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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 21 mars 2023, n° 20/05965

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Consortium pour l’Expansion Commerciale Industrielle Immobilière et Agricole (SARL)

Défendeur :

Terlogis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baumann

Conseillers :

Mme Bonnet, Mme Gautron-Audic

Avocats :

Me Moreau, Me Lefort, Me de la Ferte

T. com. Versailles, du 4 nov. 2020, n° 2…

4 novembre 2020

La SARL Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole (la société CECIA) est une société fondée en 1986 par M. [K] [R] qui en était le gérant ; M. [V] [R], un de ses fils, en était le directeur salarié.

Le capital, réparti en 120 000 parts, en était détenu par MM. [K] et [V] [R], respectivement à hauteur de 88,64 % et 5,34 %, par la SCI [U] [N] dirigée par M. [L] [R] (0,02 %) et par la SARL Evalor (6%), dirigée par M. [V] [R] ; les héritiers de MM. [K] et [V] [R] détiennent en indivision les parts sociales dont ces derniers étaient titulaires.

Cette société avait alors notamment pour objet l'achat, la rénovation et la vente de biens meubles et immeubles, l'activité de marchands de biens et la gestion de participations dans deux sociétés qu'elle détenait pour partie avec des sociétés de la famille [B], ses partenaires en affaires : la société SCI 14 dont le capital était détenu par moitié par chacune des sociétés CECIA et Terlogis et la société Résidences 2001 dans laquelle la société CECIA détenait 36 % du capital.

Au décès de MM. [V] et [K] [R], respectivement le 30 avril puis le 12 novembre 2007, la gérance de droit de la société CECIA a été assurée par M. [A] [R], frère de [V], lequel était le co-gérant de droit de la société ; M. [I] [B], gérant par ailleurs de la SARL Terlogis et nommé le 2 mai 2007 par M. [K] [R] comme directeur de la société en remplacement de son fils [V], a assuré pendant un an les fonctions de directeur de la société CECIA à titre gracieux. Au-delà de l'année 2009, les parties s'opposent sur la réalité de ses missions au sein de cette société ; par lettre du 14 septembre 2012, il a informé cette dernière qu'il démissionnait de ses fonctions de directeur.

M. [A] [R] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la société CECIA lors de l'assemblée générale du 25 juillet 2012 au cours de laquelle Mme [D] [H], veuve de M. [V] [R], a été désignée pour lui succéder.

Constatant des versements réalisés sur ses comptes entre les mois de mars et de juillet 2012 au profit de la société Terlogis pour un montant total de 135 000 euros HT qu'elle estime indu, la société CECIA, par actes d'huissier en date du 29 mai 2015, a assigné la société Terlogis, M. [A] [R], Mme [B], tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de M. [I] [B], son époux décédé, et MM. [C] et [M] [B], en qualité d'héritiers de leur père, devant le tribunal de commerce de Versailles, afin principalement d'obtenir le remboursement des paiements précités.

Une seconde instance, objet de la procédure d'appel RG 20/5967, a été initiée également par la société CECIA le 29 mai 2015 à l'encontre uniquement de M. [A] [R] et des consorts [B] aux fins d'engager la responsabilité de M. [A] [R], en sa qualité de gérant de droit de la société CECIA et de M. et Mme [B], dont la qualité de gérants de fait était alléguée, pour avoir commis des fautes qui lui ont été préjudiciables, à savoir la cession, dans des conditions 'extrêmement défavorables', de ses parts dans les sociétés SCI 14 et Résidences 2001 à deux sociétés contrôlées par la famille [B] ainsi que le refus des gérants de fait et de droit de restituer les archives de la société après la révocation de l'ancien dirigeant de droit.

Le tribunal, par jugement en date du 24 mars 2017, a sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée dans le dossier concernant les conditions de cession des parts sociales.

L'expert a rendu son rapport le 4 décembre 2018, à propos de fichiers informatiques saisis au domicile de Mme [B].

Par jugement contradictoire du 4 novembre 2020, le tribunal de commerce de Versailles a :

- débouté la société CECIA de toutes ses demandes ;

- débouté M. [R], Mme [Z] veuve [B], MM. [M] et [C] [B] de leurs demandes reconventionnelles respectives ;

- condamné la société CECIA à payer à M. [R], à la société Terlogis ainsi qu'à Mme [Z] veuve [B] et MM. [B] pris in solidum, la somme de 3 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société CECIA aux dépens.

Par déclaration en date du 30 novembre 2020, la société CECIA a interjeté appel du jugement. La déclaration d'appel a été signifiée le 15 janvier 2021, par actes d'huissier remis à l'étude, à la société Terlogis et aux consorts [B], Mme [X] [B], MM. [C] et [M] [B], lesquels n'ont pas constitué avocat.

Les parties ont accepté de tenter une médiation, ordonnée le 23 septembre 2021 et confiée à Mme [O] [G], laquelle n'a pas abouti selon message du 2 juin 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 septembre 2022 puis signifiées le 19 septembre 2022, par actes d'huissier remis à personne physique à Mme [X] [Z] veuve [B], à tiers présent à domicile à MM. [M] et [C] [B] et à la société Terlogis, en la personne de sa gérante Mme [X] [B], la société CECIA demande à la cour de:

Sur l'appel principal,

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes et déclaré prescrite l'action qu'elle a initiée ;

- constater qu'en retenant l'article L.235-9 du code civil (sic), le tribunal de commerce de Versailles a commis une erreur de droit et que son action n'est donc pas prescrite ; la déclarer en conséquence recevable ;

- constater que les prestations facturées par la société Terlogis les 22 mars, 10 mai, 26 juin et 11 juillet 2012 sont semblables à celles facturées par la société Stev International en 2009 et sont donc dépourvues de contrepartie ;

- constater qu'elle n'avait plus d'activité de promotion à compter de mi-2009 et qu'aucune prestation technique ni commerciale ne pouvait dès lors intervenir, et de ce fait, être facturée, au-delà de 2009 ;

- constater que la convention du 2 mai 2008 a été créée en juin 2012 ;

En conséquence,

- déclarer que les prestations facturées par la société Terlogis les 22 mars, 10 mai, 26 juin et 11 juillet 2012 sont dépourvues de contrepartie et que les paiements y afférents sont donc sans cause ;

- prononcer la nullité des paiements réalisés à hauteur de :

* 18 000 euros HT pour 2012 selon facture datée du 30 juin 2012 et payée le 11 juillet 2012,

* 33 000 euros HT pour 2011 selon facture datée du 30 janvier 2012 et payée le 26 juin 2012,

* 33 000 euros HT pour 2010 selon facture datée du 4 janvier 2012 et payée le 10 mai 2012,

* 33 000 euros HT pour 2009 selon facture datée du 4 janvier 2012,

* 18 000 euros HT pour 2008 selon facture datée du 4 janvier 2012 et payée le 29 mars 2012 ;

- condamner la société Terlogis à lui verser la somme de 135 000 euros HT ainsi que celle de 26 460 euros au titre de la TVA (au taux en vigueur à l'époque des paiements, soit 19,6%), soit la somme totale de 161 460 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de l'acte introductif d'instance de la présente procédure ;

- condamner M. [A] [R] et les consorts [B] in solidum afin de garantir le paiement des 135 000 euros HT ainsi que la somme de 26 460 euros au titre de la TVA (au taux de 19,6% en vigueur à l'époque des paiements), soit la somme de 161 460 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de l'acte introductif d'instance de la présente procédure, en l'absence de règlement par la société Terlogis dans les dix jours suivant la signification de l'arrêt de la cour ;

A titre subsidiaire,

- constater que M. et Mme [B] se sont comportés comme ses dirigeants de fait au moment des faits contestés ;

- constater que M. [R] était son dirigeant de droit au moment des faits contestés ;

- constater que Mme [B] n'a jamais reçu de procuration et que M. [B] a bénéficié d'une délégation de signature qui a pris fin au décès de M. [K] [R] ;

