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Décisions

Cass. 3e civ., 20 avril 2023, n° 21-23.549

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

SCP Le Griel, SCP Spinosi

Aix-en-Provence, du 26 août 2021

26 août 2021

 

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 août 2021), la société civile immobilière Le Phare (la bailleresse), propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à la société La Garrigue d'Elya (la locataire), lui a délivré successivement plusieurs commandements de payer visant la clause résolutoire insérée au bail.

 

2. La locataire a assigné la bailleresse en nullité des commandements de payer.

 

3. A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité la résiliation du bail et la condamnation de la locataire au paiement de diverses sommes en remboursement de travaux.

 

4. En cause d'appel, la bailleresse a demandé la condamnation de la locataire au paiement de certaines sommes au titre du maintien en état débroussaillé et la remise en état du jardin.

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen

 

Enoncé du moyen

 

5. La locataire reproche à l'arrêt de déclarer valables et fondés les commandements, de constater que les causes de ces commandements n'avaient pas été régularisées dans le délai légal et de prononcer la résiliation du bail et son expulsion, alors « que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation mais doivent, à tout le moins, viser voire analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels ils se sont fondés ; qu'en affirmant, pour prononcer la résiliation du bail commercial liant les parties conformément aux stipulations de la clause résolutoire, que les commandements de payer des 22 juin 2015, 3 juin 2016, et 24 juin 2016 avaient été délivrés à bon escient, étayés par des décomptes concordants et visant les impayés générés par le coût des interventions rendues indispensables par le défaut de diligence de la locataire qui n'avait pas respecté ses obligations en ne réalisant pas les travaux indispensables qui lui incombaient et que, partant, il y avait lieu de les valider, sans viser ni analyser, même sommairement, les prétendus documents joints à ces commandements permettant d'établir que la société La Garrigue d'Elya se trouvait suffisamment informée relativement à la justification et au détail des sommes mises en recouvrement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

 

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

 

7. Pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt retient que les commandements délivrés l'ont été à bon escient, étayés par des décomptes concordants et visant les impayés générés par le coût des interventions rendues indispensables par le défaut de diligence de la locataire qui n'a pas respecté ses obligations en ne réalisant pas les travaux indispensables qui lui incombaient et qu'il y a lieu de les valider.

 

8. En statuant ainsi, par des motifs généraux et imprécis qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

 

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

 

Enoncé du moyen

 

9. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la bailleresse une certaine somme au titre des travaux lui incombant réalisés par la bailleresse alors « que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces produites aux débats que la taxe d'assainissement, la facture ATPRT relative au changement de la fosse septique dû à une absence d'entretien et au non-respect des règles d'utilisation de cet équipement, la facture Germani relative à l'entretien du chauffage et enfin la facture Provence Concept liée à une réparation de toiture étaient des frais qui avaient été supportés par la SCI Le Phare pour le compte de son locataire et qui devaient lui être remboursés par la société La Garrigue d'Elya, sans expliquer pourquoi ces frais devaient être supportés par le preneur et non par le bailleur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

 

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

 

11. Pour condamner la locataire à payer à la bailleresse une certaine somme, au titre de travaux lui incombant, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites aux débats que la taxe d'assainissement, la facture relative au changement de la fosse septique dû à une absence d'entretien et au non respect des règles d'utilisation de cet équipement, la facture relative à l'entretien du chauffage et celle liée à une réparation de la toiture sont des frais qui ont été supportés par la bailleresse pour le compte de sa locataire et qui doivent lui être remboursés par cette dernière.

 

12. Il ajoute que dans l'acte de cession du fonds de commerce, il est précisé que toutes les installations attachées au fonds de commerce sont en bon état de marche, régulièrement installées et répondent aux normes et réglementations d'hygiène, de sécurité et de salubrité en vigueur au jour de cet acte.

 

13. En statuant ainsi, sans expliquer pourquoi le coût de ces travaux et ces charges devaient être supportés par la locataire et non par la bailleresse, et en particulier sans analyser, même sommairement, les clauses du bail commercial, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

 

Et sur le troisième moyen

 

Enoncé du moyen

 

14. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la bailleresse certaines sommes pour le maintien en état débroussaillé et pour la remise en état du jardin, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en considérant que les demandes en paiement de la somme de 1 800 euros TTC au titre des travaux nécessaires au maintien en état débroussaillé du terrain et de la somme de 17 000 euros TTC pour la remise en état du jardin « qui sont évidemment en lien avec les autres demandes relatives à l'obligation d'entretien qui pèse sur la SARL La Garrigue d'Elya ne sont en rien des demandes irrecevables », sans constater que ces demandes tendaient aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou qu'elles en étaient l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 565 et 566 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

 

15. Aux termes du premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

 

16. Aux termes du second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

 

17. Pour déclarer recevables les demandes nouvelles en appel de la bailleresse tendant à obtenir la condamnation de la locataire au paiement de certaines sommes au titre de l'entretien et de la remise en état du jardin, l'arrêt retient que ces demandes sont évidemment en lien avec les autres demandes relatives à l'obligation d'entretien.

 

18. En se déterminant ainsi, sans constater que ces demandes tendaient aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou qu'elles en étaient l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société La Garrigue d'Elya, l'arrêt rendu le 26 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

 

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes