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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 16 mars 2020, n° 19/03126

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Arnold

TI Mulhouse, du 7 juin 2019

7 juin 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par arrêt en date du 6 décembre 2016 - pourvoi à son encontre rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018- la cour d'appel de Besançon a condamné Madame Françoise S. épouse D. à payer à Monsieur Michel L. la somme de 35'169,29 euros brut à titre de rappel sur salaire avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2011 outre 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été signifié à Madame D. le 21 février 2017 avec un commandement de payer et le 3 mars 2017, Monsieur L. a fait pratiquer une saisie attribution des droits d'associé et de valeurs mobilières dont la débitrice est titulaire auprès de la caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Saint-Paul pour ces montants outre intérêts et divers frais.

Madame D. a contesté cette saisie-attribution devant le juge de l'exécution de Mulhouse au motif essentiel que les sommes mises en compte ont été calculées sur des montants bruts et non pas sur le seul salaire net auquel pouvait prétendre Monsieur L..

Par jugement du 2 mars 2018, le juge l'exécution de Mulhouse a débouté la requérante de sa demande de mainlevée et de sa demande de dommages intérêts et l'a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été infirmée par arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 19 novembre 2018 ayant cantonné la saisie-attribution litigieuse à la somme de 26'707,55 euros net sauf à parfaire après délivrance par Madame D. des bulletins de paye rectifiés qu'elle été condamnée à communiquer à l'adversaire sous astreinte.

Cependant, Monsieur L. a entre-temps fait pratiquer un certain nombre de mesures d'exécution ( cinq saisies-attribution et plusieurs hypothèques judiciaires ) dont le 4 mai 2018, une saisie-attribution de créance à échéances successives entre les mains de Madame Martine S., locataire d'un appartement dont Madame D. est propriétaire , pour avoir paiement d'une somme de 45'827,63 euros dont 35'169,29 euros en principal, 500 et 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 7470, 13 € en intérêts échus, le solde constitué par les frais exposés et à venir.

Cette saisie a été dénoncée à Madame D. le 9 mai 2018 et elle a régulièrement saisi le juge de l'exécution de Mulhouse d'une contestation aux fins de voir, dans le dernier état :

-dire et juger que la saisie-attribution a été pratiquée intentionnellement à tort pour un montant brut de 35'169,29 euros alors que 26'707,55 euros étaient dus,

-dire et juger que les actes d'exécution entrepris par Maître W., huissier de justice, ne pouvaient pas voir leur frais calculés au titre du droit proportionnel de l'article R 1444-15 du code de commerce sur une assiette de 35'169,29 euros à la date du 22 février 2019,

-dire et juger que la comparaison des décomptes du 4 mai 2018 et du 2 janvier 2019 démontre que les frais des divers actes n'ont pas été modifiés alors que le montant principal de la créance a été réduit approximativement d'un tiers,

-dire et juger que les intérêts ont également été calculés sur un montant brut et qu'ils sont erronés, comme constaté par le jugement date du 2 mars 2018,

-dire et juger que le décompte de Maître W. du 2 janvier 2019 faisant apparaître un solde de 10'444,10 euros est manifestement erroné,

-ordonner la mainlevée de tous les actes d'exécution, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par mesure d'exécution, dans le cadre des cinq saisies-attribution contestées ainsi que la mainlevée de l'intégralité des hypothèques inscrites sur les immeubles de Madame D. eu égard au paiement de la somme de 26'707,55 euros et l'absence de décompte probant à la date du 22 février 2019,

-condamner Monsieur Michel L. à lui payer 5000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et procédures d'exécution abusives ainsi que 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens y compris ceux de la procédure de saisie attribution,

-débouter Monsieur L. de l'ensemble de ses demandes tant en principale concernant le prétendu solde de 10'633,81 euros que les 2000 € de dommages intérêts et 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 juin 2019, le juge de l'exécution près le tribunal d'instance de Mulhouse a':

Dit que la contestation est recevable,

Cantonné la saisie-attribution litigieuse à la somme de 9833,51 euros,

Débouté Madame D. du surplus de ses demandes,

Débouté Monsieur L. de sa demande de dommages intérêts,

Condamné Madame D. à payer à Monsieur L. la somme de 400 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Madame D. aux frais et dépens.

