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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 5 décembre 2019, n° 19/04160

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caisse de Crédit Mutuel d’Autun (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boisselet

Conseillers :

Mme Clerc, Mme Stella

Avocat :

Selas Agis

CA Lyon n° 19/04160

5 décembre 2019

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Selon acte authentique du 25 novembre 2009 revêtu de la formule exécutoire, la Caisse de Crédit Mutuel d'Autun, (le Crédit Mutuel) a consenti à monsieur Patrick L. et madame Sophie L. née R., un prêt Modulimmo d'un montant de 230 000 euros remboursable en 240 mensualités après une période de franchise de 3 mois, au taux d'intérêt annuel de 3,850%, le TEG étant fixé à 4,538% ;

ce prêt était destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif sis à Mellecey 71640.

A la suite d'impayés, par courrier recommandé AR du 11 février 2015, le Crédit Mutuel a mis en demeure monsieur Patrick L. de payer les échéances impayées du prêt, soit 4 391,32 euros, avant le 28 février 2015, sous peine de déchéance du terme.

Suivant courrier recommandé avec AR du 19 mars 2015, le Crédit Mutuel a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure monsieur Patrick L. de s'acquitter de la somme de 220 321,82 euros avant le 1er avril 2015, sous peine de procédure judiciaire.

Par ordonnance du 26 novembre 2015, rectifiée de son omission matérielle par ordonnance du 15 mars 2016, le tribunal d'instance de Villeurbanne a':

  • ordonné la suspension des obligations des époux L. résultant du prêt immobilier souscrit auprès du Crédit Mutuel pour une durée de 24 mois à compter du prononcé de l'ordonnance du 26 novembre 2015
  • précisé qu'en l'espèce, la suspension ordonnée entraîne la suspension des effets de la déchéance du terme
  • précisé que durant cette durée de ce délai, les sommes dues ne produiront pas d'intérêts
  • dit que pendant toute la durée de cette suspension, les époux L. devront verser au Crédit Mutuel les loyers perçus des locataires des biens financés, lesdits loyers venant en déduction de la créance de la banque.

Le Crédit Mutuel a fait pratiquer le 29 mars 2018 une première saisie attribution sur les loyers dus par les époux P. à monsieur Patrick L. ;

cette saisie dénoncée le 4 avril 2018, ayant été contestée par monsieur Patrick L. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon, le Crédit Mutuel en a donné mainlevée et a été condamné au paiement de frais irrépétibles par jugement du juge de l'exécution précité du 20 août 2018.

Le même établissement bancaire a fait pratiquer une nouvelle saisie attribution le 18 mai 2018, entre les mains des époux P. sur les loyers dus aux époux L. pour recouvrement de sa créance annoncée à 231 669,54 euros. Cette saisie a été dénoncée le 23 mai 2018 à monsieur L. et à son épouse.

Suivant acte extra judiciaire du 19 juin 2018, monsieur Patrick L. a assigné le Crédit Mutuel devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon en discutant le montant de la créance, l'indemnité forfaitaire de 7%, la majoration du taux d'intérêt légal et en sollicitant la mainlevée de la saisie attribution du 18 mai 2018 jugée abusive, sans préjudice de dommages et intérêts portant compensation, outre frais irrépétibles et dépens.

Par jugement contradictoire du 4 juin 2019, le juge de l'exécution précité a, tout à la fois :

  • cantonné la saisie attribution du 18 mai 2018 à la demande du Crédit Mutuel entre les mains des époux P. des sommes détenues pour le compte de monsieur Patrick L. aux montants suivants :
  • principal = 194 579,39 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,850% applicable du 24 mars 2015 au 26 novembre 2015, puis à compter du 27 novembre 2017 jusqu'au 21 janvier 2019
  • assurance = 4 112,17 euros au 21 janvier 2019
  • indemnité légale = 5 000 euros
  • frais = 238,23 euros
  • dit que le Crédit Mutuel devra produire à monsieur Patrick L. et aux tiers-saisis dans les huit jours de la notification, voire de la signification du jugement, un décompte d'intérêts établi conformément au jugement et que faute d'y procéder, la saisie sera cantonnée au seul montant du principal, assurances, indemnités légale et frais
  • débouté les parties du surplus de leurs demandes
  • dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
  • dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 17 juin 2019 enregistrée au greffe de la Cour le même jour, monsieur L. a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 25 octobre 2019, monsieur Patrick L. formule les demandes suivantes littéralement reproduites :

