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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. a, 7 mars 2013, n° 12/00125

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Nguyen, Mme Nguyen

Défendeur :

Immobilière Drome Ardèche (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruzy

Conseillers :

M. Berthet, Mme Thery

Avocats :

SCP Chavrier/Fuster/Serre, SCP Curat Jarricot, SCP Broquere De Clercq-Broquere Comte Danthez

TGI Privas, du 15 déc. 2011

15 décembre 2011

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 10 janvier 2012 par M. Serge NGuyen et Madame Laurence Balden épouse NGuyen à l'encontre du jugement prononcé le 15 décembre 2011 par le tribunal de grande instance de Privas.

Vu les dernières conclusions adressées par voie électronique le 8 janvier 2013 par les époux NGuyen, appelants et celles de la SARL immobilière Drôme Ardèche, intimée, reçues au greffe le 1er juin 2012, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.

Vu la clôture de la procédure le 10 janvier 2013 .

Considérant que les époux Nguyen qui lui avaient donné mandat de vendre leur immeuble avaient manqué à leurs obligations contractuelles, la SARL Drôme Ardèche exerçant sous l'enseigne 'Immosky' les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Privas qui, par jugement du 15 décembre 2011, a condamné les époux Nguyen à payer à la société immobilière Drôme Ardèche la somme de 13'000 €, les a déboutés de leur demande reconventionnelle et les a condamnés à payer à cette même société la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

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Les époux Nguyen ont régulièrement interjeté appel de ce jugement demandant à la Cour :

« à titre principal, d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Privas le 15 décembre 2011 dans toutes ses dispositions, de juger que la juridiction de première instance ne pouvait rejeter l'argumentation des consorts Nguyen sans examiner l'existence ou non d'une faute commise par le mandataire, de juger que ne peuvent être opposés aux consorts Nguyen les termes du contrat dans la mesure où l'agent immobilier s'est lui-même situé hors de ce contrat en se dispensant d'exécuter les obligations basiques du mandat de vente simple, de juger que la SARL immobilière Drôme Ardèche a commis une faute lourde en ce qu'elle n'a ni présenté, ni adressé, ni indiqué son futur contractant à son mandant, juger par conséquent qu'elle ne saurait reprocher aux consorts Nguyen d'avoir régularisé la vente avec M. Liotard après avoir résilié le contrat, infirmer dès lors la décision dont appel de l'intégralité de ses dispositions et notamment en ce qu'elle condamne les époux Nguyen à verser dans les intérêts de la SARL immobilière Drôme Ardèche la somme de 13'000 € ainsi que la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

subsidiairement, faire application des dispositions de l'article 1152 du Code civil,

juger manifestement excessif le montant de la cause pénale litigieuse et la ramener à de plus justes proportions,

en tout état de cause condamner la SARL immobilière Drôme Ardèche à verser la somme de 4000 € à titre de dommages-intérêts dans les intérêts des consorts Nguyen pour procédure abusive et la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 outre les dépens. »

Critiquant la motivation du premier juge, ils prétendent que les dispositions contractuelles ne peuvent leur être opposables faute d'avoir été exécutées par l'agent immobilier qui n'a pas informé le vendeur de la visite du bien immobilier par M. Liotard, ni transmis son offre.

Ils soutiennent encore que l'agent immobilier n'a pas exécuté sa mission et que les écritures de l'intimée doivent s'analyser en des aveux judiciaires contradictoires qui suffisent à caractériser les propos mensongers de Madame Zeppa, agent en charge du dossier dont l'attestation doit être écartée pour ce motif.

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La SARL immobilière Drôme Ardèche conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation des appelants au paiement de la somme de 13'000 € augmentée des intérêts légaux depuis la date de la demande et celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique en substance que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une quelconque faute mais qu'en revanche, en refusant de répondre à l'offre qu'elle leur a présentée, en dénonçant aussitôt le mandat et en poursuivant les négociations avec le candidat présenté par son intermédiaire, qui a acquis le bien par la suite, les mandants ont fraudé les droits du mandataire en l'évinçant de la négociation.

Elle rappelle que le bon de visite, s'agissant d'un acte unilatéral ne requiert pas l'accord du vendeur et que l'offre a été formulée à la fin du mois de septembre et soumise aux vendeurs ce qui démontre l'exécution de ses propres obligations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'examen des moyens de défense développés par les appelants nécessite préalablement la démonstration du bien-fondé de l'application de la clause pénale réclamée par la SARL immobilière Drôme Ardèche, tenue de rapporter la preuve de l'inexécution des obligations contractuelles des vendeurs.