Madame D. a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 5 juillet 2019 et par dernières écritures notifiées le 13 décembre 2019 elle conclut ainsi que suit :

«'Vu l'arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2018 signifié le 18 février 2019,

Vu les pièces de Madame Françoise D.,

Vu le jugement déféré rendu le 7 juin 2019 cantonnant la saisie-attribution à 9833,51 euros,

Vu l'autorisation de prélèvement et de demande de mainlevée de l'ensemble des saisie (attribution et hypothèques) donnée le 13 septembre 2019 par Madame D. à hauteur des 9833,51 euros selon jugement susvisé,

Vu l'absence totale de réponse de Monsieur L. et de huissier qu'il a mandaté, Maître W., à cette demande de mainlevée du 13 septembre 2019, nonobstant le fait que le montant des loyers bloqués excède sensiblement le montant pour lequel les saisies attribution de créance à échéances successive ont été pratiquées,

Vu l'absence persistante de réponse de Maître W. au courrier du 18 juillet 2019,

Dire et juger l'appel recevable et bien fondé,

Statuant à nouveau,

Infirmer le jugement déféré,

Dire et juger que la saisie-attribution a été pratiqué intentionnellement à tort, pour un montant brut de 35'169,29 euros alors que 26'707,55 euros étaient dus, les saisines du juge de l'exécution ne portant que sur le différentiel entre le montant brut et le montant net,

Dire et juger que Monsieur L., mandant de Maître W., responsable à ce titre des agissements de l'huissier qu'il a mandaté, a refusé de donner mainlevée des cinq saisies pratiquées et contestées dans leur montant brut, malgré les cinq jugements Jex du 7 juin 2019, cantonnant les saisies à 9833,51 euros, exécutoires par provision et malgré l'autorisation de prélèvement donné pour ce montant par Madame D. à Maître W., selon autorisation de prélèvement valant également demande de mainlevée du 13 septembre 2017, restée sans réponse ni suite de l'huissier et de Monsieur L.,

Dire et juger que l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution fait obligation d'indiquer au tiers saisi un séquestre entre les mains duquel il doit s'acquitter des créances échues, après que ce séquestre ait été désigné à l'amiable, en accord avec le débiteur saisi, et à défaut, sur requête présentée devant le juge de l'exécution,

Dire et juger que lorsque le tiers saisi n'est pas institutionnel, comme c'est le cas d'une banque offrant toute garantie de représentation des fonds, cet article R. 211-16 fait obligation de désigner un tiers séquestre désigné à l'amiable ou par le Jex sur requête afin d'offrir toutes garanties de représentation des fonds, dans l'intérêt tant du débiteur que du créancier, et afin de permettre notamment au débiteur de s'assurer que les créances échues sont effectivement consignées à leur échéance entre les mains du séquestre,

Dire et juger que Monsieur L. est responsable des manquements de son mandataire M° W. lequel a violé les dispositions dudit article en constituant à l'insu de Madame D. les locataires comme étant les séquestres de leurs propres loyers échus, sans avoir recueilli son accord préalable et sans lui permettre de vérifier que ses locataires s'acquittent mensuellement et ponctuellement de leurs loyers, permettant ainsi à ses locataires indélicats de quitter les locaux loués sans s'être acquittés des loyers échus comme c'est le cas des consorts R.,

Dire et juger que cette triple faute cumulative de Maître W. est d'autant plus préjudiciable que celui-ci refuse obstinément de fournir la moindre explication et réponses tant aux conseils de Madame D. dont le courrier du 18 juillet 2019 est resté sans réponse, qu'à Madame D. elle-même, laquelle n'a jamais pu obtenir aucune explication et réponse de Maître W. à ses nombreux courriers et mails qui ont été adressés entre le 8 août 2019 et le 14 septembre 2019, Madame D. n'étant pas encore parvenue, à ce jour, à connaître l'identité du ou des auteurs des versements de 3243,70 euros ni des dates auxquelles ces versements ont été effectués,

