Cass. 3e civ., 18 janvier 2023, n° 21-22.209
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juillet 2021), le 14 septembre 2007, la société Redstone Invest A (la bailleresse) a donné à bail des locaux à usage commercial à la société Locaposte (la locataire).
2. Le 9 janvier 2008, la locataire a sous-loué les locaux à la société La Poste (la sous-locataire).
3. Le 28 février 2013, la bailleresse a notifié à la locataire un congé à effet au 29 octobre 2013 pour procéder à la reconstruction de l'immeuble et a offert une indemnité d'éviction.
4. Le 5 juin 2013, une copie du sous-bail a été notifiée à la bailleresse.
5. La locataire a assigné la bailleresse en paiement d'une indemnité d'éviction.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire que le congé a ouvert au profit de la locataire le droit à une indemnité d'éviction, alors « que l'indemnité d'éviction accordée au locataire prend sa source dans le préjudice qu'il subit par suite du refus du propriétaire de renouveler le bail ; que les conditions du droit du preneur à une indemnité d'éviction s'apprécient à la date du congé ; qu'en l'espèce, l'article 10.14.2 du contrat de bail du 14 septembre 2007 stipule : par dérogation expresse à l'article L. 145-31 alinéa 1er du code de commerce qui prévoit qu'en cas de sous-location, le bailleur sera appelé à intervenir à l'acte, les parties conviennent qu'en cas de sous-location à une société du groupe la Poste ou à toute association, société à forme mutuelle ou autre entité légale de salariés de la Poste ou dont une ou plusieurs sociétés du groupe la Poste est membre, associée ou actionnaire, le bailleur renonce d'ores et déjà à intervenir à l'acte de sous-location, le preneur devant cependant lui notifier une copie du ou des acte(s) de sous-location signé(s) par lettre recommandée avec accusé de réception pour information ; que la cour d'appel a relevé que par exploit du 28 février 2013, la société Redstone Invest A a fait signifier à la société Locaposte un congé pour le terme de la période triennale ; qu'en retenant que la société Redstone Invest A ne pouvait se prévaloir d'une quelconque irrégularité pour dénier à la société Locaposte le droit à une indemnité d'éviction, après avoir expressément relevé que la copie signée du contrat de sous-location ne lui avait été transmise que par courrier recommandée du 5 juin 2013 avec accusé de réception soit postérieurement à la date du congé, de sorte que les conditions du droit à indemnité d'éviction de la société n'étaient pas remplies à cette date, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et L. 145-14 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
8. Ayant constaté que la notification à la bailleresse d'une copie de l'acte de sous-location, prévue à l'article 10.14.2 du contrat du bail, était, en l'absence de tout délai ou sanction, informative, la cour d'appel en a exactement déduit que, peu important que cette formalité ait été faite postérieurement à la délivrance du congé, la sous-location était régulière et opposable à la bailleresse, en sorte que le congé avait ouvert à la locataire le droit à une indemnité d'éviction.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. La bailleresse fait grief à l'arrêt de dire que l'indemnité d'éviction sera calculée notamment en fonction des caractéristiques d'exploitation de la sous-locataire, pour son activité dite Coliposte exercée dans le local donné à bail, et qu'elle devrait être d'un montant suffisant pour permettre à la locataire d'indemniser sa sous-locataire du préjudice subi par elle en raison du non-renouvellement du bail, alors :
« 1°/ que la situation du sous-locataire ne saurait être prise en considération pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due au locataire principal ; qu'en décidant que l'indemnité d'éviction sera calculée notamment en fonction des caractéristiques d'exploitation de la sous-locataire, à savoir la Poste, pour son activité dite Coliposte exercée dans le local donné à bail, et qu'elle doit être d'un montant suffisant pour permettre à la société Locaposte d'indemniser sa sous-locataire du préjudice subi par elle en raison du non-renouvellement, la cour d'appel a violé l'article L. 145-14 du code de commerce ;
2°/ que l'indemnité d'éviction du preneur sortant ne doit réparer que le préjudice qu'il a subi personnellement ; qu'en retenant qu'en application des dispositions du bail, l'indemnité d'éviction sera calculée notamment en fonction des caractéristiques d'exploitation de la sous-locataire, à la Poste, pour son activité dite Coliposte exercée dans le local donné à bail, et qu'elle doit être d'un montant suffisant pour permettre à la société Locaposte d'indemniser sa sous-locataire du préjudice subi par elle en raison du non-renouvellement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations suivant lesquelles « les locaux ayant été donnés par la société Locaposte en sous-location totale, celle-ci subit un préjudice direct et personnel du fait de l'éviction qui est limité en principe à la valeur du droit au bail », en violation de l'article L. 145-14 du code de commerce et l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que les modalités de calcul de l'indemnité d'éviction, lorsqu'elles n'ont pas pour effet de priver la locataire évincée de son indemnisation en cas de non renouvellement du bail ou de limiter forfaitairement par avance son indemnisation et, par voie de conséquence, de limiter directement ou indirectement le droit au renouvellement, ne sont pas contraires à l'ordre public.
12. Elle a constaté qu'il était prévu au bail une clause selon laquelle l'indemnité d'éviction due au preneur serait, le cas échéant, calculée en fonction des caractéristiques d'exploitation du sous-locataire et devrait être d'un montant suffisant pour lui permettre d'indemniser le sous-locataire du préjudice subi par ce dernier en raison du non-renouvellement du bail.
13. Elle a retenu que si cette clause venait préciser les modalités de calcul de l'indemnité d'éviction, elle n'avait pas pour objet de priver la locataire évincée de l'indemnisation de son préjudice et elle ne venait pas davantage le limiter puisqu'il ne s'agissait pas d'une indemnisation forfaitaire.
14. Elle en a exactement déduit que l'indemnité d'éviction devait être calculée en fonction de cette celle-ci.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.