«'

vu les articles L 211-1 et suivants, R 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

vu l'article 1152 ancien du code civil,

vu l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire,

vu l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

vu les pièces versées aux débats et la jurisprudence,

Voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

  • cantonné la saisie-attribution pratiquée le 18 mai 2018 aux montants suivants :
  • principal : 194 579,39 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,850% applicable du 24 mars 2015 au 26 novembre 2015 puis à compter du 27 novembre 2017 au 21 janvier 2019
  • assurance : 4 112,17 euros au 21 janvier 2019
  • indemnité légale : 5 000 euros
  • frais : 283,23 euros

(l'infirmation ne concernant toutefois pas le montant retenu pour le principal, l'assurance et les frais mais seulement le principe du cantonnement de la saisie-attribution et donc l'absence de mainlevée)

  • débouté les parties du surplus de leurs demandes à savoir :

I)

  • voir supprimer ladite clause en raison de son caractère manifestement excessif ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions
  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts

II)

  • voir juger que la déchéance du terme prononcée par la caisse de Crédit Mutuel d'Autun est abusive en l'absence de mise en demeure préalable valide

en conséquence,

  • voir juger abusive la saisie attribution diligentée à la demande de la caisse de Crédit Mutuel d'Autun le 18 mai 2018
  • voir condamner la la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 239 316,56 euros outre intérêts au taux légal majoré à compter du 15 mars 2016 à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive
  • voir ordonner la compensation de cette somme avec le montant réellement dû par monsieur L.
  • voir ordonner la mainlevée de la saisie attribution
  • dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
  • dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Statuant à nouveau,

  • voir juger irrecevable en l'absence d'appel incident la demande de la caisse de Crédit Mutuel d'Autun tendant à lui voir accorder le bénéfice de la majoration de l'intérêt légal prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier

à défaut,

  • voir débouter la caisse de Crédit Mutuel d'Autun de sa demande tendant à lui voir accorder le bénéfice de la majoration de l'intérêt légal prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier
  • voir supprimer la clause pénale prévue dans l'offre de prêt de 230 000 euros émise par la caisse de Crédit Mutuel d'Autun prévoyant le versement d'une indemnité forfaitaire de 7% du capital en cas de déchéance du terme en raison de son caractère manifestement excessif ou à tout le moins la réduire à de plus justes proportions (en deçà de 5 000 euros)

à défaut,

  • voir confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé l'indemnité forfaitaire à la somme de 5 000 euros
  • voir juger irrecevable en l'absence d'appel incident la demande de la caisse de Crédit Mutuel d'Autun de voir fixer l'indemnité forfaitaire à la somme de 14 011,53 euros
  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts
  • voir juger que la déchéance du terme prononcée par la caisse de Crédit Mutuel d'Autun est abusive en l'absence de mise en demeure préalable valide

en conséquence,

  • voir juger abusive la saisie attribution diligentée à la demande la caisse de Crédit Mutuel d'Autun le 18 mai 2018
  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 239 316,56 euros outre intérêts au taux légal majoré à compter du 15 mars 2016 à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive
  • voir ordonner la compensation de cette somme avec le montant réellement dû par monsieur L. à savoir :
  • principal : 194 579,39 euros outre intérêts au taux contractuel de 3,850% applicable du 24 mars 2015 au 26 novembre 2015 puis à compter du 27 novembre 2017 au 21 janvier 2019
  • assurance : 4 112,17 euros au 21 janvier 2019
  • frais : 283,23 euros
  • voir ordonner la mainlevée de la saisie attribution
  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 14 550 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date de perception des fonds par l'huissier de justice à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par monsieur L.

à défaut,

  • voir ordonner la compensation de la somme de 14 550 euros avec la créance de la caisse de Crédit Mutuel d'Autun

En tout état de cause,

  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
  • voir condamner la caisse de Crédit Mutuel d'Autun aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de maître Florian D., avocat sur son affirmation de droit. »

Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 8 octobre 2019 le Crédit Mutuel demande à la Cour de':

«'

vu les anciens articles L 312-22 et R 312-3 du code de la consommation,

vu l'ancien article 1152 du code civil,

vu l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

vu les pièces versées aux débats,

  • confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a :
  • réduit l'indemnité forfaitaire à la somme de 5 000 euros
  • refusé l'application de la majoration forfaitaire prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier
  • dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile
  • dit que chaque partie garderait les dépens à sa charge,

Et, statuant à nouveau,

  • fixer l'indemnité forfaitaire à la somme de 14 011,53 euros
  • accorder au Crédit Mutuel le bénéfice de la majoration de l'intérêt légal prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier
  • débouter monsieur L. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires
  • condamner monsieur L. à payer au Crédit Mutuel la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
  • condamner monsieur L. aux entiers dépens
  • ordonner l'exécution provisoire de la présente décision à intervenir. »

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions

La clôture est intervenue le 5 novembre 2019 conformément au calendrier de procédure fixé en application de l'article 905 du code de procédure civile, et l'affaire plaidée à la même date, a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, que le contrat de prêt ayant été régularisé avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, l'action doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel.

