Cass. com., 12 mai 2004, n° 01-11.735
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 20 février 2001), que M. X... (le cédant) a consenti à MM. Y... et Salahattin Z... (les cessionnaires) une promesse de cession d'un fonds de commerce exploité en location-gérance par M. A... (le locataire-gérant) ; qu'après la levée de l'option dans le délai, le cédant a refusé de concourir à l'établissement de l'acte ; que les cessionnaires ont alors demandé que soit judiciairement constatée la réalisation de la cession puis, le locataire-gérant ayant cessé l'exploitation du fonds, sollicité la résolution du contrat et le paiement de dommages-intérêts ; que le tribunal a constaté que la cession était parfaite, condamné les cessionnaires à en payer le prix et condamné le cédant à des dommages-intérêts ; que le cédant ayant fait appel de cette décision, les cessionnaires ont tout d'abord conclu à la confirmation du jugement puis formé appel incident et demandé la résolution de la cession ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le cédant fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande tendant à voir prononcer la résolution de la cession du fonds de commerce alors, selon le moyen, que l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours ; que la cour d'appel qui a retenu que les conclusions qui tendaient à la confirmation d'un jugement frappé d'appel ne valaient pas acquiescement à cette décision et n'excluaient pas la possibilité de prendre des conclusions d'appel incident, a violé l'article 409 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que des conclusions qui tendent à la confirmation d'un jugement frappé d'appel ne valent pas acquiescement à cette décision et n'excluent pas la possibilité de prendre des conclusions d'appel incident, la cour d'appel a retenu à bon droit que la demande tendant à la résolution de la cession était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que le cédant fait encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution de la cession du fonds de commerce alors, selon le moyen :
1 ) que le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en paye pas le prix, et bien que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le paiement ; que la cour d'appel, qui a prononcé la résolution de la vente pour manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance, tout en constatant qu'il était stipulé que l'entrée en jouissance aurait lieu au jour du paiement de l'intégralité du prix, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1612 du Code civil, ensemble l'article 1184 du même Code ;
2 ) que la vente est parfaite entre les parties, et la chose est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que la cour d'appel, pour prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce, a retenu que la délivrance du fonds délaissé par le locataire-gérant antérieurement au jugement querellé était impossible, que le fonds avait disparu dans des circonstances ne relevant pas du cas fortuit et que le vendeur aurait pu chercher à le prévenir alors qu'il n'ignorait pas le conflit opposant le locataire-gérant au propriétaire de l'immeuble, la SCI Z... ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute du vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1583 du Code civil ;
3 ) que les juges ne doivent pas méconnaître l'objet du litige, qui est déterminé par les conclusions des parties ; que la cour d'appel, pour prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce, a retenu que la délivrance du fonds délaissé par le locataire-gérant antérieurement au jugement querellé était impossible, que le fonds avait disparu dans des circonstances ne relevant pas du cas fortuit et que le vendeur aurait pu chercher à le prévenir alors qu'il n'ignorait pas le conflit opposant le locataire-gérant au propriétaire de l'immeuble, la SCI Z... ; qu'en statuant ainsi, bien que les parties se soient toutes prévalues d'un transfert de propriété antérieur au départ du locataire-gérant, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) qu'il avait fait valoir que le locataire-gérant du fonds de commerce vendu, en litige avec la SCI Z..., propriétaire de l'immeuble, avait abandonné l'exploitation du fonds après avoir été agressé par MM. Z... ; que les juges du fond, qui ne se sont pas expliqués sur la responsabilité des acquéreurs dans la disparition du fonds invoquée par eux, n'ont pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile et ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que le vendeur, tenu de délivrer la chose vendue, est à ce titre chargé de l'obligation d'en assurer la conservation jusqu'au terme convenu pour sa livraison effective, peu important que ce terme ne soit pas encore échu ou que la propriété de la chose ait été antérieurement transférée à l'acheteur ; que la cour d'appel, saisie d'une demande de résolution fondée sur l'impossibilité d'exécution due à la perte du fonds cédé, a constaté que celle-ci ne résultait pas d'un cas fortuit puisque le cédant aurait pu chercher à la prévenir ; qu'ayant ainsi fait ressortir que ce dernier avait manqué à son obligation de conservation du fonds, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige et n'était pas tenue de s'expliquer sur la responsabilité des acquéreurs qui n'était pas invoquée devant elle, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.