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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 2 décembre 2022, n° 22/08604

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LA CLINIQUE DU DEUX ROUES (SELARL), LA CLINIQUE DU SCOOTER (SARL)

Défendeur :

AJILINK-LABIS CABOOTER (SELARL), Me SOUCHON

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme LAGEMI

Conseiller :

LE COTTY

Avocats :

SELARL 24 PENTHIEVRE, Me Sophia DAOUDI, SELARL TOUZERY MADANI BEUSQUART-VUILLEROT AVOCATS, SELARL SERRA AVOCATS

Creteil, du 25 mars 2022

25 mars 2022

Par acte du 24 mai 2012, Mme [S] a consenti à la société La clinique du scooter un bail commercial sur des locaux situés [Adresse 4] (94) à usage de vente et location de véhicules neufs et d'occasion.

 

Par acte du 27 janvier 2014, la société La clinique du scooter a cédé à la société La clinique du deux roues son fonds de commerce incluant le droit au bail.

 

Par jugement du 15 mars 2017, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La clinique du deux roues et a désigné la SelarlCabooter en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission d'assistance et la Selarl SMJ en qualité de mandataire judiciaire.

 

Par arrêt du 29 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a adopté un plan de redressement par voie de continuation pour la société La clinique du deux roues et désigné la Selarl Cabooteren qualité de commissaire à l'exécution du plan.

 

Par actes des 30 juin et 1er juillet 2021, Mme [S] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société La clinique du deux roues et à Maître Cabooter, en qualité d'administrateur judiciaire, pour la somme principale de 39.996,45 euros, au titre de l'arriéré locatif au terme de juin 2021.

 

Le 6 juillet 2021, ce commandement a été dénoncé à la société La clinique du scooter en sa qualité de cédant du contrat de bail commercial, garant solidaire.

 

Par acte du 20 août 2021, Mme [S] a assigné la société La clinique du deux roues, la SelarlCabooter en qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci et la société La clinique du scooter devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail, d'expulsion de la société La clinique du deux roues et de condamnation solidaire au paiement de l'arriéré locatif.

 

Par ordonnance du 25 mars 2022, le juge des référés a :

 

rejeté les exceptions de nullité et les fins de non-recevoir présentées par la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter ;

 

débouté la société La clinique du deux roues de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

 

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 30 juillet 2021 ;

 

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société La clinique du deux roues et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 4]) avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

 

dit en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier charge de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

 

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société La clinique du deux roues, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

 

condamné solidairement par provision la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter à payer à Mme [S] la somme de 96.878,66 euros (selon le relevé de compte au 19 janvier 2022 incluant 1'appel de janvier 2022 et tenant compte des régularisations de charges jusqu'à l'année 2020 inclus) avec intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2021 sur la somme de 39.996,45 euros et à compter du 20 août 2021 pour le solde, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

 

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ;

 

débouté la société La clinique du scooter de sa demande de délais de paiement ;

 

condamné solidairement la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et sa dénonciation;

 

condamné la société La clinique du deux roues à payer à Mme [S] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

rejeté toutes les autres demandes des parties.

 

Par déclaration du 28 avril 2022, la société La clinique du deux roues a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

 

Par déclaration du 6 mai 2022, la société La clinique du scooter a également interjeté appel de cette décision.

 

Les deux instances ont été jointes.

 

Par jugement du 15 juin 2022, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société La clinique du deux roues et a désigné Maître Souchon en qualité de liquidateur judiciaire.

 

Par acte du 12 juillet 2022, celui-ci a été assigné en intervention forcée par Mme [S].

 

 

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 octobre 2022, il demande, en qualité de liquidateur judiciaire de la société La clinique du deux roues, à la cour de :

 

dire que le bailleur ne peut plus poursuivre l'action antérieurement engagée en constatation de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société La clinique du deux roues ;

 

dire que le juge des référés n'a pas le pouvoir en cas d'arrêt des poursuites individuelles de constater provisoirement la créance antérieure et d'en fixer le montant à titre provisoire sur l'état des créances ;

 

en conséquence,

 

infirmer en toutes ses dispositions la décision déférée, qui n'est pas passée en force de chose jugée ;

 

statuant à nouveau,

 

déclarer Mme [S] irrecevable à poursuivre l'action tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer la résolution du bail et la condamnation de la société La clinique du deux roues au paiement d'une créance provisionnelle et à sa fixation au passif ;

 

statuer ce que de droit sur les dépens.

