CA Paris, 21e ch. C, 8 mars 2007, n° 05/07347
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Le Dosseur (ès qual.), Unedic AGS-GEA IDF Ouest
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme de Liège
Conseillers :
Mme Lebe, Mme Degrandi
Avocats :
Me Mekouar, Selarl Lafarge Associés, Me Duprey
La Cour statue sur les appels régulièrement interjetés par M. F. et par l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST, du jugement rendu le 29 avril 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Paris, section Encadrement, chambre 6, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société en commandite simple ALLIANCE-CE, représentée par Me LE DOSSEUR, es qualités de mandataire ad hoc, en présence de l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST.
M. F., qui soutient avoir été salarié de la Société ALLIANCE- CE depuis le 1er septembre 2002, avant même d'avoir conclu le 1er mai 2003 le contrat de travail à durée déterminée litigieux, pour remplir les fonctions de directeur général au sein de la dite société, a été licencié pour motif économique le 14 août 2003 par Me LE DOSSEUR, es qualité de mandataire liquidateur de la Société ALLIANCE-CE, à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la dite société le 5 août 2003, au motif de la cessation d'activité de l'entreprise, ordonnée par le jugement de liquidation judiciaire.
Le mandataire liquidateur a précisé dans la lettre de licenciement que celui-ci était prononcé sous réserve de la prise en charge par l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST, compte tenu des fonctions de dirigeant exercées par l'intéressé' au sein de la Société ALLIANCE-CE.
M. F. a saisi le Conseil de Prud' hommes le 14 novembre 2003 d'une demande de versement d'une indemnité relative à la clause de non-concurrence, Me LE DOSSEUR intervenant en qualité de mandataire ad hoc du fait de la clôture de la procédure collective, en raison de la clôture pour insuffisance d'actif de la Société ALLIANCE-CE, prononcée par jugement du tribunal de Commerce du 29 avril 2004.
En cause d'appel, M. F. demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de dire qu'il avait le statut de salarié de la Société ALLIANCE-CE depuis le 1er septembre 2002, et, au vu de son contrat de travail du 1er mai 2003,
- de fixer le montant de l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence à la somme de 22.338 Euros,
- de dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à titre principal à l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST.
L'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST, en l'absence de Me LE DOSSEUR, mandataire ad hoc de la société Alliance-Ce, demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles en remboursement des sommes avancées à M. F. à hauteur de 38.912 Euros, à la subsidiarité de sa garantie,
- de le confirmer pour le surplus en ce qu'il a débouté M. F. de ses demandes,
- de dire qu'il ne justifie pas remplir les conditions du contrat de travail, que ce soit avant ou après le 1er mai 2003, date de conclusion du contrat de travail à durée déterminée litigieux,
- à titre subsidiaire,
- de dire que le contrat de travail conclu le 1er mai 2003 entre les parties est nul comme conclu en période suspecte et manifestement déséquilibré,
- d'ordonner en conséquence à M. F. de lui rembourser la somme de 38.912 Euros, avancée par l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST entre les mains de Me LE DOSSEUR, es qualités de mandataire ad hoc, à charge pour elle de les remettre entre les mains du CGEA IDF OUEST,
- en tout état de cause, de dire que la décision à intervenir ne lui sera opposable qu'à titre subsidiaire, à défaut de fonds disponibles permettant à l'associé commandité de régler les créances sollicitées par le demandeur, et qu'elle sera limitée conformément aux dispositions de l'article L.143-11-1 du Code du Travail, à savoir les seules sommes dues en exécution du contrat de travail, à l'exclusion des astreintes éventuelles ou dommages-intérêts mettant en oeuvre la responsabilité personnelle de droit commun de l'employeur ainsi qu'au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- de dire que sa garantie ne pourra excéder, toutes créances confondues, 4 fois le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, applicable au 2ème semestre 2003 en application des dispositions des articles L. 143-11-8 et D. 143-2 du Code du Travail,
- de constater que ce plafond a été atteint,
- de statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
SUR CE, LA COUR,
Vu le jugement déféré et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience par celles-ci, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements.
Il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des procédures relatives aux appels interjetés par M. F. et par l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST.