Sur le montant de la créance du Crédit Mutuel

Attendu que les deux parties ne discutent pas le montant de la créance arrêté à la somme de 194 579,39 euros en principal, monsieur Patrick L. concluant même que ce montant « était conforme à ses demandes ».

Attendu que c'est à tort que monsieur Patrick L. conclut à l'absence d'appel incident du Crédit Mutuel à l'égard des dispositions du jugement entrepris relatives au taux d'intérêt applicable (absence de majoration du taux légal) et à l'indemnité de 7% pour soutenir l'irrecevabilité des prétentions de la banque sur ces deux points ;

qu'il résulte indiscutablement des écritures d'appel du Crédit Mutuel, et plus précisément de leur dispositif qui seul lie la Cour, que la banque a sollicité la confirmation du jugement déféré sauf à l'égard des dispositions relatives

  • à la réduction de l'indemnité de 7%,
  • au refus de majoration forfaitaire de l'intérêt légal prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
  • au refus d'application de l'article 700 du code de procédure civile
  • aux dépens laissés à la charge de chacune des parties ;

que ces écritures valent donc bien appel incident sur les points en litige.

Attendu qu'en ce qui concerne la majoration du taux d'intérêt légal telle que prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, c'est à bon droit que le juge de l'exécution a débouté le Crédit Mutuel de sa demande tendant à voir appliquer cette majoration à compter du 15 mars 2016 (date de l'ordonnance du tribunal d'instance de Villeurbanne complétant l'omission matérielle affectant l'ordonnance du 26 novembre 2015), en relevant que cette décision ne constituait pas un titre portant condamnation à paiement des loyers durant la période de suspension du prêt immobilier, la Cour ajoutant que cette décision n'a fait qu'aménager les effets de cette suspension ;

que le jugement querellé est donc confirmé sur ce point, seul demeurant applicable le taux conventionnel prévu à l'acte de prêt.

Attendu qu'en ce qui concerne l'indemnité de 7%, il n'est pas contesté qu'elle s'apparente à une clause pénale telle que régie par l'article 1152 du code civil, et qu'elle est à ce titre, susceptible d'être minorée ou majorée par le juge, même d'office, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ;

qu'en l'espèce, le montant de la créance du Crédit Mutuel s'élève au principal à 194 579,39 euros et le taux d'intérêt contractuel s'élève à 3,850% ;

que l'indemnité de 7% au titre de laquelle le Crédit Mutuel réclame la somme de 14 011,53 euros apparaît donc être manifestement excessive au vu de ces éléments factuels, quand bien même la déchéance du terme est ancienne pour avoir été prononcée le 19 mars 2015, le premier juge ayant opportunément souligné que celui-ci bénéficiait d'un taux d'intérêt contractuel particulièrement avantageux en l'état du cours des intérêts immobiliers actuels ;

que le jugement déféré sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a réduit cette indemnité à la somme de 5 000 euros, monsieur Patrick L. n'étant pas fondé, compte tenu de l'ancienneté de la dette, à en solliciter la suppression ou sa réduction à une somme moindre.

Sur la déchéance du terme et la demande de mainlevée de la saisie attribution

Attendu que monsieur Patrick L. sollicite la mainlevée de la saisie attribution du 18 mai 2018 comme étant abusive car diligentée ensuite d'une déchéance du terme irrégulière donc abusive, en l'absence de mise en demeure préalable valide, faisant valoir que les courriers recommandés de mise en demeure (13 février 2015) et de déchéance du terme (19 mars 2015) ont été « réceptionnés par une autre personne que lui, sans que son identité soit précisée et sans qu'il soit justifié d'un mandat » ;

qu'il réclame en conséquence la somme de 239 316,56 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive, à compenser avec la créance du Crédit Mutuel, faisant valoir que l'absence de mise en demeure préalable lui a causé préjudice comme n'ayant pas été mis en demeure de régulariser les échéances impayées afin d'éviter la déchéance du terme ;

