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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 27 juin 2017, n° 16/02697

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castel

Conseillers :

Mme Serrin, M. Brillet

JEX Caen, du 21 juin 2016, n° 16/00610

21 juin 2016

Par acte en date du 24 Février 2009, le Crédit Agricole a accordé aux époux C. un prêt de 202.880 € au taux de 5 % l'an, remboursable en 300 mensualités pour 'nancer l'achat d'une maison qui a été louée à Monsieur H. moyennant un loyer de 400 €.

Par jugement du 18 Avril 2013, le tribunal de grande instance de Coutances a notamment condamné les emprunteurs au paiement de la somme de 203.557,65 € avec intérêts au taux de 5% sur 195.930,02€ à compter du 29 août 2011. Accordant un délai au débiteur, il a reporté le paiement de la dette à 18 mois à compter du jugement.

Une saisie attribution à exécution successive a été mise en œuvre auprès de Monsieur H. le 14 Janvier 2015 afin qu'il se libère du montant de ses loyers entre les mains du créancier des bailleurs.

Le Crédit Agricole a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Caen pour entendre condamner Monsieur H. en sa qualité de tiers saisi la somme de 240.138,22 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015, sur le fondement des articles R211-9 et R211-15 du code des procédures civiles d'exécution, outre 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. La Caisse s'est plainte qu'après paiement des loyers de mars à septembre 2015, le défendeur a cessé tout versement

Monsieur H., assigné par remise de l'acte en l'étude de huissier de justice n'a pas comparu en première instance.

Par décision du 21 juin 2016 le juge de l'exécution, au visa du premier des textes précités a condamné le défendeur, mais seulement à payer le montant des loyers impayés d'octobre 2015 jusqu'au jugement, soit la somme de 3.600 € pour 9 mois. Il a refusé à la Caisse les frais de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a été notifié par le greffe aux 2 parties par courrier du 21 juin 2016 dont les avis de réception ont été signés le 22 juin 2016.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 11 juillet 2016, Monsieur H. qui a fait une demande d'aide juridictionnelle, a fait appel total de cette décision. Il a obtenu l'AJ totale par décision du 7 septembre 2016.

Pour l'exposé des demandes et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2017 par Monsieur H. et le 22 septembre 2016 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie.

Motifs de la cour

L'article R211-9 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le Juge de l'exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi.

La sanction du refus de paiement dans ce cas n'est pas la condamnation au paiement pur et simple des causes de la saisie, mais la condamnation aux seules sommes dont le tiers saisi a été jugé débiteur ou qu'il a reconnues devoir.

Le Crédit Agricole évalue à 11 mois de loyer au jour des dernières conclusions la dette impayée depuis le dernier mois dont l'appelant s'est acquitté, savoir septembre 2015. Elle demande donc sa condamnation à payer 4.400 €, ainsi que la condamnation du débiteur à lui payer les échéances à venir non réglées à compter du 21 octobre 2016 jusqu'au présent arrêt, et de même les loyers à échoir à compter de l'arrêt.

L'appelant fait valoir qu'aux termes de l' article R211-8 du code précité, dont l'alinéa 2 précise que si le défaut de paiement du débiteur est imputable à la négligence du créancier, celui-ci perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi, et qu'en vertu de l' article R211-9, c'est seulement en cas de refus de paiement par le tiers saisi qu'un titre exécutoire peut être délivré à son encontre. Or s'il reconnaît ne pas avoir procédé au règlement des loyers d'octobre à décembre 2015 (soit 3 mois de loyer, donc 1.200 € qu'il reconnaît devoir), il fait valoir que de janvier à juin 2016 l'allocation logement a été réglée au bailleur, ce dont il a informé la CAF et l' huissier de justice, ajoutant qu'il avait fait rappeler par son avocat ses obligations à la caisse d'allocations familiales

d'avoir à régulariser la situation en recouvrant les sommes à l'encontre du tiers ayant reçu l'allocation logement depuis janvier 2016.

Le Crédit Agricole invoque l' article L211-3 du code précité qui impose au tiers saisi de déclarer l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter, sauf s'il ne fournit pas les renseignements prévus à encourir condamnation à dommages-intérêts sur le fondement de l' article R211-5 dudit code, pour reprocher à l'appelant de n'avoir jamais indiqué que le loyer qu'il versait était en partie compensée par le versement d'une allocation logement et que cette aide était perçue directement par le bailleur, en relevant que s'il ne l'a pas fait, alors qu'il était bénéficiaire lui-même de l'allocation logement ce qu'il ne pouvait pas ignorer, il est donc redevable envers son bailleur de la somme intégrale du loyer. Sa déclaration faite le 14 janvier 2015 engage donc, selon la caisse, le tiers saisi intégralement vis-à-vis du créancier poursuivant. Elle ajoute que Monsieur H. est de mauvaise foi quand il fait état de ce que « l'allocation logement continuait à être versée au bailleur » et qu'il « ignore les raisons pour lesquelles l'allocation de logement a de nouveau été réglée directement entre les mains du bailleur par la CAF à compter du mois de janvier 2016 ». Or, écrit-elle, il en connaît parfaitement la raison puisque la lettre de la CAF en date du 1er septembre 2016 qu'il verse aux débats porte que le propriétaire a signalé le 8 janvier 2016 une situation d'impayés de loyer qui a entraîné le versement de l'aide au logement entre les mains du propriétaire.