Me LE DOSSEUR, mandataire ad hoc de la Société ALLIANCE-CE, régulièrement convoquée, ne comparait pas et ne se fait pas représenter. Le présent arrêt sera en conséquence réputé contradictoire.
SUR LE STATUT DE SALARIÉ DE M. F. AVANT LE 1ER MAI 2003 :
Il ressort des pièces de la procédure qu'un contrat de partenariat et d’assistance a été conclu le 1er septembre 2002 entre la Société ALLIANCE-CE et M. F., qui prévoyait que ce dernier se voyait confier le mandat d’assister la création et la mise en place de ladite société.
Cette convention prévoyait qu'il participera au lancement de la société à créer Alliance- Ce pour une durée de 8 mois qui prendra effet le 1er septembre 2002 pour se terminer le 30 avril 2003
A l'issue de cette période, il était prévu par cette même convention que la Société ALLIANCE-CE s'engageait à offrir à M. F. un contrat de travail à durée déterminée en qualité de Directeur Général de la ALLIANCE-CE', moyennant une rémunération pour ce futur poste de 6.250 Euros'.
En cas d’impossibilité s assurer ce contrat de travail de 12 mois à l’issue de ladite convention de partenariat,' la Société ALLIANCE-CE s'engageait, sauf faute grave, à lui verser un dédommagement forfaitaire équivalent à 50.000 Euros.
Enfin, cette convention prévoyait que sauf rupture prématurée du présent contrat, M. F. percevrait à l’issue du 12e mois de la société, un bloc de parts sociales non libérées pour un montant de 70.000 Euros' ;
M. F. prétend avoir eu la qualité de salarié à partir du 1er septembre 2002 au sein de la Société ALLIANCE-CE, et ce, avant même la conclusion du contrat de travail à durée déterminée litigieux, le 1er mai 2003, ce qui, en l'absence du mandataire ad hoc, lui est contesté par l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST, organisme de garantie des créances salariales.
Il convient de relever qu'en l'absence de contrat de travail écrit du 1er septembre 2002 au 1er mai 2003, il appartient à M. F. de rapporter la preuve de ce qu'il exerçait des fonctions salariées au sein de la Société ALLIANCE-CE. Or M. F. ne communique aucun élément probant en ce sens pour cette période.
La subordination dont il se prévaut est contredite par les documents versés aux débats.
En effet, d'une part, le Conseil d'administration de l'associé commandité, la société de droit américain OmegaCorp Investment Inc, par lettre du 6 septembre 2002, lui a donné une procuration générale, 'de plein pouvoir de représentation et signature pour agir au nom de la société Omegacorp' et ce pour une durée illimitée
D'autre part, M. F. a été nommé gérant de la Société ALLIANCE-CE par l'assemblée générale du 23 septembre 2002 qui a adopté les statuts de la dite société, qui mentionnaient en leur article 7 que La société est gérée par M. F. qui dispose seul de la signature sociale et des pouvoirs les plus étendus pour représenter la société.
Il convient en outre de relever que si M. F. a démissionné de ses fonctions de gérant le 24 février 2003 pour être remplacé à ces fonctions par Mme R., celle-ci lui a donné, dès le 25 février 2003, tous pouvoirs non seulement pour la représenter, mais pour assurer la gestion de la Société ALLIANCE-CE', en se référant de surcroît expressément à l'article 7 précité des statuts, qui lui avaient déjà donné procuration la plus étendue.
Dans ces conditions, l'attestation délivrée le 28 mai 2004, par le Président de la société OmegaCorp, associé commandité de la Société ALLIANCE-CE, selon lequel M. F. intervenait dans le cadre de ses directives , est insuffisante à établir à elle le caractère salarié des fonctions de l'intéressé dont il se prévaut alors qu'aucun élément probant de ces directives n'est communiqué par M. F. pour cette période.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef pour cette période du 1er septembre 2002 au 30 avril 2003.
