Cass. 2e civ., 19 février 2015, n° 14-10.439
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Rapporteur :
Mme Lemoine
Avocat général :
M. Mucchielli
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'une précédente saisie-attribution pratiquée au préjudice de la société SFS, ayant fait l'objet d'une contestation devant le juge de l'exécution qui en a ordonné le retrait du rôle le 24 septembre 2003, le Crédit lyonnais a fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution le 13 mai 2011 pour les mêmes causes, entre les mains du même tiers saisi, la société ALDI ; que la société SFS a contesté cette mesure ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société SFS fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la banque soit déchue de son droit de poursuivre le recouvrement de sa créance à son encontre et à ce que soit ordonnée, en conséquence, la mainlevée de l'hypothèque prise par la banque sur son immeuble pour garantir le crédit du 30 août 1995, ainsi que celle de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la saisie à l'exception des intérêts moratoires échus antérieurement au 13 mai 2006, alors, selon le moyen :
1°/ que le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celui-ci ; qu'en affirmant qu'aucun manque de diligence ne pouvait être imputé à faute au Crédit lyonnais dans le recouvrement de la créance qui lui avait été attribuée à la suite de la saisie pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI au motif que la société SFS avait admis dans ses conclusions de première instance que sa locataire, la société ALDI, lui avait en définitive réglé le montant des loyers, la cour d'appel, qui a ainsi ajouté à l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution une condition qu'il ne comporte pas, en a violé les dispositions ;
2°/ que le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celui-ci ; qu'en affirmant que la société SFS ne pouvait faire grief au Crédit lyonnais de ne pas avoir fait juger la contestation qu'elle avait formée le 7 novembre 2002 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Gap dès lors qu'elle avait sollicité son retrait du rôle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en s'abstenant de faire constater la péremption de cette instance et de solliciter, en conséquence, un certificat de non-contestation qui lui aurait permis d'obtenir paiement de sa créance dans les mains du tiers saisi, le Crédit lyonnais n'avait pas été négligent dans le recouvrement de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que, dans ses dernières conclusions, la société SFS faisait valoir que l'inefficacité de la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI était imputable à la négligence de la société SFS qui n'avait « jamais tenté d'obtenir de la société ALDI, tiers-saisi, le paiement des sommes qu'elle avait pourtant reconnues devoir dans l'acte de saisie de 2002 » ; qu'elle relevait ainsi clairement et précisément que « le Crédit lyonnais reconnaît ne rien avoir fait depuis 2002 auprès du tiers-saisi pour rendre effective la saisie faite » ; qu'en affirmant que la société SFS avait énoncé que la Crédit lyonnais avait donné mainlevée de la première saisie attribution pratiquée en 2002, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions signifiées le 20 août 2013 en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que, dans ses dernières conclusions, Le Crédit lyonnais reconnaissait lui-même « qu'aucune décision n'était jamais intervenue pour déclarer la saisie-attribution alors pratiquée nulle ou encore en ordonner la mainlevée » ; qu'en affirmant que la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI le 3 octobre 2002 avait fait l'objet d'une mainlevée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la contestation de la saisie-attribution par le saisi faisait obstacle à toute action en paiement à l'encontre du tiers-saisi de sorte qu'aucun manquement ne pouvait être reproché au créancier, la cour d'appel a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Mais, sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article L. 211-2, ensemble l'article L. 211-5, du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que l'acte de saisie emporte à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ;
Attendu que pour débouter la société SFS de sa demande tendant à voir déclarer « irrecevable » la nouvelle saisie-attribution pratiquée en 2011 compte tenu de celle précédemment ordonnée en 2002 et de confirmer le jugement en ce qu'il a validé la saisie-attribution à l'exception des intérêts moratoires, l'arrêt retient que quand bien même il n'a pas été donné mainlevée de la première mesure, celle-ci ne saurait constituer un obstacle à la mise en oeuvre de la saisie contestée, dès lors qu'elle ne pouvait permettre au créancier d'obtenir le moindre paiement du tiers saisi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, peu important la décision de retrait du rôle en date du 24 septembre 2003, tant qu'il n'avait pas été statué sur la contestation de la première saisie, l'effet attributif qui lui était attaché perdurait à concurrence des sommes pour lesquelles elle avait été pratiquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société SFS de sa contestation de la saisie-attribution pratiquée à son préjudice le 13 mai 2011, l'arrêt rendu le 15 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.