La caisse de Crédit Agricole en déduit que le propriétaire du logement a agi de la sorte parce qu'il a été informé par le huissier poursuivant le 23 décembre 2015 des sommes exactement réglées par Monsieur H. et par conséquent des impayés depuis octobre 2015, et qu'il pouvait estimer frauduleux le fait pour son locataire de continuer de percevoir l'allocation logement sans honorer le paiement du loyer entre les mains du créancier poursuivant. Elle ajoute qu'elle n'a pas à subir les conséquences des comportements indélicats des uns et des autres à l'égard de la CAF pour les aides qui leur sont accordées.

La cour considère que l'article R211-8 du code des procédures civiles d'exécution invoqué par le tiers saisi s'il permet au débiteur principal d'opposer au créancier sa négligence pour réclamer les sommes saisies, ne s'applique pas au présent litige, en l'absence de négligence du créancier saisissant. En effet l'huissier saisissant a interrogé le locataire dans les termes de la loi et celui-ci a répondu qu'il était bien « locataire de la maison appartenant au débiteur moyennant un loyer mensuel de 400 € payables le 5 du mois, la prochaine échéance devant intervenir le 5 février 2015 » sans déclarer aucune restriction dans l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur. Ainsi si le tiers saisi n'a pas payé le loyer et que cela a entraîné le versement direct de l'aide au logement entre les mains du débiteur, ceci n'est pas opposable à la caisse de Crédit Agricole non réglée par Monsieur H. des sommes qu'il devait lui verser en application de la saisie attribution. D'ailleurs le seul courrier de son conseil versé par l'appelant date du 13 juillet 2016 et n'est adressé qu'à la caisse d'allocations familiales mise en demeure de recouvrer les sommes versées entre les mains du bailleur, ce qui n'est pas opposable au créancier saisissant.

Tant la reconnaissance de dette de 1.200 € que la demande subsidiaire en fixation du montant de la créance de la caisse de Crédit Agricole à la somme de 126 € pour la période du 1er janvier au 30 juin 2016 doivent être rejetées, et il doit être intégralement fait droit aux demandes du Crédit Agricole relatives au règlement par le tiers saisi des sommes dont il devait s'acquitter et qu'il n'a pas payées, alors même que l'huissier instrumentaire lui avait rappelé le 23 décembre 2015 l'état de sa situation, étant précisé cependant que la condamnation ne peut pas porter sur les échéances futures qui ne sont pas encore impayées, mais les obligations de M H., découlant de la saisie attribution demeurant.

C'est à bon droit que la caisse invoque la mauvaise foi du tiers saisi dans la mesure où il disposait par la CAF de la quasi-totalité du loyer grâce à l'aide au logement, soit 379 € sur 400 €, ce dont il s'est abstenu au mépris de la saisie attribution, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'accorder les délais de paiement sollicité par l'appelant, étant précisé qu'aucune pièce et notamment pas le fait qu'un enfant mineur en mauvaise santé ait été confié au couple H. par ses parents ne justifie d'une situation économique difficile de l'appelant qui bénéficie chaque mois des aides de la CAF à hauteur de 1.038 € environ (y compris l'allocation de logement).

Il n'est pas inéquitable de mettre la charge de M. H. une somme de 500 € au titre des frais non compris dans les dépens en cause d'appel. Monsieur H. qui succombe supportera les dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Par ces motifs

- confirme le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur H. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie une somme de 3.600 € et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance,

y ajoutant

- constate l'absence de négligence de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie,

- condamne Monsieur H. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 1.200 € échue depuis le jugement jusqu'en octobre 2016, et le montant du loyer échu soit 400 euros par mois depuis novembre 2016 jusqu'à juin 2016, date du présent arrêt,

- déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie de sa demande de loyer postérieure qui lui resteront dus en application de la saisie attribution,

- déboute M. H. de toutes ses demandes,

- condamne Monsieur H. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie une somme de 500 € au titre des frais non compris dans les dépens en cause d'appel,

- condamne Monsieur H. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.