 

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 juillet 2022, la société La clinique du scooter demande à la cour de :

 

la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes ;

 

annuler l'ordonnance entreprise pour violation du principe de la contradiction ;

 

réformer l'ordonnance entreprise des chefs critiqués ;

 

en conséquence et statuant à nouveau,

 

à titre principal,

 

prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire en date des 30 juin, 1er juillet et 6 juillet 2021 ;

 

juger nulle l'assignation en référé pour défaut de qualité et capacité à agir ;

 

juger qu'il n'y a lieu à référé en raison de l'existence de contestations sérieuses ;

 

juger irrecevables ou injustifiées les demandes de Mme [S] ;

 

débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

 

à titre subsidiaire,

 

diminuer l'effet de la clause de garantie solidaire à compter du 6 juillet 2021, date du commandement de payer qui lui a été signifié jusqu'au prononcé théorique de « l'ordonnance à intervenir », sans prorogation, soit jusqu'au 24 février 2022 ;

 

lui accorder des délais de paiement sur 24 mois ;

 

à titre reconventionnel,

 

condamner Mme [S] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 5.000 euros pour la procédure d'appel ;

 

condamner Mme [S] aux entiers dépens de l'instance et frais d'huissier.

 

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 octobre 2022, Mme [S] demande à la cour de :

 

confirmer l'ordonnance entreprise en l'ensemble de ses dispositions ;

 

rejeter l'ensemble des demandes de la société La clinique du deux roues ;

 

rejeter l'ensemble des demandes de la société La clinique du scooter ;

 

rejeter l'ensemble des demandes de Maître Souchon ;

 

condamner la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter à lui payer, chacune, la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

fixer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société La clinique du deux roues.

 

La Selarl Cabooter, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 24 juin 2022, n'a pas constitué avocat.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2022.

 

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

 

 

SUR CE, LA COUR,

 

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance

 

La société La clinique du scooter soutient que l'ordonnance entreprise est nulle pour non respect du principe de la contradiction au motif que le juge des référés a accepté une pièce non listée sur le bordereau de communication de pièces et remise postérieurement aux plaidoiries et à la clôture des débats.

 

Cependant, si les parties ne peuvent en principe déposer aucune note à l'appui de leurs observations après la clôture des débats, en application de l'article 445 du code de procédure civile, elles peuvent le faire à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

 

Or, selon l'article 442, le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.

 

En l'espèce, le juge des référés a autorisé la remise d'une pièce après la clôture des débats et a autorisé la société La clinique du scooter à lui adresser une note en délibéré sur cette pièce.

 

Le conseil de la société La clinique du scooter lui a adressé le 9 février 2022 une note en délibéré très détaillée sur ladite pièce, dont elle a donc pris connaissance et qu'elle a pu commenter librement.

 

Aucune violation du principe de la contradiction ne peut dès lors être reprochée au premier juge, qui a usé des possibilités offertes par les textes précités tout en permettant aux parties de s'expliquer utilement sur l'ensemble des pièces qui lui étaient soumises.

 

Il convient d'ajouter que la pièce produite et critiquée est un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à la locataire le 23 juillet 2020 et dénoncé au cédant, la société La clinique du scooter, le 4 août 2020, soit un acte d'huissier que cette dernière avait en sa possession.

 

La demande d'annulation de l'ordonnance doit donc être rejetée.

 

Sur les demandes dirigées contre la société La clinique du deux roues

 

Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce :

 

« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

 

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

 

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

 

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

 

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus ».

 

Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant la mise en liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement (Com., 28 octobre 2008, pourvoi n° 07-17.662, Bull. 2008, IV, n° 184 ; Com., 15 février 2011, pourvoi n° 10-12.747).

 

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société La clinique du deux roues est intervenu le 15 juin 2022, au cours de l'instance d'appel.

 

Il en résulte que la décision n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.

 

En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce (Com., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-13.210, Bull. 2018, IV, n° 100).

 

Il convient en conséquence, comme le sollicite le liquidateur de la société La clinique du deux roues, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes dirigées contre elle.

