CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 16 février 2023, n° 22/14002
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
CELSIUS (SAS)
Défendeur :
GOLDEN STUDIO (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme MASSERON
Conseillers :
M. RONDEAU, Mme CHOPIN
Avocats :
AARPI OHANA ZERHAT, SELAS CABINET COHEN-TRUMER
Par acte sous seing privé du 15 février 2021, la société Celsius [Localité 3] a donné à bail des locaux commerciaux situés au centre commercial La Vache Noire à [Localité 3] (94) à la société Golden Studio.
Un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour un montant au principal de 25.610,16 euros, a été délivré par le bailleur le 1er décembre 2021.
Par acte du 18 janvier 2022, la société Celsius [Localité 3] a assigné en référé la société Golden Studio pour faire constater la résiliation dudit bail par l'effet de la clause résolutoire, obtenir son expulsion et sa condamnation à lui payer une indemnité d'occupation et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Un second commandement de payer visant la clause résolutoire a par la suite été délivré, le 15 avril 2022, portant sur la somme en principal de 41.183,30 euros.
A l'audience du 2 juin 2022, la société Golden Studio a soulevé la nullité des commandements de payer et à titre subsidiaire a sollicité des délais de paiement.
Par ordonnance contradictoire du 21 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :
- dit les commandements de payer nuls ;
- condamné la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] la somme provisionnelle de 34.249,77 euros ;
- autorisé la société Golden Studio à se libérer de la provision ci-dessus allouée en vingt-quatre mensualités d'égal montant de 1.425 euros outre le loyer en cours sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde ;
- dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail ;
- dit que le paiement du premier de ces acomptes devra intervenir avant le 7 du mois suivant celui de la signification de l'ordonnance et les suivants avant le 7 de chacun des mois suivants ;
- condamné la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Golden Studio aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes et notamment les demandes d'acquisition de la clause résolutoire.
Par déclaration du 22 juillet 2022, la société Celsius [Localité 3] a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions remises le 13 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Celsius [Localité 3] demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil et de l'article 835 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance rendue le 21 juin 2022, en ce qu'elle a :
condamné la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] la somme provisionnelle de 34.249,77 euros, et statuant de nouveau, condamner la société Golden studio à lui payer la somme provisionnelle de 49.436,94 euros arrêtée au 26 juillet 2022,
condamné la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Golden Studio aux dépens ;
- infirmer l'ordonnance rendue le 21 juin 2022, en ce qu'elle a :
dit les commandements de payer nuls,
autorisé la société Golden Studio à se libérer de la provision ci-dessus allouée en vingt-quatre mensualités d'égal montant de 1.425 euros outre le loyer en cours sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde,
dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail,
dit que le paiement du premier de ces acomptes devra intervenir avant le 7 du mois suivant celui de la signification de l'ordonnance et les suivants avant le 7 de chacun des mois suivants,
dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes et notamment les demandes d'acquisition de la clause résolutoire ;
et statuant à nouveau,
- constater le jeu de la clause résolutoire à effet du 15 avril 2022 et ordonner en conséquence l'expulsion de la société Golden Studio ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier, du local à usage commercial 25A, situé au centre commercial « La Vache Noire » sis à [Adresse 4] ;
- débouter la société Golden Studio de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- dire que la société Celsius [Localité 3] pourra procéder à l'enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux, soit dans l'immeuble, soit chez un garde-meubles, au choix de la demanderesse, aux frais, risques et périls de la société Golden Studio ;
- condamner la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3], à titre de pénalités contractuelles au titre du défaut de production du chiffre d'affaires mensuel depuis l'origine du bail, la somme de 37.772 euros HT, soit la somme de 45.326,40 euros TTC ;
- déclarer mal fondée une éventuelle demande de délais ;
- subsidiairement et dans l'hypothèse où des délais étaient accordés, dire que les sommes qui seront versées par la société Golden Studio s'imputeront en priorité sur les loyers, charges et accessoires courants, puis sur les termes venus à l'échéance postérieurement à la délivrance du commandement de payer, l'arriéré dû au titre du commandement de payer n'étant apuré qu'en outre ;
- dans cette hypothèse, dire que faute par la société Golden Studio de respecter les délais accordés, et de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants, les termes échus postérieurement au commandement de payer, et l'arriéré, l'intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, et la société Celsius [Localité 3] pourra dès lors poursuivre l'expulsion de la société Golden Studio ainsi que celle de tous occupants de son chef du local susvisé, avec au besoin le concours de la force publique et l'aide d'un serrurier ;
- condamner la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du double loyer global de la dernière année de location, prorata temporis, charges et taxes en sus à compter du jeu acquis de la clause résolutoire et jusqu'à la reprise du local par la société Celsius [Localité 3] ;
- dire que le montant du dépôt de garantie restera acquis à la société Celsius [Localité 3] ;
- condamner la société Golden Studio à payer à la société Celsius [Localité 3] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- condamner la société Golden Studio en tous les dépens.
La société Celsius [Localité 3] soutient en substance :
- qu'aucun texte n'impose la reproduction intégrale de l'article L. 145-41 du code de commerce à peine de nullité, le commandement mentionnant en outre bien le délai d'un mois ;
- que la bonne foi du débiteur n'est pas établie justifiant le rejet de la demande de délais ;
- que les stipulations du contrat prévoient notamment des pénalités contractuelles et la conservation du dépôt de garantie.