Dire et juger que Maître W. a indûment perçu 3243,70 euros apparaissant sur son décompte du 13 septembre 2019 puisque cet encaissement par l'huissier est nécessairement antérieur à l'autorisation de prélèvement donnée par Madame D. le jour même, le 13 septembre 2019, alors que cette somme devait être conservée par un séquestre autre que les locataires eux-mêmes,

Condamner Monsieur Michel L. à 10'000 € de dommages intérêts au titre des cinq nouvelles saisies pratiquées pour des montants délibérément erronés et pour avoir refusé de procéder au cantonnement des dites saisies aux 9833,51 euros mentionnés dans les cinq jugements du 7 juin 2019 et ce d'autant plus que Madame D. a signé l'autorisation de prélèvement de ce même montant en date du 13 septembre 2019,

Condamner Monsieur Michel L. à payer à Madame Françoise D. la somme de 6500 € de dommages intérêts pour avoir violé les dispositions de l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution, en ne sollicitant pas préalablement son accord sur la désignation d'un séquestre et en constituant irrégulièrement et de manière aberrante et de surcroît préjudiciable aux deux parties, débiteurs et créanciers, les locataires comme séquestres de leurs propres loyers échus,

Ordonner eu égard à l'attitude de Monsieur L. et de son mandataire, Maître W., la mainlevée immédiate de tous les actes d'exécution (des cinq saisies contestées ainsi que de toutes les hypothèques) sous astreinte de 1000 € par jour que la cour se réservera le soin de liquider elle-même, la prétendue créance de Monsieur L. se limitant selon Maître W. lui-même à 1922,45 euros, sur la base d'un décompte contesté sur lequel Maître W. refuse de fournir toutes explications, concernant les locataires, auteur des versements de 3243,70 euros et sur la date à laquelle ce versement aurait été effectué,

Débouter Monsieur L. de l'ensemble de ses prétentions tant en principal concernant le prétendu solde de 10'633,81 euros que concernant les 2000 € de dommages intérêts et les 1500 € d'article 700 du code de procédure civile,

Débouter Monsieur L. de son appel incident,

Condamner Monsieur L. à 2500 € au titre de l'article 700 du CPC à hauteur de première instance et 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour, aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, 'les six procédure jex n'auraient jamais eu lieu d'être si Monsieur L. avait limité ses prétentions au seul montant net auquel il pouvait prétendre'.

Par écritures uniques notifiées le 13 novembre 2019, Monsieur L. conclut ainsi que suit :

« Dire et juger l'appel interjeté par Madame D. mal fondé,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame D. de sa demande relative à la mainlevée de la saisie litigieuse,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution litigieuse,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame D. à payer à Monsieur L. la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame D. du surplus de ses demandes,

Infirmer le jugement déféré sur le quantum du cantonnement de la saisie litigieuse du fait des sommes obtenues par Maître W. après le jugement intervenu,

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur L. de sa demande relative à la condamnation de Madame D. au paiement de la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau :

Prendre acte du décompte de Maître W. du 12 novembre 2019, calculant le montant des frais et intérêts, recalculés sur la base du montant net de 26'707,55 euros,

En conséquence :

Cantonner la saisie-attribution litigieuse à la somme nette de 8832,60 euros,

Débouter Madame D. de l'intégralité de ses demandes,

Condamner Madame D. à payer à Monsieur L. les somme de 2000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour d'appel et la condamner aux dépens de l'appel principal et incident.»

L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile et l'ordonnance de clôture a été prise lors de l'audience des plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile

Vu les pièces régulièrement communiquées';

La cour est saisie de cinq procédures distinctes suite aux appels interjetés par Madame D. à l'encontre de cinq jugements rendus par le juge de l'exécution de Mulhouse le 7 juin 2019, statuant sur la contestation de Mme D. de cinq mesures de saisie-attribution dont trois entre les mains des locataires de la débitrice) pratiquées à l'initiative de Monsieur L., en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon en date du 6 décembre 2016.

N'est plus discuté à hauteur d'appel le fait que, étant un montant brut dont il convient de déduire les charges y afférents, le montant du principal dû par Madame D. s'élève à la somme de 26'707,55 euros, que Mme D. a réglée le 3 octobre 2018.