- constater que M. [B] et Mme [B], en qualité de dirigeants de fait, et M. [R], en qualité de dirigeant de droit, ont commis différentes fautes lui ayant préjudicié, à savoir :

* procéder ou laisser procéder au paiement en 2012 de la somme de 135 000 euros HT (outre la TVA) alors que les prestations en cause prétendument réalisées par la société Terlogis étaient déjà facturées, pour des prestations similaires, par la société Stev International, et n'ont, en conséquence pas été diligents et ont agi contre son intérêt social ;

* créer de toute pièce un faux document pour justifier des paiements indus et non causés, et agir ainsi contre son intérêt social ;

* n'avoir comptabilisé aucune charge ou autre provision comptable dans ses comptes de 2008 à 2011, induisant des comptes ne reflétant pas une image fidèle ;

* dans l'hypothèse où la cour considérerait que les prestations de 2012 sont distinctes de celles de 2009, avoir laissé surfacturer lesdites prestations à hauteur de 38 041,75 euros (17 mois x 2 237,75 euros) sur 2008 et 2009, et à hauteur de 84 000 euros (28 mois x 3 000 euros) de 2010 à 2012 ;

- constater que Mme [X] [B] et MM. [M] et [C] [B] viennent aux droits de M. [I] [B], aujourd'hui décédé ;

En conséquence,

- déclarer que M. [I] [B] et Mme [B] ont été, de 2007 à 2012, ses gérants de fait ;

- déclarer, à titre principal, que M. [I] [B] et Mme [B], en leur qualité de gérant de fait, répondent, sur un plan délictuel, des fautes qu'ils ont commises, et à titre subsidiaire, que M. [I] [B], en sa qualité de gérant de fait, répond, sur un plan contractuel, des fautes qu'il a commises ;

- déclarer que M. [I] [B] et Mme [B], en qualité de dirigeants de fait, et M. [R], en qualité de dirigeant de droit, ont commis les différentes fautes de gestion susvisées engageant leur responsabilité ;

- condamner Mme [B] et ses deux fils, MM. [M] et [C] [B], du fait de leur qualité d'héritiers et successeurs de leur père, et M. [R], in solidum, à lui payer, au titre de leurs fautes, ou de celle de M. [B] s'agissant de MM. [M] et [C] [B], lui ayant préjudicié, la somme de 135 000 euros HT ainsi que la somme de 26 460 euros au titre de la TVA (au taux en vigueur à l'époque des paiements, soit 19,6%), soit 161 460 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de l'acte introductif d'instance de la présente procédure ;

-condamner Mme [B] et ses deux fils MM. [M] et [C] [B], du fait de leur qualité d'héritiers et successeurs de leur père, et M. [R], in solidum, si par impossible la cour considérait que les prestations payées en 2012 sont distinctes de celles facturées et payées en 2009, à lui payer, au titre de la surfacturation réalisée (faute n°4), la somme de 122 041,75 euros HT ainsi que la somme de 23920,18 euros au titre de la TVA (au taux en vigueur à l'époque des paiements, soit 19,6%), soit 145961,93 euros TTC, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de l'acte introductif d'instance de la présente procédure ;

Sur l'appel incident,

- constater que la révocation de M. [A] [R] de ses fonctions de gérant était parfaitement justifiée et a été réalisée dans le respect des règles applicables ;

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [A] [R] ;

En tout état de cause,

- débouter M. [A] [R] de toutes ses demandes ;

- condamner solidairement la société Terlogis, M. [A] [R], Mme [X] [B] et MM. [M] et [C] [B] au paiement de la somme de 45 091,67 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

M. [A] [R], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 octobre 2022, demande à la cour de :

Sur l'appel principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CECIA de toutes ses demandes ;

Et par conséquent,

- déclarer la société CECIA irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;

- débouter la société CECIA de toutes fins et prétentions quant à une prétendue falsification de la convention d'assistance en date du 2 mai 2008 ;

- déclarer la convention d'assistance en date du 2 mai 2008 établie a minima dans les faits dès le 2 mai 2008 ;

- déclarer l'action en nullité de la convention d'assistance en date du 2 mai 2008 irrecevable comme prescrite ;

- relever que la nullité qui emporte anéantissement rétroactif du contrat de la convention d'assistance est nécessairement alternative de la demande en responsabilité du dirigeant pour faute au titre de l'exécution de ladite convention ;

- débouter la société CECIA de toute action en responsabilité pour faute à son égard en sa qualité d'ancien gérant de la société CECIA ;

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement pour le surplus ;

Et par conséquent, statuant à nouveau,

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

- condamner la société CECIA à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de sa révocation abusive de ses fonctions de dirigeant ;

En tout état de cause,

- condamner la société CECIA à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société CECIA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CECIA aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer recevables l'appel principal de la société CECIA et l'appel incident de M. [A] [R].

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, la cour ne faisant droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où il les estime régulières, recevables et bien-fondées. Ainsi, pour statuer sur l'appel lorsque l'intimé est défaillant ou n'a pas conclu, la cour doit examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.

Sur la recevabilité de la société Cecia à agir en nullité des paiements intervenus en exécution des factures datées des 4 janvier 2012, 30 janvier et 30 juin 2012 :

La société CECIA sollicite désormais que soit prononcée la nullité des paiements intervenus en exécution de ces factures, celle-ci soutenant que les prestations ainsi facturées par la société Terlogis sont sans cause. Elle soutient que son action n'est pas prescrite et est recevable dans la mesure où d'une part l'article L.235-9 du code de commerce, visé par le tribunal et invoqué par M. [A] [R], n'est pas applicable en l'espèce puisque son action en nullité 'd'une convention de prestations', pour défaut de cause et paiement indu, ne s'appuie pas sur une irrégularité touchant la décision sociale qui a été prise mais relève d'une disposition et de la prescription de droit commun prévues par le code civil.

Elle fait valoir que le tribunal a retenu à tort comme point de départ de la prescription la convention qu'il a datée, également à tort, du 2 mai 2008, dès lors qu'il importe de prendre en compte la date des paiements, à laquelle elle était en mesure de savoir si elle devait ou pouvait agir, ou encore, compte tenu des agissements frauduleux et concertés entre les époux [B] et le gérant de droit, la date de découverte de ces paiements et de l'existence 'd'un doublon' avec le règlement de précédentes factures, prétendant, dans les motifs de ses conclusions relatifs au bien-fondé de sa demande de nullité, que la convention de prestations du 2 mai 2008 est un faux. Elle soutient qu'elle n'a pu prendre connaissance de ces versements et de la convention créée en 2012 et antidatée en 2008 qu'à compter de la prise de fonction de sa nouvelle gérante, soit après le 16 septembre 2012. Elle ajoute que même si la cour ne retenait pas une fraude, le point de départ de son action ne saurait être antérieur aux paiements de sorte que la prescription quinquennale, seule applicable, n'est pas caractérisée.

M. [A] [R], au visa de l'article L.235-9 du code de commerce et après avoir relevé qu'aux termes de ses premières conclusions, la société CECIA conteste la validité de la convention conclue le 2 mai 2008, soutient que cette action en nullité est prescrite dans la mesure où ni l'appelante ni ses associés ne peuvent ignorer que cette convention d'assistance administrative, technique et commerciale confiée à la société Terlogis fait suite au mandat de directeur confié à M. [I] [B] le 2 mai 2007 à la suite du décès de M. [V] [R], lequel avait accepté d'exercer ses fonctions à titre bénévole pour une durée d'un an mais dont la rémunération, au titre de cette convention, avait ensuite été expressément mentionnée dans un procès-verbal de réunion du 28 mai 2008 au cours duquel il a été demandé à M. [B] de poursuivre ses fonctions moyennant rémunération. Il fait valoir qu'il n'est pas contestable que ce dernier s'en est acquitté jusqu'à sa démission pour raisons de santé le 14 septembre 2012.

Il ajoute que même s'il était fait application de la prescription de droit commun, l'action en nullité serait prescrite au regard de l'ancien article 1304 du code civil.