SUR LE STATUT DE SALARIÉ DE M. F. À COMPTER DU 1ER MAI 2003 JUSQU'À SON LICENCIEMENT, LE 14 AOÛT 2003 :
Pour la période considérée, M. F. produit aux débats un contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er mai 2003, pour une durée de 12 mois, jusqu'au 30 avril 2004, le désignant en qualité de Directeur Général de la Alliance-Ce, moyennant un salaire mensuel brut de 6.250 Euros.
Ce contrat de travail prévoyait en outre une clause de non-concurrence, valable pour une durée de six mois à compter de la rupture, et rémunérée par une indemnité spéciale forfaitaire égale à 60 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours de ses trois derniers mois de présence dans la Société ALLIANCE-CE'.
Mais c'est en vain que M. F. soutient que son contrat de travail à durée déterminée était effectif et correspondait à des fonctions techniques salariées.
En effet, comme le soutient l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST, à laquelle il revient, en l'absence du mandataire ad hoc, de contester le dit contrat de travail, il convient de relever que le contrat de travail litigieux a été conclu, d'une part, avec M. F. non par le gérant de la Alliance- Ce, qui devait être son employeur, mais par le Président de la société OmegaCorp, associé commandité de la Société ALLIANCE-CE, et donc par une personne morale dont il n'est pas démontré qu'elle avait compétence et qualité pour l'embaucher en tant que salarié de la Société ALLIANCE-CE, ce qui est de nature à entraîner sa nullité.
D'autre part, le contrat de travail litigieux a été conclu postérieurement à la déclaration de cessation de paiement de l'entreprise, faite le 30 avril 2003, donc en période suspecte, au sens de l'article L.632-1 du Code de Commerce.
Or, il ressort des dispositions prévues par ce contrat de travail que celui -ci revêtait un caractère commutatif en ce que les obligations des parties étaient disproportionnées.
En effet, alors que les fonctions de Directeur Général lui étaient confiées par un contrat de travail à durée déterminée d'un an, soit pour une durée particulièrement courte au regard des responsabilités sur le long terme qu'impliquent en général de telles fonctions, il convient de relever que M. F. se voyait reconnaître le droit à percevoir une indemnité de garantie d'emploi d'un montant de 50.000 Euros ainsi qu'une clause de non concurrence pour une durée de six mois d'un montant de 22.238 Euros, outre un salaire mensuel brut de 6.250 Euros.
L'importance des droits ainsi reconnus à M. F., alors que la Alliance- Ce se trouvait en outre déjà en état de cessation de paiement à la date de conclusion dudit contrat, confère à celui -ci un caractère commutatif, deuxième motif de nullité de cette convention en tant que contrat de travail.
Il convient en tout état de cause, de relever que M. F. qui ne communique aucun bulletin de paie pour la période considérée, donc à compter du 1er mai 2003, et n'a reçu aucun salaire, ainsi qu'il s'en plaignait lui - même dans un courrier au Président de la société Omegacorp, a été à l'origine du signalement des difficultés de l'entreprise aux lieu et place du gérant de celle-ci, alors Mme R..
Il y a également lieu de souligner qu'à la suite de la démission de Mme R., le 10 juin 2003, l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST n'est pas utilement contredite lorsqu'elle affirme que M. F. a à nouveau exercé les responsabilités de dirigeant qu'il n'avait en réalité pas abandonnées depuis la nomination de Mme R., le 25 février 2003 puisque celle -ci lui avait consenti une délégation générale de pouvoirs à compter de cette même date.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu'il a reconnu la qualité de salarié de M. F. à compter du 1er mai 2003,
M. F. est débouté de l'ensemble de ses demandes et sera condamné à rembourser l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST des sommes que celle -ci a avancées, soit la somme totale de 38.912 Euros.
PAR CES MOTIFS,
Par arrêt réputé contradictoire,
Ordonne la jonction des procédures d'appel enregistrées sous le n° 05/07554 et le n° 05/07347,
Infirme le jugement déféré,
Dit que M. F. n'avait pas la qualité de salarié de la Société ALLIANCE-CE,
Le déboute de l'ensemble de ses demandes,
Le condamne à rembourser à l'Unedic Délégation AGS-CGEA IDF OUEST la somme de 38.912 Euros (TRENTE HUIT MILLE NEUF CENT DOUZE EUROS).
Le condamne aux entiers dépens.