (étude mensuelle), réalisés à partir de la base de données « Worldpanel », et qui ont pour objet de mesurer les performances des enseignes de la grande distribution,

- Par assignation du 29 juillet 2008, la société Kantar faisait grief à la société EDB d'avoir « procédé à une réutilisation substantielle par la mise à disposition du public » de sa base de données Worldpanel dans l'édition juillet-août 2008 du journal Linéaires ; ces emprunts étant décrits dans le tableau établi en page 2 du jugement entrepris,

- La société Kantar sollicitait en conséquence la condamnation de la société EDB, sur le fondement de l'article L 342-1 du Code de la propriété intellectuelle, à lui payer 100. 000 euros de dommages-intérêts, outre des mesures de publication,

- Aux termes du jugement déféré, les premiers juges ont constaté que la société Kantar avait mis en œuvre un investissement matériel et humain substantiel pour l'élaboration de sa base de données Worldpanel contenue dans les études Référenseignes Flash de mars et mai 2008 ainsi que dans le Référenseignes Expert 2007, lui assurant ainsi sa protection par le droit sui generis ; qu'ils ont en outre considéré que l'utilisation des graphiques et données litigieux, dans la mesure où ils résultaient de la collecte de nombreuses données dont la synthèse nécessitait un investissement substantiel, caractérisait la mise à disposition du public, au moyen de l'article paru dans le  238 du magazine Linéaires, d'une partie qualitativement substantielle de la base Référenseignes de la société Kantar, et ont, en conséquence, condamné la société EDB au paiement de 10.000 euros et ont également prononcé des mesures de publication du dispositif de la décision ;

Considérant que la société EDB, poursuivant l'infirmation de ce jugement, fait essentiellement valoir que les actes qui lui sont reprochés ne constituent pas une réutilisation, par la mise à disposition du public, d'une partie qualitativement substantielle de la base de données Worldpanel, et soutient à titre subsidiaire que la société Kantar ne justifie pas d'un préjudice effectivement subi ;

Considérant que la société Kantar poursuit incidemment la réformation du jugement entrepris sur le seul montant des dommages-intérêts qu'elle entend voir porter à 100.000 euros ;

Sur le caractère qualitativement substantiel de la réutilisation des données :

Considérant que la société EDB ne conteste pas la qualité de producteur de base de données de la société Kantar au sens de l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle, en ce qu'elle a pris l'initiative de la constitution de la base de données Worldpanel et mis en œuvre des investissements financiers, matériels et humains substantiels en vue de sa constitution, lui assurant de ce fait la protection sui generis de celle-ci ;

Considérant qu'en application de l'article L. 342-1 du Code de la propriété intellectuelle, la société Kantar, en sa qualité de producteur de base de données, est fondée à demander l'interdiction de « la réutilisation, par la mise à disposition du public, de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quel qu'en soit la forme » ;

Que la société EDB ne conteste pas la matérialité des emprunts faits à la base de données Worldpanel, ni même le fait qu'ils ont été réalisés sans l'accord préalable de la société Kantar, mais leur caractère substantiel ;

Que la société appelante soutient à cet égard que l'absence de caractère substantiel d'une réutilisation de données peut se déduire notamment du caractère quantitativement négligeable de ladite réutilisation ;

Qu'elle ajoute que du point qualitatif, parmi les données réutilisées, certaines ne sont qu'un rappel de l'historique de l'évolution de certaines parts de marché et utilisent des données connues de tous depuis des mois voire des années ;

Considérant que l'évaluation qualitative de la réutilisation se réfère à l'importance de l'investissement lié à l'obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de l'objet de l'acte de réutilisation indépendamment du point de savoir si cet objet représente une partie quantitativement substantielle du contenu de la base de données protégée ;

Considérant que les graphiques réutilisés par la société EDB au sein de l'article litigieux du magazine Linéaires résultent de la collecte de nombreuses données sur le comportement des consommateurs dans la grande distribution, l'analyse, la synthèse et la mise en forme de graphiques dans une présentation significative ont évidemment nécessité des travaux d'étude ret des investissements que le tribunal a qualifié à juste titre de substantiels, peu important leur nombre réduit par rapport à l'ensemble de la base de données ;

Qu'il sera en outre relevé que le simple fait que la société Kantar communique régulièrement certaines de ses données à la presse à des fins notamment promotionnelles n'emporte pas autorisation systématique de réutiliser les données contenues dans ses bases ;

Que dès lors, les premiers juges en ont exactement déduit que la société EDB a mis à la disposition du public une partie qualitativement substantielle de la base de données Worldpanel de Kantar, sans son autorisation ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que la société Kantar sollicite 100.000 euros de dommages-intérêts au titre de la mise à disposition du public d'une partie qualitativement substantielle de sa base de données par la société EDB, ainsi que du préjudice commercial et de l'atteinte à l'image qu'elle aurait subie ;

Qu'elle soutient à cet égard que ses efforts, notamment financiers et humains, pour constituer sa base Worldpanel auraient été stérilisés par les agissements des EDB;

Que la société Kantar produit une attestation du cabinet comptable Intexco selon laquelle les dépenses annuelles nécessaires à l'élaboration des études Référenseignes s'établissent à 5.334.000 euros, indépendamment de la prise en compte de son coût de commercialisation ;

Que, toutefois, le tribunal a exactement relevé par des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte que la société Kantar n'a pas réagi à des reproductions précédentes de certaines de ses données dans le journal Linéaires, notamment en octobre 2002 et en décembre 2006, et n'a pas préalablement interdit la réutilisation du contenu de sa base, en particulier dans ses communiqués de presse des 16 mai et 7 juillet 2008 transmis à la société EDB par messagerie électronique ;

Considérant en outre que le tribunal a exactement relevé que l'article incriminé mentionnait la source des graphiques illicitement reproduits ;

Que, ayant pris en compte l'ensemble des éléments versés aux débats par les parties, le tribunal a justement condamné la société EDB au paiement de 10.000 euros à la société Kantar ; qu'il convient, en l'absence d'éléments de preuve nouveaux, de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Que les mesures de publication ordonnées apparaissant nécessaires eu égard à la nature du litige, et proportionnées dans leurs effets, le jugement déféré mérite en conséquence confirmation ;

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société EDB aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par les avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer10. 000 euros à la société Kantar par application de l'article 700 du Code de procédure civile.