Les consorts [B] et la société Terlogis, en première instance, concluaient également à l'irrecevabilité de l'action en nullité de la convention de services du 2 mai 2008 et en répétition des sommes éventuellement réglées en application de cette convention, soutenant que celle-ci était forclose.

En application de l'article 954 du code civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions déposées.

Aucune demande aux fins d'annulation de la convention datée du 2 mai 2008 n'étant formulée au dispositif des dernières conclusions déposées par la société CECIA, qui a modifié ses prétentions depuis les débats en première instance, la cour n'a par conséquent pas à apprécier la fin de non-recevoir tenant à la prescription opposée par M. [A] [R] sur le fondement de l'article L.235-9 relatif à la prescription réduite à trois ans des actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution ; celle-ci qui s'avère sans objet est rejetée.

L'action en nullité des paiements intervenus au cours de l'année 2012, laquelle relève de la prescription quinquennale de droit commun dès lors qu'elle est fondée sur un défaut de cause de ces versements, invoquée sur le fondement de l'article 1131 du code civil, est à l'évidence recevable dès lors qu'elle a été introduite par assignations du 29 mai 2015.

Il convient ainsi, ajoutant au jugement, de dire recevable l'action en nullité des paiements intervenus en 2012 et de rejeter la fin de non-recevoir opposée par M. [A] [R].

Sur le bien-fondé de la demande principale de la société CECIA :

Sur le fondement de l'ancien article 1131 du code civil, la société CECIA expose que les prestations d''assistance administrative, technique, commerciale' ne pouvaient être facturées en 2012 par la société Terlogis compte tenu en premier lieu de l'impossibilité juridique et matérielle des contreparties dès lors que de telles prestations avaient déjà été facturées par la société Stev international en 2008 et 2009, notamment dans le cadre des prestations commerciales liées à la vente des appartements de l'opération immobilière des Loges-en-Josas, seul chantier en cours en 2008 et 2009 et qu'elles ne pouvaient être réalisées au-delà du premier semestre 2009, ce chantier ayant pris fin ; elle précise ne plus avoir eu d'activité de promotion et de vente et plus de chiffre d'affaires à compter de 2010 de sorte qu'il était impossible de réaliser des prestations commerciales et techniques.

Elle conclut en second lieu à l'absence de matérialité des prestations facturées en 2012 dès lors que d'une part aucun élément matériel ne vient à leur appui, aucune provision n'ayant été passée dans les comptes de 2008 à 2011, aucune facture n'ayant été émise et aucun paiement effectué sur la même période, que d'autre part les défendeurs ont réalisé un faux en créant la convention prétendument datée du 2 mai 2008, postérieurement au paiement des factures, et qu'enfin les documents saisis dans le cadre de la procédure de l'article 145 du code de procédure civile ne permettent pas de justifier de la réalité de ces prestations. Elle ajoute enfin que si la cour retient néanmoins l'existence de prestations distinctes, elle pourra constater que celles-ci ont été largement sur-facturées au regard de la décision prise lors de assemblée générale du 28 mai 2008, laquelle a retenu une facturation mensuelle de 762,25 euros HT et non de 3 000 euros HT.

En troisième lieu, elle soutient que la convention du 2 mai 2008, strictement identique au document saisi chez Mme [B] dans un fichier créé le 8 juin 2012, est un faux et que l'argumentation qui lui est opposée par M. [A] [R] ne peut convaincre à la lumière de l'analyse détaillée qu'elle opère sur chacun des arguments soulevés par ce dernier et par les consorts [B], soulignant en particulier qu'aucune autre convention datée et similaire passée avec la société Terlogis n'a été retrouvée dans les documents saisis à la seule exception de ce seul fichier Word, sous lequel une convention strictement identique figure et dont la probabilité que les propriétés en aient été modifiées est 'nulle' ; elle souligne également que si la convention avait été conclue le 2 mai 2008, une nouvelle discussion le 28 mai 2008, sur la rémunération de M. [B], n'était pas justifiée et que c'est à cette date que la rémunération de ce dernier a été arrêtée à la somme de 762,25 euros HT mensuelle et non à celle de 3 000 euros, mais qu'en tout état de cause cette facturation, effectuée en 2012, n'avait pas lieu d'être dès lors que la rémunération était intervenue via des prestations facturées par la société Stev international, ajoutant qu'elle n'a jamais nié l'intervention de M. et Mme [B] en son sein même si elle conteste la réalité des prestations de la convention du 2 mai 2008, facturées seulement en 2012. Elle discute en outre l'intervention de M. [B] jusqu'en juin 2012 comme l'a expliqué sa dirigeante dans son courrier du 29 septembre 2012.

M. [A] [R] fait valoir que de nombreux éléments démontrent l'effectivité incontestable des prestations fournies par la société Terlogis au travers de M. [I] [B] et de son épouse, soulignant que la convention d'assistance confiée à la société Terlogis a fait suite au mandat de directeur confié à M. [B] à la suite du décès de M. [V] [R] qui exerçait auparavant ces mêmes fonctions et que Mme [B] s'est vu confier des missions d'assistance administrative et comptable et était en possession des archives de la société CECIA.

Il cite notamment le compte-rendu de la réunion du 28 mai 2008 au cours de laquelle les conditions de rémunération de M. [B] ont été expressément évoquées, divers courriers, le procès-verbal d'une assemblée générale de la SCI [U] [N] en date du 13 septembre 2011 ainsi qu'une lettre du 6 avril 2012 de M. [E] [R] justifiant de l'importance des activités de gestion de la société CECIA ; il s'étonne que cette dernière minimise l'importance de l'assistance prodiguée par M. et Mme [B] au titre de la convention d'assistance alors qu'elle la met en valeur dans la direction et la gestion de la société pour tenter de les qualifier de gérants de fait.

Il fait également valoir que les prestations facturées en 2012 ne portaient absolument pas sur le suivi du chantier des Loges-en-Josas, que la commercialisation de biens immobiliers ne correspond en aucun cas au suivi administratif et de gestion de la société CECIA et qu'ainsi la convention du 2 mai 2008 a eu 'incontestablement' une contrepartie effective, prétendant que celle-ci a été d'ailleurs expressément visée dans une facture de la société Terlogis adressée à la société CECIA le 18 septembre 2009. Il conteste toute falsification de la convention litigieuse dont il dénie formellement qu'elle soit antidatée en formulant diverses observations relatives à la date de création en 2012 du fichier Word, contenant une convention identique et trouvé lors de la saisie opérée au domicile de Mme [B].

Les consorts [B] et la société Terlogis soutenaient devant le tribunal que 'la prestation' avait des contreparties réelles et que le faux n'était pas démontré.

Conformément à l'ancien article 1131 du code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Il incombe à celui qui se fonde sur cette absence de cause ou une fausse cause d'en faire la preuve.

Il est mentionné sur les cinq factures litigieuses émises par la société Terlogis entre le 4 janvier et le 30 juin 2012 qu'elles sont relatives à des prestations d''assistance, administrative, technique, commerciale' effectuées entre les mois de juin 2008 et juin 2012, celles-ci étant facturées à hauteur de la somme mensuelle de 3 000 euros HT, à l'exception des mois d'août 2009 à 2011, soit une somme totale de 135 000 euros HT (18 000 euros x2 et 33 000 euros x3) et de 161 460 euros TTC.

La société CECIA ne discute pas l'assistance que M. [I] [B] a apportée à sa gestion, en prenant en charge sa direction d'abord à titre bénévole, dans les suites des décès de MM. [V] et [K] [R] puis au delà de 2008, jusqu'en 2009, comme l'admet Mme [D] [R] dans une lettre du 29 septembre 2012, où celle-ci évoque l'aide de M. [B], dès le décès de M. [V] [R], pour assurer tant le suivi des chantiers en cours et des anciens chantiers que 'l'administratif et le comptable avec l'aide d'ECGE', expert-comptable de la société CECIA.