Attendu que le Crédit Mutuel a régulièrement formalisé la déchéance du terme, à savoir qu'il a adressé, dans un premier temps, un courrier recommandé avec AR daté du 11 février 2015 comportant mise en demeure de payer les échéances impayées du prêt, soit 4 391,32 euros, avant le 28 février 2015, sous peine de déchéance du terme, puis, dans un deuxième temps, un courrier recommandé avec AR daté du 19 mars 2015 portant notification de la déchéance du terme ;

que s'agissant les deux courriers recommandés sus-visés ont été distribués à l'adresse de monsieur Patrick L. et les accusés de réception correspondants ont été signés ;

qu'en raison de la réglementation spécifique applicable aux courriers recommandés avec demande d'accusé de réception, les services postaux n'ont pu remettre contre signature les deux plis recommandés litigieux qu'à une personne présente au domicile de monsieur L., titulaire d'un pouvoir aux fins de réceptionner en ses lieux et place de tels courriers recommandés avec AR, les signatures en cause figurant à l'emplacement « mandataire » des accusés de réception ;

qu'enfin, c'est fort pertinemment que le premier juge a relevé une contradiction dans les prétentions de monsieur Patrick L., à savoir que celui-ci ne contestait pas l'exigibilité de la créance du Crédit Mutuel et en sollicitait la fixation, tout en dénonçant l'irrégularité de la déchéance du terme ;

que le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté monsieur Patrick L. de sa demande de mainlevée de la saisie attribution litigieuse comme abusive, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les termes du conflit l'opposant au Crédit Mutuel concernant la disparition de sommes sur ses comptes et des refus d'exécution d'ordres de paiement, ces points étant étrangers à l'objet du présent litige circonscrit au prêt immobilier accordé le 25 novembre 2009.

Sur l'assiette de la saisie attribution

Attendu qu'en cause d'appel, monsieur Patrick L. réclame au Crédit Mutuel le paiement d'une somme de 14 550 euros, ou à défaut la compensation de ladite somme avec la créance du Crédit Mutuel, en soutenant que la saisie attribution du 18 mai 2018 n'étant pas une saisie attribution à exécution successive en l'absence de reproduction dans l'acte de saisie des articles R211-15 et R211-16 du code des procédures civiles d'exécution, seuls pouvaient être saisis les loyers échus et non à échoir, de sorte que seul le loyer du mois en cours aurait du être saisi ;

qu'il estime en conséquence que les loyers saisis de juin 2018 à juin 2019, pour un total de 14 550 euros, devaient lui être reversés, et qu'au surplus, à défaut d'accord amiable, le Crédit Mutuel aurait du saisir le juge de l'exécution aux fins de désignation d'un séquestre conformément aux dispositions de l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution ;

que le Crédit Mutuel objecte que la reproduction des articles R. 211-15 et R. 211-16 n'est pas obligatoire dans l'acte de saisie attribution et qu'en l'absence de contestation, la désignation d'un séquestre ne s'imposait pas ; qu'il ajoute avoir reçu, non pas une somme de 14 550 euros, mais celle de 13 250,39 euros et conteste le fait que monsieur L. puisse se prévaloir d'un préjudice résultant de la privation des loyers en cause alors même qu'il était tenu au versement desdits loyers.

Sur ce,

Attendu que la prétention de monsieur Patrick L., quoique présentée pour la première fois en appel, doit être admise comme recevable, en ce qu'elle tend notamment à opérer compensation.

Attendu que la créance de loyer de monsieur Patrick L. est née d'un contrat unique, le contrat de bail signé avec les époux P., lequel sert de cause à l'ensemble des loyers ; qu'elle présente donc bien la nature d'une créance à exécution successive .

Attendu que le procès-verbal de saisie attribution du 18 mai 2018 reproduit régulièrement les dispositions des articles L. 211-2 alinéa 1, L. 211-3, L. 211-4'alinéa 3, R. 211-5 et R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution qui sont prescrites à peine de nullité par l' article R. 211-1 du même code ;

qu'aucune disposition réglementaire n'impose la reproduction dans l'acte de saisie attribution des dispositions particulières applicables à la saisie attribution des créances à exécution successive telles qu'énoncées aux articles R. 211-14 à R. 211-17 du code précité ;

que ces dispositions particulières concernent, non pas la validité de la saisie, mais les modalités de paiement par le tiers saisi, celui-ci devant se libérer au fur et à mesure des échéances entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire qui en donne quittance et en informe le débiteur ;

