CA Rennes, 2e ch., 2 septembre 2016, n° 15/04065
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Du Tromeur (SCI)
Défendeur :
Lorient Accessoires (SARL), Bretagne Sud Loisirs (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mme Le Potier, Mme Dotte-Charvy
FAITS et PROCÉDURE :
Dans un litige opposant les époux Le B. (bailleurs) à la SARL Lorient Accessoires (locataire) dans le cadre d'un bail commercial, l'immeuble ayant ensuite été vendu par les époux Le B. à la SCI du Tromeur, la cour d'appel de Rennes dans un arrêt en date du 04 juillet 2012 a notamment condamné la SARL Lorient Accessoires à payer à la SCI du Tromeur la somme de 109 032 € au titre de l'indemnité d'occupation due du 1er décembre 2007 au 10 mars 2011 ; l'arrêt a été signifié à la SARL Lorient Accessoires le 30 juillet 2012.
Selon procès-verbal en date du 17 octobre 2012, la SCI du Tromeur a fait procéder à une saisie-attribution en vertu de cette décision entre les mains de la SARL Euro Loisirs Camping Car sur les sommes détenues pour la SARL Lorient Accessoires pour la somme en principal de 109 032 € outre les intérêts et frais ; l'acte a été dénoncé à la SARL Lorient Accessoires le 25 octobre 2012.
Par acte en date du 16 avril 2013, la SCI du Tromeur a fait assigner la SARL Euro Loisirs Camping Car en sa qualité de tiers saisi aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 109 032 € outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; la SCI du Tromeur a réduit sa demande principale à la somme de 56 000 € ; la SARL Lorient Accessoires est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement en date du 30 juillet 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SARL Lorient Accessoires,
- débouté la SCI du Tromeur de sa demande de condamnation à paiement de la SARL Euro Loisirs Camping Car, tiers saisi, des causes de la saisie,
- condamné la SCI du Tromeur à verser à la SARL Euro Loisirs Camping Car la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la SCI du Tromeur aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe le 12 août 2013, la SCI du Tromeur a relevé appel de cette décision.
Par décision du 29 août 2014, la SARL Euro Loisirs Camping Car a procédé à sa dissolution sans liquidation dans les conditions prévues à l'article 1844-5 alinéa 3 du code civil, emportant transmission universelle de son patrimoine à la SARL France Évasion Motor Home ; par ailleurs, la SARL Lorient Accessoires a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 16 septembre 2014.
En l'absence de régularisation de la procédure, l'affaire a été radiée le 07 mai 2015 et a fait l'objet d'une réinscription au rôle le 27 mai 2015, la SCI du Tromeur justifiant de l'assignation délivrée le 12 mai 2015 tant à la SARL France Évasion Motor Home qu'à Maître J., ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lorient Accessoires.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, la SCI du Tromeur demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la SARL Euro Loisirs Camping Car à lui verser la somme de 109 032 € en principal et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCI du Tromeur justifie avoir fait signifier ses conclusions récapitulatives le 22 septembre 2015 à Maître J., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lorient Accessoires, et à la SARL France Évasion Motor Home le 25 septembre 2015.
Aux termes de conclusions déposées le 15 février 2016, une SARL Bretagne Sud Loisirs, venant aux droits de la SARL Euro Loisirs Camping, demande à la cour de confirmer la décision en toutes ses dispositions, de débouter la SCI du Tromeur de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et y ajoutant de :
- dire que la SARL Euro Loisirs Camping Car n'a pas manqué à son obligation de déclaration,
- dire que la SCI du Tromeur n'a jamais pratiqué une saisie-attribution de créances à exécution successive entre les mains de la SARL Euro Loisirs Camping Car,
- constater qu'aucune somme n'était due par la SARL Euro Loisirs Camping Car au jour de la saisie,
- en tout état de cause : condamner la SCI du Tromeur au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
Maître J., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lorient Accessoires, n'a pas constitué avocat ni conclu ; il se déduit des actes de procédure que c'est la SARL Bretagne Sud Loisirs qui vient aux droits de la SARL Euro Loisirs Camping Car et non pas la SARL France Évasion Motor Home.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2016.