 

Sur les demandes dirigées contre la société La clinique du scooter

 

Mme [S] demande la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné solidairement la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter à lui payer une provision de 96.878,66 euros titre de l'arriéré locatif arrêté au terme de janvier 2022 inclus, avec intérêts au taux légal, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures.

 

Ces demandes à l'égard de la société La clinique du scooter se fondent sur la clause de garantie solidaire du cédant au profit du bailleur figurant à l'acte de cession de fonds de commerce du 27 janvier 2014. Elles demeurent recevables en présence d'une liquidation du locataire.

 

Sur la nullité de l'assignation pour défaut de qualité à agir soulevée par la société La clinique du scooter

 

La société La clinique du scooter soulève la nullité de l'assignation devant le juge des référés sur le fondement des articles 117, 119, 32 et 122 du code de procédure civile, pour défaut de pouvoir et de qualité de Maître Cabooter, au motif qu'il a été assigné en qualité d'administrateur judiciaire de la société La clinique du deux roues, alors que par arrêt du 29 janvier 2019, la présente cour d'appel a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Créteil qui l'avait désigné en cette qualité et l'a nommé en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

 

Il est constant que, par arrêt du 29 janvier 2019, la présente cour, qui a arrêté un plan de redressement pour la société La clinique du deux roues, a désigné Maître Cabooter en qualité de commissaire à l'exécution du plan et que Maître Cabooter a été assigné devant le juge des référés en qualité d'administrateur judiciaire de la société.

 

Cependant, ainsi que l'a rappelé le premier juge, la société La clinique du deux roues elle-même a été régulièrement assignée, en la personne de son gérant, par acte délivré à son siège social.

 

La circonstance qu'une assignation ait, par ailleurs, été délivrée à Maître Cabooter en qualité d'administrateur judiciaire, qualité qu'il avait perdue à cette date, est sans incidence sur la régularité de l'assignation délivrée à la société locataire, laquelle n'est affectée d'aucun des vices de fond visés par les textes précités.

 

L'exception de nullité de l'assignation doit donc être rejetée et l'ordonnance confirmée de ce chef.

 

Sur la nullité de l'assignation pour absence de tentative de conciliation préalable

 

La société La clinique du scooter soulève la nullité de l'assignation en application des articles 54 et 56 du code de procédure civile pour absence de mention des diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige.

 

L'article 54, alinéa 2, 5°, du code de procédure civile, prévoit qu'à peine de nullité, la demande initiale mentionne, « lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative ».

 

Cependant, aucune disposition légale ne soumet la présente action à une obligation de tentative de conciliation ou de médiation préalable, de sorte que l'exception de nullité de l'assignation n'est pas fondée.

 

Sur l'absence de pouvoir du juge des référés en raison de l'absence d'urgence

 

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

 

La société La clinique du scooter soutient que Mme [S] ne justifie pas de l'urgence à saisir le juge des référés. Mais aucune condition tenant à l'urgence n'est requise pour allouer au créancier d'une obligation non sérieusement contestable une provision.

 

Sur l'absence de pouvoir du juge des référés en raison de contestations sérieuses

 

La société La clinique du scooter fait état de plusieurs contestations sérieuses qui feraient obstacle aux pouvoirs du juge des référés.

 

Sur la nullité du commandement de payer

 

La société La clinique du scooter soulève la nullité du commandement de payer du 30 juin 2021 au même titre qu'elle a soulevé la nullité de l'assignation, sur le fondement des articles 117, 119, 32 et 122 du code de procédure civile, pour défaut de pouvoir de Maître Cabooter, lequel n'était plus administrateur judiciaire de la société La clinique du deux roues à cette date mais commissaire à l'exécution du plan.

 

Mais le commandement de payer visant la clause résolutoire a été régulièrement délivré à la société La clinique du deux roues le 30 juin 2021, peu important qu'il ait en outre et de façon superfétatoire été signifié à Maître Cabooter en qualité d'administrateur judiciaire.

 

Au surplus, ainsi qu'il a été précédemment exposé, il n'y a plus lieu à référé sur les conséquences de ce commandement et, notamment, l'acquisition de la clause résolutoire du bail.

