Livv
Décisions

CA Limoges, ch. civ., 18 novembre 2010, n° 09/01412

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Beaufils

Défendeur :

M. Hurand, Mme Humbert, Mme Hurand, M. Gidelles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avoués :

Me Jupile-Boisverd, SCP Coudamy, SCP Chabaud Durand-Marquet

Avocat :

Me Rousseau

TGI Guéret, du 15 sept. 2009

15 septembre 2009

Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 05 Octobre 2010 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 9 novembre 2010. L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 août 2010.

A l'audience de plaidoirie du 5 Octobre 2010, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Madame Nicole BALUZE-FRACHET, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame JEAN, Président de chambre, a été entendue en son rapport oral, Maître ROUSSEAU, avocat, a été entendu en sa plaidoirie, la SCP CHABAUD - DURAND-MARQUET, avoués, ayant déposé son dossier.

Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 novembre 2010 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

Suivant acte sous seing privé des 27 février 1973, 27 octobre 1973 et 17 décembre 1975, Elie MICHAUD a vendu à Raymond BEAUFILS plusieurs lots d'arbres sur pieds situés sur la commune de Leyrat pour les sommes de 2.500 F, 3.000 F et 9.800 F.

Au décès de Elie MICHAUD, Simone MICHAUD épouse IMBERT est devenue propriétaire des immeubles sur lesquels étaient situés les arbres cédés et elle a vendu les bâtiments et herbages à Jean-Marie HURAND et les terres cultivables et taillis à Patrick GIDELLES.

Les 15 février et 12 mars 2002 Raymond BEAUFILS a fait signifier aux notaires chargés de ces cessions, des actes de revendication puis, selon acte du 11 février 2003, a fait assigner Simone MICHAUD devant le Tribunal de Grande Instance de Guéret aux fins d'obtenir l'exécution forcée en nature des conventions intervenues et la réparation de ses préjudices.

Selon jugement du 21 juin 2005, le tribunal a, avant-dire droit, ordonné une expertise aux fins essentiellement d'identifier les arbres sur pieds ou coupés objet des conventions et de déterminer leur valeur et a invité Raymond BEAUFILS à appeler en la cause les propriétaires des fonds sur lesquels se trouvent les arbres dont il demande l'abattage, ce qu'il a fait selon actes des 9 août 2005 ;

Les procédures ont été jointes et l'expertise, étendue aux époux HURAND et Patrick GIDELLES, a été déposée le 18 décembre 2007 ;

Selon jugement du 15 septembre 2009, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action de Raymond BEAUFILS,

- constaté la résolution de plein droit des contrats de coupe de bois conclus entre Raymond BEAUFILS et Elie MICHAUD les 27 février 1973, 27 octobre 1973 et 17 décembre 1975,

- débouté Raymond BEAUFILS de toutes ses demandes,

- débouté Simone MICHAUD de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné Raymond BEAUFILS à payer à Simone MICHAUD la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné Raymond BEAUFILS à payer à Jean-Marie HURAND et Ghislaine HURAND la somme de 1.000 € sur ce même fondement,

- condamné Raymond BEAUFILS aux dépens, frais d'expertise y compris.

Raymond BEAUFILS a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 5 novembre 2009 ; sur cet appel, Patrick GIDELLES n'a pas constitué avoué.

Les dernières écritures, auxquelles la Cour renvoie pour plus ample information sur les demandes et moyens, ont été déposées les 20 janvier 2010 par l'appelant et 19 mai 2010 par Simone MICHAUD ; les époux HURAND n'ont quant à eux pas conclu devant la Cour.

Raymond BEAUFILS demande à Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit son action recevable mais de la réformer pour le surplus pour dire qu'il pourra procéder à l'abattage des arbres ainsi qu'au façonnage des produits et à leur enlèvement dans les 6 mois à intervenir à compter de la décision et de condamner Simone MICHAUD à lui payer la somme de 16.462 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il expose que les lots d'arbre lui ont été offerts en règlement de travaux qu'il avait effectués pour le compte de Elie MICHAUD et qu'il n'a pu en prendre possession plus tôt en raison de plusieurs circonstances liées notamment à la suppression de sa scierie et à l'évolution des marchés.