Mme [D] [R], dans ce courrier, conteste cependant la poursuite des fonctions de direction de M. [I] [B] au-delà de l'année 2009 au cours de laquelle la dernière opération de promotion immobilière assurée par la société CECIA, sur un chantier situé aux Loges-en-Josas, s'est terminée ; dans ce cadre elle conteste la réalité de la convention signée le 2 mai 2008 entre les sociétés CECIA et Terlogis, représentées par leur gérant respectif, à savoir MM. [A] [R] et [I] [B], laquelle prévoyait une mission d'assistance administrative, technique et commerciale pour un montant mensuel de 3 000 euros, M. [A] [R] soutenant que c'est au travers de la société Terlogis que M. [B] était rémunéré de ses fonctions au sein de la société CECIA.

Si cette convention est arguée de faux par l'appelante, il n'est justifié d'aucune procédure pénale entreprise en ce sens, le jugement correctionnel de Versailles, versé aux débats et condamnant M. [A] [R] le 7 septembre 2020 pour des faits de faux en écriture publique ou authentique et usage, ne concernant pas cette convention ; de même, la société CECIA ne sollicite plus devant la cour l'annulation de cette convention, cette demande ayant été rejetée par le tribunal qui a relevé dans ses motifs 'la prescription de toute action à compter du 2 mai 2011'.

En tout état de cause, le fait que lors de la saisie de documents réalisée par huissier en 2015 au domicile de Mme [B], il ait été trouvé dans son ordinateur un seul fichier Word créé le 6 juin 2012 sous lequel figurait un document intitulé 'convention CECIA Terlogis 16', document dont il n'est pas discuté qu'il correspond en tous points au texte de la convention du 2 mai 2008, ne permet pas d'affirmer avec certitude que ce document a été antidaté et qu'aucun autre n'a été créé en 2008, l'expert indiquant notamment dans l'analyse effectuée dans son rapport du 4 décembre 2018 que d'autres ordinateurs ont dû être utilisés ; comme l'observe M. [A] [R], il n'est pas exclu que l'édition de ce document ait été réalisée en 2012 en copiant et collant un exemplaire antérieur.

Il est constant qu'en mai 2008, la rémunération de M. [I] [B], voire celle de Mme [B], a fait l'objet de discussions :

* d'après le compte-rendu d'une réunion du 28 mai 2008 à laquelle assistaient M. [A] [R], M. [I] [B], Mme [D] [R] et M. [L] [R] au cours de laquelle il a été évoqué la volonté des 'présents' de 'liquéfier le patrimoine sans le brader' ; il a été notamment confié à M. [B] l'établissement d'un inventaire des biens avec leur évaluation et s'agissant du poste de ce dernier 'sur CECIA', celui-ci étant à cette occasion 'vivement remercié' d'avoir 'assuré les fonctions de directeur de CECIA à titre gracieux pendant un an comme il s'y était spontanément engagé au décès de [V]', il lui a été demandé 'de continuer jusqu'à la fin des opérations commencées avec [V] pour en assurer le suivi, et cela moyennant rémunération'. M. [B] a alors demandé '3 000 euros HT facturés en prestations de profession libérale (sans charge sociale)', étant précisé à cette occasion qu'à 'la gestion courante de la société' s'ajoutaient la fin du suivi de l'opération immobilière des Loges-en-Josas dont les travaux étaient terminés, en particulier la finalisation des ventes, l'entrée des acquéreurs dans les appartements, le suivi de la garantie de parfait achèvement en faisant le lien entre les propriétaires et les entreprises, 'sans parler du travail de [X] [B]' ; il est constant qu'il n'a pas alors été évoqué la convention du 2 mai 2008 signée par les seuls MM. [A] [R] et [I] [B], étant simplement mentionné à la fin de ce compte-rendu que 'les [R]' devaient en discuter avec les autres membres de la succession ;

* le même jour que la réunion précitée, lors l'assemblée générale de la société, à laquelle assistaient les associés dont M. [L] [R], représentant les héritiers de M. [K] [R] et M. [I] [B], en qualité de 'directeur', il a été décidé de passer 'un contrat de prestation de suivi de gestion avec M. [I] [B] (...) pour un montant annuel de 9 147 euros', soit une rémunération mensuelle de 762,25 euros ; il n'est pas discuté par M. [A] [R] que ce contrat a bien été signé, même s'il relève, à propos des moyens développés à propos de sa responsabilité, que celui-ci différait de la convention signée le 2 mai 2008, l'intitulé des deux conventions n'étant effectivement pas similaire.

Il s'en déduit qu'à compter de juin 2008, M. [I] [B], au travers notamment de la société Terlogis, a été rémunéré pour ses fonctions au sein de la société CECIA, la discussion entre les parties sur le montant de sa rémunération n'affectant pas la cause des prestations réalisées dans le cadre des fonctions qui lui avaient été ainsi confiées.

De plus, outre que M. [B] a contesté dès un courrier du 23 octobre 2012 adressé à la nouvelle gérante de la société CECIA que ses fonctions de direction se seraient limitées dans le temps à la période de 2007 à l'année 2009, il ressort d'autres éléments que M. [B] a poursuivi ces fonctions dont il n'a démissionné que par courrier du 14 septembre 2012 ; ainsi :

* M. [L] [R], lors de assemblée générale de la société [U] [N] du 13 septembre 2011, a indiqué vouloir tenir compte 'de l'action des [B] qui nous ont beaucoup aidés depuis 4 ans et demi (...)' ; dans un courrier du 6 avril 2012, communiqué par l'intimé, que M. [L] [R] lui a adressé, ce dernier lui a aussi précisé que depuis le décès de leur père, il s'occupait avec notamment '[D]' de 'la gestion et de la liquidation de la société CECIA, en liaison avec M. et Mme [B]' et que si 'les activités immobilières de la société' avaient 'cessé', ils traitaient néanmoins ' de nombreux problèmes, créances, dettes, filiales et participations et autres, en particulier le redressement fiscal' ;

* il convient d'observer que si effectivement l'expert-comptable de la société CECIA a attesté le 19 septembre 2013 que celle-ci n'a plus réalisé aucun chiffre d'affaires depuis 2010, celle-ci avait cependant une activité de holding et devait assurer la gestion de ses participations au sein des sociétés SCI 14 et Résidences 2001 qu'elle n'a cédées que le 1er juin 2012 ; le courrier de M. [L] [R] contredit l'affirmation de la société CECIA, figurant dans son tableau en page 24 de ses écritures, selon laquelle 'l'administratif' était géré par l'expert-comptable de la société CECIA..

Par ailleurs, le courrier précité de Mme [D] [R] confirme la collaboration et l'assistance de Mme [B] dont elle remarque qu'elle fournissait à l'expert-comptable les éléments nécessaires à la tenue des assemblées générales, qu'elle était présente aux rendez-vous avec l'avocat fiscaliste dans le cadre du recours à l'encontre du redressement fiscal notifié au début de l'année 2010, qu'elle était également rentrée spécialement de vacances pour l'assemblée générale du 25 juillet 2012 au cours de laquelle Mme [R] a été nommée gérante de la société CECIA, cette dernière demandant enfin à Mme [B] de remettre 'toutes les archives de CECIA' et à M. et Mme [B] d'être présents au rendez-vous de passation de pouvoirs avec M. [A] [R] ; la responsable juridique du 'cabinet ECGE' atteste, le 12 avril 2013, que lors de l'assemblée générale du 25 juillet 2012, Mme [B] s'est présentée au cabinet avec 'deux gros sacs plastiques contenant les éléments comptables de la société CECIA' et le même jour, M. [A] [R] a signé un document confirmant que M. [B] avait remis ' la comptabilité ainsi que les documents concernant la société CECIA (...) (2010-2011-2012), le livre d'assemblées, les procès-verbaux d'assemblées, les chéquiers, les carnets remises chèques, 2 tampons'. L'ensemble de ces derniers éléments démontre également l'implication de Mme [B] dans le suivi au moins administratif de la société CECIA.

