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Décisions

Cass. soc., 11 juin 1996, n° 93-43.304

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lecante

Rapporteur :

M. Ransac

Avocat général :

M. de Caigny

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Boullez, SCP Tiffreau et Thouin-Palat

Dijon, ch. soc., du 4 mai 1993

4 mai 1993

Attendu que la société Distillateurs réunis fait grief à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, (Dijon, 4 mai 1993) d'avoir dit que la juridiction de renvoi n'a pas été valablement saisie et que, de ce fait, le jugement du conseil de prud'hommes est passé en force de chose jugée, alors, selon le moyen, que, de première part, aux termes de l'article 448 du nouveau Code de procédure civile, les délibérations des juges sont secrètes; qu'ainsi, en mentionnant que l'arrêt a été rédigé par M. Martin, président de chambre, la cour d'appel a violé le principe du secret des délibérations; alors que, de deuxième part, il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de preuve qu'elles produisent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense, et que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction; qu'en se fondant sur le bordereau des lettres recommandées déposées par le greffe de la Cour de Cassation et sur une lettre du 25 août 1992 d'un inspecteur des Postes et télécommunications et une autre du chef du bureau de poste de Paris - Ile de la Cité - pour déclarer que la preuve de la première notification était administrée, sans rechercher si les parties avaient été à même de débattre contradictoirement de ces pièces dont M. X... ne s'était prévalu que dans le cadre d'une réplique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale; alors que, de troisième part, en énonçant qu'un inspecteur des Postes a certifié, par une lettre du 25 août 1992, laquelle a été confirmée par le chef du bureau de poste de Paris - Ile de la Cité

-, que la lettre recommandée expédiée le 30 décembre 1991 par le service des notifications de la Cour de Cassation aurait été régulièrement remise le 3 janvier 1992 par le bureau de poste de Fougerolles à un fondé de pouvoir accrédité par la société Distillateurs réunis, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif dubitatif, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors que, de quatrième part, il résulte des dispositions des articles 669, alinéa 3, et 670 du nouveau Code de procédure civile qu'en cas de notification d'un jugement en la forme ordinaire, la notification n'est réputée faite à la partie elle-même que lorsque l'accusé de réception est signé par le destinataire; qu'en se fondant sur des documents émanant de salariés de l'administration des Postes pour déclarer que la lettre recommandée aurait été régulièrement notifiée le 3 janvier 1992 par le bureau de poste de Fougerolles, à un fondé de pouvoir accrédité par la société Distillateurs réunis, sans constater ni la signature d'un préposé de cette société sur l'avis de réception qui n'a pas été retrouvé, ni l'identité du fondé de pouvoir qui, selon l'administration des Postes, aurait reçu la notification, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale; alors que, de cinquième part, en décidant que la cour de renvoi n'a pas été saisie en temps utile, sans rechercher si la notification effectuée par le greffe de la Cour de Cassation le 17 mars 1992 par une lettre recommandée contenant les mentions exigées par l'article 1035 du nouveau Code de procédure civile, mais sans aucune référence à une notification antérieure, laquelle lettre a été reçue le lendemain par le président de la société Distillateurs réunis qui l'a transmise le même jour à son avocat, n'avait pas induit cette société en erreur sur la durée du délai de saisine de la juridiction de renvoi, dès lors qu'à la date de cette seconde notification, elle pouvait encore valablement saisir cette dernière, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1022-1, 1034 et 1035 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu, en premier lieu, que la mention de l'arrêt indiquant, parmi les magistrats ayant participé au délibéré, le nom de son rédacteur, sans faire apparaître en quel sens celui-ci a opiné, ne porte pas atteinte au secret des délibérations;

Attendu, en second lieu, que la procédure prud'homale étant orale, les documents retenus par la décision sont présumés avoir été débattus contradictoirement devant les juges qui l'ont rendue;

Attendu, en troisième lieu, que c'est par une simple erreur matérielle que la cour d'appel mentionne sous une forme conditionnelle la remise à son destinataire de la lettre recommandée du 30 décembre 1991, comme le démontre le document auquel l'arrêt se réfère et qui précise que cette lettre "a bien été distribuée au destinataire le 3 janvier 1992"; que le grief tiré du caractère hypothétique des motifs est donc inopérant;

Attendu, en quatrième lieu, que les juges du fond, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis, ont décidé que la réception par la société Distillateurs réunis de la première notification de l'arrêt de cassation était établie;

Attendu, enfin, qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure ni de l'arrêt que la société Distillateurs réunis ait soutenu devant les juges du fond avoir été induite en erreur sur la durée du délai de saisine de la cour de renvoi par la seconde notification de l'arrêt de cassation; que le moyen est donc nouveau, et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que M. X... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs;

Et attendu qu'il y a lieu d'accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.