SUR CE :
Contrairement à ce que soutient la SARL Bretagne Sud Loisirs dans ses écritures, le code des procédures civiles d'exécution ne prévoit aucune disposition imposant à l'huissier de justice de préciser que l'acte est une saisie-attribution de créances à exécution successive le cas échéant, ni de rappeler dans ce cas les dispositions des articles R. 211-15 et suivants du même code.
En l'espèce le procès-verbal de saisie-attribution dressé le 17 octobre 2012 comporte les mentions exigées par l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Alors qu'en application de l' article R. 211-4, reproduit dans le procès-verbal, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, en l'espèce le gérant de la SARL Euro Loisirs Camping Car a répondu à l'huissier : Une réponse vous sera donnée par mon avocat sous 72 heures, ou autre personne.
Est produit aux débats un courrier du tiers saisi adressé à l'huissier de justice le 22 novembre 2012, faisant suite à un courrier de l'étude du 14 novembre 2012, confirmant qu'au 17 octobre 2012, la SARL Euro Loisirs Camping Cars n'a aucune dette envers la SARL Lorient Accessoires ; le courrier de l'huissier de justice n'est pas produit ; ces éléments ont permis à juste titre au premier juge de retenir que nonobstant les termes de l' article R. 211-4 précité, l'huissier instrumentaire a entendu accorder un délai au tiers saisi pour répondre.
Pour justifier de ce que le tiers saisi était débiteur à l'égard de la SARL Lorient Accessoires, la SCI du Tromeur produit un contrat de location-gérance de fonds de commerce enregistré le 28 mars 2011 aux termes duquel la SARL Euro Loisirs Camping Car-ELC (locataire-gérant) s'engageait à verser à la SARL Lorient Accessoires (bailleur) une redevance mensuelle de 2 000 € HT pendant 24 mois puis de 4 000 € HT à compter du 25e mois.
En défense, la SARL Bretagne Sud Loisirs produit un courrier en date du 26 janvier 2011 établi par une SA Narbonne Accessoires ayant pour objet des relations contractuelles concernant cette société et la SARL Lorient Accessoires sa filiale d'une part, et la SARL Bretagne Sud Loisirs et sa société Euro Loisirs Camping Car-ESL d'autre part, aux termes desquelles il est notamment convenu, outre d'autres contrats (franchise et bail de sous-location) la conclusion d'un contrat de location gérance entre Lorient Accessoires et la société ESL, avec une redevance mensuelle de 2 000 € HT et acquisition des marchandises et du matériel d'exploitation au jour de l'entrée en jouissance fixé au 1er mars 2011, la redevance mensuelle étant compensée par une remise annuelle d'un montant équivalent effectuée par Narbonne Accessoires SA.
Contrairement à ce que soutient la SCI du Tromeur, il ressort des pièces versées que cet accord-cadre a date certaine et de l'examen du contrat de location gérance qu'il s'agit bien du contrat prévu le 26 janvier 2011.
Par conséquent il est établi qu'au jour de la saisie-attribution la SARL Euro Loisirs Camping Car n'était tenue d'aucune obligation financière à l'égard de la SARL Lorient Accessoires, peu important dès lors que le tiers saisi n'ait fourni qu'avec retard les renseignements à l'huissier.
Pour ces motifs la décision entreprise sera intégralement confirmée.
Succombant à l'appel qu'elle a interjeté, la SCI du Tromeur sera tenue aux dépens de l'instance d'appel et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
Les circonstances de l'espèce justifient que la demande de la SARL Bretagne Sud Loisirs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile soit également rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après rapport,
Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient en date du 30 juillet 2013 dans toutes ses dispositions ;
Condamne la SCI du Tromeur aux dépens de la procédure d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
Déboute les parties de toutes autres demandes.