Monsieur L. a produit un décompte des sommes dues au 12 novembre 2019 établi le 12 novembre 2019 par Me Patrick W., huissier de justice poursuivant, qui tient compte d'un montant net de 26'707,55 euros ainsi que des encaissements reçus soit': 327,70 euros par suite d'une saisie d'un compte bancaire, 26'707,55 euros acquittés par Madame D. le 3 octobre 2018 et 2916 € correspondant aux versements effectués par les locataires (tiers saisis) «C.-R.» le 16 août 2019.

Ce décompte comprend les intérêts acquis au 2 janvier 2019 pour un montant de 6886,28 euros ainsi que l'ensemble des frais et droits exposés ou encourus.

Il en résulte un solde débiteur à la charge de Madame D. d'un montant de 8832,60 euros.

Madame D. ne conteste ce décompte en page 29 de ses écritures que pour autant qu'il ne mentionnerait pas «les dates auxquelles serait intervenu un paiement de 2916 € par les locataires C. R., interdisant ainsi toutes vérifications des décomptes».

Or, l'acte établi par l'huissier de justice indique bien que le règlement a été effectué le 16 août 2019.

Madame D. ne prétend ni ne démontre en quoi le décompte des intérêts, calculés sur la base d'un principal de 26'707,55 euros serait erroné.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le premier juge a rappelé que le droit proportionnel mis en compte (antérieurement contesté), à la charge du débiteur, est calculé selon des tranches des pourcentages à appliquer en fonction du montant de la créance. Il convient d'ajouter qu'il ressort de la réglementation applicable notamment l'article A 444 -46 du code de commerce et du tableau 3-1 annexé à l' article R. 444-3 du code de commerce relatif aux tarifs des huissiers de justice, que le coût des actes est strictement le même à partir du moment où la créance est supérieure à 1280 € et qu'ainsi le coût du procès-verbal de saisie attribution était le même, que la base de calcul ait été de 35'169 € ou soit comme en l'espèce de 26'707,55 euros.

Il résulte de l'ensemble de ces énonciations que la dette restant due s'élève à 8832, 60 €.

*

En vertu de l'article R 213-6 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution connaît, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, les demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoire.

Madame D. entend engager la responsabilité de Monsieur L. pour avoir, par l'intermédiaire de huissier qu'il a mandaté, engagé cinq procédures de saisie-attribution pour paiement d'un montant volontairement erroné de 35'169,29 euros au lieu des 26'707,55 euros qui étaient dus et pour avoir refusé de donner mainlevée de ces saisies après que le juge l'exécution les ait cantonnées à la somme de 9833,51 euros et alors qu'elle avait, le 13 septembre 2019, donné l'autorisation à Maître W., de prélever les loyers saisis arrêtés dont les montants cumulés auraient dû suffire à couvrir la dette.

Elle sollicite de ce chef condamnation de Monsieur L. à lui payer la somme de 10'000 € au titre du préjudice qui en résulté.

L'appelante faite en outre grief à l'huissier poursuivant et à son mandant d'avoir constitué sa locataire tiers saisi, séquestre du loyer saisi arrêté, en violation de l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution alors que Monsieur L. réplique qu'il n'a pas violé les dispositions précitées car Madame S. n'a jamais demandé la désignation d'un séquestre.

L'appelante sollicite de ce chef la condamnation de Monsieur L. à lui payer la somme de 6500 € en réparation du préjudice subi.

En réalité, les deux demandes qui déterminent largement un même préjudice sont liées et doivent être examinées ensemble.

À cet égard, il convient de relever que si l'huissier poursuivant a commis une erreur en exécutant au mois de mai 2018 sur la base du montant brut de la condamnation dont il y avait en réalité lieu de déduire les charges sociales et la contribution générale de solidarité, pour la convertir en net, cette erreur ne peut d'autant moins être qualifiée de dolosive ou d'intentionnelle alors que, d'une part, Madame S. n'avait pas transmis à Monsieur L. ses fiches de paie alors qu'elle en avait été judiciairement contrainte et que, d'autre part, le juge l'exécution dans sa décision du 2 mars 2018, avait lui-même commis la même erreur en validant la saisie attribution pour le montant de 35'509,29 euros.