Il considère en droit qu'aucun texte ne fixe de façon impérative le délai dans lequel l'acquéreur doit retirer la marchandise vendue de sorte que seule la prescription, qui n'est pas en l'espèce acquise, aurait pu lui être opposée et fait observer que le tribunal avait en tout cas d'ores et déjà admis sa demande dans sa décision du 15 septembre 2009 et ne pouvait en conséquence statuer à nouveau et qu'il n'a jamais été mis en demeure d'avoir à procéder à l'enlèvement.

Il s'explique enfin sur la nature et l'importance de son préjudice.

Simone MICHAUD conclut à la confirmation de la décision déférée, demandant subsidiairement à la Cour, au cas où elle ne prononcerait pas la résolution des contrats, de condamner Raymond BEAUFILS à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ; elle sollicite, en toutes hypothèses, la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 3.000 € pour appel abusif et une somme identique sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle reprend devant la Cour son argumentation sur la prescription applicable qui serait celle de deux ans de l'article 2272 du Code Civil.

Elle considère encore que les contrats sont nuls pour ne pas avoir été établis en autant d'exemplaires qu'il y avait de parties et ne pas contenir l'approbation des parties sur leur contenu.

Elle estime en tout cas que le premier juge a pertinemment considéré que les contrats se trouvaient résolus faute de retirement dans un délai raisonnable.

Elle fait valoir enfin que, au cas où la résolution ne serait pas prononcée, elle subirait un préjudice financier puisque, d'une part, plus de trente années se sont écoulées de sorte que la chose livrée n'a plus rien à voir avec celle qui existait lors de la vente et, d'autre part, le défaut d'exploitation de la coupe par l'acquéreur l'a privée de reconstituer son patrimoine par de nouvelles plantations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la décision du 21 juin 2005 est, quels qu'en aient été les motifs, un avant-dire droit ; que l'appelant ne peut en conséquence se prévaloir de l'autorité de chose jugée ;

Attendu par ailleurs que Simone MICHAUD, qui sollicite au principal la confirmation de la décision, au besoin par substitution de motifs, ne peut utilement conclure à nouveau devant la Cour à l'irrecevabilité de la demande de Raymond BEAUFILS en invoquant la prescription résultant de l'application des dispositions de l'article 2272 alinéa 4 du Code Civil dès lors que le tribunal a écarté ce moyen et jugé recevable l'action de ce dernier ;

Attendu au fond, en premier lieu, que pour les motifs pertinents du premier juge il n'y a pas lieu de déclarer nuls les contrats dont se prévaut Raymond BEAUFILS aux motifs qu'ils n'ont pas été rédigés en autant d'exemplaires qu'il y avait de parties et que les contrats ne contiennent pas une approbation écrite de leur contenu ; que la formalité du ' bon pour' ne vaut en effet que pour les contrats unilatéraux ; que l'acquittement du prix du bois par le cessionnaire au jour de la rédaction des actes rendait inutile par ailleurs la conservation par le vendeur d'un original du contrat ;

Attendu, en second lieu, que le premier juge a exactement rappelé les dispositions de l'article 1657 du Code Civil selon lesquelles en matière de ventes d'effets mobiliers la résolution a lieu de plein droit et sans sommation au profit du vendeur et ajouté qu'il devait être considéré, à défaut de prévisions contractuelles, que le retirement devait avoir lieu selon les usages ou dans un délai raisonnable ;

Attendu ainsi qu'après avoir observé, d'une part, que les actes de vente concernés ne prévoyaient, ni un terme de retirement, ni la faculté d'un enlèvement au fur et à mesure des besoins de l'acquéreur et, d'autre part, que les éléments du dossier ne permettaient pas de caractériser un usage antérieur entre les parties, les premiers juges, faisant exactement application des dispositions susvisées, ont justement constaté la résolution des contrats dont se prévaut Raymond BEAUFILS ; qu'il ne saurait être admis en effet qu'un délai de presque trente ans entre la vente et la demande de retirement soit un délai raisonnable au regard de la jurisprudence applicable ;

Attendu en conséquence que le jugement mérite confirmation ; que s'il n'y pas lieu de faire droit à la demande de Simone MICHAUD tendant à obtenir des dommages et intérêts pour appel abusif dans la mesure où la succombance n'est pas en soi la preuve d'un abus de procédure, il sera alloué à l'intimée une indemnité supplémentaire de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

DÉBOUTE Simone MICHAUD de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif,

CONDAMNE Raymond BEAUFILS à payer à Simone MICHAUD une indemnité supplémentaire de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE Raymond BEAUFILS aux dépens de son appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.