Il est contractuellement prévu dans le paragraphe consacré aux obligations du mandant (article VIII du contrat intitulé 'mandat de vente 3 options' que:

« - pendant la durée du mandat nous nous engageons à ratifier la vente à tout preneur que nous vous nous présenterez en acceptant le prix et condition des présentes, et à libérer les lieux pour le jour de l'acte authentique. Si nous présentons les biens à vendre directement, ou par l'intermédiaire d'un autre mandataire, nous le ferons au prix des présentes, de façon à ne pas gêner le mandataire dans sa mission.

-Nous nous interdisons de vendre sans votre concours y compris par un autre intermédiaire, y compris un office notarial, à un acquéreur qui nous aurait été présenté par vous ou qui aurait visité les locaux avec vous, pendant la durée du mandat et 2 ans après son expiration.

En cas de vente pendant la durée du présent mandat et 2 ans après son expiration nous devrons obtenir de notre acquéreur l'assurance écrite que les biens ne lui ont pas été présentés par vous. Si nous vendons après l'expiration de ce mandat, comme nous en gardons le droit, à toute personne non présentée par vous, nous nous obligeons à vous avertir immédiatement par lettre recommandée, en précisant les coordonnées des acquéreurs, du notaire chargé d'authentifier la vente et de l'agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente finale, ce pendant 2 ans. »

Il est encore précisé à l'article XIII qu'en cas de vente sans le concours du mandataire, le vendeur s'engage à l'informer immédiatement par lettre recommandée avec avis de réception en précisant les nom et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé de l'acte authentique et de l'agence éventuellement intervenue ainsi que le prix de vente final pendant la durée du présent mandat et 2 ans après son expiration, et qu'en cas de non-respect de cette clause ou en cas de vente à un acquéreur ayant eu connaissance de la vente du bien par l'intermédiaire du mandataire, ou de refus de vendre à un acquéreur qui aurait été présenté par le vendeur au mandataire, le vendeur est tenu de régler une indemnité compensatrice forfaitaire égale à la rémunération prévue au mandat en application des articles 1142 et 1152 du Code civil.

Il est constant à l'examen des pièces versées aux débats par les parties:

- que le mandat de vente simple c'est-à-dire sans exclusivité signé le 8 juin 2009 entre les parties, a été conclu pour une durée de 3 mois avec tacite reconduction pour une durée de 24 mois et avec possibilité de dénonciation à tout moment moyennant un préavis de 15 jours,

- que l'immeuble litigieux a été vendu par acte authentique du 15 février 2010 sans mention d'intermédiaire moyennant le prix de 200'000 € à M. Gaël Liotard et à son épouse qui avaient visité le bien en compagnie d'un représentant de la SARL immobilière Drôme Ardèche, ce qu'atteste le bon de visite du 27 août 2009,

-que l'acte authentique de vente du 15 février 2010 mentionne un avant-contrat sous signatures privées du 16 octobre 2009,

-que les vendeurs ont manifesté par lettre recommandée avec avis de réception du 15 octobre 2009 leur intention de résilier le contrat de mandat.

Il s'évince de ces pièces, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, que les époux Nguyen ont vendu leur bien à un acquéreur présenté par le mandant moins de 2 ans après l'expiration du mandat de vente sans avertir la société immobilière Drôme Ardèche de cette transaction ce qui rend fondée l'application de la clause pénale, étant rappelé que le mandant est tenu à un devoir de coopération en vertu de l'obligation de bonne foi contractuelle et doit mettre le mandataire en mesure d'exécuter sa mission.

Dans la mesure où la SARL immobilière Drôme Ardèche sollicite l'application de la clause pénale stipulée au contrat et non la rémunération contractuellement prévue, l'argumentation des appelants tenant au comportement fautif de nature à exclure l'application de la clause de rémunération est inopérante.

Pour s'opposer à l'application de la clause pénale, les appelants excipent de l'exécution fautive par le mandataire de ses propres obligations de sorte qu'il ne pourrait leur être opposé les dispositions contractuelles.

Il se déduit de cette argumentation qu'ils invoquent en réalité l'exception d'inexécution.

Pour examiner ce moyen de défense, il est nécessaire de rappeler les obligations du mandataire selon les termes du contrat de mandat qui fait la loi des parties conformément à l'article1134 du code civil.

S'agissant d'un mandat de vente, l'objectif pour le mandataire est de parvenir à la vente afin de percevoir une rémunération qui en l'espèce a été fixée à 13'000€.

En ce qui concerne les pouvoirs du mandataire, il est noté au paragraphe IX intitulé ' pouvoirs' qu'il lui est possible de faire tout ce qui sera utile pour parvenir à la vente.