La société Celsius [Localité 3] a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions à la société Golden Studio par acte d'huissier de justice les 09 septembre et 21 octobre 2022 à personne.
La société Golden Studio n'a pas constitué avocat.
SUR CE LA COUR
A titre liminaire, il sera rappelé qu'en l'absence de conclusions d'une partie intimée, celle-ci est réputée s'être appropriée les motifs du premier juge.
De surcroît, en application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit aux demandes que si elle les estime régulières, recevables et bien fondées.
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.
Il sera rappelé à cet égard :
- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;
- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.
En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
En l'espèce, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer le 15 avril 2022, pour un montant de 41.183,30 euros au principal.
Cette somme n'a pas été réglée dans le délai d'un mois.
Le premier juge a cependant retenu un motif de nullité de ce commandement, susceptible à tout le moins de constituer une contestation sérieuse, dans la mesure où les mentions légales n'y sont pas reproduites.
Force est toutefois de constater, à la lecture de ce commandement (pièce 4), qu'il y est indiqué que le règlement de la somme devra intervenir dans le délai d'un mois à compter de la signification, le commandement mentionnant aussi l'application des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce.
Etait en outre joint au commandement un décompte mentionnant le solde débiteur au 15 avril 2022.
Dans ces circonstances, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la clause résolutoire apparaît bien acquise à la date du 16 mai 2022, peu important que les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce n'aient pas été littéralement et intégralement reproduites dans le commandement de payer, étant suffisante la circonstance que le délai d'un mois était bien rappelé dans la mesure où la disposition en cause du code de commerce précise simplement que le commandement doit à peine de nullité mentionner le délai.
Il y a donc lieu, par infirmation de la décision entreprise, de constater l'acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit, dans les conditions indiquées au présent dispositif.
Par ailleurs, le bailleur produit un décompte actualisé à la date du 26 juillet 2022 (pièce 7), justifiant donc la condamnation provisionnelle de la société intimée à lui verser la somme de 49.436,94 euros.
Il convient de plus de préciser :
- qu'une clause pénale est une clause qui stipule que celui qui manquera d'exécuter le contrat paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts ; que constitue une telle clause toute stipulation qui évalue, de manière anticipée et forfaitaire, les conséquences de l'inexécution d'une obligation, ce qui inclut notamment, dans le cas d'un défaut de paiement, l'augmentation de l'indemnité d'occupation due par rapport au loyer contractuel qui aurait été versé ou encore la conservation du dépôt de garantie ;
- que la demande de condamnation au titre de pénalités contractuelles, pour défaut de production du chiffre d'affaires depuis l'origine du bail, à la hauteur de 45.326.40 euros, en application de l'article 4.4.4 du bail, outre qu'elle n'est pas même formée à titre provisionnel devant le juge des référés, s'analyse en toute hypothèse en une clause pénale susceptible d'être réduite par le juge du fond, de sorte que l'obligation de paiement de l'intimée n'est pas établie avec toute l'évidence requise en référé, l'avantage procuré ici au créancier apparaissant manifestement excessif ;
- que, de même, le doublement de l'indemnité d'occupation provisionnelle, sollicité en application de l'article 14.2.3 du bail, s'analyse lui aussi en une clause pénale susceptible d'être réduite par le juge du fond, avec un avantage procuré au bailleur là encore manifestement très excessif, de même que la conservation du dépôt de garantie réclamée en application de l'article 6 du bail ;
- qu'il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur ces demandes ;
- que la demande de délais ne saurait prospérer, étant précisé que la situation du débiteur n'est pas précisée dans la décision entreprise, la SAS Golden Studio n'ayant pas constitué avocat à hauteur d'appel ; que, par ailleurs l'appelante rappelle à juste titre qu'elle ne saurait être qualifiée de débiteur de bonne foi, n'ayant jamais réglé les sommes mises à sa charge aux termes du bail.
Le sort des frais et dépens a été exactement réglé par le premier juge.
A hauteur d'appel, la société intimée devra indemniser la société appelante pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise sauf sur le sort des frais et dépens de première instance ;
Statuant à nouveau,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail signé entre les parties à compter du 16 mai 2022 ;
Ordonne, à défaut de libération volontaire des lieux, l'expulsion de la SAS Golden Studio et de tout occupant de son chef, dans les quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, du local à usage commercial 25A situé au sein du centre commercial La Vache Noire, [Adresse 4] (94) ;
Dit qu'en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoit le code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne la SAS Golden Studio à payer à titre provisionnel à la SAS Celsius Accueil une indemnité d'occupation établie forfaitairement sur la base du loyer global de la dernière année de location prorata temporis, charges et taxes en sus, à compter de l'acquisition de la clause résolutoire et jusqu'à reprise du local par la bailleresse ;
Condamne la SAS Golden Studio à payer à titre provisionnel à la SAS Celsius Accueil la somme de 49.436,94 euros, somme arrêtée au titre de l'arriéré au 26 juillet 2022 ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de la SAS Celsius Accueil ;
Rejette toute demande de délais ;
Condamne la SAS Golden Studio à payer à la SAS Celsius Accueil la somme de 1.000 euros au à hauteur d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Golden Studio aux dépens d'appel.