Compte-tenu de l'importance du montant de la dette restant due au mois de mai 2018, date des saisies contestées et avant règlement du principal en octobre 2018 et alors que l'exécution n'avait jusque là permis de récupérer qu'une somme tout à fait insignifiante, Madame S. ne justifie pas d'un préjudice qu'elle aurait subi résultant directement de l'erreur commise, sinon celui de devoir saisir le juge de l'exécution d'une contestation du montant saisi arrêté en brut et non en net.

Tenant compte des versements intervenus, le jugement déféré a cantonné la saisie à la somme de 9833,59 euros, constituée d'intérêt et de frais.

Le 13 septembre 2019, Madame S. a adressé à l' huissier poursuivant une autorisation de prélèvement-demande de mainlevée de l'ensemble des saisies attributions et hypothèques, par laquelle elle «autorisait Maître W. à prélever la somme de 9833,51 euros sur le montant des loyers, objets des saisies de créances à échéances successives, montant auquel ces saisies attribution étaient cantonnées par les cinq jugements du Jex de Mulhouse en date du 7 juin 2019, frappés d'appel, eu égard au caractère exécutoire de ces jugements et sans que cette autorisation ne valle acquiescement ou reconnaissance de dettes».

Elle demandait en conséquence à Maître W. de donner mainlevée de l'ensemble des saisies de créances à échéances successives « afin de me permettre de percevoir mes loyers et de notifier sans délai ces mainlevées des saisies créances successives à mes locataires ainsi qu'à la CAF, au CIC, dans le cadre de la saisie-attribution ».

Aucune réponse n'a été faite à cette sollicitation.

L'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'en cas de contestation de la saisie-attribution de créances à exécution successive , le tiers saisi s'acquitte des créances échues entre les mains d'un séquestre désigné, à défaut d'accord amiable, par le juge l'exécution saisi par requête et que, si les sommes consignées suffisent à désintéresser le créancier, le juge l'exécution ordonne la mainlevée de la saisie.

La consignation ainsi organisée est obligatoire.

Or, il est constant que Madame S., à l'instar des deux autres locataires tiers saisis, n'a jamais été avisée de ce qu' elle devait régler le montant des loyers à venir entre les mains d'un séquestre, le procès-verbal de saisie attribution se bornant d'une part à faire interdiction à la locataire de Madame D. de verser à cette dernière les sommes saisies et d'autre part, à lui notifier que le règlement par elle des sommes saisies sera à effectuer à l'ordre de Maître W. et en son étude sur présentation d'un certificat de non contestation ou d'une déclaration écrite du débiteur.

Dans cet état, il apparaît que l'huissier de justice, professionnel du droit, a incontestablement commis une faute en omettant de solliciter amiablement Madame S. pour voir désigner un séquestre et à défaut, de saisir le juge l'exécution pour en voir désigner un, diligences qu'il lui incombait de mettre en œuvre.

Ce faisant, il a privé Madame S. de la possibilité de vérifier le paiement régulier par les locataires des loyers et charges dus par la consultation du séquestre désigné, voire de la possibilité de saisir le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée dans l'éventualité où les loyers séquestrés auraient atteint la somme pour laquelle ils ont été cantonnés. En ne faisant pas consigner les loyers saisis entre les mains d'un séquestre, le créancier s'est par ailleurs privé de la possibilité de savoir à quelle date les sommes consignées suffisaient à couvrir la dette et n'a, de ce fait, pas été en mesure de répondre à la demande de Madame D. formulée le 13 septembre 2019.

Madame D. a subi incontestablement un préjudice résultant de la faute ainsi commise qu'il y a lieu d'évaluer, en l'état de la procédure, à la somme globale de 2100 €, qui sera fractionnée par tiers pour chacun des trois dossiers de saisie-attribution diligentée entre les mains d'un locataire, de sorte qu'en la présente instance, Monsieur L., au nom duquel l'acte irrégulier a été commis, sera condamné au paiement de la somme de 700 € à titre de dommages intérêts.