De façon générale l'intermédiaire immobilier est tenu d'une obligation de moyens et doit faire preuve de diligence en déployant tous les efforts nécessaires pour le succès de l'affaire qui lui est confiée.

Force est de constater qu'il est développé en droit mais non en fait l'obligation de renseignement et de conseil du mandataire ce qui ne permet pas de caractériser le bien fondé du moyen.

Les griefs portent en réalité sur l'exécution du mandat puisqu'il est reproché au mandataire de s'être abstenu d'informer le vendeur de la visite du bien immobilier par M. Liotard, de ne pas lui avoir présenté l'éventuel acheteur et de n'avoir pas transmis l'offre formulée par ce dernier aux vendeurs.

Le premier grief ne peut qu'être écarté au vu du bon de visite produit aux débats signé le 27 août 2009 par Monsieur Liotard qui n'a pas, contrairement à ce que prétendent les appelants, à être contresigné par le vendeur puisqu'il s'agit d'un document uniquement destiné à faire la preuve de ce que le bien a été effectivement visité par un acquéreur potentiel en présence du mandataire.

Quant à l'offre émise par M. Liotard, il ne peut être sérieusement soutenu qu'elle n'a pas été transmise par le mandataire alors qu'au-delà du fait que l'objectif de ce dernier est précisément de parvenir à la vente, condition de sa rémunération, il résulte des termes particulièrement clairs de la lettre recommandée avec avis de réception adressée par la SARL immobilière Drôme Ardèche le 16 octobre 2009 aux vendeurs que Madame Zeppa a reçu une offre d'achat écrite et signée au prix de 150'000 € et que cette offre a été présentée au domicile des vendeurs qui l'ont refusée.

En tout état de cause, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence ou non d'entretiens entre les vendeurs et le mandataire, la lettre recommandée du 26 octobre 2009 adressée par le mandataire alors que le mandat de vente était toujours valable puisqu'il était prévu un préavis de 15 jours qui a commencé à courir le 16 octobre 2009, rappelle clairement l'offre de négociation formulée par les époux Liotard à hauteur de 150 000 € de sorte que les vendeurs soutiennent de mauvaise foi ne pas en avoir été informés.

Il est encore soutenu que l'agent immobilier a dissuadé M. Liotard de la négociation en prétendant que le bien était déjà vendu. Cette allégation qui repose sur la seule attestation de l'acquéreur s'avère tout à fait fantaisiste puisque ce dernier a signé un acte sous seing privé pour acquérir le bien dès le 16 octobre 2009 ce qui a nécessité des pourparlers antérieurs avec les vendeurs pour rechercher un accord sur le prix.

La preuve de l'inexécution des obligations contractuelles de l'agent immobilier n'est aucunement rapportée.

Dans la mesure où la violation par les vendeurs de leurs obligations contractuelles est parfaitement rapportée puisqu'ils ont vendu le bien sans le concours de la SARL Imobilière Drôme Ardèche, il y a lieu de

confirmer la décision déférée qui a fait à bon droit application de la clause pénale.

Il est sollicité à titre subsidiaire la réduction de cette clause.

Pour retenir le caractère manifestement excessif du montant de la clause, il échet d'établir la disproportion manifeste entre l'importance du préjudice effectivement subi par le mandataire et le montant conventionnellement fixé.

En l'occurrence, les manoeuvres des parties ont eu pour effet de le priver de sa rémunération.

La somme de 13 000 € s'avère proportionnée avec les prestations fournies par le mandataire et le préjudice subi par celui-ci puisqu'il n'a pu obtenir le règlement de sa commission alors qu'il a été démontré qu'il avait fait toutes diligences pour parvenir à l'exécution de son mandat et que son intervention a été déterminante dans la réalisation de la vente.

Il n'y a donc pas lieu à réduction.

La décision entreprise doit être confirmée sauf à ajouter que les intérêts seront dus au taux légal à compter de la demande en justice soit le 3 janvier 2011 conformément à l'article 1153 du Code civil.

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande reconventionnelle des appelants dès lors que la demande initiale en paiement s'avère fondée.

Sur les frais de l'instance

Les époux Nguyen qui succombent devront supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile et devront payer à la SARL immobilière Drôme Ardèche une somme équitablement arbitrée à 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que les intérêts sur la somme de 13'000 € seront dus à compter du 3 janvier 2011 au taux légal,

Déboute les époux Nguyen de leurs plus amples demandes,

Condamne Monsieur Serge Nguyen et Madame Laurence Balden épouse Nguyen aux dépens d'appel et les condamne à payer à la SARL immobilière Drôme Ardèche la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.