que de fait, les époux P., locataires des époux L. ayant la qualité de tiers saisis, ont indiscutablement versé chaque mois leurs loyers à l'étude de l'huissier de justice mandaté par le Crédit Mutuel, la SAS Acta Law à Châlon-sur-Saône, quand bien même le procès-verbal de saisie attribution qui leur a été signifié ne comportait pas la mention expresse de saisie attribution de créances à exécution successive ;

que cette étude d'huissier leur a donné quittance du versement à ce titre d'une somme totale de 14 550 euros, selon courrier du 5 août 2019';

qu'il est par ailleurs vérifié que l'huissier de justice a reversé au Crédit Mutuel (plus précisément à son conseil) la somme de 13 250,39 euros par chèque du 12 août 2019' correspondant au solde disponible dans le litige l'opposant à monsieur L. ;

que la critique de monsieur Patrick L. concernant l'absence de désignation d'un séquestre pour recevoir les loyers échus s'avère dénuée d'intérêt, dans la mesure où sa contestation a été rejetée et la saisie attribution critiquée jugée valide, les loyers saisis reversés à son créancier étant en tout état de cause insuffisants à désintéresser ce dernier et, par suite, justifier une mainlevée de la saisie au sens du dernier alinéa de l' article R 211-16 ;

que monsieur Patrick L., qui ne s'est pas acquitté du reversement des loyers au Crédit Mutuel durant la suspension du prêt immobilier accordée pour 24 mois à compter du 26 novembre 2016, comme prescrit par l'ordonnance du tribunal d'instance de Villeurbanne précitée, est particulièrement mal fondé à réclamer paiement de la somme de 14 550 euros à cet établissement bancaire au titre des loyers saisis ensuite de la saisie attribution litigieuse ;

qu'il sera seulement jugé que la somme de 13 250,39 euros au titre des loyers saisis, devra venir en déduction de la créance du Crédit Mutuel telle que fixée à la somme principale de

194 579,39 euros outre intérêts conventionnels par le jugement déféré, qui a été prononcé avant que ne soit révélé le montant desdits loyers ;

Sur les autres demandes

Attendu que monsieur Patrick L. réitère en appel sa réclamation de dommages et intérêts de 1 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'intégration dans le décompte des frais de la saisie attribution du 18 mai 2018 des frais de la première saisie attribution du 29 mars 2018, insistant sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une erreur mais qu'il fait l'objet d'un « véritable acharnement de la part du Crédit Mutuel qui n'hésite pas à s'affranchir des règles de procédure par l'intermédiaire de son mandataire huissier de justice », et que la décision de rejet du premier juge sur ce point est « la voie ouverte à tous abus de la part des huissiers de justice » ;

que la Cour relève que les frais ainsi contestés qui s'élevaient à 558,35 euros ont bien été soustraits ;

qu'ensuite, monsieur Patrick L. ne démontre pas l'existence et l'étendue du préjudice moral qu'il dit avoir subi en raison de l'intégration de cette somme de 558,35 euros dans le décompte de saisie attribution du 18 mai 2018, étant rappelé qu'elle ne lui a pas été finalement réclamée, et que le contentieux plus général qui l'oppose au Crédit Mutuel, étranger au présent litige, ne saurait fonder une telle réclamation ;

que le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages et intérêts.

Attendu qu'il ne sera pas statué sur la demande du Crédit Mutuel tendant à voir prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, cette prétention procédant d'une erreur de droit à l'égard d'un arrêt d'appel.

Attendu que monsieur Patrick L., débiteur, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Attendu qu'il sera condamné à verser au Crédit Mutuel une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;

que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas plus en appel qu'en première instance au profit de monsieur Patrick L..

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant trait au montant de la créance en principal, aux dépens et au rejet de la demande de la Caisse de Crédit Mutuel d'Autun fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur ces points, et y ajoutant,

Déboute monsieur Patrick L. de sa demande en paiement de la somme de 14 550 euros,

Dit que la somme de 13 250,39 euros reçue par la Caisse de Crédit Mutuel d'Autun au titre des loyers saisis doit venir en déduction du principal de sa créance fixé à la somme de 194 579,39 euros,

Dit en conséquence que la saisie attribution du 18 mai 2018 doit être cantonnée s'agissant du principal de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel d'Autun à la somme de 181 329 euros outre les intérêts contractuels de 3,850% applicable du 24 mars 2015 au 26 novembre 2015, puis à compter du 27 novembre 2017 jusqu'au 21 janvier 2019,

Condamne monsieur Patrick L. aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne monsieur Patrick L. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel d'Autun, une indemnité globale de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.