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Décisions

Cass. 2e civ., 10 juillet 1996, n° 94-19.551

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zakine

Rapporteur :

M. Delattre

Avocat général :

M. Kessous

Avocats :

Me Blondel, SCP Célice et Blancpain

Aix-en-Provence, du 20 juill. 1994

20 juillet 1994

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 juillet 1994), que le Crédit foncier de France a fait pratiquer les 16 et 21 mars 1994 à l'encontre de la société Burles (la société) des saisies-attributions entre les mains de locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; que la société a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 21 mars 1994, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; qu'un jugement d'un juge de l'exécution, saisi par celui-ci, a rejeté la demande de mainlevée des saisies-attributions du 16 mars 1994, antérieures à l'ouverture de la procédure collective ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé ce jugement, alors que, selon le moyen, d'une part, la disponibilité de la créance au sens de l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, condition nécessaire pour qu'il puisse y avoir matière à saisie-attribution valable, postule que la créance objet même de la procédure de saisie-attribution greffée sur un contrat à exécutions successives en l'occurrence un bail soit née, ce qui suppose que le terme cause de la dette de loyer, fait générateur de la créance, soit atteint ; qu'il ressort des constatations mêmes des juges du fond que les saisies-attributions litigieuses initiées par le Crédit foncier de France ont été pratiquées selon actes du 16 mars 1994, la société dont les créances de loyers ont été ainsi saisies ayant été frappée par une procédure collective le 21 mars 1994 et l'échéance des loyers objet de chacune des saisies-attributions étant le 1er avril 1994, soit après le prononcé du règlement judiciaire ; qu'en l'état de ces données, en refusant néanmoins de dire qu'il y avait matière à mainlevée des saisies-attributions pratiquées le 16 mars 1994, lesquelles ont été déclarées valables, la cour d'appel viole, par refus d'application, l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, ensemble par fausse application l'article 13 de ladite loi ; alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, il ressort de la combinaison des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 que seules les créances disponibles, c'est-à-dire nées et actuelles, s'agissant de contrats à exécutions successives tel un contrat de bail, peuvent faire l'objet d'une procédure de saisie-attribution ; qu'en jugeant différemment au motif qu'en l'absence de toute distinction faite par le législateur entre les créances immédiatement exigibles et les créances à exécutions successives, les unes et les autres étant " disponibles " et pouvant, par conséquent, donner lieu à une saisie-attribution dont l'effet attributif est immédiat, la cour d'appel, qui omet de tenir compte du fait concluant qu'il s'agissait de premières saisies-attributions concernant des loyers non échus, lesquels ne l'ont été qu'après que la société, dont les créances de loyers ont ainsi été saisies, ait été frappée par une procédure collective, viole les textes précités par fausse application ; alors que, de troisième part, il ressort de la nécessaire combinaison des règles et principes qui s'évincent de la loi du 25 janvier 1985 et des règles et principes qui ressortent de la loi du 9 juillet 1991, qu'une saisie-attribution ne peut produire d'effets lorsque, entre les actes de saisie-attribution et le jour où les créances ainsi saisies sont devenues exigibles en l'état du terme fixé par le contrat à exécutions successives, le créancier victime des saisies a été frappé par une procédure collective, la saisie-attribution telle que pratiquée dans un tel contexte se heurtant alors à la règle impérative de la suspension des poursuites individuelles ; qu'en décidant le contraire, sur le fondement de motifs inopérants, la cour d'appel viole, par refus d'application, les articles 1er et 47 de la loi du 25 janvier 1985 et, par fausse application, l'article 13 de la loi du 9 juillet 1991 ; et alors, enfin, qu'en cas de conflit entre la loi du 25 janvier 1985 et la loi

du 9 juillet 1991, ce sont les règles et principes qui s'évincent de la première de ces lois qui doivent l'emporter ; qu'en refusant de combiner les dispositions de la loi du 25 janvier 1985 avec celles de la loi du 9 juillet 1991 pour trancher le conflit soumis à sa sagacité, au prétexte que le législateur de 1991 devait avoir en mémoire la loi du 25 janvier 1985 lorsqu'il a édicté l'article 13 de la loi du 9 juillet 1991, la cour d'appel méconnaît son office au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile et, partant, viole, par refus d'application, les articles 1er et 47 de la loi du 25 janvier 1985 et, par fausse application, l'article 13 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992 que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire de celui-ci poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance après ledit jugement ;

Que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la mainlevée des saisies-attributions pratiquées le 16 mars 1994 sur les loyers dus à la société et à échoir postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de celle-ci en date du 21 mars 1994 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.