Enfin, les prétentions subsidiaires aux termes desquelles la société CECIA soutient que M. [I] [B] et son épouse ont été ses gérants de fait et ont 'accompli de façon continue des actes de gestion sur une période allant de 2007 à 2012' contredisent totalement ses présentes allégations relativement à la limitation dans le temps de l'assistance administrative de M. [B] au travers de la société Terlogis.

S'agissant des factures qui ont été émises par la société Stev international, dirigée par Mme [X] [B], il convient de préciser que celle-ci était liée avec la société CECIA aux termes d'un contrat de prestation signé le 20 janvier 1997 et d'un mandat de vente exclusif du 1er octobre 1997, lesquels avaient pour objet, dans le cadre de l'activité de promotion immobilière de la société CECIA, de confier à la société Stev international d'une part, la recherche des opérations, une assistance technique et commerciale de la société CECIA, la réalisation du pilotage des travaux et la gestion des opérations et d'autre part, le mandat exclusif de vendre les neuf appartements et les huit parkings de l'ensemble immobilier situé aux Loges-en-Josas.

Dans le cadre de ces contrats, l'appelante liste d'une part neuf factures émises entre le 31 janvier 2008 et le 15 septembre 2009 à titre d'honoraires de commercialisation pour un montant de 159 920 euros HT; elle verse aux débats d'autre part, une facture datée du 15 mai 2009 d'un montant de 201 400 euros HT, émise par la société Stev international, pour l'assistance technique, commerciale et juridique pour la même opération immobilière située aux Loges-en-Josas, étant précisé que cette somme correspond à 10% du montant des ventes de l'opération (rénovation d'un bâtiment et construction d'un bâtiment neuf et de parkings).

Il n'est pas discuté que ces factures ont été réglées par la société CECIA ; cependant, outre que ces factures ne correspondent qu'à une partie de la période couverte par les factures émises par la société Terlogis, il n'est pas démontré que ces dernières feraient double emploi pour la période comprise entre juin 2008 et septembre 2009 dans la mesure où l'assistance administrative et le suivi de gestion apportés à la société CECIA par la société Terlogis ne relèvent pas de la mission confiée à la société Stev international.

Dans ces circonstances, le défaut de cause des factures émises par la société Terlogis et réglées par la société CECIA n'est pas prouvé quand bien même elles n'ont été émises qu'en 2012 pour des prestations débutées en juin 2008, dès lors qu'il a été suffisamment démontré qu'indépendamment des missions assurées par la société Stev international dans le cadre de l'activité de promotion immobilière de la société CECIA et quand bien même il n'est pas discuté que cette dernière n'a plus assuré d'opération de promotion immobilière après la livraison au cours de l'année 2009 du chantier situé aux Loges-en-Josas, M. et Mme [B], au travers de la société Terlogis, ont collaboré à la gestion de la société CECIA, notamment sur le plan administratif et comptable et ce en particulier sur la période de 2008 à juin 2012.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CECIA de toute demande de ce chef.

Sur la demande subsidiaire de la société CECIA tenant à la responsabilité de ses dirigeants de fait et de droit :

La société CECIA conteste en premier lieu toute prescription de cette action.

S'agissant de la responsabilité du gérant de droit fondée sur l'article L.223-22 du code de commerce et soumise à la prescription triennale de l'article L.223-23, elle prétend que celle-ci ne peut être encourue dès lors que la date de création en 2012 et de signature de la convention ainsi que les opérations de paiement de 2012 lui ont été dissimulées ainsi qu'à ses associés et que ce n'est qu'après sa prise de fonction que la nouvelle gérante a découvert les paiements indus et le 3 mars 2015 qu'elle a appris l'existence de la prétendue convention du 2 mai 2008.

S'agissant de la responsabilité des gérants de fait, elle soutient que c'est la prescription quinquennale de droit commun qui leur est applicable, la jurisprudence dissociant leur responsabilité de celle des dirigeants de droit en considérant que celle-ci est de nature délictuelle, ayant pour point de départ la date du fait litigieux ou en cas de dissimulation la date de révélation dudit fait. Elle observe à cet égard que M. [A] [R] et les consorts [B] qui ont sciemment retenu les archives pendant plusieurs mois ont fait preuve d'une véritable volonté de dissimulation.

Elle précise enfin que les fils de M. [B] ont été assignés en leur qualité d'héritiers de leur père et que leur responsabilité peut être engagée pour des actes commis par ce dernier.

S'agissant en second lieu de la responsabilité des dirigeants de droit et de fait, après avoir rappelé les principes applicables, elle souligne d'une part que les époux [B] ont accompli de façon continue des actes de gestion sur une période allant de 2007 à 2012 et se sont comportés en tant que véritables gérants de fait comme le confirment d'ailleurs les déclarations de M. [B] dans son courrier du 23 octobre 2012, ajoutant que ceux-ci qui disposaient du chéquier de la société intervenaient de manière totalement indépendante sans requérir d'autorisation préalable de M. [A] [R] et de tout autre associé, M. [B] disposant en outre des pouvoirs bancaires à compter du 19 juin 2007.

Elle soutient d'autre part que ces dirigeants de fait et de droit ont commis quatre fautes principales :

- le paiement sans contrepartie de la somme de 135 000 euros HT, estimant qu'un dirigeant prudent et diligent aurait demandé à la société Terlogis de justifier des prestations réalisées et en quoi elles étaient différentes des prestations facturées en 2009, d'autant notamment que l'absence d'activité de promotion immobilière depuis mi-2009 rendait impossible la facturation de prestations techniques et commerciales ;

- la signature d'un faux pour justifier de prestations dépourvues de toute contrepartie ;

- l'absence de toutes provisions ou charges comptables ;

- une surfacturation manifeste dès lors que le montant réglé n'est pas conforme à celui arrêté lors de l'assemblée générale du 28 mai 2008 et qu'elle n'avait plus d'activité à compter de 2010.

Elle fait état ensuite de ses préjudices en lien direct avec les manquements évoqués, à hauteur à titre principal de la somme de 135 000 euros HT et subsidiairement de 122 041,75 euros HT.

Enfin, pour répondre aux arguments de M. [A] [R], elle souligne d'une part que la caducité de la mesure ordonnée le 26 mai 2015 à l'égard de celui-ci, attachée au fait qu'elle n'a pu être réalisée, et la question de l'opposabilité des pièces n'ont pas de conséquence l'une sur l'autre et que les documents saisis valablement chez Mme [B] et ayant fait l'objet d'un débat contradictoire lui sont tout à fait opposables.

Elle conteste d'autre part que la demande en nullité soit nécessairement alternative de la demande en responsabilité du gérant.

M. [A] [R], après avoir observé que la demande en nullité de l'appelante est nécessairement alternative de la demande en responsabilité du dirigeant, conclut, sur le fondement des articles L. 223-19, L. 223-22 et L. 223-23 du code de commerce, à la prescription et à l'irrecevabilité de l'action engagée par la seule société CECIA dès lors que le point de départ de la prescription s'analyse uniquement à son égard et qu'il s'est écoulé plus de trois ans à compter de la date d'émission des factures ou tout au plus à compter de leur date d'enregistrement qui marque leur révélation à l'égard de cette dernière.

Sur le fond, il soutient qu'il doit être démontré en quoi son comportement aurait été contraire à l'intérêt social et plus spécifiquement quelle serait la nature de l'atteinte portée à la situation et au développement économique de la société.

