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Décisions

Cass. com., 20 juin 2000, n° 96-15.575

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Graff

Avocat général :

M. Jobard

Avocat :

Me Blanc

Aix-en-Provence, 2e ch. civ., du 24 avr.…

24 avril 1996

Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Y... a commandé à la société France marine offshore (FMO) la construction d'un bateau au prix de 5 930 000 francs ; que la convention stipulait la reprise par la société FMO de deux autres bateaux en possession de M. Y... ; qu'en garantie de ces engagements, celui-ci a tiré sur la société FMO quatre lettres de change d'un montant respectif de 300 000 francs, 595 200 francs, 1 300 000 francs et 3 200 000 francs ; que ces effets, qui ont été avalisés par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Var (la Caisse) et endossés à l'ordre de la Société lyonnaise de banque, sont revenus impayés à leur échéance ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société FMO, M. Y... et les sociétés en commandite simple, Y... JM et Compagnie Gaila et Y... JM et Compagnie transmed, ont assigné la Caisse en paiement de la somme de 5 395 000 francs, montant cumulé des effets ;

Sur la recevabilité du pourvoi en tant que formé par les sociétés en commandite simple :

Attendu que les sociétés en commandite simple Y... JM et Compagnie Gaila et Y... JM et Compagnie transmed ne justifient d'aucun intérêt à la cassation de la décision qui les a mises hors de cause ; que leur pourvoi est donc irrecevable ;

Sur le pourvoi en tant que formé par M. Y... :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y..., pris en son nom personnel, reproche à l'arrêt d'avoir rejeté toutes ses demandes à l'encontre de la Caisse, alors, selon le pourvoi, que le cautionnement bancaire donné par un établissement de crédit constitue une opération commerciale par nature et que la solidarité s'attache de plein droit à une obligation de nature commerciale en sorte que le cautionnement -à supposer qu'il ne s'agisse pas d'un aval- donné par la Caisse, commercial par nature, était solidaire ; qu'en le qualifiant de simple, la cour d'appel a violé les articles 1107, alinéa 2, et 1202 du Code civil, 1er et 3 de la loi du 24 janvier 1984, 632, alinéa 5, du Code de commerce ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a considéré que la Caisse avait consenti un cautionnement simple, a également retenu que M. Y..., pris en son nom personnel, ne justifie pas être créancier à l'égard de la société FMO d'une obligation garantie par la Caisse ;

qu'ainsi, le moyen, qui porte sur un motif surabondant, ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Y... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que les associés commandités d'une société en commandite simple qui sont personnellement tenus des dettes de la société envers les créanciers de celle-ci sont corrélativement personnellement créanciers des débiteurs de la société ; qu'ainsi, M. Y..., en sa qualité d'associé commandité de la société en commandite simple Y... JM transmed était réputé être personnellement créancier de la société FMO ayant reçu les sommes de 1 500 000 francs, 300 000 francs et 500 000 francs, en sorte que la Caisse aurait dû être condamnée à exécuter son cautionnement à hauteur desdites sommes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 23 et 24, 10 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que l'obligation aux dettes sociales des associés commandités d'une société en commandite simple n'a pas pour corrolaire un droit de créance de ces associés sur les débiteurs de la société ; que le moyen est sans fondement ;

Et sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que M. Y... fait enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait écarter sa demande, à hauteur de 300 000 francs sans rechercher si, comme il le faisait valoir, avec la société en commandite, dans leurs conclusions signifiées et déposées le 4 janvier 1995, la société FMO avait utilisé des bateaux et procédé à des locations en sorte qu'elle se trouverait débitrice du premier et que la Caisse devait sa garantie pour ladite somme ; qu'en jugeant que la Caisse n'était pas tenue en qualité de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1236 du Code civil ; et, alors, d'autre part, que le créancier d'un engagement de reprise de biens, tels deux bateaux, n'est pas tenu d'être propriétaire de ceux-ci lors de la conclusion de l'engagement mais seulement lors de l'exécution dudit engagement ; qu'ainsi, il suffisait que M. Y... fût propriétaire des deux bateaux lorsque la banque gérante lui verserait la somme de 5 395 000 francs pour que cette dernière fût obligée ; qu'en rejetant la demande de M. Y..., la cour d'appel a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la Caisse relève à juste titre que M. Y... n'est pas en mesure de représenter les deux bateaux, puisqu'il est établi que le Force 10, loué à la SCS Transmed, est la propriété de la société Ucabail-Unimer et que le Versilcraft 40 est celle de la SCS Gaila ; qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que M. Y... ne pouvait en son nom personnel être créancier à l'égard de la société FMO au titre de l'utilisation ou de la location des bateaux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante dont fait état la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que M. Y... ne produit aucune convention stipulant qu'il suffirait qu'il soit propriétaire des deux bateaux lorsque la Caisse lui verserait la somme de 5 395 000 francs pour que celle-ci fût obligée ;

D'où il suit que le moyen, dépourvu de justification, est irrecevable en sa quatrième branche et mal fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter M. Y..., pris en son nom personnel, l'arrêt retient que la CRCAM du Var est recherchée non sur le terrain du droit cambiaire, mais sur celui de l'engagement de caution que dans ses écritures elle demande à la cour d'appel de constater et, dans le dispositif, "constate que Jean-Michel Y..., pris en son nom personnel et la CRCAM du Var admettent tous deux que la demande est fondée sur un engagement de caution" ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions signifiées le 4 janvier 1995, M. Y... faisait valoir, "sur l'article 130 du Code de commerce", que le Crédit agricole du Var "s'est porté garant par sa mention Bon pour aval" pour le compte de la société FMO, et que, dans ses conclusions en défense signifiées le 8 février 1995, la Caisse répondait "sur l'aval" et les effets de l'"absence de nom du bénéficiaire" et de l'"aval par acte séparé", la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé par les sociétés en commandite simple Y... JM et Compagnie Gaila et Y... JM et Compagnie transmed ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause des sociétés en commandite simple Y... JM Gaila et Y... JM transmed, l'arrêt rendu le 24 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.