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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 16 février 2023, n° 22/01407

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Chefdebien

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beneix-Bacher

Conseillers :

M. Vet, M. Maffre

Avocats :

Me Issanchou, Me Thevenot

T. com. Toulouse, du 7 avr. 2022, n° 202…

7 avril 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 20 juin 2018, la société [Localité 2] Immobilier a donné à M. [K] [S] un mandat d'agent commercial .

Le 25 juillet 2018, M. [S] a procédé à l'immatriculation au RCS de la SAS [K] [S].

Le 24 juin 2021, la société [Localité 2] Immobilier a notifié à M. [S] la rupture immédiate de son mandat d'agent commercial et l'a mis en demeure de lui régler la somme de 90 097 € en réparation de son préjudice.

Par lettre officielle du 13 juillet 2021, M. [S] a contesté les motifs de la rupture et a réclamé paiement de commissions en vertu de deux premières factures représentant 15 375 euros, dans l'attente de deux autres factures à venir pour 11 905 euros, outre une indemnité compensatrice.

Par acte du 16 novembre 2021, la SAS [K] [S] a fait assigner la SAS [Localité 2] Immobilier devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en paiement provisionnel de sommes à valoir sur des commissions.

Par ordonnance du 7 avril 2022, le juge a :

- dit irrecevable l'action de la SAS [K] [S] pour défaut de qualité à agir,

- condamné la SAS [K] [S] à payer à la SAS [Localité 2] Immobilier la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la SAS [K] [S] aux entiers dépens.

Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu que la société ne justifie pas des formalités de reprise du contrat d'agent commercial souscrit par M. [S].

Par déclaration en date du 11 avril 2022, la SAS [K] [S] a interjeté appel de cette décision, critiquée en ses trois dispositions.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS [K] [S], dans ses dernières écritures en date du 28 avril 2022, demande à la cour de':

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 7 avril 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse,

Et, statuant à nouveau,

- juger l'action de la SAS [K] [S] recevable,

- condamner la SAS [Localité 2] Immobilier à verser à la SAS [K] [S] la somme de 22.732,33 € HT, soit 27.278,79 € TTC à titre de provision,

- condamner la SAS [Localité 2] Immobilier à verser à la SAS [K] [S] une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS [Localité 2] Immobilier aux dépens.

La SAS [K] [S] fait valoir en substance que la société [Localité 2] Immobilier lui a réglé toutes les factures qu'elle a émises du 13 juillet 2018 au 30 mars 2021, sans élever la moindre contestation et en lui facturant en retour la redevance mensuelle pour le 'pack service' : la SAS [K] [S] s'est ainsi substituée à M. [K] [S] dans l'exécution du contrat d'agent commercial initialement conclu, conformément à l'article 1329 du code civil, sans que la société [Localité 2] Immobilier exige la signature d'un avenant, celui-ci pouvant être verbal.

L'obligation de paiement à laquelle l'intimée est tenue n'est pas sérieusement contestable, au regard des mandats de vente conclus et des transactions passées.

Il ne peut y avoir compensation avec la prétendue créance de la société [Localité 2] Immobilier à l'égard de M. [S], personne physique, d'autant qu'aucun élément du dossier ne prouve les détournements de clientèle qui lui sont imputés et qu'il conteste.

L'intimée n'a d'ailleurs pas saisi la juridiction du fond aux fins de paiement, c'est la société [K] [S] qui a pris cette initiative pour faire juger abusive la rupture du contrat.

Suivant dernières conclusions du 24 mai 2022, la SAS [Localité 2] Immobilier prie la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

. dit irrecevable l'action de la SAS [K] [S] pour défaut de qualité à agir ;

. condamné la SAS [K] [S] à payer à la société [Localité 2] Immobilier

la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

. condamné la SAS [K] [S] aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamner la société [K] [S] à payer à la société [Localité 2] Immobilier la somme de 3.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [K] [S] à supporter les entiers dépens de l'instance.