Il conteste toute faute en expliquant que s'il était effectivement cogérant avec son père, il n'avait alors aucune activité professionnelle en relation avec l'exercice commercial habituel de la société CECIA puisqu'il était alors journaliste à temps plein de sorte qu'il n'a pas eu d'autre choix, suite à la disparition prématurée de son frère et de son père, que de recourir à un tiers pour assurer les activités administratives, techniques et commerciales et que M. [I] [B] a légitimement poursuivi son activité de directeur, sous le régime de la convention du 2 mai 2008, permettant d'assurer la facturation au travers de la société Terlogis et de faire ainsi l'économie des charges sociales. Il souligne que ni la société CECIA ni les membres de la famille [R] ne peuvent ignorer les liens étroits avec la famille [B] ainsi que le dévouement et la réalité des fonctions assurées par M. [I] [B], peu important que les missions de celui-ci aient été rémunérées directement ou au travers de la société Terlogis qu'il dirigeait. S'agissant du montant de la rémunération de celui-ci, il expose que la convention d'assistance administrative, technique et commerciale conclue entre les sociétés CECIA et Terlogis différait 'naturellement' du contrat de prestation de suivi de gestion rémunéré à hauteur de 9 147 euros net annuel et que le montant, résultant des prétentions énoncées par M. [I] [B] le 28 mai 2008, apparaît modique au regard des prestations effectivement réalisées par ce dernier et dont le coût, s'il avait été titulaire d'un contrat de travail, aurait été supérieur.

Relevant enfin que les dispositions de l'ordonnance du 26 mai 2015 autorisant, sous un certain délai, les opérations de constat et de saisie à son domicile, ont été déclarées caduques à son égard, il en déduit que les opérations d'expertise ordonnées lui sont 'nécessairement inopposables' puisque portant sur des documents appréhendés en vertu d'une ordonnance incontestablement caduque. Il dénie que les documents saisis au domicile de Mme [B] lui soient opposables de sorte que la cour ne pourra que constater l'absence de preuve sur des éléments prétendument fautifs susceptibles de voir engager sa responsabilité.

Les consorts [B] et la société Terlogis, devant les premiers juges, ont soutenu, d'après les moyens rappelés en page 7 du jugement, que la société Terlogis étant une SARL, la société CECIA ne pouvait demander la garantie de ses associés, qu'il n'y a pas eu de faute de M. [I] [B] en position alléguée de gérant de fait, la prestation ayant des contreparties réelles.

Sur la prescription :

Conformément aux dispositions de l'article L. 223-22 alinéa 1 du code de commerce les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Selon l'article L. 223-23 du même code, les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.

L'action en responsabilité initiée par la société CECIA est fondée sur les fautes en lien avec les paiements des factures datées des 4 et 30 janvier 2012 puis 30 juin 2012 ; le paiement en est intervenu, selon les mentions qui y ont été portées de façon manuscrite, le 29 mars 2012, le 10 mai 2012 et enfin les 26 juin et 11 juillet 2012 pour les deux factures datées des 30 janvier et 30 juin 2012, M. [A] [R] soutenant notamment que les sommes ainsi facturées sont justifiées au vu de la convention signée entre les sociétés CECIA et Terlogis le 2 mai 2008.

Il ressort cependant des éléments précédemment développés que lors des réunion et assemblée générale du 28 mai 2008 l'existence de la convention du 2 mai 2008 n'a été ni évoquée ni portée ainsi à la connaissance des associés de la société CECIA, de sorte qu'il n'est pas établi que la nouvelle gérante en avait connaissance lorsqu'elle a pris ses fonctions le 25 juillet 2012 et que ce n'est que lorsque celle-ci a examiné la comptabilité, postérieurement à cette date, qu'elle a pu s'interroger sur la rémunération de M. [I] [B] au travers de la société Terlogis à hauteur de 3 000 euros, étant observé que si la responsable juridique de la société d'expertise comptable de la société CECIA atteste de la remise d'éléments comptables lors de l'assemblée générale du 25 juillet 2012, le procès-verbal de constat d'huissier établi le 18 novembre 2013 à la demande de la société CECIA démontre que tous les éléments comptables, en particulier ceux antérieurs à 2009, n'avaient pas été précédemment remis.

L'action ayant été engagée par la société CECIA représentée par sa nouvelle gérante le 29 mai 2015, celle-ci, compte tenu de la dissimulation de la convention litigieuse du 2 mai 2008, n'est donc pas prescrite à l'égard de M. [A] [R].

L'article L. 223-22 ne concerne que les agissements commis dans leur gestion par les gérants de droit de sorte que celui-ci et la prescription abrégée qui lui est attachée ne s'appliquent pas aux gérants de fait ; même s'il n'apparaît pas que ces derniers en aient soulevé la prescription, l'action de la société CECIA à leur encontre, comme celle-ci le soutient, n'est pas prescrite dès lors qu'elle constitue une action en responsabilité délictuelle de droit commun dont le point de départ, même s'il était fixé à la date des paiements litigieux, n'est pas antérieur de plus de cinq ans à l'assignation des consorts [B].

Sur la gérance de fait de M. et Mme [B] :

La direction de fait d'une personne morale suppose de démontrer l'exercice en toute indépendance d'une activité positive de gestion ou de direction.

La Société générale, dans les livres de laquelle la société CECIA détenait un compte, a établi le 8 juillet 2015 la liste des personnes autorisées à faire fonctionner ce compte ouvert le 17 mars 1991, parmi lesquelles figurent non seulement M. [A] [R] mais aussi M. [I] [B] depuis le 19 juin 2007 jusqu'au 18 septembre 2012.

Dans la lettre du 23 octobre 2012 que M. [I] [B] a adressée à la nouvelle gérante de la société CECIA, celui-ci lui a décrit, dans les faits et indépendamment de toute analyse juridique, son rôle au sein de cette société en lui écrivant notamment :

'Mais comment pourrait-on reprocher quoi que ce soit à [A]. Il n'a pas la signature bancaire, c'est moi-même et [X] qui gérons le quotidien de la société et les comptes sont faits par ECGE. Si vous mettez en cause [A] et sa gestion, vous mettez obligatoirement en cause notre gestion et celle d'ECGE. [A] a été un très bon gérant. (...)

Je te signale aussi que mes divers ennuis de santé ne m'ont jamais empêché de faire mon travail. Je n'ai jamais failli envers les sociétés. J'ai toujours suivi les problèmes ou les dossiers autant avec l'administration, les architectes, les assurances, les banques, les clients...et quand je ne pouvais pas, c'est [X] ou [A] [R] qui s'en occupaient.'

Enfin, dans ses propres écritures, M. [A] [R] souligne l'importance du rôle de M. [I] [B] dans la mesure où lui-même, s'il était déjà cogérant de la société CECIA avant le décès de son père, n'avait en réalité jamais exercé ces fonctions de sorte que, comme il l'explique, il avait dû recourir à ce dernier pour assurer les activités administratives, techniques et commerciales.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que M. [I] [B] avait un rôle essentiel au sein de la société CECIA et que c'est en toute indépendance, dès lors qu'il disposait également de la signature bancaire de la société, qu'il a exercé une activité de gestion et de direction de la société, de sorte qu'il doit être qualifié de gérant de fait.

S'agissant en revanche de Mme [B] qui ne disposait pas de la signature bancaire, si son implication est incontestable, il n'est pas démontré qu'elle ait exercé ses attributions en toute indépendance tant de son mari, dont le rôle était prépondérant, que du dirigeant de droit ; la lettre de l'actuelle gérante de la société, datée du 27 septembre 2012, comme les copies de courriers écrits par Mme [B], communiqués dans le second dossier opposant les parties devant la cour, démontrent que ses attributions étaient essentiellement administratives et de suivi des relations avec les tiers à la société. En outre, s'il ressort du courrier écrit par M. [I] [B] que son épouse 'gérait le quotidien' de la société CECIA, et qu'elle pouvait intervenir à sa place, il n'est pas démontré qu'elle ait agi en toute indépendance dès lors que c'est avec lui qu'elle gérait la société au quotidien et que si elle intervenait seule c'est uniquement quand il ne pouvait pas s'en occuper. Par conséquent, elle ne peut être qualifiée de gérante de fait et toute demande de la société CECIA à son encontre ne peut qu'être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les fautes :

Aucune saisie, dans le cadre de l'autorisation donnée par ordonnance du 26 mai 2015, n'a pu être réalisée au domicile de M. [A] [R] de sorte qu'en référé, par décision du 17 février 2016, les dispositions 'ordonnant des opérations au domicile' de ce dernier ont été déclarées caduques ; cette caducité n'emporte pas pour autant, comme le prétend M. [A] [R], l'inopposabilité à son égard des pièces résultant de la saisie opérée au domicile de Mme [B] dès lors que celle-ci a été régulièrement autorisée et que M. [A] [R] a pu discuter de ces pièces dans le cadre d'un débat contradictoire.