S'il est encore exact qu'en ne faisant pas désigner un séquestre entre les mains duquel verser chaque mois le montant des loyers, le créancier a pris le risque que les locataires de Madame D., qui sont manifestement des gens modestes, puisque les loyers déclarés par les tiers saisis s'élèvent à environ 400 € par mois, utilisent pour leurs besoins personnels les loyers qu'ils n'ont plus à verser à compter de la saisie ni au bailleur ni à un séquestre, et ne soient plus en situation de les représenter lorsque la contestation de la saisie sera vidée, ce préjudice constitué d'une perte de chance, dont la réalité ne pourra être établie qu'une fois la contestation purgée, n'est toutefois pas actuel ni certain mais purement hypothétique et ne peut ainsi donner lieu à indemnisation.

Par ailleurs les consorts C.-R. ne sont pas partis «à la cloche de bois» comme le prétend l'appelante mais après avoir réglé, comme il le leur a été demandé, entre les mains de l' huissier de justice le 16 août 2019 la somme de 2916 € qui vient au crédit du compte de Madame D., suivant décompte du 12 novembre 2019.

Mme D. n'explique pas en quoi ce versement entre les mains de l'huissier de justice lui a causé un préjudice.

Sur la demande de mainlevée

Par application de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance et il appartient au débiteur qui en poursuit la mainlevée d'établir qu'elles excèdent ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

En application de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive.

En l'espèce, le montant de la créance résiduelle de Monsieur L. d'un montant de 8832 ,60 € dont à déduire les créances de dommages intérêts de Madame S., ne justifie plus le maintien des trois hypothèques judiciaires prises sur chacun des immeubles appartenant à la débitrice.

Il y a lieu dès lors d'ordonner la mainlevée de deux des trois hypothèques judiciaires inscrites pour le compte de Monsieur L. selon le dispositif du présent arrêt.

En revanche, la saisie-attribution litigieuse n'est ni inutile ni abusive et il n'y a pas lieu d'en ordonner la mainlevée.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. L.

Mme D. était fondée à contester la mesure de saisie-attribution pratiquée le 2 mai 2018 sur une base erronée d'un montant brut et non d'un montant net.

Même si l'appelante n'est que partiellement reçue en ses prétentions à hauteur d'appel, il n'est pas démontré que son droit d'exercer un recours a été fautif.

Il s'ensuit que la demande de dommages intérêts devra être rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l' article 700 du code de procédure seront infirmées. Il sera dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens de première instance et de ses frais irrépétibles de première instance.

Restant largement débitrice au terme du procès d'appel même si elle a eu partiellement gain de cause, Mme D. sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l' article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l' article 700 du même code.

M. L. voyant sa situation aggravée en cause d'appel sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution litigieuse à la somme de 9833,15 euros (neuf mille huit cent trente trois euros et quinze centimes) et dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau dans cette seule limite,

DIT que la saisie-attribution litigieuse entre les mains de Mme S., ne produit plus effet que pour la somme de 8832,60 euros (huit mille huit cent trente deux euros et soixante centimes), intérêts arrêtés au 12 novembre 2019, outre intérêts postérieurs,

DEBOUTE M. L. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et de ses frais irrépétibles de première instance,

CONFIRME la décision déférée pour le surplus,

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. L. à payer à Mme D. la somme de 700 € (sept cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect de l'article R. 211-16 du code des procédures civiles d'exécution, avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour,

DEBOUTE Mme D. du surplus de ses demande de dommages intérêts,

ORDONNE la mainlevée des hypothèques judiciaires prises par M. L. en règlement d'une créance de 35169,29 € (trente cinq mille cent soixante neuf euros et vingt neuf centimes) portant sur l'immeuble de Mme S. Françoise sis à Bantzenheim S2 n°0046 et sur l'immeuble de Mme S. Françoise sis à Bantzenheim S6 n°0208/0130 et S 45 n°0065, sous astreinte de 100 € (cent euros) par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

DÉBOUTE Mme D. de sa demande de mainlevée pour le surplus,

DEBOUTE chacune des parties de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame D. aux dépens d'appel.