La SAS [Localité 2] Immobilier soutient en premier lieu que la reprise des engagements souscrits avant immatriculation ne se présume pas : outre que les personnes doivent avoir agi au nom d'une société en cours de formation, l'article R210-5 du code de commerce exige un mandat spécial, une annexe aux statuts , ou une décision à la majorité des associés, il ne suffit pas que la société exécute volontairement les obligations en découlant et que des factures aient été payées.

Il en résulte que l'appelante ne peut agir en qualité de cocontractante de la société [Localité 2] Immobilier, et l'ordonnance déférée devra être confirmée.

À titre subsidiaire, si la société [K] [S] était considérée comme sa cocontractante, la responsabilité de celle-ci est actuellement recherchée devant le tribunal de commerce de Toulouse et les créances de la société [Localité 2] Immobilier à son encontre, 90 097 euros, sont incontestables : le juge de l'évidence ne peut donc condamner l'intimée au paiement des sommes réclamées : si tant est qu'elles sont dues, elles feront nécessairement l'objet d'une compensation à la suite de la condamnation à venir de la SASU [K] [S], les manquements de son gérant engageant la responsabilité de ladite société.

Et le caractère sérieux de cette contestation, en cours de débats au fond, doit conduire au rejet de la demande de condamnation provisionnelle.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de la société [K] [S]

Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Il est ici soutenu que la SAS [K] [S] n'est pas recevable à agir à l'encontre de la SAS [Localité 2] Immobilier en exécution des engagements pris par [K] [S] et non repris par elle lors de son immatriculation, faute de lien contractuel avec l'intimée.

L'appelante oppose que dès son immatriculation, elle s'est substituée à [K] [S] dans l'exécution de ses obligations, invoquant le mécanisme de la novation défini à l'article 1329 du code civil et applicable sans nécessité d'avenant écrit.

Pour autant, la reprise par une société en formation des engagements souscrits avant son immatriculation ne peut être implicite : les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce et l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 imposent des formalités, réalisées avant ou en suite de l'immatriculation.

L'article L. 210-6 alinéa 2 énonce que " Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ' et l'article R. 210-5 du code de commerce précise les deux mécanismes possibles d'une telle reprise avant immatriculation : l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, avec l'indication pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société, est présenté aux associés avant la signature des statuts et annexé aux statuts signés, ou les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements déterminés et selon des modalités précisées pour le compte de la société.

L'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ajoute que la reprise d'engagements après immatriculation de la société ne peut résulter, après l'immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire des statuts , à la majorité des associés.

En dehors de ces trois procédures légales, il n'y a pas de place pour les reprises tacites qui résulteraient : dès lors, l'exécution par la société desdits engagements non repris conformément à la loi est indifférente.

Or, au cas d'espèce, la SAS [K] [S] ne revendique ni l'annexion à ses statuts du contrat d'agent commercial souscrit par [K] [S], ni un mandat qu'elle aurait donné à celui-ci de le conclure, ni décision expresse de ses associés de le reprendre.

Partant, elle n'a donc pas qualité agir et n'est pas recevable à revendiquer l'application d'un contrat souscrit par son fondateur et non repris et à réclamer paiement d'une provision en exécution de celui-ci.

La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a déclarée irrecevable en son action.

Au demeurant, si la SAS [K] [S] a réalisé des prestations au profit de la SAS [Localité 2] Immobilier, c'est sur des bases contractuelles non écrites, et il n'entre pas dans les pouvoirs au juge des référés, juge de l'évidence, d'en définir les modalités de règlement qui fonderaient la demande de provision, laquelle se heurte donc à une contestation sérieuse au sens de l'article 835 alinea 2 du code de procédure civile.

Sur les frais et dépens

La SAS [K] [S] qui succombe sera condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à la SAS [Localité 2] Immobilier la somme supplémentaire de 1000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour

Y ajoutant,

Condamner la SAS [K] [S] à payer à la SAS [Localité 2] Immobilier la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [K] [S] aux dépens d'appel.