Au regard des éléments précédemment développés à propos du défaut de cause, s'il est constant que la convention datée du 2 mai 2008 n'a pas été portée à la connaissance des associés de la société CECIA lorsqu'il a été notamment discuté de la rémunération de M. [I] [B], il n'est pas pour autant démontré que cette convention n'a pas été établie le 2 mai 2008 entre les deux dirigeants de droit des sociétés CECIA et Terlogis et qu'il s'agirait d'un 'faux' réalisé en 2012.

Il appartient au gérant de droit comme au gérant de fait de toute société de s'assurer, en déléguant le cas échéant un salarié à cet effet, que les dépenses effectuées par cette dernière, en particulier pour le paiement de prestations qui lui sont facturées, correspondent à des prestations réellement accomplies et conformes à l'intérêt social.

Comme relevé précédemment, la société CECIA, à compter de l'année 2010, n'a plus réalisé de chiffre d'affaires et n'a plus eu d'activité de promotion immobilière, M. [A] [R] n'ayant pas discuté que le dernier chantier réalisé a été celui situé aux Loges-en-Josas. D'après le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 mai 2008 au cours de laquelle il a été décidé, au nom de la société CECIA, de passer un contrat de suivi de gestion avec M. [I] [B] pour un montant annuel de 9 147 euros, ont été approuvés à cette occasion les comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2007, lesquels faisaient apparaître un déficit de 102 065,09 euros ; M. [A] [R] et M. [I] [B], d'après le procès-verbal, ont assisté à cette assemblée. Lors de la réunion du 28 mai 2008, à laquelle ceux-ci étaient également présents, il a été fait état, au titre de cet exercice 2007, d'une perte cumulée de 518 602 euros.

Le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juillet 2012, qui s'est tenue en présence de M. [A] [R] et au cours de laquelle les comptes clos le 31 décembre 2011 ont été approuvés, fait également état d'un résultat déficitaire, certes d'un montant moins important, de 4 352,52 euros mais révèle cependant des éléments préoccupants puisqu'il y fait état d'un report à nouveau négatif de -1 483 529,43 euros et de capitaux propres de la société inférieurs à la moitié du capital social.

Dans un tel contexte, la situation de la société imposait aux dirigeants de droit comme de fait d'être particulièrement vigilants sur les dépenses de la société CECIA.

Les prestations facturées à hauteur de la somme mensuelle de 3 000 euros pour un total de 135 000 euros HT correspondent à des prestations pour une assistance administrative, technique et commerciale.

Le fait qu'au cours des années 2008 et 2009 la société CECIA ait également réglé à la société Stev international des prestations pour une assistance technique, commerciale et juridique assurée pour l'opération des Loges-en-Josas, ne suffit pas à démontrer que les factures de la société Terlogis correspondant à une assistance notamment administrative, lesquelles ont en particulier permis de rémunérer M. [B] des fonctions de direction qu'il a assurées, ne correspondaient pas à de réelles prestations. D'ailleurs, alors même que la société CECIA a rémunéré la société Stev international pour l'assistance précitée durant le chantier des Loges-en-Josas, le montant de la facture du 15 mai 2009 correspondant à 10 % du montant des ventes opérées sur cette opération, elle a aussi réglé à la société Terlogis, selon les factures communiquées par l'appelante sur une période du 30 mai 2007 au 30 octobre 2007, des prestations de suivi de gestion concernant ce chantier pour un montant mensuel de 7 500 euros, cette facturation n'étant pas remise en cause.

Les facturations émises à hauteur de 3 000 euros pour l'assistance admininistrative de M. [I] [B] n'apparaissent donc ni faire double emploi ni être excessives pour la période durant laquelle la société CECIA a poursuivi son activité de promotion immobilière, étant observé qu'en 2007, lorsque M. [V] [R] occupait le poste de directeur de la société CECIA, il percevait un salaire mensuel brut de 6 000 euros d'après les bulletins de salaire communiqués par l'intimé.

S'agissant en revanche de la période à partir de laquelle la société CECIA n'a plus eu d'activité de promotion immobilière, le rôle de M. [I] [B] a nécessairement été moins important qu'en 2008 et 2009 de sorte que le maintien du même montant pour des prestations réduites ne se justifiait plus et était contraire à la préservation de l'intérêt social, cette facturation s'avérant par conséquent excessive.

Le paiement de ces factures pendant plusieurs années de 2010 à juin 2012, à l'exception des deux mois d'août 2010 et août 2011, est fautif et engage la responsabilité des deux gérants de droit et de fait, le gérant de droit ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité quand bien même la gestion quotidienne de la société était assurée par M. [I] [B].

Le préjudice subi par la société CECIA, en lien direct avec cette facturation excessive, est le montant payé au-delà de la somme de 9 147 euros HT qui avait été retenue en assemblée générale pour le paiement de la seule gestion de la société CECIA, soit sur les 28 mois facturés de janvier 2010 à juin 2012 à hauteur de 3 000 euros HT au lieu de 762,25 euros HT, la somme totale de 62 657 euros, les dommages et intérêts n'étant pas soumis à la TVA.

M. [A] [R] et MM. [M] et [C] [B], en leur qualité d'héritiers de leur père, seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 62 657 euros, le jugement étant infirmé de ce chef, étant observé qu'aucune condamnation n'est sollicitée à l'encontre de Mme [B] en qualité d'ayant droit de son défunt époux.

S'agissant de l'allocation de dommages et intérêts, cette condamnation, en application de l'alinéa 2 de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêt à compter du présent arrêt.

Sur l'appel incident de M. [A] [R] :

M. [A] [R], sur le fondement de l'article L. 223-25 du code de commerce, après avoir rappelé la jurisprudence relative au non-respect de la procédure contradictoire de révocation et les dispositions des statuts sur la révocation du gérant qui ne peut intervenir que pour une cause légitime, expose qu'à la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juillet 2012, il n'a pas eu connaissance, préalablement à la décision, de la procédure de révocation de ses fonctions de gérant et des motifs de celle-ci dont il n'est fait état ni à l'ordre du jour ni dans le procès-verbal, qu'il n'a pas été convoqué à une quelconque réunion ou assemblée ayant pour finalité de statuer sur sa révocation et qu'il n'a pas été en mesure de présenter d'éléments en défense, soutenant ne pas avoir eu connaissance des griefs qui lui étaient reprochés de sorte que sa révocation, décidée brutalement sans respect du principe de la contradiction et des formes prescrites, est intervenue dans des circonstances particulièrement vexatoires, humiliantes et brutales, compte tenu du contexte familial, sans comporter en outre de juste motif.

Il observe que son abstention, lorsqu'il a été évoqué sa possible révocation lors de l'assemblée générale de la SCI [U] [N] du 13 décembre 2011, n'était pas de nature à exonérer la société CECIA de ses obligations de respect de la procédure de révocation en juillet 2012.

Il prétend, au regard de ces circonstances et du contexte familial, avoir subi 'un préjudice moral évident' et ce d'autant plus qu'il exerçait ses fonctions de gérant de longue date au côté de son père, sans que personne ait formulé la moindre observation ou critique lorsqu'il a pris sa succession, sans rémunération. Il souligne que cette révocation 'sèche' met à néant toute forme de reconnaissance qu'il était légitimement en droit d'attendre de sa famille et critique le jugement dans lequel le tribunal, qui a pourtant précisé qu'il était avéré que la procédure contradictoire de révocation n'avait pas été respectée, n'en a pas tiré les conséquences, le fait qu'il ait choisi de ne pas être rémunéré n'étant pas de nature à écarter tout préjudice en cas de révocation abusive.