 

Sur l'absence de régularisation des charges rendant le commandement irrégulier

 

La société La clinique du scooter soutient qu'aucune régularisation de charges n'est intervenue en cours de bail et que Mme [S] n'a finalement communiqué les régularisations de charges que lors de la procédure de première instance. Elle en déduit qu'en l'absence de décompte précis des charges effectivement supportées et payées par le preneur, il existe une contestation sérieuse sur la créance figurant au commandement de payer du 30 juin 2021.

 

Mais l'éventuelle contestation sérieuse relative au quantum de la créance figurant au commandement de payer est sans incidence dès lors qu'il n'y a plus lieu à référé sur les conséquences de ce commandement, ainsi qu'il a été précédemment exposé.

 

Sur la carence et la négligence du bailleur entraînant la déchéance du droit à la garantie solidaire

 

La société La clinique du scooter fait valoir que la loi nº 2014-626 du 18 juin 2014 a encadré la garantie du cédant en créant une obligation d'information du cédant par le bailleur.

 

Elle soutient également que la jurisprudence exige, en application de l'article 1134 du code civil, des diligences de la part du bailleur afin d'avertir le cédant dans un délai raisonnable en cas d'impayés et qu'à défaut pour le bailleur d'être suffisamment diligent, il ne peut plus invoquer l'application de la clause de garantie.

 

Elle affirme qu'en l'espèce, Mme [S] a attendu plus de quatre ans avant d'adresser un commandement de payer et d'en aviser le cédant garant solidaire, le premier impayé remontant à mars 2017, et ce, alors même qu'une procédure de redressement judiciaire était ouverte.

 

Il est constant que l'acte de cession du fonds de commerce du 27 janvier 2014 comporte une clause de garantie solidaire du cédant au profit du bailleur.

 

L'article L. 145-16-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dispose que « si la cession du bail commercial est accompagnée d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci. »

 

L'article L. 145-16-2, dans la même rédaction, prévoit que « si la cession du bail commercial s'accompagne d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l'invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail. »

 

Cependant, la loi du 18 juin 2014 s'applique à tous les contrats conclus ou renouvelés après son entrée en vigueur, sous réserve des dispositions transitoires (3e Civ., 6 février 2020, pourvoi n° 19-19.503, publié), lesquelles ne visent pas les articles L. 145-16-1 et L. 145-16-2 du code de commerce.

 

Ainsi, en particulier, les articles L. 145-16-1 et L. 145-16-2 du code de commerce ne sont pas immédiatement applicables aux contrats en cours (cf. 3e Civ., 11 avril 2019, pourvoi n° 18-16.121, publié, s'agissant de l'article L. 145-16-2).

 

En l'espèce, le contrat de bail commercial a été conclu le 24 mai 2012 et il n'a pas été renouvelé. L'acte de cession est intervenu le 27 janvier 2014.

 

La loi du 18 juin 2014 n'est donc pas applicable.

 

Pour autant et indépendamment de l'application de ce texte, la faute du bailleur qui n'avertit pas le cédant du non-paiement des loyers par le locataire et laisse s'accumuler la dette peut lui faire perdre le bénéfice de son recours.

 

Or en l'espèce, il résulte du décompte locatif produit que le premier impayé remonte au mois de mars 2017 et que la bailleresse n'a pas averti le cédant des difficultés de la locataire, laissant ainsi s'accumuler la dette pendant plusieurs années, jusqu'au commandement de payer dénoncé à la société La clinique du scooter le 4 août 2020 et ce, alors même que la locataire était en redressement judiciaire depuis mars 2017.

 

Cette négligence du bailleur, qui a privé le garant de la possibilité de se substituer à la locataire dès les premiers impayés et d'éviter ainsi une augmentation de la dette, dont le montant est aujourd'hui très élevé, constitue une contestation sérieuse qui doit être tranchée par le juge du fond.

 

L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a condamné la société La clinique du scooter au paiement de l'arriéré locatif et, par suite, en toutes ses dispositions.

 

Sur les frais et dépens

 

Mme [S] sera tenue aux dépens de première instance et d'appel.

 

L'équité commande toutefois de la dispenser de toute condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS

 

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise ;

 

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité et les fins de non-recevoir présentées par la société La clinique du deux roues et la société La clinique du scooter et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale ;

 

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

 

Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de Mme [S] ;

 

Y ajoutant,

 

Condamne Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel ;

 

Rejette les demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.