La société CECIA fait état de plusieurs éléments, en particulier le procès-verbal de l'assemblée générale d'une autre société familiale en date du 13 décembre 2011 et la lettre recommandée que le frère de M. [A] [R] lui a adressée en vue de l'assemblée du 20 juin 2012, pour soutenir que l'intimé, qui était bien présent lors de l'assemblée où a été décidée sa révocation, ne peut valablement prétendre ne pas avoir été informé de ce projet de résolution et de ses motifs dont il avait déjà pu discuter lors de l'assemblée de décembre 2011 au cours de laquelle il n'avait d'ailleurs pas voté contre sa propre révocation. Evoquant également la falsification effectuée par M. [A] [R] de la procuration en vue de la représentation de l'indivision [R] pour expliquer qu'elle a eu pour conséquence une perte définitive de toute confiance en lui, la société CECIA estime que la demande de M. [A] [R] est ainsi de pur opportunisme et que le manque de reconnaissance allégué par ce dernier, qui n'est soutenu que par une seule de ses soeurs, ne résulte pas de sa révocation mais est la conséquence directe de ses actes intervenus en violation de l'intérêt social. Elle relève enfin que sur le fond, sa révocation dont elle énumère les motifs était parfaitement justifiée.

Conformément aux dispositions de l'article L. 223-25 du code de commerce, applicables aux SARL, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, soit par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts

Le juste motif peut consister en une faute du gérant telle notamment une faute de gestion, une violation de la loi ou des statuts mais également, en l'absence de toute faute, en une attitude ou une circonstance de nature à compromettre l'intérêt social ou le bon fonctionnement de la société, le juste motif devant être fondé sur des éléments objectifs.

Indépendamment de l'existence ou non d'un juste motif de révocation, celle-ci peut être abusive et ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts lorsqu'elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation et à l'honorabilité du dirigeant révoqué ou si elle a été décidée brutalement sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation.

Le dirigeant révoqué doit avoir été convoqué à la réunion de l'organe auquel il appartient de se prononcer sur cette révocation et s'il est présent, avoir connaissance avant le vote des motifs de la décision prise à son encontre et avoir été mis à même d'en débattre contradictoirement, sans qu'il soit indispensable de communiquer à l'intéressé, préalablement à cette réunion, les motifs de la révocation envisagée.

Les statuts de la société CECIA, à jour du 15 mars 2013, dont il n'est pas allégué qu'ils auraient été modifiés sur ce point, prévoient que la révocation du gérant peut intervenir pour motif légitime.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale en date du 25 juillet 2012 au cours de laquelle il a été décidé de la révocation de M. [A] [R] à la majorité des voix des associés présents, que celui-ci y a assisté. La sixième résolution qui a décidé de cette révocation n'en mentionne pas le motif.

La révocation du gérant en poste ne figure pas clairement expressément dans l'ordre du jour dans lequel, entre autres sujets, il est seulement visée la 'lettre recommandée en date du 20 juin 2012 de M. [L] [R]'. En effet, si dans cette lettre il est effectivement demandé par ce dernier à M. [A] [R] de rajouter à l'ordre du jour la révocation du gérant et les remboursements des charges indûment dépensées, cette demande ne concernait pas l'assemblée générale du 25 juillet 2012 mais celle du 29 juin précédent ; il ressort surtout du procès-verbal de l'assemblée du 25 juillet 2012 que M. [A] [R] a contesté avoir signé l'avis de réception de cette lettre de son frère.

Comme l'observe M. [A] [R], le fait que sa révocation ait été évoquée, plus de six mois auparavant, lors de l'assemblée générale du 13 décembre 2011 de la SCI [U] [N] et qu'il se soit abstenu de voter à ce sujet, est sans effet sur la régularité de sa convocation à l'assemblée générale au cours de laquelle il a été décidé de le révoquer d'autant qu'un seul motif a alors été mentionné, au titre des ' questions diverses', à savoir 'le problème suite aux courriers reçus de [A] traduisant sa volonté d'accepter sans discussion la proposition des [B] alors qu'elle est inférieure de 180 000 euros au prix du marché'. Même si M. [A] [R] a participé à ce débat, celui-ci ne peut valoir information valable et contradictoire de ce dernier pour une révocation qui n'a finalement été décidée que plusieurs mois plus tard.

Il ne ressort pas du procès-verbal de l'assemblée générale au cours de laquelle M. [A] [R] a été révoqué que le débat ait de nouveau été provoqué sur la question de la cession des parts sociales de la société CECIA.

La société CECIA, d'après ses écritures, explique que la révocation de M. [A] [R] était parfaitement justifiée sur le fond dès lors que :

- le gérant et les associés entretenaient un désaccord fondamental sur le sort des seuls actifs de la société et l'état de mésentente était devenu fort, citant un extrait du mémento sur les sociétés commerciales précisant que la divergence de vue entre les associés est de nature à compromettre le fonctionnement de la société lorsqu'elle se double d'une perte de confiance des associés dans la personne du dirigeant ;

- le gérant de droit a laissé les dirigeants de fait vider les comptes de la société sur la base de conventions dépourvues de toute existence réelle et constitutives de faux ;

- le gérant de droit a participé à la cession à prix décoté des actifs de la société et a laissé des tiers à la société 'la piller' à hauteur de 135 000 euros HT a minima.

Les motifs liés à la convention 'dépourvue de toute existence réelle' et au paiement de 135 000 euros ne peuvent avoir constitué un juste motif de la révocation de M. [A] [R] dans la mesure où la société CECIA ne les a découverts qu'après l'entrée en fonction de sa nouvelle gérante.

S'il n'a été débattu que partiellement des autres motifs de révocation lors de l'assemblée générale du 25 juillet 2012, il en ressort cependant qu'il a été évoqué la perte de confiance entre les associés et M. [A] [R] ainsi que les conflits les opposant, lesquels sont avérés au regard des éléments du dossier. Un juste motif est ainsi caractérisé, même si la procédure de révocation n'a pas respecté le principe du contradictoire.

Au regard du contexte dans lequel M. [A] [R] a poursuivi seul la gérance de la société CECIA et du non-respect du contradictoire dans la procédure de révocation, il est établi que celle-ci a été brutale et vexatoire et qu'elle est à l'origine d'un préjudice moral certain pour l'intimé, quand bien même il n'était pas rémunéré de ses fonctions de gérant ; ce préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Le sens du présent arrêt, chacune des parties succombant pour une partie de ses demandes, conduit à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à décider de faire masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié d'une part par la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole et d'autre part par M. [A] [R] et MM. [M] et [C] [B].

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt par défaut, dans les limites de l'appel,

Déclare recevables l'appel principal de la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole et l'appel incident de M. [A] [R] ;

Infirme le jugement du 4 novembre 2020 sauf en ce qu'il a débouté la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole de ses demandes à l'encontre de Mme [X] [Z] veuve [B] et de la société Terlogis ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit recevable l'action en nullité des paiements intervenus au cours de l'année 2012, poursuivie par la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole  ;

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. [A] [R] ;

Déboute la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole de sa demande d'annulations des paiements intervenus au cours de l'année 2012 ;

Dit que M. [I] [B] a été gérant de fait de la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole ;

Dit que M. [A] [R] et M. [I] [B] ont commis une faute de gestion qui engage leur responsabilité à l'égard de la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole ;

Condamne in solidum M. [A] [R] et MM. [M] et [C] [B], ces derniers en leur qualité d'héritiers de leur père M. [I] [B], à payer à la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole la somme de 62 657 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que la révocation de M. [A] [R] est brutale et vexatoire ;

Condamne la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole à payer à M. [A] [R] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa révocation brutale et vexatoire ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié d'une part par la société Consortium pour l'expansion commerciale industrielle immobilière et agricole et d'autre part par M. [A] [R] et MM. [M] et [C] [B].